Mes pensées lourdes de regrets alourdissent mes pas. Mes pieds me font mal. Je pleure à chaudes larmes.
- Mais putain!
Puis, quelques secondes plus tard, alors qu'une voiture venait de passer:
- Mais c'est pas possible d'être aussi conne!!! Iris!!! Comment tu fais pour toujours tout gâcher alors qu'on t'offre tout?! ARRRHHH!!!
Je retombe en larmes.
Si avant je me disais que c'était la faute à pas de chances, là au moins j'en suis sûre. Ce n'est QUE de ma faute. Et tant que je ne ferais aucun effort, rien ne s'arrangera jamais.
Voilà maintenant une heure et demie que je marche, seule. Etant passée par toutes les émotions, l'heure était au calme. J'avais séché mes larmes. Je marchais à présent sans penser à rien, telle un zombie. Une voiture passait de temps en temps. Mais a minuit passé, personne n'ose prendre une jeune fille. Trop susceptible de vomir dans la voiture.
La même Ferrari qui m'avait déposé il y a quelques kilomètres s'arrête subitement à mon niveau. Je tourne la tête. Pour le coup, je n'ai pas bronché: j'ai ouvert la portière, et je suis montée. A la place d'Adrien, j'y ai découvert Anne. Mais peu importe, du moment je retrouvais mon nouveau chez moi.
Elle ne dit rien, se contente de me sourire gentiment. Elle a vraiment un sourire flippant, elle. Après quelques secondes, j'ouvre la bouche.
- Merci.
- C'est bien normal.
- Merci pour tout. Même si maintenant je sais que c'était par intérêt, cela m'importe peu.
- Par intérêt? Répète la jeune femme.
- Philipe... L'équipe de France, tout ça...
- Mais de quoi tu parles?
Là, je me suis réellement remise en question.
- Ben... Tu n'est pas au courant?
- Non, dit-elle, fixant la route d'un œil, et m'accordant toute son attention de l'autre.
C'est alors que j'entrepris de tout lui raconter.
Nous arrivions dans l'allée de peupliers quand j'eu fini d'exposer toutes mes cachotteries.
- Et bien... Ça pour une nouvelle, répondit-elle, presque à voix basse. En réalité, quand nous avons entamé la procédure, nous ne faisions que chercher de jeunes adolescents à aider. Si celui-ci aimait les chevaux, tant mieux, sinon, tant pis. C'est alors que Mme Russel nous a contacté. Comment savait-elle que nous cherchions... ça, je ne sais pas. Nous avions partagé quelques mots à ce sujet avec Philipe, c'est vrai... Mais de là à ce qu'il se trame quelque chose entre lui et l'orphelinat d'Equeuil... On était loin de s'en douter. Bref, elle nous a parlé sur un ton plutôt affolant, ça avait l'air d'être urgent. Même si elle savait encore mieux que nous que les procédures étaient extrêmement pénibles et longues, elle avait espoir. Alors elle nous a envoyé ta photo, elle nous a dit quelques mots à propos de toi. A la simple évocation du fait que tu aimais les chevaux, nous avons accepté. Tu ne pourrais qu'être heureuse, chez nous. Et rien que ça, ça nous rendait euphoriques.
Sa révélation me laisse sans voix.
Anne gare la voiture sur le parking. Nous sortons tranquillement, même si j'avoue avoir encore mal aux pieds.
- Mais... Pourquoi adopter?
Anne sourit, comme si elle allait pleurer. Puis, après un petit moment de silence qui se voulait lourd de pensées pour elle, elle lâche un:
- La vie est parfois faite d'embûches.
J'avais compris.
Ne trouvant pas le sommeil dans mon grand lit, je me tournais et me retournais sans arrêt. J'ai fini par descendre voir Azzaro.
" Coucou. Je peux?"
"Bien-sûr."
Je m'allonge contre son corps chaud, mes yeux sont lourds.
- Eh bah! Tu l'aimes vraiment tant que ça?
Cette phrase m'ouvre les yeux et j'enlève la petite masse de paille fraîche que j'avais mis pour couvrir mes jambes avant de me lever péniblement en même temps qu'Azzaro. Je dis bonjour a Lou en riant.
- Tu m'accompagnes dans ma chambre? Il faut que je me change.
Lou est étrange comme fille, elle n'est pas curieuse comme les autres, vu ma tête, elle pourrait très bien me demander ce qu'il s'est passé hier soir, mais elle sait que ce serait indiscret, et dans les tous les cas, je la trouverai lourde. Elle se contente seulement d'être à côté de toi et de te soutenir, c'est une réaction appréciable. Elle n'a jamais fait de remarque par rapport à moi ou autre chose, elle est juste agréable, joyeuse et gentille, tout le contraire de moi.
