PDV Allison
-Passe une belle journée Eli, dis-je en embrassant le front de ma fille.
Elle me sourit, puis se précipita vers l'école pour aller jouer avec ses amis. Je restai figée là quelques secondes avant de me souvenir qu'il ne fallait pas que je reste trop longtemps à l'extérieur. J'enfilai mon capuchon sur mon crâne, puis regardai une dernière fois l'établissement avant de détaler de l'autre côté de la rue pour me rendre à la voiture.
Je déverrouillai les portes, puis conduisis prudemment dans les rues du village pour ensuite accélérer au moment où je sortais enfin de la localité. Je montai le sol de la radio, profitai des rayons de soleil qui caressaient ma peau et chantai à tue-tête la chanson Cheap Thrills de Sia.
Je jetai un coup d'œil aux chevaux qui galopaient dans les champs et les vaches qui beuglaient en broutant de l'herbe. Les oiseaux qui chantonnaient et ce sentiment de liberté me rendaient si heureuse que je n'aperçus pas l'inconnu qui passait la route devant moi. Un hurlement sortit d'entre mes lèvres et je freinai le plus rapidement possible en fauchant l'homme. Ma voiture fit un 360, puis s'arrêta brusquement tandis que je reprenais mon souffle.
-C'est pas vrai, paniquai-je, j'ai frappé quelqu'un !
Paniquée, je sortis rapidement de la voiture, puis courus jusqu'à l'adolescent d'environ 16 ans qui gémissait sur le sol. Je m'arrêtai net dans ma course en me rappelant de quelque chose.
Et si c'était un piège ?
-Non, je suis parano, murmurai-je à moi-même.
J'observai minutieusement une dernière fois le garçon avant de m'agenouiller vers lui. Des gouttes de sueur perlaient le long de son front et il était recroquevillé contre le sol en pleurant. Il y avait un peu de sang aux coins de ses lèvres et ne semblait avoir rien de cassé.
-Où est-ce que t'as mal ? lui demandai-je soudainement en me sentant mal.
-Partout ! Tu m'as heurté avec ta voiture espèce de malade !
Sa voix froide me surprit et la colère monta en moi.
-C'est pas moi qui marchait seul en plein milieu d'un chemin de campagne !
Je soufflai un peu, puis repris mon calme habituel avant de l'agripper par le bras et de lui faire signe de se diriger vers ma voiture.
-Je t'emmène à l'hôpital.
-Me touche pas ! s'écria le gamin en s'éloignant de moi.
Malgré le fait que je venais de lui rentrer dedans avec ma voiture, l'adolescent marchait parfaitement bien et n'avait l'air d'avoir aucune séquelle. La seule chose qui trahissait un peu l'accident était son jeans déchiré au niveau du genou et un peu de sang près de la lèvre.
-Écoute, je peux pas te laisser ici, t'es blessé et seul. Tes parents sont où ?
Il ne me répondit pas et me dévisagea de la tête aux pieds en s'attardant sur ma poitrine. Je lui lançai un regard menaçant en lui faisant signe que mes yeux étaient plus hauts et l'adolescent roula des yeux. Un étrange lueur passa dans son regard, puis je détournai le regard.
-Morts, répondit-il d'une voix froide.
-Morts ? bégayai-je stupéfaite, je suis déso...
-C'est pas un problème puisque je les ai tués moi-même, lança-t-il comme s'il parlait d'une simple film.
Mes yeux s'agrandirent considérablement en regardant l'adolescent à l'allure inoffensive. J'avalai difficilement ma salive et le fixai dans les yeux. Mon cœur battait si fort contre ma poitrine que je l'entendais marteler contre mes tempes.
-T'as tué tes propres parents ?
-C'est ce que j'ai dit, ouais, tu veux finir comme eux ? me demanda-t-il d'un air enfantin.
-Non, merci, t'as l'air de mieux aller alors je vais seulement te laisser ici, seul, marmonnai-je en reculant lentement.
J'ai un mauvais pressentiment.
Soudainement, ses yeux froids passèrent d'un bleu océan à un noir. Je n'en croyais pas mes yeux, j'avais été tellement stupide.
Un démon, toujours un putain de démon.
Je posai ma main contre la bande arrière de mon pantalon, entourant fermement mes doigts autour de la crosse sans tout de même sortir l'arme. Je reculai de quelques pas tandis que l'adolescent avançait lentement vers moi.
-Même si les portes sont fermées, vous trouvez toujours un moyen de sortir, vous, les démons, grognai-je avec dédain.
-Tu parles comme si les humains étaient supérieurs aux démons, cracha le garçon.
-Pourquoi pas ? Avoir tué un garçon pour prendre sa place est complètement dégueulasse.
-Le gamin le méritait, il avait lui-même tué ses parents, grogna le démon, et dire que tout le monde dit que les démons sont pires que les humains.
Mon souffle se coupa dans ma gorge quand ses yeux redevinrent bleus et qu'un sourire à glacer le sang se dessina sur ses lèvres. Une lueur de réalisation passa rapidement dans son regard avant de disparaître.
Il ne peut pas savoir qui je suis.
-Allison, c'est ça ?
