Pétales de Rose et rameau d'O...

By Susi-Petruchka

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« Jamais Rose Phorbe-Nascorie n'avait connu situation plus insolite que celle dans laquelle elle se retrouva... More

I. Damoiselle Rose, sur un muret perchée
II. Damoiselle Rose, au bal égarée
III. Damoiselle Rose, en un saule incarnée
IV. Damoiselle Rose, en pirogue embarquée
V. Damoiselle Rose, par les remous malmenée
VI. Damoiselle Rose, dans les combles réfugiée
VII. Damoiselle Rose, dans des plans très foireux impliquée
VIII. Damoiselle Rose, plusieurs fois abusée
IX. Damoiselle Rose, par la chaleur incommodée
X. Damoiselle Rose, en territoire ennemi infiltrée
XI. Damoiselle Rose, abondamment frustrée
XII. Damoiselle Rose, en un duel engagée
XIII. Damoiselle Rose, par la vérité assomée
XIV. Damoiselle Rose, à la franchise résignée
XV. Damoiselle Rose, en contre-attaque avancée
XVI. Damoiselle Rose, b(a)isouillant dans les bois
XVII. Damoiselle Rose, par la réalité - et le manque de sommeil - rattrapée
XVIII. Damoiselle Rose, à de très légers problèmes relationnels confrontée
XIX. Damoiselle Rose, en un si sacré sanctuaire emmenée
XX. Damoiselle Rose, à bien des périls exposée
XXI. Damoiselle Rose, par les événements dépassée
XXII. Damoiselle Rose, entre des feux croisés piégée
XXIII. Damoiselle Rose, par de menus détails intriguée
XXV. Damoiselle Rose, sacrifiée
Épilogue : Juste Rose

XXIV. Damoiselle Rose, par une licorne secourue

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By Susi-Petruchka

Rose courrait à en perdre haleine, serpentant entre les arbres et les plantes pour s'en retourner auprès du village indien au plus vite. Elle avait beau être essoufflée et affolée, son esprit fonctionnait à plein régime, la laissant sous le coup d'une terrible lucidité. Les agissements de Gaïa lui apparaissaient enfin en pleine lumière, et ils la terrifiaient.

Ainsi donc, l'esprit de l'Île avait jeté son dévolu sur Donatien de Tantale bien des années auparavant. L'industriel devait devenir le moteur de sa quête, l'élément clé qui lui permettrait enfin de réaliser son impossible vœu : mourir. Elle avait tout orchestré. Échangé le propre fils de Donatien de Tantale contre un nouveau-né hybride, toute jeune pousse d'Olivier, afin de s'assurer d'avoir toujours un espion de choix, une marionnette aux fils bien tendus à proximité de son instrument. Peut-être s'était-elle même débarrassée de l'épouse de Monsieur de Tantale, de sorte qu'elle ne puisse jamais dévoiler le subterfuge. Après tout, une mère sent ce genre de choses... Sans doute avait-elle ensuite posé sur Olivier les mêmes sortilèges que sur Valerian, afin de déguiser l'un en humain et l'autre en esprit des plantes. Puis elle avait laissé faire le temps, laissé les menaces extérieures s'amplifier, avant d'approcher à nouveau Donatien de Tantale, sous la forme de Janvier cette fois. Ainsi, elle avait implanté l'idée de la mine à ciel ouvert dans ses pensées, l'avait convaincu qu'il s'agissait de la meilleure – de la seule – solution pour préserver l'indépendance politique de l'Île. Sans doute Olivier avait-il joué un rôle dans cette partie-là du plan, mais Rose ne se trouvait pas en mesure de l'appréhender pour l'instant.

Des souvenirs lui revenaient en mémoire, terrifiants. Elle se souvenait de ce fameux soir, la veille du bal ; Gaïa, au dîner, avait évoqué l'événement et suggéré l'idée d'un sabotage dans l'esprit d'Edelweiss. Encore une manipulation. Sans doute quelques mots glissés à l'intention de Chardon l'avaient-ils convaincue d'entraîner Rose avec elle pour l'opération de sauvetage plutôt désastreuse qui s'en était suivie. Et puis la jolie rouquine avait fait la rencontre d'Olivier... grâce ou à cause des ennuis que lui causait Janvier – que lui causait Gaïa. Terra mater, tout s'emboîtait si parfaitement que c'en devenait un sublime vertige.

