Les Suprêmes, L'académie (Pub...

By wylene_g

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Version papier publiée dans toutes les bibliothèques le 19/01/22 Version numérique disponible sur toutes les... More

Note de l'auteur
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
EMPLOI DU TEMPS
3 MARS 2021
JOUR-J PUBLICATION TOME 1
FAQ
DANS TOUTES VOS BIBLIOTHEQUES!!!

Chapitre 5

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By wylene_g

Déjà au bord de la crise de nerfs depuis hier soir, je suis à présent complètement dépitée en étudiant pour la énième fois l'emploi du temps que j'ai reçu ce matin. Je ne sais pas ce qu'englobe leur « apprentissage grade 1 », mais voir ces mots notés à cinq reprises sur la feuille que je tiens entre mes mains ne m'enchante pas vraiment. Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours aimé l'école et apprendre de nouvelles choses, mes carnets de notes le prouvent, mais alors que les cours démarrent dans deux jours, je n'ai ni l'envie ni la force d'y participer. Je ne pense qu'à une seule et unique chose, m'enfuir d'ici au plus vite. De plus, les élèves sont louches. Je ne dis pas cela parce qu'ils me détestent. Ils sont vraiment étranges. Ma grand-mère a tort. Je ne fais pas partie de cette communauté. C'est impossible pour la simple et bonne raison que je ne possède pas de dons. Et je n'ai d'ailleurs aucune envie d'en avoir, je me porte très bien comme cela.

Une sensation désagréable s'installe au creux de ma poitrine alors que la nuit pointe le bout de son nez. Je suis cloîtrée dans ma chambre depuis la veille, isolée, sans personne à qui parler. Certes, je n'ai pas encore eu l'occasion de me trouver des amis, mais cette situation me fait tout de même mal, je n'ai pas l'habitude que l'on me rejette.

Heureusement, demain est un autre jour. Un dimanche, plus précisément. Les appels seront alors autorisés, je pourrai enfin contacter ma grand-mère pour qu'elle vienne me chercher. Cette réflexion suffit à me ressaisir. À vrai dire, j'ai déjà préparé mon discours et je compte bien la faire céder. Je la persuaderai de tous les moyens possibles. Hors de question de rester dans cette académie...

Lorsque mes paupières deviennent trop lourdes pour me tenir éveillée, je m'enfouis sous ma couette, ignorant les remontrances de mon estomac qui me maudit de ne pas être descendue manger de la journée.

Contrairement à mes trois derniers réveils, l'alarme qui me brise d'ordinaire les tympans ne me pose pas de problème alors que j'ouvre lentement les yeux. Je me souviens de l'effet horrible qu'elle m'avait procuré la première fois dans le rêve d'Hugo. Peut-être m'y suis-je habituée, ou peut-être que mon humeur est simplement meilleure. Sachant ce qui m'attend aujourd'hui, j'opte pour la seconde hypothèse. Non seulement je vais pouvoir parler à ma grand-mère, mais je me vois également retrouver ma petite et paisible Normandie dans les prochains jours.

Tout en souriant j'attrape quelques affaires et rejoins les douches. Constater que je suis la seule dans le couloir me réjouit d'autant plus. Une bonne journée s'annonce, je le sens, j'en suis certaine. Je ne m'éternise pas sous le jet d'eau chaude et, une fois propre, je me dirige vers la cafétéria, espérant que là aussi, je serai la première présente. En poussant les portes battantes, je suis déçue de constater qu'une dizaine de lève-tôt sont déjà attablées, mais je ne leur jette pas un seul coup d'œil, bien décidée à ne pas me départir de ma joie.

Croissant, pain au chocolat, céréales, yaourt... après avoir fait la grève de la faim hier, je pourrais avaler un bœuf. Assise à une table du seul coin vide, je dévore mon petit déjeuner sans me soucier des messes basses. Pas besoin d'être devin pour en connaître le sujet. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde tient tant à séparer les grades pour manger. C'est idiot. Hugo n'est pas là, les places sont vides, j'estime ne gêner personne en m'installant ici.

