♪ The Pointer Sisters - Jump ♪
Le 4 décembre
Plus jamais, je dis bien, plus jamais je ne sortirai la veille d'une garde ! J'étais novice jusqu'à ce week-end et je regrette désormais de ne plus l'être. Cela m'aurait évité d'avoir les neurones qui dansent la lambada une bonne partie de la journée.
Je crois que je ne suis jamais rentrée chez moi autant épuisée qu'actuellement. Et comme si cela ne suffisait pas, je découvre que les invités d'un de mes voisins ont jugé bon de se garer sur mon trottoir. Génial ! Je n'ai même pas accès au chemin menant à mon garage.
— Ils ont de la chance que je sois trop fatiguée pour aller me plaindre, soupiré-je en coupant le contact.
La vérité, c'est plutôt que j'aime bien Christopher (je suppose que ce sont ses invités), c'est un homme gentil toujours prêt à aider les autres, alors je ne lui en veux pas trop. Puis de toute façon, ce n'est pas mon genre d'aller toquer à une porte pour me plaindre de gens que je ne connais même pas.
Bon, ce soir, il n'y a pas de 4x4 donc je suppose que je peux me garer sur le trottoir d'à côté.
J'ouvre ma portière, mets un pied à terre puis referme derrière moi. J'ai l'impression de flotter. Mon cerveau est en mode off. Impossible de réfléchir, c'est comme si un brouillard s'était infiltré dans ma tête. Et dire que je vais devoir sortir mon chien ! Marcher et être tirée par une boule de poil, le tout sans tomber ? Non, je n'en suis plus capable.
Tout en traînant des pieds, je monte sur le trottoir puis me dirige vers ma maison et enfin ma porte. Lorsque j'ouvre cette dernière, Happy me saute après.
— Je suis désolée mon bébé, je suis une terrible maîtresse, mais il n'y aura pas de balade ce soir. Promis, je me rattraperai demain matin.
Happy semble comprendre puisque ses oreilles s'abaissent subitement. Oh, Seigneur, je suis affreuse ! Je n'arrêterai donc jamais de mal me comporter ?
Heureusement qu'il y a l'enclos de Maxime. Il mesure exactement 10 m². OK, il n'est pas géant, mais il y a tout de même l'essentiel : une niche, des gamelles et de la place pour les défécations. Eh bien oui, parce que Happy étant un petit filou, je ne peux pas le laisser gambader seul sur ma pelouse sans qu'il ne prenne la fuite.
Quelques minutes plus tard, je suis allongée sur mon canapé. J'ai enfilé mon pyjama favori qui se résume à un T-shirt à froufrou, un bermuda à fleurs ainsi que des chaussettes montantes bien chaudes, et suis emmitouflée dans une de mes couvertures. Je suis tellement fatiguée que je crois que je n'arriverai pas à dormir. N'est-ce pas un comble tout de même ?
Parce que mon cerveau n'arrive pas à se poser, voilà que je songe à ma décoration, actuellement invisible. Il faudra que je trouve le temps d'acheter un sapin. Nous sommes quand même le 4 décembre ! Et ayant toujours décoré la maison le premier du mois, je manque à ma tâche.
Noël est ma fête favorite, et pas seulement, car c'est le jour de mon anniversaire. Chaque année, le repas de mes parents est une réussite. Ces derniers ont un immense salon, ce qui permet les grands dîners. C'est clair que ce n'est pas dans mon séjour que l'on pourrait faire rentrer tous les invités.
Je lève la tête vers les poutres du plafond afin de programmer la répartition des décorations. Ne jamais faire pareil que l'année précédente, faire de nouvelles combinaisons de couleurs, c'est toujours un véritable défi pour moi de transformer les lieux. Bien évidemment, j'aurais besoin de l'escabeau ainsi que des punaises et peut-être même du marteau et des pointes. Un soupir m'échappe, je sens que mon prochain jour de repos va être chargé. Mais bon, si c'est pour donner un aspect féerique à mon salon, je veux bien fournir des efforts.
Après ma séance d'anticipation à propos des exercices physiques qui m'attendent prochainement, je me décide à sortir de mon sofa. Toujours fatiguée, bien que moins courbaturée, je me dirige vers ma cuisine.