Et ce n'était pas tout : Olivier s'était retrouvé engagé dans la mission licorne. Pire encore, l'intégralité du sauvetage du sanctuaire reposait désormais sur ses épaules, sur le fait qu'il s'en irait parler à son père et le convaincrait de tout abandonner, puisque le conseil des indiens, confiant, avait finalement pris la décision de ne rien tenter d'autre – si on omettait les fameux pièges qu'entendaient poser Edel et Aguaje de leur côté. Seulement, qu'arriverait-il lorsque viendraient les bulldozers ? Olivier semblait prisonnier de l'emprise de Gaïa. Rose s'en voulait terriblement de douter de lui de la sorte, mais chaque pas la confortait dans son pressentiment : il retournerait sa veste au dernier moment, marionnette manipulée.

Elle l'avait abandonné dans la forêt, incapable de le tirer de sa transe. Cela lui avait coûté, évidemment ; elle savait le jeune homme en danger, ainsi exposé à l'emprise de Gaïa. Mais lors de leur départ du manoir, Rose avait effectué un premier choix : celui de ne pas avertir sa mère des dangers qui planaient sur l'Île, et ainsi d'exposer Aubépine et Capucine, ses innocentes cadettes, aux terribles conséquences qui risquaient de s'ensuivre. Par conséquent, la rouquine devenait complice, responsable. Le sauvetage de l'Île passait avant la sécurité d'Olivier – malheureusement.

Elle s'arrêta un instant, croyant s'être égarée, et jeta un regard circulaire autour d'elle. Peine perdue : il n'y avait là que de la verdure, rien pour lui indiquer son chemin. En désespoir de cause, elle récupéra la chevalière au rubis qui pendait à son cou et décacheta la pierre. Cela lui permit de récupérer la petite épine de rose qu'elle y tenait dissimulée, avec laquelle elle se piqua le pouce, comme de coutume. La douleur lui arracha une inspiration saccadée, mais elle ne perdit pas son calme pour autant, et d'un geste décidé, posa le doigt duquel perlait la sève sur l'humus gras du sol.

Cela lui coupa instantanément le souffle, l'arrachant à son corps pour la disperser aux quatre coins de la forêt, là où s'étendait chaque racine, chaque cellule de plante vivante. Les esprits des plantes n'étaient pas censés être capables de tels prodiges en général, ne pouvant s'incarner que dans les essences dont ils descendaient directement, en plus de la leur, mais la proximité du sanctuaire changeait les règles. Plus que jamais, Rose était liée à Gaïa, et même si cela la répugnait, elle comptait s'en servir malgré tout.

« Terra mater ! »

Intérieurement, Rose ne put s'empêcher de lâcher ces deux mots, qui avaient presque pris le sens d'insulte dans son esprit désormais. Désincarnée comme elle l'était, elle avait un œil sur tout, une présence partout. Elle distinguait à présent le village indien, quelque cinq cent mètres plus au sud, et le troupeau de licornes du bayou qui broutait des algues à quelques encablures de là. Elle sentait Edelweiss et Aguaje, plus à l'est, occupés à creuser une tranchée ou à mettre en œuvre quelque autre plan de bataille. Elle ne percevait plus Olivier, en revanche, comme si Gaïa s'était décidée à le maintenir hors de sa portée. Mais elle voyait surtout autre chose, de plus énorme, de plus terrible : roulant à vive allure, écrasant les plantes et déracinant les arbres, une dizaine de bulldozers étaient en chemin. Ils se dirigeaient tout droit sur le sanctuaire, comme une inéluctable machine de guerre qui broyait et détruisait tout sur son passage.

Le choc fut tel que Rose fut immédiatement réintégrée à son corps. Il lui sembla entrevoir les prunelles si vertes et si froides de Gaïa juste avant d'ouvrir les siennes, mais elle fut finalement forcée de réaliser qu'elle se trouvait toujours seule et perdue – enfin, un peu moins perdue qu'avant – au cœur de la forêt vierge.

– Qu'est-ce que...

