Il a beaucoup trop de monde. Beaucoup beaucoup trop de monde. Mais qu'est-ce que je fais là ?!
Pour ce qui est de l'entrée discrète on repassera...
Je n'ose plus bouger. Je reste plantée comme une potiche devant la porte à attendre qu'une bonne âme vienne me sauver. Pour occuper mes yeux ailleurs que sur tout ces hommes qui me fusillent du regard, je fais le tour de la pièce. Grande et haute de plafond, elle n'est pourtant pas très remplie. À part une très longue table qui trône au milieu et deux feu ouvert de chaque côté, il n'y a aucun décor. Même pas de lustre.
Pourtant je remarque à plusieurs endroit des monstres de pierre qui semblent nous surveiller de leurs grands yeux écarquillés. Moi qui ne suis pas adepte du rose bonbon trouve tout de même cette ambiance un peu trop morbide.
Je remarque aussi que la pièce est trois fois plus grande que le réfectoire des nephilims et pourtant elle accueille beaucoup moins de personne, il ne doit pas y avoir plus de trente personne.
Ceci dit, ce n'est pas plus mal. Ainsi je n'ai aucun mal à reconnaître Ash parmi toutes ces têtes.
Attablé à l'extrémité gâche de la grande table, il semble mener la soirée. Cette place n'a pas été choisie au hasard, c'est lui qui décide.
Il semble être en plein débat et n'a sans doute pas remarquer ma présence. Je remarque aussi que presque tout le monde m'a oublié et que je vais peut-être devoir passer ma soirée debout, seule devant la porte.
Je prend le temps de l'examiner, il est en pleine conversation avec un homme aux cheveux noirs bien peigné qui semble un peu plus vieux.
D'ailleurs maintenant que j'y fais attention, je remarque quil n'y a aucune femme et que touts les hommes présents dans la salle sont d'apparence très jeune. Mais j'ai compris qu'il ne faut pas s'y tromper, dans cette pièce se trouvent les démons les plus vieux, les plus puissants et les plus dangereux.
Soudain mais yeux sont attirés par un mouvement du côté gauche de la table, le côté opposé à celui où est assi Ash.
C'est un homme, un jeune homme, très jeune, un adolescent je pense même, aux cheveux roux en batailles et avec un air espiègle collé sur le visage.
Et il fait des petits signes discrets de la main.
Est-ce à moi qu'il fait signe ?
Il répète son geste et cette fois fronce les sourcils. Plus de doute ! C'est à moi qu'il s'adresse.
De soulagement je soupire et cours presque le rejoindre.
- Merci, vous m'avez sorti d'une situation assez gênante, chuchotais-je quand j'arrive à sa hauteur.
- C'est plus fort que moi, à chaque fois que je vois une demoiselle en détresse, il faut que je lui vienne en aide.
Seigneur.
Ne me dites pas que je viens de m'asseoir à côté du seul pervers de la table.
- Gentleman donc...
- En quelque sorte. Pan, me dit-il en me tendant la main et j'en déduis donc que c'est son prénom.
- Soledad, enchantée.
- Ah oui, la petite sauvage dont tout le monde parle.
Je le regarde sans comprendre. Est-ce que c'est moi qu'il vient de traiter de sauvage ?
- Ne vous méprenez pas ! C'est un compliment. Vous êtes celle qui a osé tenir tête au seigneur !
-...
- Croyez moi, vous êtes la source de tous les commérages.
- C'est si inédit que quelqu'un réponde à votre seigneur ?
- Je n'en sais trop rien. Personne n'a jamais tenté cet exploit.
- Votre seigneur ne m'a pas paru si cruel.
- C'est justement pour ça que vous êtes la source de tous les commérages.
Il m'observe encore et cette fois fronce légèrement les sourcils.
- Qui a-t-il ?
- Votre visage, il me dit quelque chose. Ne nous serions-nous pas déjà rencontré ?
- Je...c'est impossible, je viens de trop loin.
- Oh mon chou ! Ce n'est pas un problème croyez-moi. Mais je me trompe peut-être, je ne suis pas un as pour ce qui est de deviner les espèces. Alors dites-moi, de quel genre de création descendez vous ?
- Je vous demande pardon ?
- Je pencherais pour une banshee. Ou alors peut-être une succube ? Je vous le dis, je ne suis pas très fort.
- Oh...oui, banshee ! Vous avez deviné ! Bravo ! M'exclamais-je quand je comprend enfin où il veut en venir.
- Sorcière alors ? Je comprends mieux pourquoi vous êtes si sûre de vous quand vous affirmez qu'on ne s'est jamais rencontré.
- J'ai peur de ne pas vous suivre...