Dans la chambre, alors qu'elle choisit des affaires pour moi, elle me demande:
- Tu n'as pas de pantalon de cheval? Ma chérie, il va vite falloir que tu t'en achètes! Ça te dit qu'on se fasse une après-midi boutiques chevaux après que je sois montée a cheval?
Cette idée me rend plus joyeuse qu'autre chose, des affaires pour Azzaro, ça il m'en fallait!
- Oui! Ça va être super! Comme ça tu m'aidera à choisir une selle, un filet, une bombe, des bottes et tout ça! Je renouvelle TOUT!
Elle rigole et sort un pantalon en jean clair puis un tee-shirt rayé noir et blanc, simple. J'enfile tous ces vêtements, coiffe mes cheveux. Miss décide de me natter, par simple envie.
Je me regarde dans le miroir pour admirer le résultat, c'est magnifique.
- Et mais dis-moi, ce n'est pas cavalière que tu devrais faire, c'est coiffeuse.
Elle rigole à cette suggestion, son rire est superbe. Contrairement au mien... Je descends manger dans la cuisine avec elle, puis nous nous rendons aux écuries. Soudainement, elle prend une grande inspiration en me regardant.
- Iris! J'ai oublié de te poser deux petites questions! Tu veux?
Je me demande lesquelles Lou pourrait me sortir, elle est d'une telle diversité que je peux m'attendre à tout!
- Vas-y!
Je m'amuse à suggérer les nombreuse questions qu'elle est capable de me poser.
- Il y a des rumeurs qui circulent comme quoi tu sors avec Adrien, c'est vrai?
Elle me sourit bizarrement en haussant plusieurs fois les sourcils, attendant évidemment une réponse positive, malheureusement. Je crois que son petit espoir personnel va tomber en ruine quand je vais lui annoncer que c'est absolument tout le contraire!
- Non.
Mince, j'ai dit ça d'une manière glaciale, sous-entendant qu'il y a quelque chose derrière et que ce n'est pas rien à mes yeux. Même sans trop connaître Lou, je sais déjà qu'elle l'aura deviné. Je décide de faire comme si de rien n'était et demande:
- Alors la deuxième question?
Elle me regarde, évidement, son grand sourire était magnifiquement retombé pour réfléchir à sa deuxième question.
- Heu... C'est un peu plus délicat, je ne sais pas si tu voudras bien... Est-ce que tu accepterais de me faire sauter aujourd'hui? Je n'aurais de plus grand honneur que de recevoir les conseils d'une grande cavalière!
L'expression de mon visage ne change pas d'un seul poil. Je veux bien, seulement j'ai la chair de poule à la simple expression "me faire sauter". La peur s'empare de moi en deux ou trois secondes et me frigorifie. Tout cela allait vouloir dire entrer sur le sable de la carrière, remplacer les barres, toucher la barre, et la dernière fois que j'ai touché une barre... Je ne veux pas la décevoir, Lou est mon amie, je ne peux vraiment pas. Seulement, est-ce que j'arriverai moi-même à contrôler mes émotions?
Je secoue la tête en la laissant retomber ver le sol, que mon pied gratte anormalement.
- Je ne suis pas une grande cavalière, Lou.
Contre toute attente, elle me lève la tête de ses deux doigts et m'oblige a la regarder droit dans les yeux.
- Oh! Iris! Je ne t'aime pas parce que tu as remporté un nombre de victoires incroyables! Je t'aime pour ce que tu es, peu importe ce que tu as vécu! Et je te rappelles qu'avant CET obstacle, tu en avais sauté des centaines sans jamais renoncer à ta passion, le risque est partout! Mais si tu ne le prends pas, c'est sûr qu'il ne peux rien t'arriver. Scoub est morte en pratiquant votre passion, avec des risques, mais notre passion. Alors tu vas lui montrer que tu es forte, que toi tu es restée en vie pour lui faire honneur et pas pour pleurnicher alors tu as la chance de retourner en concours en pensant a elle. Aller! Tu ne peux pas la laisser comme ça.
Je sens que je vais pleurer, Lou est une fille extraordinaire, elle vient de me remonter le moral comme jamais quelqu'un d'autre ne l'aurais fait. Une petite larme s'empare de mes yeux puis coule sur ma joue, Lou l'essuie en attendant ma réponse.
- Mais je ne suis pas forte..
Ma gorge me brûle. Quelques personnes, attirées par la scène viennent et nous regardent, puis, comme le monde attire le monde, une troupe se forme autour de nous. J'ai envie d'hurler, de les dégager, mais j'assume ce que je suis, et s'il faut que je passe par tout mes états pour leur montrer ma vraie face, alors je le fait. Je n'ai rien à perde.