Pétales de Rose et rameau d'O...

By Susi-Petruchka

19.9K 3.1K 361

« Jamais Rose Phorbe-Nascorie n'avait connu situation plus insolite que celle dans laquelle elle se retrouva... More

I. Damoiselle Rose, sur un muret perchée
II. Damoiselle Rose, au bal égarée
III. Damoiselle Rose, en un saule incarnée
IV. Damoiselle Rose, en pirogue embarquée
V. Damoiselle Rose, par les remous malmenée
VI. Damoiselle Rose, dans les combles réfugiée
VII. Damoiselle Rose, dans des plans très foireux impliquée
VIII. Damoiselle Rose, plusieurs fois abusée
IX. Damoiselle Rose, par la chaleur incommodée
X. Damoiselle Rose, en territoire ennemi infiltrée
XI. Damoiselle Rose, abondamment frustrée
XII. Damoiselle Rose, en un duel engagée
XIII. Damoiselle Rose, par la vérité assomée
XIV. Damoiselle Rose, à la franchise résignée
XV. Damoiselle Rose, en contre-attaque avancée
XVI. Damoiselle Rose, b(a)isouillant dans les bois
XVII. Damoiselle Rose, par la réalité - et le manque de sommeil - rattrapée
XVIII. Damoiselle Rose, à de très légers problèmes relationnels confrontée
XIX. Damoiselle Rose, en un si sacré sanctuaire emmenée
XX. Damoiselle Rose, à bien des périls exposée
XXI. Damoiselle Rose, par les événements dépassée
XXII. Damoiselle Rose, entre des feux croisés piégée
XXIV. Damoiselle Rose, par une licorne secourue
XXV. Damoiselle Rose, sacrifiée
Épilogue : Juste Rose

XXIII. Damoiselle Rose, par de menus détails intriguée

481 109 6
By Susi-Petruchka

Un jour neuf se leva sur le village des indiens, amenant avec lui de nouveaux problèmes, mais également l'espoir de nouvelles solutions. Rose avait mal dormi, et il était déjà tard lorsqu'elle trouva le courage de se tirer du lit. Seul Valerian se trouvait encore dans son hamac de toile tressée, profondément endormi – ce qui ne l'empêchait pas de grimacer dans son sommeil, car son corps demeurait marqué de multiples plaies et de bleus impressionnants, et ce malgré les remèdes nauséabonds dont l'avaient gavé les guérisseurs indiens. Rose vérifia rapidement qu'il n'avait besoin de rien, puis, le plus silencieusement possible, revêtit les quelques habits propres qu'il lui restait et quitta la hutte de branchage. Elle considéra avec dédain le short de vieille toile délavée et le top d'un vert trop vif qu'elle avait enfilés, estimant qu'une telle tenue ne la mettait guère en valeur, mais conclut qu'il ne s'agissait peut-être pas d'une mauvaise chose. Son joli minois et ses jambes finement ciselées lui attiraient plus de problèmes que nécessaire ces derniers temps.

Elle retrouva les autres dans l'obscurité de la demeure d'Inga, au centre du village. S'y tenait vraisemblablement une réunion de crise, durant laquelle les responsables de la tribu entendaient discuter avec Olivier des mesures que l'on pouvait envisager pour contrer les plans de Gaïa et de Donatien de Tantale. Des cris s'en échappaient, et Rose fut surprise de reconnaître la voix de sa demi-sœur parmi celles qui s'élevaient dans l'air. Elle se faufila dans la hutte en silence, espérant ne pas se faire trop remarquer, et s'assit dans un coin pour observer. Heureux hasard, Chardon se tenait non loin, dardant elle aussi un regard critique sur les événements.

– Qu'est-ce que j'ai raté ? lui souffla Rose, un peu tendue.

– Des cris, des cris et encore des cris, ironisa la brunette. Les premiers, c'était pour déterminer – encore – si Olivier était digne de confiance ou non. Il a fini par obtenir gain de cause, et je crois même qu'il a fait forte impression sur les anciens. Ils sont plus disposés à parlementer avec l'ennemi que les jeunes guerriers du village. Je crois que le fait que tu aies parlé pour lui a vraiment dû aider. Lorsqu'Aguaje a rappelé qu'il avait ta confiance, ça a calmé la plupart d'entre eux.

Satisfaite, Rose hocha la tête, heureuse de voir qu'Olivier ne se trouvait définitivement plus en danger et que l'on cherchait une solution.

– Et le reste des cris ? demanda-t-elle encore.