Rose avait du mal à respirer et ses membres lui semblaient lourds, plus lourds que jamais. Cela était à mettre sur le compte de son incarnation au cœur de la forêt autant que des chocs à répétition qu'elle subissait depuis une demi-heure. Elle ramena son poing contre son cœur, comme pour calmer les battements affolés, puis, enfin extirpée de la bulle de calme et de sang-froid qui l'avait préservée jusque-là, elle sentit la panique refluer dans ses veines. Que devait-elle faire ? Que devait-elle faire ? Pouvait-elle seulement envisager quoi que ce soit ? Que représentait une fragile petite Rose au cœur de la bataille ?

Une aide inattendue vint cependant la trouver, lui remettant du baume au cœur : une licorne du bayou, étincelante dans sa robe d'écaille, la fit remuer du bout des naseaux. Comment la créature s'était extirpée de la rivière et pourquoi elle s'en était venue à sa rencontre, Rose n'en savait rien. Mais elle accepta la marque de gentillesse, et fit un effort pour remuer ses jambes de plomb. Ainsi parvint-elle à se hisser sur l'encolure de la licorne, qui prit naturellement la direction du village indien, doucement d'abord, puis au rythme d'un étrange galop du bout de ses sabots palmés.

Le village indien apparut rapidement entre les branchages, et Rose sentit un soulagement intense la saisir. Elle devait les prévenir du danger imminent qui pesait sur le sanctuaire et sur leurs vies à tous. L'espoir qui serrait le cœur de la jeune femme vola toutefois rapidement en éclat : le village était désert. Personne, pas âme qui vive. La barrique d'alcool débouchée plus tôt trônait toujours sur la place du village, à moitié vide. Tout semblait indiquer que les indiens s'étaient enfuis dans la précipitation. Mais pour aller où ?

– Rose ?

La voix de Valerian ramena la jeune femme à la réalité. Elle tourna la tête pour le voir s'extirper de leur hutte, peinant à se déplacer et grimaçant à chaque pas. Elle sauta en bas du dos de la licorne du bayou pour aller à sa rencontre, et passa un bras sous le sien pour l'aider à se tenir debout.

– Val ! soupira-t-elle. Tu sais où sont allés les autres ? Les bulldozers ! Il y a des bulldozers qui foncent sur le sanctuaire en ce moment même ! Il faut les prévenir ! Olivier...

Elle s'interrompit soudain, à bout de souffle, se souvenant de sa récente découverte. Le moment était sans doute mal choisi pour annoncer à Valerian qu'il était en réalité le fils de leur ennemi, que toute sa vie n'incarnait qu'un mensonge de plus. Elle choisit donc de garder ces révélations-là pour plus tard, quand tout se serait calmé, et chercha quoi ajouter.

– Où étais-tu passée ? la sermonna alors Valerian. Tu as disparu pendant trois heures au moins, et Olivier n'a pas su dire par où tu étais partie quand il est revenu ! Et comment sais-tu que les bulldozers sont en approche ? Tu les as vus ? Rose ?

La jeune femme fronça les sourcils, peinant à assimiler l'une des informations que venait de lui livrer son ami.

– Comment ça... trois heures ? Olivier et moi ne nous sommes absentés qu'une petite demi-heure... et puis je l'ai laissé... et je suis revenue directement ici. Ça doit faire moins d'une heure au total ! Et Olivier... mais... il ne peut pas être revenu. Il était...

Cette fois, les rouages dans le cerveau de Rose tournaient véritablement à plein régime. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait plus. La luminosité avait effectivement changé, sur les rives du fleuve ; le soleil semblait avoir dépassé son zénith, entamant sa lente descente sur le fil de l'horizon. Il manquait au moins deux heures à l'emploi du temps de Rose. Olivier l'avait visiblement devancée et il devait s'être tiré de sa transe. Qu'est-ce que... ?

– Oh !

La rouquine laissa échapper une exclamation choquée, tout en se frappant le front du plat de la main. Et si... Et si le moment où elle s'était incarnée en la forêt vierge avait duré plus longtemps qu'elle ne le croyait alors ? L'expérience était nouvelle pour elle ; elle n'en connaissait après tout pas les conséquences. Et si, au lieu de ces quelques secondes qu'il lui semblait avoir vécu, elle était restée hors de son corps durant de longues minutes ? Durant des heures. Deux heures.

– D'accord, maugréa-t-elle, consciente qu'il lui fallait désormais agir vite. Je suis restée absente durant trois heures au total. Olivier est revenu. Je t'expliquerai, Val, mais pas maintenant. Il faut vraiment que l'on retrouve les autres, et que l'on arrête ces bulldozers !