Comme s'il venait d'être alerté de ma présence dans son coin, Hugo entre dans le réfectoire et pose son regard dans ma direction. Instantanément, je baisse la tête sur mon plateau pour ne pas avoir affaire à lui. Je le déteste. Thomas avait raison, ce type est imbu de lui-même. Il est hautain et se prend vraiment pour la star de l'académie. Il n'a pas cherché à me comprendre lorsque j'ai été agressée, en revanche, il m'a dévisagée comme si j'étais une menteuse. Imbécile !

Si tu veux m'insulter, viens le faire en face !

Sa voix dans ma tête n'est absolument pas comme lors de ses précédentes intrusions. Son accent est bien présent, mais le ton n'est pas le même. Il est dur et menaçant. Cette histoire de pensées va finir par me mettre dans le pétrin si cela continue. Mais comment suis-je censée stopper ce bazar ? Comme la plupart des gens normaux, je suis dans l'incapacité d'arrêter de penser.

Lorsqu'il passe devant moi pour s'asseoir, Hugo m'offre le regard le plus meurtrier de la terre et mon ventre se tord encore un peu plus. Tout le monde me déteste, et si je continue à provoquer les gens, j'ai bien peur de finir en ragoût avant même d'avoir pu téléphoner à ma grand-mère. Je décide finalement de lui dire quelque chose. Mais au lieu de me retourner pour lui parler, je me contente de le penser.

Désolée je ne voulais pas t'insulter, je suis juste à cran parce que...

On s'en fout de ta vie ! m'interrompt une inconnue.

En tournant la tête de gauche à droite, je cherche la fille qui vient de communiquer avec moi, mais comme tout le monde me dévisage, je suis incapable de savoir de qui il s'agit.

Tu partages tes pensées avec tous, me répond finalement Hugo, d'un ton presque bienveillant.

Mais... pourquoi ? Ce n'est pas ton cas ?

Non, je ne les partage qu'avec toi.

Décidément, je n'y comprends rien. Si c'est vrai, cela veut dire qu'ils croient tous que je parle toute seule ou que je pense toute seule. Une nouvelle fois, je ne peux empêcher mon esprit de se poser des questions, ce qui a l'air d'amuser Hugo. Son rire résonne dans ma tête. Des élèves se mettent eux aussi à se payer ma poire. Relevant de nouveau les yeux de mon bol de céréales, je n'hésite pas à les foudroyer du regard, espérant les faire taire ou même trouver un peu de compassion. J'ai l'impression d'être dans une pièce de théâtre et de jouer le personnage principal.

Je ne suis pas folle, je parle avec Hugo, tenté-je de me justifier comme je peux.

C'est faux, je n'ai rien à voir là-dedans ! Ne prends pas tes rêves pour une réalité.

Cette fois-ci, les paroles d'Hugo ne me sont pas directement adressées, elles s'élèvent dans tout le réfectoire. Je comprends immédiatement qu'il a partagé cette pensée avec tout le monde quand, une fois de plus, ils explosent de rire. Comment ose-t-il être aussi mauvais ? Énervée, je me tourne vers lui, les yeux remplis de haine, mais il ne daigne même pas m'adresser un regard.

Les nerfs à vif, je me lève sans même ramasser mon plateau et me précipite vers la sortie de la cantine. Il faut que je contacte ma grand-mère !

— Les appels, ce n'est pas avant treize heures, me lance un garçon à ma droite en ricanant.

Cette fois-ci, c'en est trop. Comme une hystérique, je cours sans m'arrêter vers le seul endroit où je suis en sécurité. Je grimpe les marches deux par deux, et ce n'est que lorsque je suis enfermée dans ma chambre que je respire enfin. Ces gens sont fous ! Je les déteste !

À peine deux minutes se sont écoulées que quelqu'un frappe à ma porte. Je fais mine de ne pas être là en restant immobile, mais après plusieurs essais, une voix me parvient.