– Ensuite, c'était pour déterminer s'il convenait d'ouvrir un fût de leur alcool local pour fêter ça ou pas, maugréa Chardon, désabusée. Ceux qui étaient en faveur de la motion ont perdu ; mais c'est sans doute une bonne chose, parce que les gens sont moins enclins à hurler longtemps quand ils ont soif – enfin, il s'agit de la théorie d'Edel.

Ladite Edelweiss profita de cet instant même pour se lancer dans une nouvelle tirade où elle insultait copieusement son interlocuteur, un vieillard rachitique et ratatiné. Rose feignit d'ignorer la scène, ne souhaitant même pas savoir où sa mignonne petite sœur avait pu apprendre de tels noms d'oiseaux.

– Et donc là, ils se battent pour... ?

– Pour savoir si on se contente de laisser Olivier faire le travail et convaincre son père de cesser les travaux ou si on s'amuse à piéger la forêt, juste au cas où quelques bulldozers s'égareraient dans le bayou. Aguaje et Edel prétendent vouloir jouer la carte de la prudence et sécuriser le sanctuaire, mais je les soupçonne de plutôt souhaiter le faire parce qu'ils ont une vision très personnelle de ce qui est fun et que ce genre d'activités entre dans leurs critères. Inga aimerait les en dissuader ; elle pense que Gaïa ne les laissera pas faire et veut éviter de la provoquer, après l'incident de hier.

Rose hocha gravement la tête, donnant intérieurement raison à Inga. Hors de question de laisser Edel se mettre en danger pour de telles bêtises ! Olivier parlerait à son père, et tout irait en s'arrangeant. Nul besoin en effet de s'amuser avec les nerfs de Gaïa – si tant est que la créature de glaise possède de telles terminaisons nerveuses.

– Et bien puisque c'est comme ça, moi je boude ! finit par éclater Edelweiss après qu'Inga et quelques autres l'aient à nouveau longuement sermonnée, pour finir par refuser définitivement d'entrer en matière sur ces fameux pièges à mettre en place aux alentours du sanctuaire.

La petite blonde croisa les bras et leva le nez, adoptant une attitude hautaine qui faisait étrangement ressortir son profil de jeune damoiselle fragile. Edelweiss dégageait généralement une telle confiance en elle, une telle prestance, que Rose en venait souvent à oublier qu'elle n'était après tout que sa petite sœur de seize ans, qui ne devait pas mesurer beaucoup plus qu'un mètre cinquante-cinq et demeurait légère comme une plume, malgré son amour de la bonne chère. À côté d'elle, Aguaje adopta sensiblement la même attitude boudeuse, mais sur un grand gaillard de plus d'un mètre quatre-vingt, la chose s'avérait remarquablement plus ridicule. À côté de Rose, Chardon ne put d'ailleurs s'empêcher de pouffer, mais elle fut bien la seule. Inga et les anciens, eux, fulminaient en silence.

– Très bien ! pesta finalement la meneuse des indiens, d'une voix clairement exaspérée. Partez dans la forêt, amusez-vous donc à bâtir vos petits pièges. Mais sachez que je ne mettrai pas un seul de nos guerriers à votre disposition pour vous aider ! Vous êtes seuls !

– Bah, qu'importe ! répliqua Edel. Les licornes nous aideront !

Et en prenant bien garde à garder le nez en l'air et à contempler ses adversaires avec dédain, elle prit le chemin de la sortie, imitée par Aguaje. Ce dernier profita du passage pour jeter quelques œillades à la compagnie, et Rose put observer plusieurs jeunes indiens lui répondre d'un vague hochement de tête, signifiant sans doute qu'ils le rejoindraient pour l'aider dans son entreprise. La rébellion était donc ouvertement amorcée dans le paisible village des indiens.

– Ne t'inquiète pas, chuchota encore le jeune homme en passant à proximité de Rose. Je te ramènerai ta sœur entière. Hors de question de la laisser se mettre en danger.

La rouquine lui en fut reconnaissante, et lui adressa un demi-sourire discret pour l'en remercier. Puis, la hutte redevint silencieuse, et les débats entre les anciens purent reprendre.

Chardon et Rose s'en désintéressèrent assez vite, et la brunette finit même par s'éclipser, sans doute dans l'optique de rejoindre Valerian.

– Le pauvre chéri, il a dû si mal dormir... se justifia-t-elle auprès de Rose lorsque celle-ci lui adressa un regard lourd de sous-entendus. Je vais seulement voir s'il y a quoi que ce soit que je puisse faire pour soulager sa douleur.