Elle le tira par le bras pour l'entraîner vers la licorne du bayou, qui s'agenouilla pour laisser les deux jeunes gens monter sur son dos. Rose lui flatta l'encolure, reconnaissante.

– Les indiens sont justement partis à la rencontre des bulldozers ! lui apprit alors Valerian. On ne les attendait pas de sitôt, et ça a été une sacrée scène de panique. Mais Olivier est revenu et a rassuré tout le monde. Tout va se dérouler comme prévu, non ? Il va parler à son père, et le sanctuaire sera sauvé. Si tu savais comme j'ai hâte de retrouver mon lit et de...

– Val ! l'interrompit brusquement Rose, usant de sa voix la plus sérieuse, celle qu'elle réservait aux pires bêtises d'Edelweiss, aux cours de mathématiques et aux soirées marshmallows. Tout ne va pas s'arranger. Je sais que tu vas avoir de la peine à me croire, mais... nous devons absolument arrêter Olivier avant qu'il ne soit trop tard.

Dans son dos, elle entendit Valerian répliquer par des jurons et des interrogations, mais n'eut pas le loisir d'y répondre : la licorne s'élança au triple galop, avançant à une vitesse telle que les arbres ne devenaient plus qu'une large traînée verte et que le vent fouettait le visage des deux jeunes gens avec la puissance d'un ouragan furieux.

Des cliquetis métalliques vinrent bientôt s'ajouter aux bruissements de la forêt, et avec eux, les ronronnements nauséabonds de puissants moteurs. La licorne stoppa sa course net, au cœur d'une vaste clairière. Sur la gauche, les indiens se tenaient en masse compacte, comme si leurs corps maigres avaient pu constituer une barrière capable de protéger le sanctuaire et d'interrompre l'avancée des bulldozers. Chardon, Edelweiss et Aguaje étaient du nombre. Sur la droite, les monstres de métal se dressaient sur leurs énormes roues, aussi grandes qu'un homme adulte. Ils brandissaient leurs immenses pelleteuses et leurs broyeurs comme des armes meurtrières. Les moteurs avaient cependant été arrêtés, et les machines ne ressemblaient plus qu'à de terribles géants figés en pleine action. L'odeur du carburant flottait dans l'air, infiltrant les poumons. Rose sentit une implacable nausée la saisir. Elle repéra Monsieur de Tantale parmi les hommes qui quittaient les habitacles des bulldozers pour s'avancer vers les indiens, sans doute dans l'optique de les raisonner – ou de les menacer. L'arrivée impromptue de la licorne du bayou les fit cependant hésiter, et ils observèrent la créature un moment durant, intimidés. Ce fut le moment que choisit Olivier pour se dégager du groupe formé par les indiens et s'avancer à la rencontre de son père.

– Oh non, retenez-le... murmura Rose, catastrophée. Que quelqu'un le retienne. Aguaje...

Mais personne n'esquissa le moindre geste hostile en direction du jeune homme. De toute manière, il était trop tard : Donatien de Tantale avait déjà repéré son fils, et terra mater savait comment il réagirait si on s'en prenait à lui sous ses yeux. La jeune femme se résolut donc à n'incarner que le témoin muet de ce qui suivrait. En son for intérieur, elle tremblait de peur et de frustration, et seule la présence rassurante de Valerian dans son dos l'empêchait de fondre en larme sur place. Son regard croisa celui d'Olivier tandis qu'il passait à sa hauteur, mais elle n'y vit nulle tendresse, pas la moindre trace de leur amour. Elle comprit que le jeune homme agissait purement et simplement sous la férule de Gaïa, qui par son emprise écrasait sa véritable personnalité.

– Olivier ! s'exclama Donatien de Tantale lorsque son fils parvint enfin vers lui.

Il y avait un soulagement palpable dans sa voix, et Rose se rappela que son fils avait après tout disparu sans prévenir après une visite chez une jeune femme qu'il connaissait à peine, et ce en lui envoyant une simple lettre d'explication, sans doute peu détaillée. Il y avait effectivement de quoi se ronger les sangs.

– Que fais-tu ici, parmi ces gens ? Je ne comprends pas ce qui a pu motiver ton départ... Tu...