-Non, désolée, mentis-je.
Le garçon soupira, roula des yeux et en quelques secondes seulement, j'étais sur le sol, un corps léger par dessus le miens. D'un coup de coude solide, je le frappai violemment au visage, puis roulai sur le sol pour me remettre sur mes pieds. Le garçon essuya le sang au bord de sa bouche et sortit un couteau de sa poche.
-T'es pas un peu jeune pour avoir un couteau ? rigolai-je d'un rire sans humour.
-Ha. Ha. Ha. Je ris tellement que j'en ai mal au ventre, dit-il sarcastiquement en se jetant sur moi.
Le lame tranchante du couteau frôla la chaire de ma joue et je lâchai un gémissement de douleur quand je me rendis compte que la coupure saignait. Durant ce court moment de déconcentration, le garçon prit cette opportunité pour me mettre de nouveau à terre. Le démon se mit en califourchon sur moi et plaqua mes deux mains contre le pavée. J'essayai de lui retirer le couteau des mains, mais le soleil m'aveuglait. J'attrapai la lame, mais relâchai dès que je sentis un liquide froid couler le long de mon bras.
-Dégage espèce de malade ! Tu te trompes de personne !
-C'est ça, grogna-t-il en essayant de me poignarder encore une fois.
-Ok, ok, je suis Allison, qu'est-ce que tu me veux ? m'écriai-je en me protégeant à l'aide de mes avant-bras.
L'adolescent s'arrêta subitement comme s'il avait une idée en tête et son corps me cachait désormais du soleil. Je soupirai de soulagement quand il recula le couteau de mon visage.
-C'est vrai que t'es jolie, lança au hasard le démon, alors tu connais Jacë ?
-Pourquoi ça intéresse tout le monde ? Je le déteste le 3/4 du temps !
-Je déteste aussi ce putain de bâtard.
Je roulai des yeux avant de frapper mon front contre le sien et de pointer mon arme contre sa tempe. Le canon de mon arme à feu reposait sur son propre front et j'aperçus ses yeux devenir de nouveau noir.
-T'oserais pas, me défia-t-il.
-Je vois que tu me connais pas, crachai-je en enlevant le cran de sécurité.
Ses yeux bleus désormais doux me fixèrent tristement et sa lèvre inférieure se mit à trembler.
-Qu'est-ce que tu fais ? paniquai-je.
-Je veux pas mourir, j'ai que 15 ans, je..., il me reste plus personne, sanglota l'adolescent.
Un sentiment de culpabilité m'envahit même si je savais que le petit garçon était bel et bien mort.
-Arrête démon, grognai-je entre mes dents.
Les larmes coulaient contre ses joues et ses cheveux bruns décoiffées cachaient le haut de son visage tremblant. Ma prise sur mon arme se relâchait graduellement et ma main tremblait.
-Je...
J'aperçus la pointe d'une seringue passer tout près de mon visage pendant mon moment de culpabilité et un picotement naquit dans mon épaule. L'arme me glissa des mains et un sentiment de panique m'envahit.
-Qu'est-ce que t'as fait ?
-C'était qu'un somnifère.
-Qu'un somnifère ? Tu m'as droguée espèce de malade, marmonnai-je.
J'avais de la difficulté à garder les yeux ouverts et à formuler mes pensées correctement. Je sentais l'environnement autour de moi se dissiper lentement et je bégayai :
-Pourquoi tu fais ça ?
-J'ai rien contre toi, par contre, pour Jacë, c'est différent. Ça fait des années que j'essaie de trouver un moyen de me venger et je pense enfin l'avoir trouvé.
Je sentis l'adolescent m'attraper par la taille, puis m'aider à marcher jusqu'à ma voiture. Comme je tenais à peine debout, il m'ouvrit la portière et me força à me coucher sur la banquette arrière. Je le frappai mollement au torse avec mes pieds, mais il les attrapa facilement.
-Ça sert à rien, rigola-t-il.
-Tu trouves ça drôle ? bégayai-je difficilement.
-Tu devrais arrêter de parler même si dans quelques secondes tu vas être en train de dormir.
-Je... Je suis sûre que t'avais tout planifié.
-T'es intelligente, j'te l'accorde Allison. Les clés sont où ?
-Je sais pas.
L'adolescent roula des yeux avant d'embarquer sur la banquette, près de moi et de passer ses mains sur ma taille, puis de descendre sur mes fesses. Il tapotait légèrement, un sourire satisfait collé aux lèvres et il me lança un regard de défi.
-Je te déteste déjà et je connais même pas ton nom, marmonnai-je en sentant mes yeux se fermer de plus en plus.
-Bruce ? Nate ? Qu'est-ce qui fait le plus sexy ? me demanda-t-il.
-Va te faire voir, murmurai-je en m'endormant.
-Nate ? T'as complètement raison.
Il attrapa les clés qui se trouvaient dans mes poches arrières, puis empoignai mon téléphone portable. Nate ferma la portière, puis quelques secondes après, j'entendis la portière du conducteur s'ouvrir et la voiture démarrer.
Mes yeux se fermèrent finalement et je laissai le monde des rêves m'engloutir.