À l'aube du onzième jour, Amos fit aborder le voilier à l'abri des regards, à quelques kilomètres de Wallis. Il avait fait accoster le voilier au pied des falaises et s'était arrangé pour que celui-ci ne soit visible de personne. L'ascension fut longue et difficile car le sentier qu'ils empruntaient était très étroit et abrupt.
Une fois au sommet des falaises, la vue qui s'offrit à eux fut à couper le souffle. La ville de Wallis était érigée sur la pointe d'un immense rocher qui surplombait la mer et les vagues venaient se jeter sur les remparts de la ville, comme une attaque constante contre elle.
Depuis son départ d'Orléans, c'était la première fois qu'Ellynn approchait d'aussi près la civilisation.
- Ne traînons pas, leur commanda Amos qui tournait la tête de tous les côtés comme s'il s'apprêtait à être attaqué d'une seconde à l'autre.
Ellynn ne put s'empêcher de penser que leur plan était dangereux alors qu'Amos ouvrait la marche, son Amicus perché sur son épaule. Elle n'était jamais venue jusqu'ici et n'avait aucune idée si elle était recherchée ou non dans ces contrées.
- Ce n'est pas un peu risqué d'entrer ainsi dans la ville ? chuchota-t-elle à Amos alors qu'elle tentait de maintenir le même rythme que lui. Gladius et Mila ne passeront pas inaperçus. Sans compter que je suis sans doute recherchée.
- HA ! Qui t'a dit que nous allions entrer dans Wallis ?
Amos accéléra sa foulée pour la devancer et la força à rester entre Timolas et lui. Un peu déroutée, Ellynn jeta un regard vers la ville et fut soulagée que le soleil ne se soit pas encore levé. Ils marchaient à découvert et elle n'avait aucune envie de devoir faire face à des mercenaires ou les gardes de la ville.
- Jusqu'où devons-nous aller ? ne put s'empêcher de demander Ellynn, intriguée de s'écarter autant de la route menant à Wallis.
- Tu ne sais pas te taire ? siffla Timolas entre ses dents. Ce n'est pas le moment !
Vexée de se faire rabrouer de la sorte par un jeune de son âge, Ellynn se mordit la langue pour ne pas s'énerver contre lui et poursuivit son chemin en silence. Ils venaient de quitter la route pour emprunter un sentier rocailleux et poussiéreux, laissant derrière eux la ville et ses remparts impressionnants.
Après un long moment, ils rejoignirent les falaises et commencèrent à les longer prudemment. Ils descendaient peu à peu vers la mer et le chemin se rétrécissait de plus en plus. En effet, l'espace entre la roche et la mer suffisait juste à ce que Gladius et Mila puissent passer sans trop de problème, ce qui rassura Ellynn qui n'avait pas envie de voir tomber son compagnon sur les récifs qui se trouvaient en contrebas.
Soudain, sans comprendre ce qui se passait, Amos se colla précipitamment contre la roche et Timolas la plaqua entre lui et la falaise. Son bras gauche amortit l'impact de sa tête contre le mur et il fit un rempart de son corps, l'empêchant de bouger. Le visage d'Ellynn était écrasé entre le creux de son bras et de son torse, et l'empêchait de pouvoir respirer correctement.
- Ne dis rien, lui murmura Timolas à l'oreille.
- Gladius ? ne put-elle s'empêcher de lui demander inquiète en tournant légèrement son visage vers le sien.
- En sécurité. Chut.
Puis, Ellynn entendit des voix d'hommes. Heureusement pour eux, ils étaient dans un léger renfoncement dans la falaise, ce qui leur permettait d'être cachés aux yeux des inconnus qui passaient à quelques mètres d'eux.
Quand ils furent juste au-dessus de leur tête, Timolas se pressa encore un peu plus contre elle et resserra son étreinte. Ellynn tentait de maîtriser sa respiration et de faire le moins de bruit possible. La proximité du corps de l'elfe la déconcertait. Elle ne pouvait pas s'empêcher de se blottir contre lui et presser son visage dans son cou aux parfums épicés. Elle pouvait sentir chaque partie de son corps qui touchait le sien et s'en voulait de penser à ce genre de détail alors que la situation semblait périlleuse.
- Tu crois qu'elle t'attend bien sagement chez toi ? entendit-elle un homme demander à l'un de ses compagnons alors qu'ils s'éloignaient d'eux.
- Aucune chance ! s'exclama un autre. Tu as vu sa tête ?
La boutade de l'homme les fit partir en un énorme éclat de rire alors qu'ils continuaient leur chemin.
Figés, ils restèrent un long moment plaqués contre la paroi de la falaise avant qu'Amos ne leur dise que le danger était écarté. Immédiatement, Timolas s'écarta d'elle.
- Ça va ? lui demanda-t-il en lui lançant un regard anxieux. Je ne t'ai pas blessée ?
Ellynn lui fit signe que non, déçue de ne pas avoir su réagir aussi vite que ses compagnons. Elle réajusta sa cape et son épée avant de demander à Amos qui étaient les personnes, en évitant soigneusement de croiser le regard inquiet de Timolas.
- HA ! Des villageois, des mercenaires, qui sait ?!
- Vu leur manque d'armes, dit Timolas, j'opterais plus pour des villageois.
Amos grogna pour une raison inconnue et se remit en route. Ellynn attendit que Timolas passe devant elle mais remarqua qu'il ne l'entendait pas de la même oreille. Il attendait patiemment qu'elle se décide à passer devant lui, puis, lui emboîta le pas de près.
