Sous extasy

By BlueCalifornie

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Parfois, Héloïse avait l'impression que sa vie était faite de verre. Il suffisait d'un petit geste pour que... More

Dédicace
Prologue
Nuits blanches
Nuits bleues
Jour blanc
Jour rouge
Jour bleu
Jour noir
Jour pourpre
Cyclone
Averse
Tempête
Tornade
Bruine
déluge

Nuits noires

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By BlueCalifornie

Chapitre 3 :

Le problème de l'été, c'est qu'il y a pas grand monde dans la ville, alors au final, on finit toujours par croiser les mêmes personnes. Plus ou moins toutes les deux semaines, le groupe change. Les uns partent à Malibu, Londres ou en Espagne, les autres reviennent bronzés, du soleil dans les yeux, détendus, le sourire aux lèvres.

Moi, je pars pas. Je pars jamais. Je reste là, et je les regarde d'un air faussement intéressé me décrire leurs hôtel, le sable fin, les lumières sur la plage. Ils m'ennuient, ils m'ennuient tous. J'ai l'impression d'être plongée dans une sorte de léthargie, dans un sable mouvant qui m'étouffe la poitrine. J'attend quelque chose. Un évènement. Une personne. Une idée. Je suis dans cette attente obsessionnelle, insensée.

Dana me manque, j'imagine. Je revois ses yeux brillants de larmes suite à notre dispute. Notre énième dispute. Elle a raison, ça je le sais mais je ne peux pas l'avouer. Cela fait trop mal.
On se dispute toujours avec Dana. On s'excuse jamais. On se retrouve juste. Parce que c'est comme ça. On peut pas, on peut vraiment pas l'une sans l'autre.

C'est fou comment on peut aimer quelqu'un, puis la haïr de toutes nos forces parce qu'on se sent faible, beaucoup trop faible face à elle. On sait qu'elle comprend ce qu'on veut cacher, dissimuler.

- Hey, m'a interpellé Fly en m'attrapant le bras, une semaine après que je l'ai abandonné dans l'herbe.

Je sortais de la maison de Julia, la fille qui avait organisé une petite soirée pour son anniversaire.

- Hey...ai-je répondu.

- Tu vas où ?

-Je rentre chez moi, ai-je dit en haussant les épaules.

- Je t'accompagne.

- Si tu veux, ai-je grogné.

On a marché en silence.

- Tu sembles triste.

- J'aime pas l'été.

- Héloïse, la fille qui n'aimait ni les mots, ni l'été.

- C'est ça.

J'ai refoulé un sourire et ses yeux ont brillé.

- Mais j'aime la peinture et l'hiver, ai-je ajouté.

- Pourquoi l'hiver ?

- Car c'est la saison la plus chaleureuse.

Il a fait une grimace amusé.

-Si tu le dis. Et la peinture ? C'est pas le contraire des mots.

- Ah ?

- C'est le silence, le contraire des mots.

J'ai secoué la tête.

- Le bruit est le contraire du silence.

Il a dodeliné la tête.

- Admettons.

- Pourquoi tu viens me parler ? l'ai-je questionné.

-Tu es pas la seule à t'ennuyer. Et puis tu es marrante.

-Ah.

On me dit pensive, sarcastique, hautaine pour certains, sympa pour d'autres, taciturne, lesbienne, jolie, fêtarde, artiste, cool, pas cool, égoïste, dealeuse, cupide.

Les qualificatifs changent en fonction du temps et des gens. C'est étrange. C'est pour ça que les mots ça craint, parce qu'il ne peuvent pas définir quelqu'un, non, vraiment pas. 

-Mais on ne m'a jamais dit marrante, ai-je pensé à voix haute.

- Les gens n'ont pas le sens de l'humour.

- J'imagine que j'ai affaire à un expert en la matière.

-Exact.

On s'est allongé dans l'herbe. Encore.

- Constellations.

- Quoi ?

- C'est un beau mot.

- Mouais.

J'ai levé la tête. Il n'y avait pas d'étoiles à noter, on habitait trop près de la ville et croyez-moi, c'était sacrément dommage car les étoiles, il y a rien de plus beau.

- Alliciant.

J'ai haussé un sourcil.

-Ça signifie séduisant. Je suis un jeune homme alliciant, par exemple.

Un rire m'a échappé.

-Tu es donc capable de rire, a-t-il commenté pensivement.

-C'était moqueur.

-C'était tout de même quelque chose.

Il a sorti ses clopes.

-Pétuner. C'est joli comme mot, non ? Ça signifie fumer du tabac.

-Pas mal, ai-je commenté placidement.

-Tu pétunes ? a-t-il proposé.

