Pétales de Rose et rameau d'O...

By Susi-Petruchka

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« Jamais Rose Phorbe-Nascorie n'avait connu situation plus insolite que celle dans laquelle elle se retrouva... More

I. Damoiselle Rose, sur un muret perchée
II. Damoiselle Rose, au bal égarée
III. Damoiselle Rose, en un saule incarnée
IV. Damoiselle Rose, en pirogue embarquée
V. Damoiselle Rose, par les remous malmenée
VI. Damoiselle Rose, dans les combles réfugiée
VIII. Damoiselle Rose, plusieurs fois abusée
IX. Damoiselle Rose, par la chaleur incommodée
X. Damoiselle Rose, en territoire ennemi infiltrée
XI. Damoiselle Rose, abondamment frustrée
XII. Damoiselle Rose, en un duel engagée
XIII. Damoiselle Rose, par la vérité assomée
XIV. Damoiselle Rose, à la franchise résignée
XV. Damoiselle Rose, en contre-attaque avancée
XVI. Damoiselle Rose, b(a)isouillant dans les bois
XVII. Damoiselle Rose, par la réalité - et le manque de sommeil - rattrapée
XVIII. Damoiselle Rose, à de très légers problèmes relationnels confrontée
XIX. Damoiselle Rose, en un si sacré sanctuaire emmenée
XX. Damoiselle Rose, à bien des périls exposée
XXI. Damoiselle Rose, par les événements dépassée
XXII. Damoiselle Rose, entre des feux croisés piégée
XXIII. Damoiselle Rose, par de menus détails intriguée
XXIV. Damoiselle Rose, par une licorne secourue
XXV. Damoiselle Rose, sacrifiée
Épilogue : Juste Rose

VII. Damoiselle Rose, dans des plans très foireux impliquée

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By Susi-Petruchka

Le cri qui résonna ce matin-là dans les couloirs du manoir fut poussé sur le même ton aigu et hystérique que de coutume. Mais à la différence de ce à quoi étaient accoutumés les occupants de l'imposante demeure – qui tâchaient alors de s'arroger quelques ultimes bribes de sommeil –, il ne se déclinait qu'en deux inhabituelles syllabes, répétées plusieurs fois, cela dit, pour plus d'efficacité sans doute.

– Ro-se ! Rose ! Roooooose !

Edelweiss, clopinant tant bien que mal sur sa jambe blessée – tant et si bien bandée qu'elle ressemblait fortement à un membre momifié – parcourut sans guère d'égard pour la discrétion le couloir qui ralliait sa chambre à celle de son aînée. Une fois arrivée à bon port, elle s'évertua de sortir la porte de Rose de ses gonds à grands coups de poing frénétiques.

– Rose, réveille-toi ! Rose !

Ladite porte finit par s'ouvrir, si brusquement qu'Edelweiss, qui s'y tenait adossée pour soulager sa jambe blessée, tomba comme une colonne déséquilibrée, pour atterrir droit dans les bras d'une Rose moyennement réveillée et à l'humeur maussade.

– ... peuxsavoircequetuveux ?

– Formidable nouvelle ! s'exclama Edelweiss en se remettant plus ou moins sur pied. Regarde, regarde !

Elle agita frénétiquement la gazette locale sous le nez de son aînée, qui put apprécier l'odeur du papier et de l'encre à peine séchée – quoiqu'elle eut largement préféré celle des croissants et du café brûlant.

– Wow, un journal, maugréa-t-elle sans se laisser entraîner par l'enthousiasme de sa demi-sœur. Je n'en avais jamais vu d'aussi près ; quelle expérience merveilleuse. Merci Edel. Je peux retourner dormir ?

La blondinette protesta par de grands cris et se mit à pointer ledit journal plus frénétiquement encore. Un peu malgré elle, Rose daigna laisser son regard courir sur les quelques lettres capitales qui formaient les gros titres.

EMPOISONNEMENT D'UN ARBRE CENTENAIRE

EN PLEIN DISCOURS D'INAUGURATION DE LA NOUVELLE MINE A CIEL OUVERT :

LES EXTRÉMISTES ÉCOLOGISTES ONT ENCORE FRAPPE !

Il fallut un instant à Rose pour digérer l'information.

– Comment ça, « encore frappé » ? C'était là première fois qu'on frappait, que je sache ! se plaignit-elle finalement, avant de faire signe à Edelweiss de la suivre dans sa chambre et de lui proposer un siège, par égard pour sa jambe mal en point.

À deux, les demi-sœurs passèrent l'article en revue. La cadette ne faisait preuve que d'une excitation non feinte, visiblement très fière de son coup d'éclat. Rose, en ce qui la concernait, se sentait partagée entre plusieurs sentiments. D'une part, il y avait un soulagement intense : les journalistes faisaient état d'un « empoisonnement éclair de l'arbre, doublé d'un incroyable timing » ; pas un n'imaginait le côté plus surnaturel qui enrobait la vérité. D'autre part, il y avait toujours cette culpabilité immense, renouvelée par le fait que le journal affiche en première page une photo du malheureux frêne décimé par sa fureur. Et puis finalement...