- Allons mon chou, vous pouvez arrêter ce petit jeu. Il ne sert à rien avec moi. Soyez rassuré, je ne suis en rien hostile à votre peuple, m'avoue-t-il comme une confidence.
- Merci ?
Cela sonne plus comme une question et automatiquement je me met des claques mentalement.
- Il est vrai que je comprends pourquoi la plupart de ces hommes rêveraient de vous tuer mais je n'ai jamais aimé la violence. Étonnant pour un démon me direz-vous. Mais je suis assez vieux pour savoir que dans une guerre, on fait ce qu'on pense être le mieux pour assurer notre survie et celle de notre peuple. Je ne vous en veux absolument pas d'avoir choisi les humains, je ne suis pas rancunier.
-...
- Après tout, à la base n'êtes-vous donc pas des prêtresses humaines de Lucifer ? Vos pouvoirs ne vous ont été octroyé que par sa bonne volonté et je ne suis pas assez bête pour penser que malgré cela votre côté faible qui est propre à l'humain a complètement disparu.
Bordel de dieu qu'est-il en train de me raconter ?
- Mais comprenez mon étonnement quand je vous ai vu arriver dans cette salle où ne sont invités que les plus vieux démons. Je ne sais même pas comment vous êtes encore en vie après avoir mis un pied dans ce château, me dit-il en souriant de toute ses dents.
-...
- Tout le monde sait que le maître à un profond mépris pour votre peuple. Je pense que s'il pouvait vous exterminer là maintenant, il le ferait, dit-il en désignant Ash du menton. Alors dites-moi qu'avez-vous fait de si extraordinaire pour être invité à cette table ?
- Je
Je me retourne en quête d'un peu d'aide et croise le regarde de Ash. Soulagée, je lui fais un sourire mais il ne me le rend pas en retour, il se tourne juste vers un des démons assis à côté de lui et commence à discuter.
D'accord. Je me redresse et fais comme si son comportement ne me touchait pas. Je me retourne vers Pan pour continuer notre conversation mais constate que celui-ci est maintenant entrain de parler de manière engagée à une des domestiques chargée de nous servir.
Je suis en train de me dire que ce repas va passer très lentement quand j'entends à côté de moi une voix siffler.
- Catin.
Je tourne ma tête vers mon voisin de droite qui vient de parler, il a de long cheveux bruns et une grosse barbe de la même couleur. Ce qui me choque tout de suite c'est sa pâleur et son allure squelettique, on dirait un de ces drogués que Sylvia ramenait parfois à la maison pour leur offrir un repas. Je me rappelle que ça mettait toujours maman dans une colère noire et qu'elle faisait promettre à notre gouvernante de ne jamais recommencer. Pourtant chaque fois elle promettait et à chaque fois elle recommençait.
- Je vous demande pardon ?
- Catin, répète-t-il plus fort ce qui attire l'attention de certaine personne.
Mais bien-sûr Ash, lui, n'a rien remarqué.
-...
Je ne suis pas habituée à ce genre de démonstration ouverte de haine. Je ne trouve donc rien à dire et reste à le fixer bouche bée pendant quelque secondes.
- Ignoble mégère, que viens tu faire ici ?! Cet endroit n'est pas fait pour les vermines de ton espèce !
- Allez vous faire foutre ! M'écriais-je à mon tour en sentant la colère monter
- Tu n'as rien à faire ici ! Retourne dans ton trou à rat pour prier un dieu qui n'en a plus rien à faire de toi !
Même si je comprend seulement à moitié ce qu'il raconte, je vois rouge. Ce connard semble pourtant ne pas vouloir s'arrêter et d'une petite voix, je murmure
- La ferme...
- Tu me dégoutes, qui peut bien être ton malheureux géniteur ?! Regarde-toi, tu es en présence d'êtres sacrés et tu viens souiller cet endroit avec ton immonde corps ! Je...
Un voile rouge vient de se poser devant mes yeux. Je ne voix plus grand chose mais ça m'est égal. Je veux qu'il souffre, c'est la seule chose que je sais encore.
Il n'a pas le temps d'ajouter un mot qu'il est déjà au sol entrain de se tordre de douleur.
- LA FERME ! J'AI DIT LA FERME ! Hurlais-je en bondissant comme un diable de mon siège.
Je n'arrive plus à m'arrêter de hurler et au plus il gémit de douleur au plus je ressers l'emprise que j'ai sur son esprit. Ces petits gargouillis qu'il fait en s'étouffant avec son sang me pousse à continuer un peu plus. Je me fais l'effet du premier chien du vieux Bernard. Un jour, il a sans faire exprès croquer un mouton qu'il poursuivait et après ça, il tuait toutes les pauvres bêtes qui était à sa portée. Je me souviens qu'il les entassait pour que ça forme une jolie petite pyramide. Le vieux Bernard a dit qu'on pouvait plus rien, que c'était parce qu'il avait goûter au sang qu'il était devenu fou et que la meilleure chose qu'on pouvait faire pour lui, c'était de le tuer.