Ils ne mirent plus très longtemps avant d'arriver droit sur un mur de rochers. Le sentier s'arrêtait au pied d'une roche haute de plusieurs mètres, les stoppant net dans leur élan.
- Vous vous êtes trompé de chemin ? demanda Ellynn incrédule.
Amos et son furet se retournèrent comme s'ils ne faisaient qu'un.
- Reculez ! leur ordonna-t-il sèchement.
Ellynn sut directement que sa remarque ne lui avait pas plu. Elle se mordit la lèvre tout en reculant comme il le leur avait demandé et dut se résigner à se mettre à côté de Timolas par manque de place, en prenant le plus grand soin de ne pas le toucher.
De là où elle était, Ellynn vit Amos sortir une clé de sa poche alors qu'il s'approchait de la falaise. Il parcourut la roche de sa main gauche, comme s'il était à la recherche d'une serrure invisible, puis, après un court moment, trouva l'objet de sa recherche et introduisit la clé dans une encoche.
Aussitôt, un pan du mur se leva et dévoila une entrée dans la falaise, rappelant étrangement à Ellynn la sortie de secours qu'elle avait empruntée chez Lulu.
- HA ! Bien. Ne traînons pas.
Amos ne perdit pas de temps et entra directement dans la grotte, son furet blottit dans son cou, alors qu'une longue rangée de torches s'alluma dès ses premiers pas. Un peu plus dubitative, Ellynn s'avança prudemment vers l'entrée et jeta un regard intrigué à la clé qu'il avait laissée là.
- Il a oublié...
- Ne touche pas la clé ! s'écria Timolas en attrapant sa main qui avançait vers la clé pour la retirer de son encoche.
- Mais... commença-t-elle incertaine, comme s'il était devenu fou.
- Il ne faut pas la toucher !
Timolas serrait son poignet tellement fort qu'il lui faisait mal. Il dut s'en rendre compte car il la relâcha directement.
- Chaque clé est unique et se désintègre dès son activation, lui expliqua-t-il comme pour se justifier. La toucher alors qu'elle est activée est dangereux et te blesserait.
Ellynn hocha de la tête et se massa légèrement le poignet en se rapprochant de la clé pour mieux l'observer. La boucle, qui ressortait de la roche, était d'une finesse incroyable et semblait former en son intérieur un arbre. Même si elle ne voyait qu'une partie, elle avait l'impression de voir une œuvre d'art tellement la clé était belle.
- On doit se dépêcher, la pressa Timolas. La porte ne reste pas éternellement ouverte. Si elle se referme, nous n'aurons aucun moyen pour la rouvrir.
Avec regret, Ellynn entra à son tour dans la falaise. Le contraste entre l'extérieur et l'intérieur était saisissant. Il faisait noir comme dans un four et la faible lumière des torches, qui éclairait le couloir devant elle, lui permettait à peine de voir où elle mettait ses pieds.
- Avance ! lui dit Timolas alors qu'elle se pinçait le nez à cause de l'odeur iodée de la grotte.
Ne voyant pas très bien dans la pénombre, Ellynn avança prudemment en se tenant aux murs qui l'entouraient. Les escaliers qu'elle empruntait étaient glissants et elle pouvait sentir des algues s'aplatir sous ses bottes.
Tout à coup, elle entendit la porte retomber lourdement sur le sol, la faisant sursauter.
- Gladius ? appela-t-elle un peu paniquée, en se retournant vers l'entrée.
- Ils sont juste derrière nous, la rassura Timolas.
Son compagnon émit un grondement sourd pour lui confirmer sa présence. Elle voulut aller le caresser mais Timolas lui barra la route.
- Avance ou Amos va nous rabrouer.
À contrecœur, Ellynn fit demi-tour et continua sa descente. Au fur et à mesure, elle entendit de plus en plus fort le bruit des vagues et sentit que les parois des murs devenaient plus humides et glissantes, ce qui ne l'aidait pas beaucoup dans ses appuis.
À son grand damne, Timolas la rattrapa plusieurs fois mais il s'abstînt pour une fois de se moquer ouvertement d'elle.
Quand Ellynn vit la lumière du soleil au fond du couloir, elle remarqua qu'Amos les attendait, son Amicus aux aguets.
- C'est quand vous voulez ! leur lança-t-il de mauvaise humeur.
Ellynn se retint de lui répondre par une remarque cinglante et continua d'avancer à son rythme pour ne pas se casser la figure. Une fois à sa hauteur, Amos les prévint :
- C'est moi qui parle ! HA ! Je ne veux rien entendre et surtout, pas de geste agressif !
Amos guetta leur réaction mais ils ne prononcèrent pas le moindre mot.
- Bien. Restez derrière moi. HA !
Ellynn allait le suivre quand Timolas la retint par le bras.
- Je préfère passer devant – il exerça une légère pression sur son poignet pour la forcer délicatement à se mettre derrière lui – on ne sait jamais.
Ellynn voulut protester mais se rétracta quand elle vit Timolas lui lancer un regard sévère alors qu'il la frôlait pour pouvoir se positionner devant elle. Il emboîta ensuite le pas d'Amos et continua de s'assurer qu'elle ne tombe pas.
Au bout du couloir, Ellynn fut étonnée de voir que la grotte donnait sur une ouverture vers la mer.
- Plus un geste ! résonna une voix forte et masculine. Qui êtes-vous ?
*****************************************************
Alors??? Vous aimez toujours??? Mille mercis d'être persévérant en tout cas :)))))))