– Mais c'est Olivier ! Là, juste là !

Rose n'avait pas pu retenir l'exclamation tant sa surprise était grande, et elle s'en voulut immédiatement après. Edelweiss tourna un regard suspicieux vers elle, les sourcils froncés en une expression indiquant sans doute possible que sa sœur allait avoir à répondre à un interrogatoire en bonne et due forme.

– Olivier... murmura-t-elle, comme pour tester la résonance du prénom sur ses lèvres. Je t'écoute, vas-y.

– Oh, il n'y a quasiment rien à dire ! s'agaça Rose. Il m'a tiré d'un mauvais pas, je l'ai trouvé charmant, nous avons dansé, et voilà, rien d'extraordinaire !

Les sourcils blonds d'Edelweiss partirent en un ballet moqueur.

– Tu rougis, se moqua-t-elle. Tu devrais faire attention, ça jure avec ta somptueuse chevelure.

Rose faillit répliquer qu'elle s'en fichait pas mal, de ce qui accompagnait ou non de manière harmonieuse ses longues mèches rousses, mais se ravisa finalement, estomaquée par la légende sur laquelle elle venait de poser les yeux, juste en dessous de la photo où apparaissait Olivier – en compagnie de Monsieur de Tantale. Elle se sentit blêmir – ce qui dut sans doute mieux convenir au sens de l'esthétisme d'Edelweiss.

– Qu'est-ce qu'y t'arrive ? l'interrogea cette dernière. Tu pousses la même tête que si Cha et Val venaient de t'annoncer qu'ils ont couché ensemble la nuit dernière.

– Ne sois pas vulgaire, Edel, la reprit la voix égale de Chardon, qui venait d'apparaître dans l'embrasure de la porte. Et n'associe pas mon prénom à celui de cet imbécile, même lorsqu'il ne s'agit que de métaphores.

Edelweiss hocha la tête à contrecœur et poussa un soupir. Rose, elle, ne se tirait toujours pas de son mutisme.

– Tout va bien ? lui demanda sa cousine.

La concernée retrouva enfin un filet de voix suffisant pour lire à voix haute la légende qui l'avait tant troublée.

« Monsieur Donatien de Tantale, en compagnie de son fils Olivier. »

Silence. Puis nouvelle réplique d'Edel, dénuée de toute trace de compassion pour les oreilles délicates qui lui tenaient lieu de public.

– Oh bordel de merde ! Rose, tu es douée. Dou-ée !

Le visage d'Edelweiss s'était fendu d'un sourire extatique qui n'augurait – aux yeux de sa demi-sœur du moins – absolument rien de bon. Malgré le choc légitime dans lequel elle était plongée, Rose avait tout de même l'impression d'entendre les vicieux petits rouages du cerveau de sa cadette tourner à plein régime. Pas de doute, à cet instant précis, l'adolescente leur préparait un plan tout aussi sournois que celui de la veille. Rose leva un regard paniqué vers Chardon, aussi impuissante qu'elle-même. Percevant le danger, les cousines réfléchissaient furieusement à un moyen de stopper Edelweiss avant qu'elle ne s'avance trop dans ses nouveaux projets. Cette dernière les prit cependant de vitesse.

– Rose, c'est génial ! s'exclama-t-elle soudain, tirée de sa transe. Tu vas pouvoir revoir ce type !

Ne comprenant pas trop où elle voulait en venir, Rose hocha la tête avec prudence.

– Absolument ! reprit Edelweiss. Tu vas le revoir, le manipuler, et nous disposerons d'une source de premier choix pour espionner Donatien de Tantale !

– Ça n'a strictement aucune chance d'arriver ! s'indigna la rouquine.

Chardon joignit sa voix à la sienne, et Rose lui en fut reconnaissante. Revoir Olivier, oui, cette opportunité paraissait indéniablement tentante. Mais le manipuler, se jouer de lui ? Alors qu'il s'était montré si aimable, si prévenant la veille au soir, lors de leur courte danse sous le saule pleureur ? Hors de question. Rose possédait un caractère colérique qui lui attirait bien des ennuis, mais elle pouvait au moins se targuer de demeurer d'une franchise irréprochable. Elle ne trompait pas ses proches, ne mentait pas, bref, en un mot comme en cent, s'il avait fallu relever une seule de ses qualités au milieu des nombreux défauts de son caractère, ç'aurait été celui-là. Point final.

– Comment ça, aucune chance d'arriver ? s'étouffa Edelweiss, toujours à ses plans machiavéliques. Mais enfin, ne réalises-tu pas qu'il s'agit d'une opportunité unique ?

– Pas vraiment, non.

– Mais...