– Ils m'ont forcé à venir, Père, répliqua calmement Olivier. Enlevé. Ils voulaient me faire voir ce que ton projet de mine allait détruire, et s'imaginaient qu'ils pourraient se servir de moi contre toi de la sorte.

Il esquissa une grimace désabusée et se rangea aux côtés de son père, qui releva un regard dur, glacial, sur les indiens qui lui faisaient face. S'il avait été d'humeur à négocier quelques instants plus tôt, toute clémence l'avait définitivement quitté. Que l'on puisse songer à l'atteindre en passant par son fils unique le révulsait, et c'était visiblement un mensonge qu'il ne pardonnerait pas. De l'autre côté de la clairière, les indiens observaient sans comprendre. Ils dardaient sur Rose des regards trahis, humiliés. Après tout, c'était elle qui avait juré que le jeune homme les aiderait, qu'il ne se rangerait de leur côté. Et voilà qu'au moment le plus crucial, il les trahissait de la pire des manières. Rose sentit à nouveau des larmes lui brûler les yeux, dépitée.

– Monsieur de Tantale, ce n'est pas ce qu'il s'est passé, lança-t-elle d'une voix faible.

L'industriel lui accorda à peine une œillade, s'apprêtant à s'en retourner dans l'habitacle de l'un de ses précieux bulldozers.

– Ce n'est pas la vérité ! reprit Rose, d'une voix plus forte cette fois.

Elle puisait dans ses réserves, tout au fond d'elle-même. Elle savait que la sauvegarde du sanctuaire et de l'Île tout entière dépendait entièrement de sa prestation désormais. Et elle entendait bien faire forte impression.

Donatien de Tantale s'arrêta cette fois, pour lancer un regard curieux vers cette jeune femme à la chevelure enflammée, montée sur une licorne majestueuse aux écailles arc-en-ciel. Rose maintint son regard rivé à celui de l'industriel, espérant de tout cœur que celui-ci saurait percevoir la vérité en elle. Elle crut même y être parvenue lorsqu'elle vit le père d'Olivier tourner un regard empli d'incompréhension en direction de son fils, puis jauger les bulldozers. Et quand enfin il daigna réorienter son attention sur l'amazone à la crinière rousse, il semblait avoir pris une décision – celle d'écouter les arguments avancés par les indiens, espéra vivement son opposante.

– Vous devriez vous complaire dans la honte, Rose. Vous, plus que les autres, vous êtes permis de manipuler mon fils et de jouer avec ses sentiments en espérant m'atteindre. Je ne plie pas devant ce genre d'extrémisme.

Et voilà ; d'une réplique bien sentie, il venait d'anéantir tous les espoirs et de réduire à néant les chances de régler le conflit de manière pacifique. Rose sentit peser sur elle les regards lourds de ses alliés. Il lui sembla que ses joues s'enflammaient sous le coup de la honte – la honte de n'avoir été qu'un instrument de plus manipulé par Gaïa et d'avoir si bien marché dans ses plans. Elle ferma les yeux un instant pour ravaler les larmes qui lui brûlaient les yeux, sans guère de succès toutefois.

– Rose, il faut que nous nous écartions, murmura Valerian à son oreille, d'une voix dénuée de tout sentiment, lisse et glaciale. Il est dans un tel état de fureur qu'il n'hésitera pas nous écraser avec ses bulldozers si nous nous opposons à lui.

La rouquine faillit murmurer qu'elle s'en fichait pas mal, mais elle ne se serait jamais permis de mettre en danger la licorne du bayou qui l'accompagnait dans ses déboires et la soutenait si bien. À contrecœur, elle s'éloigna donc, demandant à son amie cornue de les mener, Valerian et elle, vers le petit groupe formé par les indiens. Elle n'eut même pas le cœur de jeter un dernier regard à Olivier, le sachant entièrement sous l'emprise de Gaïa. Si seulement elle avait disposé d'un moyen de libérer le jeune homme...

Le grondement sourd des moteurs des bulldozers vint bientôt troubler la quiétude de la forêt, faisant frissonner Rose de la nuque au bas du dos. Elle essuya sans broncher le silence accusateur avec lequel l'accueillirent les indiens, et se mordit les lèvres pour ne pas pleurer quand elle se rendit compte que Chardon et Aguaje adoptaient une attitude tout aussi hostile à son égard. Dit crûment, elle avait merdé. De la plus belle des manières.

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