Le jour d'après, aux premiers rayons du soleil, Ellynn et Gladius étaient déjà en route, occupés à monter inlassablement le versant de la montagne. Au fur et à mesure de la journée, les pentes qu'ils montaient et descendaient devenaient de plus en plus pentues et rocailleuses, faisant glisser Gladius à plusieurs reprises.
L'enthousiasme qu'elle avait eu la veille retomba rapidement. Le soleil tapait sur sa tête et les arbres se faisaient assez rares. Cela faisait des heures qu'ils avançaient sans savoir où ils devaient aller. Il n'y avait plus de sentier à suivre et cela les désorientait complètement. Gladius tentait d'utiliser son odorat mais cela ne donnait rien de très concluant. Ils tournaient en rond, repassant parfois plusieurs fois par le même endroit, l'énervant à chaque fois un peu plus.
Les jours suivants ne furent pas plus concluants. Ils étaient dans une nouvelle vallée mais il n'y avait toujours aucune trace de ce fameux Salomon. Ellynn éprouvait constamment cette sensation de ne pas savoir ce qu'elle faisait et qu'elle perdait un temps précieux.
Au milieu de la quatrième journée, Gladius et elle décidèrent de s'arrêter en plein milieu d'une clairière. Une petite rivière la traversait et le sol était rempli de fleurs plus belles les unes que les autres. La vue qu'ils avaient était juste superbe et Ellynn ne put résister à son envie de s'installer là pour la nuit.
Gladius partit chasser, lui laissant le plaisir de se promener dans la clairière et de profiter de la vue. Le soleil faisait ressortir la beauté de cet endroit et lui donnait l'impression d'être dans un autre monde. Les crocus lui donnaient envie de se faire une couronne comme elle le faisait autrefois avec Nanny Mi. Elle en cueillit plusieurs puis se dirigea vers le cours d'eau car elle voulait profiter de la surface de l'eau pour se voir en attachant les fleurs dans ses cheveux.
Lorsqu'elle s'abaissa pour observer son reflet, quelque chose attira son attention dans un arbre de l'autre côté de la rivière. Elle ne parvenait pas à dire ce que c'était mais c'était un objet qui brillait fortement. Intriguée, Ellynn traversa le cours d'eau en sautillant sur des rochers et se rendit jusqu'au bord de la clairière. L'objet devait se trouver dans l'un de ces arbustes mais il devait y en avoir au moins une dizaine dans lesquels il pouvait être. Elle commença à circuler autour de plusieurs d'entre eux et procéda étape par étape. Elle savait qu'elle pouvait éliminer les arbres qui se trouvaient après la deuxième rangée et ceux qui étaient de plus petites tailles. Pourtant, après avoir fait le tour de tous, elle ne parvint pas à retrouver ce qu'elle cherchait.
Pendant une seconde de flottement, Ellynn se demanda si elle n'avait pas rêvé et si elle ne devenait pas folle. Voulant en avoir le cœur net, elle s'abaissa et toucha la Terre de sa main pour entrer en communication avec la nature qui l'entourait. Elle propulsa son esprit et inspecta chacun des arbres qui auraient pu abriter l'objet brillant qu'elle recherchait.
Alors qu'elle examinait un énorme hêtre sylvestre, son cœur s'arrêta de battre. Ellynn souleva sa main du sol et se leva le plus lentement possible. Debout, elle parvenait à peine à respirer, reculant pas après pas, en cherchant de sa main son épée. Sans s'en rendre compte, elle percuta un arbre, ce qui la fit sursauter. Pestiférant silencieusement de se faire saisir pour si peu, elle reporta son attention dans le feuillage de l'arbre. D'où elle était postée, elle ne voyait rien. Toutefois, tous ses sens étaient en alerte.
Tout à coup, Ellynn vit une branche bouger et provoquer le froissement des feuilles. Elle pointa immédiatement la pointe de son épée dans cette direction mais ne vit rien. Elle pouvait sentir sa présence, comme s'il jouait avec elle, comme si elle était une proie et qu'il attendait qu'elle perde pied pour pouvoir mieux la capturer.
Une nouvelle branche bougea, plus à gauche cette fois. Ensuite une autre à droite et une nouvelle à gauche. Ellynn pointait à chaque fois son épée dans une nouvelle direction, refusant de lui tourner le dos et se forçant à respirer calmement.
Puis sans un bruit, il fut là, debout devant elle, la toisant du regard, comme s'il était un félin qui avait enfin sa prise entre ses griffes. Ellynn ne bougea plus, l'épée dressée droit devant elle, le regardant droit dans les yeux. Les lèvres de l'individu s'étirèrent et laissèrent échapper un rire dédaigneux.
- Humaine, lut-elle sur ses lèvres plus qu'elle ne l'entendit.
Le temps sembla suspendu. Il était en face d'elle, hautain. Il ne devait pas être beaucoup plus âgé qu'elle mais dégageait pourtant une telle assurance. En l'observant, Ellynn ne voyait aucune arme sur lui. Mais elle n'était pas stupide. Cela ne signifiait pas pour autant qu'il n'était pas armé.
- Qui êtes-vous ? lui demanda Ellynn, avec une voix qui se voulait ferme et assurée mais qui sonna tout le contraire dès que les mots franchirent ses lèvres.