— C'est Thomas, ouvre s'il te plaît.

J'hésite un instant. Mais puisqu'il est l'unique personne à avoir été sympathique avec moi, je m'avance finalement vers la porte.

— Rouquine, pourquoi tu pleures ?

D'un geste rapide, je chasse les larmes de mes joues. Je ne les avais même pas remarquées. Je ne sais pas si elles sont de tristesse, d'énervement ou un mélange des deux. Dans tous les cas, cela m'agace. Je ne suis pas de celles qui pleurnichent pour un rien.

— Je t'ai vue courir, ça ne va pas ?

— Il faut que je parte !

Sans me demander mon avis, il entre dans ma chambre et ferme la porte. Je ne l'arrête pas, parce que j'ai besoin de parler et c'est la seule personne qui accepte de m'écouter.

— Pour aller où ? m'interroge-t-il en s'asseyant sur mon lit.

— Je... je ne suis pas comme vous. Ma place n'est pas ici.

Thomas ne répond pas. Il réfléchit un long moment sans prononcer un mot. Et contrairement aux miennes, ses pensées restent secrètes.

— À quoi tu penses ?

— Je me disais que... c'est vrai que tu n'es pas comme nous, mais il doit bien y avoir une raison pour que tu sois ici ?

— Je ne sais pas. Ma grand-mère est une suprême, elle m'a assuré que je l'étais aussi, mais c'est faux. Je n'ai pas de marque. Je ne sais pas bloquer mon esprit et je n'ai pas de dons particuliers.

Une nouvelle fois, Thomas reste muet. Il a l'air d'être d'accord avec moi, mais je suppose qu'il n'a pas de solution à mon problème.

— Thomas, je t'assure qu'il faut que je parte d'ici avant de devenir complètement folle !

— Et comment tu comptes t'y prendre ?

— Je ne sais pas, mais il faut que je parle à ma grand-mère, c'est la seule qui peut me sortir de là. Où est-ce que je peux essayer de l'appeler ?

— Les cabines ouvrent à treize heures, il faut attendre.

— Les cabines ? Mais on ne me rendra pas mon téléphone ?

— Non, pas de téléphone.

Je pensais que le dimanche on pouvait...

— Non, c'était avant. Depuis deux ans, on a simplement le droit aux cabines le dimanche, de treize à dix-neuf heures, et pas plus de vingt minutes par personne.

— C'est quoi cette école, une prison ? Et je t'interdis de lire dans ma tête !

— Arrête de penser tout haut ! s'amuse-t-il.

Nous passons le reste de la matinée à discuter. En plus d'être craquant, Thomas est également adorable. Il parvient à calmer mes craintes en m'assurant que ma situation va s'arranger. Il en est même plus persuadé que moi. Nous parlons essentiellement de moi, il me questionne sur ma vie et cela me fait du bien. Pour autant, notre discussion ne réussit pas à me faire perdre de vue mon objectif du jour. À treize heures, je bondis hors de mon lit.

— Loin de moi l'envie de te fausser compagnie, mais c'est l'heure. Tu peux me dire où sont les cabines ?

— Oui, je t'accompagne !

Dans le hall d'entrée, nous empruntons le couloir de droite que je n'ai pas eu l'occasion de prendre auparavant. C'est ici que logent les professeurs, mais aussi que se trouvent le bureau de la directrice et l'infirmerie, si je me souviens bien. Thomas me conduit immédiatement à l'intérieur d'une pièce de taille moyenne. De nombreux combinés téléphoniques, alignés et accrochés le long des murs, attendent les élèves. Quelques-uns sont déjà en pleine communication, mais j'en trouve facilement un de libre.

— Avant de composer le numéro, tu dois faire glisser ton pass sur la fente de droite, m'informe Thomas.

— D'accord, merci !