Je me hisse sur la pointe des pieds pour attraper le paquet de croquettes de Happy (je dois le mettre en hauteur pour être sûre que le gourmand n'essaie pas de se servir lorsque je ne suis pas là). L'autre fois, le vétérinaire m'a proposé une alimentation light. Je sais que mon chien est un peu grassouillet, mais j'ai refusé l'offre. Premièrement, car je n'ai pas les moyens de payer une fortune un paquet de deux kilos toutes les deux semaines et deuxièmement, car je me suis dit qu'il suffisait que je réduise un peu la ration journalière.
Tout en chantonnant Jump (for my love) de The Pointer Sisters, je dépose la gamelle sur le sol. J'aime la musique. Elle a toujours eu un effet positif sur mon état émotionnel. Chaque fois que j'entends une note, j'ai envie de danser. Et voilà que malgré ma fatigue, mon cerveau me crie de faire quelques pas sur le côté.
C'est ainsi, en me la jouant Hugh Grant dans Love Actually (film que j'affectionne tout particulièrement) que je sors pour libérer Happy. Mon chien ne fait pas son numéro de suricate, pour une fois. Car il y a plus important que danser avec sa maîtresse adorée : la bouffe.
De retour dans ma maison, je vais me planter devant mon frigo. Et tandis que j'entends le craquement des croquettes de mon chien, j'ouvre le réfrigérateur pour voir si celui-ci détient un trésor dont je ne me rappellerais plus son existence. Malheureusement, il ne contient aucun menu tout prêt. Super, je vais donc devoir cuisiner ! J'ai toujours aimé manger et la nourriture par conséquent, mais le problème est que la gastronomie elle, ne m'apprécie pas vraiment parce que j'ai le don pour lui ôter toutes ses saveurs, quand je ne fais pas tout cramer.
Résignée, j'attrape un paquet de légumes surgelés que je pose sur le comptoir et m'avance, toujours en dansant, vers mon placard pour sortir ma poêle. C'est à cet instant que j'entends deux petits coups à ma porte.
Finie la séance de danse, je reprends un air plus sérieux, place mon matériel sur le feu pour gagner du temps et ordonne à Happy de se taire. Celui-ci me suit jusqu'à la porte, sur ses gardes. J'ouvre sans plus attendre, m'apprêtant à remballer Max et ses projets débiles quels qu'ils soient, mais ce n'est pas son visage que je découvre à quelques pas de moi.
Le froid de l'extérieur me saisit les jambes, mais je ne bouge pas pour autant, car un homme inconnu se trouve actuellement sur mon pas de porte. Grand, les cheveux bruns et les yeux sombres me semble-t-il (avec la lumière de mon extérieur, ce n'est pas facile de bien voir), l'inconnu me regarde de la tête aux pieds avant de lever un sourcil d'un air interrogateur et légèrement dépréciateur.
Bah voyons, il ne devrait pas être aussi surpris de ma présence puisque c'est lui tout de même qui vient de frapper chez moi !
— Bonsoir, on m'a dit que la voiture garée devant chez moi était la vôtre et elle gêne actuellement pour le stationnement du camion de déménagement.
Je me mets sur la pointe des pieds pour suivre du regard l'endroit qu'il me montre de sa main et je comprends la situation.
Ma voiture, devant la maison d'à côté.
Alors c'est lui mon nouveau voisin ? Moi qui m'attendais à une grande tribu ! Cela dit, rien ne me certifie que cet homme n'est pas accompagné de sa femme et de ses quatre enfants...
Comme le brun me regarde avec insistance, je réalise que je n'ai toujours pas bougé de mon pas de porte. Monsieur n'a pas l'air d'être très patient.
— Oh, euh oui bien sûr, excusez-moi ! soufflé-je avant de rentrer dans mon couloir pour prendre mes clés de voiture.
Je passe devant lui, Happy sur mes pas et me dirige en trottinant vers mon auto. J'ai si froid aux jambes qu'une fois dans ma voiture, je soupire de bien-être. Bien que je n'aie pas encore allumé le chauffage, la différence de température avec dehors est impressionnante. Mon chien est lui aussi monté dans mon véhicule.
Après un soupir, je regarde mon reflet dans le rétroviseur et lève les yeux au ciel en voyant mes cheveux de savant fou. Jamais partants pour coopérer ceux-là.