Alors il avait sorti son beau fusil. Celui qu'il ne sortait que pour tirer le cerf.
Mais ce n'était pas le cerf qu'il avait tiré cette fois-là.
Pan
Mais moi je ne suis pas comme le chien. Je veux le faire souffrir encore un peu mais je ne veux en aucun cas le tuer. Quand je me dis ça, un bras m'emprisonne brusquement la taille et me soulève
Je continue à hurler, griffe, mord et lance des coups a l'aveuglette à la personne qui a osée m'empêcher de terminer ce que j'étais entrain de faire.
Soudain je sens qu'on me retourne et qu'on me crie
- Arrête ça immédiatement !
C'est Ash...
Et il essaie de m'empêcher de faire souffrir cet homme ?
Pourquoi ?
Je n'ai pas le temps de plus réfléchir que je me prend une gifle magistrale qui me fais tourner la tête à 180°.
Ça a au moins le mérite de me calmer direct et de retirer le voile rouge.
- Tu as fini, tu es calmée ?
-...
- Bien.
Il me repose sans délicatesse au sol et m'observe de son regard perçant comme si j'étais une bombe qui allait exploser.
C'est un peut tard pour ça.
- Qu'est-ce qui t'a prit bon sang ?!
- Je...
- Tu quoi ?!
J'en sais rien.
-...
- Je te le demande une dernière fois. Pourquoi t'es-tu permise de gâcher ce dîner ?
- Vous prenez sa défense...pas la mienne... pourquoi ? Lui demandais-je en murmurant.
- Ne fais pas l'enfant.
- Répondez-moi !
- Ça suffit ! Ne te mets pas dans une situation encore plus gênante ! Tu me fais honte.
Qu...quoi ?
- Pourquoi vous ne voulez pas me le dire ?
- Tu veux vraiment que je te prouve que tu es plus importante que cet homme ? Soupire-t-il en passant sa main dans son épaisse chevelure.
Ce n'est pas une question. Si ça en avait été une, il m'aurait laissé le temps de répondre.
Sans jamais me quitter du regard, il s'approche de l'homme et d'un mouvement brusque et sec qu'on devine expert en la matière, il lui brise le coup.
Il a fait ça si vite, personne n'aurait pu l'empêcher et je doute que quelqu'un l'aurait fait, même si il en avait eu le pouvoir.
Je regarde fixement, la bouche grande ouverte, le corps sans vie qui gît par terre. J'ai encore du mal à imaginer.
À quel genre de monstre ai-je affaire ? Je me laisse tomber à genoux, je n'arrive plus à me tenir debout. C'est sale, violent, injuste, bête et tant d'autre chose encore. Mais ce n'est pas triste.
Les larmes roulent sur mes joues, je me prend le visage entre les mains et répète en murmurant une douce litanie.
- Ce n'est pas triste, ce n'est pas triste, ce n'est pas triste...
C'est ma faute malgré tout.
Je sens soudain Ash s'accroupir en face de moi mais je ne relève pas la tête.
- Oui ma douce, c'est ta faute...
- Vous êtes monstrueux, arrivais-je à dire à travers mes sanglots.
- J'ai fait ça pour toi, me dit-il et je devine d'ici le sourire qui doit lui déformer le visage.
Je relève la tête et le regarde.
Il a tout entendu...alors pourquoi n'est-t-il pas intervenu ?
- Parce que je n'en avais pas envie...
Et sur ces mots, il se relève et ordonne aux domestiques
- Ramenez la dans sa chambre...je l'ai assez vu pour ce soir ! Et enlever-ça, dit-il en shootant dans le corps inerte.
Aussitôt, une jeune fille m'aide à me relever et m'entraîne hors de la pièce comme si sa vie en dépendait. Moi je ne dis rien et me contente de me faire traîner. Je n'ai plus de force.
Une fois assez éloigné, la domestique m'arrête et me dit
- Ce n'était pas votre faute.
- Si ce n'est pas ma faute, c'est celle de qui ?
- Le seigneur est cruel.
-...
Se rendant sans doute compte que ça ne sert à rien d'essayer de me remonter le moral, elle recommence à me traîner à travers les couloirs.
Arrivé à ma chambre, elle me laisse et repars en me rassurant encore une dernière fois.
Dès que la porte est fermée, je m'effondre sur mon lit.
Je pleure, sans m'arrêter.
Et je finis par m'endormir.