-Pourquoi pas, ai-je acquiescé.

J'ai pris une clope avant d'ajouter :

- Mais faut que j'arrête.

-Moi aussi. Je suis trop jeune pour ça.

-Pareil, ai-je soupiré en allumant ma cigarette.

On a rien dit pendant un moment. Je l'ai regardé, je veux dire, vraiment regardé. J'ai tracé le concours de son visage dans la nuit, senti du bout du nez son odeur de tabac et de parfum commercial, touché sa jaquette bleu.
Je me suis dit que j'avais envie de capturer cette image à jamais. Je me suis dit, ça ferait un beau dessin, quand même. Ou une belle photographie. Mais le problème des mots, le problème de la photo, de la peinture, c'est qu'elles ne valent jamais la vie. Un instant, c'est bien plus qu'une vague description jetée au hasard sur une feuille, qu'elle soit visuelle ou descriptive.

Il y avait plus. Il y avait toujours bien plus. Il y avait mon cœur battant, la chaleur que Fly dégageait, l'odeur des cigarettes, la nuit qui s'humidifiait, les criquets qui chantaient.

-Alors, dis moi tout... a-t-il dit au bout d'un moment. Tu prends de ta came ?

-De l'extasie ?

-Ouais.

-Non, non. C'est pas pour moi, ça, ai-je dit en rejetant l'idée d'un geste de main. Comme Momo dit, "je ne veux pas être heureux, je préfère encore la vie."

-C'est Romain Gary.

-C'est ça.

Je l'ai regardé, surprise.

-Moi, j'aime les mots, a-t-il dit avec un haussement d'épaule et un petit sourire contrit. Et j'adore ce livre.

-Moi aussi.

-Tu aimes lire ?

J'ai évincé la question d'une grimace. J'ai hésité à expliquer, à expliquer que j'avais toujours détesté parler, que les mots m'avaient bien trop blessés. Et puis, un jour, j'avais amené Rayane dans cette bibliothèque pourrie du quartier et j'avais pris un livre au pif, en l'attendant. En premier, j'étais tombée sur un essai de philosophie. Comme je comprenais un paragraphe sur trois, j'avais choisis un autre livre. « La vie devant soi ». Cela me plaisait bien comme titre. Je l'avais lu. Au début, je lisais un peu en diagonal, comme les livres pour le lycée. Et puis, j'avais écouté la voix de Momo et je m'étais mis à apprécier un peu plus les mots.

J'ai fixé le vide à se souvenir. Il y a des souvenirs, comme ça, qui semblent remonter à tellement loin, qu'ils s'effacent comme de rêves. Pourtant, contrairement à ces derniers, ils restent toujours dans un coin de ma tête. Fly, lui, a continué à parler. Il parlait vraiment tout le temps ce type.

-Tu as déjà pris de l'exta'?

-Ouais.

-C'était comment ?

J'ai hésité.

-C'est une drogue qui te donne des pulsions très...

-Animales ?

-Sexuelles, ai-je fini.

-Ah.

-Tu savais pas ?

-J'avais cru comprendre, a-t-il dit avec un petit sourire amusé.

-Et sinon bah... Ça te fait délirer. Vraiment.

-Et t'as jamais ré-essayé ?

-Non. J'ai pas besoin de ça pour que ma vie soit chaotique.

Je l'ai regardé dans les yeux. Il a dû croire que j'allais sortir quelque chose de très profond.

-L'addiction. Il y a rien de pire. Et crois-moi, j'en vois.

C'était une remarque digne des brochures anti-drogue de mon lycée mais qu'importe. C'était vrai.

Il a hoché la tête. Les mots ont continué à m'échapper, ils avaient cette mauvaise habitude en la présence des gens que j'aimais bien. Fallait croire que j'aimais bien ce type.

-En réalité, parfois j'ai l'impression de ressentir tout si fort... Enfin, je sais pas. J'ai pas besoin de la drogue pour avoir l'impression d'être...

J'ai fait une pause. Intérieurement, ça m'a fait marrer car il semblait réellement suspendu à mes lèvres.

-... sous extasie.

Il y a eu un silence.

-En gros, t'as pas besoin de drogue pour avoir envie de baiser.

J'ai levé les yeux au ciel.

-Toujours dans la finesse, Fly. Excellent.

Il a ri.

Holà ! Merci pour vos nombreux retours sur mes premiers chapitres ! Je suis contente que ça vous plaise. 💕
Je vais tenter d'être plus régulière dans mes publications en plus j'ai plusieurs chapitres d'avances donc aucunes excuses...
Je vous embrasse tous fort,
BlueCalifornie

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