Je me remémore un souvenir de mon enfance où ma grand-mère me faisait répéter le numéro de notre domicile jusqu'à ce que je l'apprenne par cœur au cas où. Je garde en tête sa façon de me lancer ce défi comme un jeu, alors je chantonnais les dix chiffres en sautillant à travers la maison, trouvant cela plus amusant qu'autre chose. Par la suite, j'ai reçu mon premier portable et ne pensais pas que cela me servirait... jusqu'à ce jour.

— Allô, répond-elle d'une voix douce.

Ma gorge se noue tant mes émotions s'entremêlent : la joie de l'entendre, mais également la douleur de son absence. Cela peut paraître exagéré de ressentir un tel manque après seulement quelques jours, mais ces journées sans elle, sans pouvoir lui parler, m'ont fait comprendre ce qu'elle représente pour moi. Elle reste essentielle à ma vie, à mon bien-être.

— Mamie !

— Pecas, comme je suis heureuse de t'entendre.

— Moi aussi, tu n'imagines pas à quel point !

— La maison est bien trop calme sans toi, tu me manques tellement.

L'imaginer esseulée me fend un peu plus le cœur. Je la vois assise sur notre sofa avec la télévision comme unique compagnie. Cette image ne fait que me conforter dans mon choix de rentrer.

— Je ressens la même chose, je ne sais pas comment on a pu accepter de rester séparées sans aucun moyen de communication.

Un blanc s'immisce entre nous un petit moment.

— Mamie ?

— Pecas, tu ne peux pas rentrer. Crois en toi et tout ira bien.

— Quoi, toi aussi tu peux lire dans mes pensées ?

Je n'ai encore rien dit, comment peut-elle deviner mes intentions à l'autre bout de la France ?

— Non, pas du tout. Je te connais, c'est tout.

— Mamie, je t'en prie, tu dois venir me chercher !

Je l'entends rire de ma détresse, et cela m'irrite.

— Ce n'est pas une blague, je n'ai rien à faire ici !

— Calme-toi, ma puce, et dis-moi ce qu'il se passe.

Par où commencer ? Je n'aurais pas suffisamment de temps pour lui énumérer le quart de mes craintes.

— Je ne suis pas comme toi, mamie, ni comme eux. Ce n'est pas ma place et tout le monde ici pense comme moi.

— Aie confiance en moi, tu es à ta place. Et puis, ce...

— Je n'ai même pas cette foutue marque ! la coupé-je.

— Sois patiente, tu apprendras. Je ne t'aurais pas envoyée là-bas sans être certaine de tes capacités.

J'utilise le reste de mon temps imparti à la supplier de venir me chercher, ne trouvant pas d'autres arguments. Elle ne cède pas.

— Mon ange, faisons un marché...

Voyant qu'elle n'abandonnera pas quoi que je fasse, je me résigne :

— Quel genre de deal ?

— Les cours reprennent demain, n'est-ce pas ?

— Oui.

— Dimanche prochain, si tes dons ne se sont pas manifestés, je te promets de réfléchir à ta demande.

— Réfléchir seulement ? Mais je n'ai pas de dons, c'est sûr et certain.

— Rappelle-moi dans une semaine, d'accord ?

Ai-je réellement le choix ?

— Très bien, consens-je à contrecœur. Je dois te laisser, ces tortionnaires nous offrent uniquement vingt minutes.

Que je le veuille ou non, je vais devoir passer sept jours de plus dans cet enfer.

— Crois en toi et n'oublie pas que je t'aime fort, ma Pecas.

— Je t'aime aussi.

Sur ces mots, je raccroche. Je ne sais pas si je suis énervée contre ma grand-mère ou si je dois lui faire confiance, mais une chose est sûre, elle se trompe carrément.

Thomas se rapproche de moi. Je n'ai pas envie de parler, mais je ne le repousse pas, il a été super avec moi aujourd'hui. Il lève un sourcil interrogateur comme pour me dire « alors ? »

— Échec... elle a refusé.

— Allez rouquine, ça va être cool ! tente-t-il de me rassurer en glissant son bras autour de mes épaules.

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