Elle termina sa réplique sur un clin d'œil égrillard, qui laissa comprendre à Rose qu'elle avait plutôt intérêt à se tenir éloignée de leur hutte pour l'heure à venir, sous peine d'être témoin de scènes auxquelles elle ne souhaitait assurément pas assister. La rouquine demeura donc seule dans la hutte, à attendre qu'Inga et les siens daignent enfin libérer Olivier, sur lequel il lui tardait de lancer son grappin. Après leur pseudo-dispute de la veille, Rose se sentait perturbée, presque coupable, et souhaitait remettre les choses à plat avec lui aussi tôt que possible.

Aux yeux des indiens, la survie de l'Île semblait malheureusement prioritaire par rapport aux peines de cœur d'une jolie damoiselle, et Olivier demeura le centre de l'attention pendant plus d'une heure encore. Puis, le vieillard insulté par Edel décréta finalement qu'il était l'heure de l'apéro, et d'un commun accord, l'assemblée se glissa hors de la hutte de branchage afin d'aller quérir quelques rafraîchissements bien mérités. Rose, elle, s'étira un peu et se précipita à la suite d'Olivier.

– Bonjour Rose, l'accueillit ce dernier, en esquissant un sourire prudent et en se gardant bien de l'approcher.

– Hey ! le salua la rouquine, beaucoup moins sur la défensive. Je te kidnappe.

Elle lui attrapa le bras et l'attira à l'écart, s'assurant que personne ne voyait par où ils allaient disparaître. Par bonheur, les indiens venaient de déboucher un large fût d'une boisson inconnue, et l'attroupement autour de la barrique monopolisait l'attention. Les deux amoureux en peine purent s'enfuir sans trop de problèmes.

– Et où allons-nous comme ça ? murmura Olivier en un souffle qui effleura la nuque de Rose.

– Je ne sais pas trop, reconnut la rouquine. Loin. Là où personne – ni indiens, ni licornes, ni alligators ou Edelweiss – ne viendra nous déranger. J'ai peut-être un peu exagéré hier soir, tu sais ; et j'aimerais bien profiter du temps qu'il nous reste pour me faire pardonner, avant que tes devoirs de sauveur de sanctuaire ne t'arrachent à moi pour de bon !

Olivier rit de bon cœur, et força Rose à s'arrêter en la prenant dans ses bras et en la faisant tournoyer autour de lui, ses mains puissantes resserrées sur la taille fine de la jeune fille. Mal lui en prit, toutefois, car il trébucha bien vite sur une racine et s'étala sur le sol, sa galante amie avec lui. Ce qui poussa cette dernière à se faire la réflexion que les romans à l'eau de rose n'étaient décidément guère réalistes, et que dans la vraie vie, rien ne s'y passait de la même manière. Puis les deux tourtereaux se rendirent compte qu'ils avaient atterri en plein sur une fourmilière, et la rouquine n'eut plus le loisir de penser à grand-chose d'autre qu'à se lever et à prendre ses jambes à son cou en hurlant.

La chance devait jouer de leur côté ce jour-là, car leur fuite paniquée et désordonnée les conduisit en plein en face d'un joli petit lac d'eau fraîche, au sein duquel cascadaient plusieurs sources claires en chantant. L'endroit était évidemment idyllique, mais cela n'intéressait guère Rose et Olivier pour l'instant, occupés qu'ils étaient à tenter de se débarrasser de l'armada de fourmis qui leur escaladaient bras et jambes et s'infiltraient dans leurs vêtements. Ils se jetèrent tous deux à l'eau sans réfléchir et ôtèrent soigneusement les habits attaqués, pour finalement lâcher un soupir de soulagement simultané.

– Je suis terriblement navré, Rose... commença Olivier, ses traits effectivement tordus en une grimace terriblement navrée.

– Il n'y a pas de mal, parvint à sourire la jeune femme, tout en examinant ses bras et ses cuisses pour s'assurer que les petites teignes ne l'avaient pas piquée. Je m'en sors sans dommage ! J'ose espérer que toi aussi ?

Elle leva enfin les yeux vers lui pour le vérifier d'elle-même, et ce fut plus ou moins à ce moment-là que les deux jeunes gens réalisèrent qu'ils se tenaient face à face, à une vingtaine de centimètres de distance, pratiquement nus. D'un accord très commun, ils décidèrent que ces vingt centimètres-là étaient de trop et se sautèrent mutuellement dessus.