Un petit coup sur la vitre à ma gauche met fin à ma réflexion et me fait sursauter par la même occasion.
— Ah Seigneur ! soufflé-je en portant la main à mon cœur après avoir aperçu la tête de mon voisin.
Il ne faut pas me faire ce genre de frayeurs... Je ne suis pas cardiaque à ma connaissance, mais on ne sait jamais.
Ni une ni deux, je passe la première et me vois obligée d'aller me garer quelques mètres plus loin. Quand je pense que je vais être obligée de faire tous ces mètres à pied car je ne peux pas rentrer mon auto dans le garage ! Tout ça à cause des invités du voisin. Je l'adore, vraiment. Mais pas ce soir.
Une fois garée, je coupe le contact et laisse Happy sortir le premier.
Moi qui espérais recevoir un merci de mon voisin en rejoignant ma porte, ne vois pas mon souhait se réaliser. C'est après quelques secondes de recherche circulaire que je l'aperçois, dans sa pelouse, en train de parler avec les déménageurs. Je n'ai jamais à proprement parler déménagé puisque j'habite la maison de mon enfance, mais il ne me semblait pas que l'on emménageait le soir, si ? En même temps, ça ne me regarde pas cette affaire...
Dans un soupir, je réalise que j'attends bêtement et désespérément un remerciement qui n'arrivera pas. Ah ça ! Pour venir toquer à la porte et me regarder comme si j'étais un monstre, monsieur sait se déplacer. Mais quand il s'agit de faire ne serait-ce qu'un petit signe de tête pour remercier quelqu'un, il n'y a plus personne !
Tout en claquant des dents, je ronchonne en songeant au comportement de mon voisin puis mes yeux se posent sur mes pieds. Oh bah mince alors, je suis en chaussettes ! Sans plus attendre, je me dirige vers ma porte, l'ouvre et m'infiltre sans plus de ménagement dans ma maison. C'est une fois au chaud dans mon couloir, adossée contre mon mur, que je ferme les yeux et soupire.
Quel mal poli celui-là ! Après ma journée chargée et l'arrivée écrasante de ma fatigue, la chorégraphie de Hugh Grant m'avait mise de bonne humeur et lui il vient... Une odeur de brûlé vient soudainement rompre mon instant critique. Et c'est complètement paniquée que je déboule dans ma cuisine en levant les bras en l'air et en criant ô malheur : je viens tout juste de bousiller une poêle achetée une semaine auparavant.
— Non, non, non ! me plains-je en toussant à cause de la fumée.
En voulant déplacer mon matériel, je me brûle et fais aussitôt un bond en arrière. Après avoir éteint le gaz, je passe mes doigts sous l'eau pour faire diminuer la douleur. Deux bonnes minutes plus tard, je capitule officiellement face à mon dîner raté et prends le chemin de la salle de bains.
Tout en cherchant un pansement, j'aperçois subitement mon reflet dans la glace. Je suis aussitôt prise de court. Ma bouche et mes yeux s'ouvrent en grand, mais mes cordes vocales elles, effrayées par mon apparence, se font la malle.
Choquée, je regarde mon bermuda à fleurs ainsi que mes chaussettes montantes sur lesquelles des petits rennes sont dessinés puis tire sur le tissu de mon haut à froufrou en espérant que celui-ci se change en tout sauf ça. Seulement, rien ne se passe. Je relève à nouveau la tête puis tire sur deux mèches de cheveux plus très cuivrées (il faudrait que je pense à retourner chez le coiffeur).
OK, il n'y a absolument rien de présentable chez moi actuellement, pas même mes yeux qui ont une jolie couleur mais sont tout petits à cause de la fatigue. Mes cernes, par exemple, sont plus voyantes que mes iris !
Un « Oh Seigneur » effrayé m'échappe.
Voilà donc pourquoi mon voisin m'a regardée bizarrement ! Bien que cela n'excuse pas son absence de remerciement, je comprends un peu la situation désormais.
Comment vais-je pouvoir sortir de chez moi après un tel fiasco ? Je suis irrécupérable.
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NOTE AUTEUR
Ça y est, le nouveau voisin pointe le bout de son nez ! C'était une rencontre plutôt épique, enfin du côté d'Annabelle...