Il reprit son sourire moqueur.
- Et vous ? lui répondit-il avec un hochement du menton dans sa direction. Qui êtes-vous ?
Il avait prononcé cette phrase avec une si belle voix qu'elle en fut déroutée. Elle ne collait pas du tout avec son attitude arrogante.
- Alors ? lui redemanda-t-il, n'entendant aucune réponse venant de sa part. Qui êtes-vous ?
- Olive, répondit Ellynn après un moment d'hésitation. Et vous ?
- Olive, répéta-t-il amusé. Olive... Olive comment ?
- Qu'est-ce que cela peut vous faire ?!
Son sourire s'élargit encore plus, l'irritant au plus haut point.
- Olive... ? l'encouragea-t-il comme s'il parlait à une enfant perdue dans les montagnes.
- Olive Berger! Voilà ! Vous êtes content ?! dit-elle énervée. Maintenant, qui êtes-vous ?
- Berger ? Ah, feint-il d'être ennuyé. Berger ? répéta-t-il encore une fois comme s'il avait mal entendu.
- Oui Berger ! Qu'est-ce que ça peut vous faire ?
Il alla dans sa chemise et en retira un papier qu'il déroula devant ses yeux. Il fit mine de le parcourir puis le retourna et le mit à la hauteur de ses yeux pour qu'elle puisse bien voir ce qu'il venait de lire. Ellynn reconnut aussitôt l'avis de recherche et son cœur se mit à battre frénétiquement. Elle fit de son mieux pour ne rien laisser transparaître et continua à observer l'étranger en face d'elle.
- Embêtant, dit-il d'une voix faussement penaude. Deux milles francs par – il retourna le papier pour avoir confirmation – tête ? Ou je me trompe peut-être.
Il se replongea encore une fois dans l'affiche, absorbé par ce qu'il lisait, comme si c'était une information vitale pour son existence.
- Qu'est-ce que vous voulez ? siffla Ellynn agressivement.
- Je ne sais pas. Ça dépend de tellement de choses... C'est vous ? l'interrogea-t-il en lui montrant du doigt son visage grossièrement dessiné, comme si son opinion l'intéressait réellement. Dame Camille Nile ou Ellynn Morgan ? Franchement, continua-t-il son monologue comme si c'était un sujet passionnant, si on me demandait mon opinion, j'opterais plus pour mademoiselle Morgan car vous n'avez rien d'une dame. Sans offense, bien sûr ! Ou alors... Vous êtes Dame Camille Nile ?
Il s'arrêta à cette possibilité, semblant profondément réfléchir au dilemme qu'il avait devant lui.
- Ou pire : vous ressemblez étrangement à ce dessin alors que vous n'êtes aucune de ces personnes. Quel dommage... Dans les ennuis sans même le mériter. Quel monde cruel... Mais suis-je bête ?! Après tout, vous êtes la principale intéressée. Qu'en dites-vous ?
Ellynn avait l'impression d'avoir affaire à un fou. Cela ne pouvait pas être Salomon car Irène lui avait dit que c'était un vieillard. Mais à voir cet homme se comporter de la sorte, elle ne put s'empêcher de poser bêtement la question :
- Salomon ?
L'individu la regarda avec pitié, comme si elle était complètement cinglée.
- Ils ont oublié de mentionner que vous étiez déséquilibrée dans l'avis de recherche. Ou alors j'ai mal lu, dit-il apparemment ennuyé en relisant l'affiche pour la énième fois.
- Je ne suis pas folle ! Je ne suis ni cette Morgan ni cette Dame Camille Nile ! Je suis Olive Berger ! BER-GER, épela-t-elle irritée, pas Morgan. Berger ! Comme un berger qui tient un troupeau de moutons ! C'est si dur à comprendre ?
À voir son expression sur son visage, il était clairement réjoui qu'elle s'emporte, n'hésitant pas à rigoler de manière arrogante devant son nez.
- Fichez-moi la paix ! le prévint Ellynn.
Ellynn commença à reculer en gardant son arme levée bien devant elle pour tenter de le dissuader de la suivre. Elle voulait retourner à la clairière et quitter l'orée des bois pour que Gladius puisse la voir et lui venir en aide si nécessaire. Depuis le début de leur « conversation », elle évaluait le danger que cet homme représentait pour elle et il était indéniablement rapide car elle ne l'avait pas vu arriver devant elle. Donc, s'il savait également manier l'épée, Gladius ne serait pas de trop pour l'aider à s'échapper.
- Vous comptez vous encourir ? lui demanda l'inconnu amusé, comme s'il lisait dans ses pensées.
- Vous comptez m'en empêcher ? lui répliqua-t-elle du tac-au-tac.
Pour la première fois, il émit un rire sincère.
- Pour tout vous avouer, je n'en sais trop rien.
- Je ne vous le conseille pas ! le menaça Ellynn.
Il pencha légèrement sa tête, sa capuche tombant mollement sur ses épaules, comme s'il jaugeait sa menace. Puis, au grand damne d'Ellynn, il décida d'avancer vers elle.
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Oops... il décide d'avancer... que va-t-il se passer selon vous???? :)))) Vous aimez toujours??? :)