Lorsque leurs lèvres daignèrent enfin se décoller un peu, une dizaine de minutes plus tard, Rose plongea ses yeux dans ceux d'Olivier, et une fois encore, se rappela combien elle était parfaitement heureuse dans ses bras, et s'émerveilla de cette étrange communion qui les reliait tous deux. Elle vit les sourcils de son compagnon se froncer légèrement.

– Vous m'en voyez encore une fois désolé, murmura-t-il, mais...

Tu, le corrigea Rose, distraite par des pensées d'une chasteté relative, lesquelles étaient largement alimentées par le côté sombre que donnait à son amant sa tignasse détrempée lui tombant devant les yeux ainsi que la marque de coup sur sa pommette.

– Tu m'en vois désolée, se corrigea-t-il alors, mais je me demandais si cette espèce de branche morte qui flotte juste derrière toi ne serait pas un anaconda.

Interloquée, Rose se retourna en sursaut, juste à temps pour voir la branche en question se mouvoir en serpentant. Elle hurla – encore – et les deux jeunes gens furent à nouveau forcés d'abandonner leur nid d'amour dans l'urgence, ne s'attardant que pour récupérer leurs vêtements détrempés qui flottaient alentour. Le bayou n'était décidément pas un lieu propice aux amourettes.

Ils finirent par trouver refuge sur la branche isolée d'un vieil arbre, perchoir depuis lequel ils pouvaient aisément voir arriver tout danger potentiel. Penauds et essoufflés, les deux jeunes gens mirent plusieurs minutes à recouvrer leur calme. Intérieurement, Rose maudissait cette fichue forêt vierge et toutes les fichues bestioles qui allaient avec. Que n'aurait-elle pas donné pour retrouver la quiétude du manoir familial ? Elle se jura de s'accorder au moins deux jours de grasse matinée lorsque toutes ces histoires seraient terminées. Et puis, elle se procurerait une machette, instrument qui lui manquait cruellement en ce moment même.

À côté d'elle, Olivier avait le regard perdu devant lui, semblant fixer un point loin au cœur de la forêt. Rose posa sa tête sur son épaule pour tâcher de deviner de quoi il s'agissait. Elle essuya une violente surprise en reconnaissant les éclats opalescents de ce qui avait été le portail d'entrée du sanctuaire de Gaïa, détruit par le tremblement de terre. Leurs pérégrinations et fuites successives les avaient menés dangereusement près du repaire de l'esprit de l'Île. Comme si la même pensée lui avait traversé l'esprit, Olivier fronça les sourcils – et feignit, une fois encore, de remettre ses lunettes en place. Le geste arracha un petit rire moqueur à Rose.

– J'ai fait quelque chose de drôle ? s'étonna le jeune homme en passant une main autour de la taille de la rouquine pour l'attirer plus près de lui.

Rose lui sourit, et posa un doigt sur l'arête de son nez.

– C'est ton tic. Tu essaies toujours de remonter tes lunettes, mais comme tu ne les portes jamais, eh bien...

Les sourcils d'Olivier se froncèrent plus encore, et il adopta une expression franchement dubitative.

– Quoi, tu n'avais pas remarqué ? se moqua doucement Rose. Tu devais être mignon, avec des lunettes. Ça devait accentuer ton air d'intellectuel.

– Je n'en ai jamais porté. Je... Je...

Olivier regardait Rose de travers, sans comprendre. Et sa réaction laissait la jeune fille tout aussi étonnée, à vrai dire. Elle se permit de froncer les sourcils à son tour, et décida d'aller au fond du problème, car ce détail, ce tout petit détail, commençait à sacrément l'intriguer. Elle décide de tenter un coup de bluff et de voir où cela la mènerait.

– Quand j'étais chez toi, il me semble pourtant avoir aperçu une photographie où tu en portais, mentit-elle.

Sa déclaration sembla plonger Olivier dans une perplexité plus intense encore, comme s'il ne savait plus bien où il se trouvait et ce qu'il faisait là.

– Est-ce que ça va ? s'inquiéta sa charmante amie.

– Je ne sais pas... Je ne sais pas... C'est dans ma tête...

Il relâcha d'ailleurs son emprise sur Rose pour ramener ses mains sur ses tempes, comme si ses souvenirs lui faisaient mal, cognant et luttant derrière la barrière de son crâne.

– Du calme, lui souffla sa compagne en posant une main inquiète sur son dos, comme pour le consoler. Respire doucement, ça va aller. Tu sais ce qui marche bien pour essayer de se calmer dans ce genre de situation ? De se rappeler des détails de la vie de tous les jours. Vas-y, essaie. Tu te souviens du soir de notre rencontre ? De la couleur de ma robe ?

– Le soir du bal, une robe... Rose, je regardais tes yeux, pas ta robe !

– D'accord, essayons autre chose. La date de ton anniversaire ?

– Le premier mars.

La réponse avait fusé, mais Olivier ne semblait pas aller mieux pour autant. Il demeurait replié sur lui-même, les doigts crispés sur ses tempes.

– Oh, un jour seulement après celui de Valerian ! fit remarquer Rose pour tâcher de détendre l'atmosphère. Et le poster, sur la porte de ta chambre, tu te rappelles de ce qu'il représente ?

Cette fois, Olivier ne répondit plus. Il se redressa brusquement et darda un regard fiévreux droit devant lui, sur le portique du sanctuaire, semblait-il. Il paraissait comme absent, hypnotisé. En son for intérieur, Rose se mit à franchement paniquer, mais parvint à refouler le tout dans une vague de sang-froid. Elle sauta la trentaine de centimètres qui les séparaient du sol pour aller se poster devant Olivier, et dégagea doucement les mains qu'il gardait crispées devant ses yeux.

Ce qu'elle vit alors la plongea dans une stupeur telle qu'elle en perdit la parole à son tour, et sentit ses jambes vaciller sous son poids. Les prunelles de son amant, d'ordinaire de ce brun si chaleureux, brillaient désormais du même vert que celles de Gaïa, de ce vert impossible et profond, si puissant.

– D'accord, maugréa-t-elle à sa propre attention. Là, il semblerait qu'on ait un problème...

Ébahie par le calme dont elle parvint alors à faire preuve, elle se fit une première réflexion, comme quoi le phénomène était tout à fait impossible. Olivier, qui portait certes le nom d'une plante, n'appartenait pas à leur race hybride pour autant. Olivier était le fils de Donatien de Tantale. Et puis, un détail la frappa comme une branche en pleine figure. Des mots en fait. Des mots qu'elle venait de prononcer, et qui lui avaient paru bien anodins sur le coup.

« La date de ton anniversaire ? Oh, un jour seulement après celui de Valerian. »

Valerian, prétendument né de parents hybrides, mais indéniablement humain. Olivier, de nature... hybride ? Une foule de détails revenaient à l'esprit de Rose. Comme la manière dont Olivier était demeuré immobile à ses côtés lorsque Gaïa avait enraciné les esprits des plantes. Son acceptation étrangement rapide de l'existence d'êtres mystiques dans leur genre, au début de leur périple. Sa réponse, bien des journées auparavant, lorsque Rose lui avait posé une question, une seule : pourquoi elle ? J'ai toujours eu un faible pour les rouquines, avait-il alors répondu, absent et gêné. En son for intérieur, sa compagne avait deviné qu'il s'agissait d'un mensonge, sans en comprendre la raison.

Eh bien elle comprenait bien plus ce jour-là : elle comprenait la vérité. Durant tout ce temps, depuis leur infiltration du bal donné par Donatien de Tantale à cette minute-là, ces secondes qu'elle était en train de vivre, Gaïa les avait manipulés. Olivier avait peut-être agi en vertu de son libre arbitre la plupart du temps – Rose se refusait à croire qu'elle était tombée amoureuse d'une simple marionnette –, mais à chaque moment clé, Gaïa l'avait contrôlé. Comme elle le contrôlait en ce moment même. Parce qu'il incarnait un esprit des plantes, lui aussi. Olivier ? Non ; esprit d'Olivier. Il n'était pas le fils de Donatien de Tantale, il ne pouvait pas l'être. Échangé à la naissance plutôt. Contre Valerian. Simple déduction logique.

Continue Reading

You'll Also Like

4.5K 368 37
Maltraité par ces propres parents...depuis mon enfance je suis comme ça...depuis ma naissance...mais tout change quand LUI...je dit bien LUI...car c'...
401K 33.2K 54
Alaya Storm une jeune aristocrate (en avance sur son temps) de haut rang se voie contrainte d'épouser Le Comte Black , l'un des plus beau partie d'A...
Mondial By Aerdna

Short Story

1.9K 582 69
Kiera vit dans un monde où chaque particularité est étrangement regardée. Dans un monde où son sourire passe inaperçue à côté de sa différence. Dans...
3.3K 484 60
PREQUEL BLACK MOON Erza est une jeune femme de 22 ans comme toutes les autres, à une exception près. Elle aspire à un seul but ; aider les plus faib...