Edelweiss peinait à retrouver son calme, la respiration saccadée, les poings sur les hanches et le regard sévère. Rose sentit venir l'une des leçons de morale douteuse dont sa petite sœur avait le secret, et songea un instant que si elle se levait dès à présent et fuyait en courant, la blondinette, avec sa jambe mal en point, se trouverait en difficulté de lui emboîter le pas. Sauf que Chardon bouchait la sortie, et que Rose ne vouait qu'une confiance limitée au plancher du couloir – en frêne massif, rien que ça. Edelweiss possédait une bien trop grande influence sur cette maison.

– Parlons posément, débuta-t-elle, s'exprimant soudain sur un ton calme et relativement inquiétant lorsqu'on la connaissait un peu. Je ne te demande pas de te servir de ce pauvre garçon, de le transformer en esclave et de lui faire subir je ne sais quels sévices psychologiques. Simplement de le revoir. De passer quelques heures en sa compagnie, de voir ce qu'il peut t'apprendre, rien de plus. Ce n'est pas de l'espionnage ou de la manipulation à proprement parler. Une simple rencontre.

Edelweiss avait toujours eu un don pour les discours. Elle savait enflammer les foules par quelques mots seulement, qu'il s'agisse de rallier les habitants du manoir à elle pour choisir le menu du soir, de justifier ses dernières frasques ou de convaincre les jumelles, Aubépine et Capucine, de commettre quelque crime en son nom. Sa verve impressionnait toujours Rose, qui ne possédait pas le même talent oratoire, trop obstinée à déclarer la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. Aussi la rouquine avait-elle appris à craindre les élans lyriques de sa sœur, vu le talent certain que possédait celle-ci pour la manipulation.

Cela dit, elle marcha malgré tout dans le piège – courut même : elle avait beau savoir pertinemment qu'Edelweiss la menait par le bout du nez sans le moindre égard pour sa sensibilité, elle ne pouvait s'empêcher de penser que revoir Olivier une fois, juste une fois, ne leur ferait pas trop de mal, ni à lui, ni à elle. Après tout, il n'y avait nulle promesse dans une simple rencontre, si ce n'était une tentative de pousser un peu plus loin leur récente amitié. Et si Rose estimait soudain que la manigance allait trop loin... rien ne l'empêchait de tout arrêter, de s'enfuir et de disparaître – comme le soir du bal. Oui, Edelweiss avait peut-être raison ; elle ne s'engageait pas à grand-chose en acceptant de revoir Olivier. Et puis le simple souvenir du jeune homme, si maladroit, si charmant, faisait valser son cœur dans sa poitrine. Comment pouvait-elle se priver de cela ? De la chance de rencontrer à nouveau un homme qui l'avait assez émue pour demeurer le souvenir le plus vivace de sa soirée malgré tout le reste ; malgré l'infiltration au bal, la confrontation avec Janvier, le meurtre du saule pleureur, la fuite en pirogue, les alligators, les licornes, Aguaje... Quelle soirée, décidément ! Mais Olivier à lui seul valait tous les déboires affrontés cette nuit-là.

– Rose, je n'aime pas du tout ton expression, grommela Chardon. Dis-moi que tu ne t'apprêtes pas à dire ce que je pense que tu t'apprêtes à dire, parce que si c'est le cas, ça va nous plonger toutes les trois dans plus de problèmes qu'on n'en a déjà.

– Non, non, protesta Rose, adoptant une expression innocente. Non, je ne nous attirerai pas d'ennuis, je t'assure. Mais il faut reconnaître qu'Edel... qu'Edelweiss n'a pas tout à fait tort. Voire même qu'elle a un peu raison. Plutôt raison. Enfin, ça ne pourrait pas vraiment faire de mal, que je le revoie juste une fois, n'est-ce pas ?

Chardon fit rouler ses yeux dans ses orbites, expression qu'elle réservait de coutume plutôt à Valerian qu'à ses cousines.

– On parle du même là ? Du fils de Monsieur de Tantale ? D'un type qui soutient un projet visant à détruire les splendides ressources naturelles de notre Île bien-aimée, à les annihiler ? Sérieusement Rose, tu te mets en danger, et en tant que ta cousine et meilleure amie, il est de mon devoir de te prévenir : je comprends très bien que tu ressens légèrement plus que de la curiosité à l'égard de ce jeune homme, et je crois que tu t'avances sur une pente glissante ! Pardonne-moi pour ce que je m'apprête à dire, Edel, mais tes plans foireux ne nous ont jamais attiré que des problèmes !

– Pas de problèmes, Cha, sourit l'interpellée, levant une main apaisante en direction de sa cousine. À vrai dire, tu oublies même de préciser que mon plan foireux implique que Rose joue la comédie, mente et manipule, ce dont elle se trouve tout à fait incapable, mais passons ces détails scabreux et venons-en à l'essentiel : qui que ce soit – le hasard tout-puissant, le dieu des alligators croqueurs de jambes ou la licorne magique des arcs-en-ciel – on nous a donné une opportunité unique. Foireuse, certes. Mais c'est généralement le cas des plus grands coups de maître. Alors saisissons-la. C'est tout ce que j'ai à dire : saisissons-la !

Elle marqua un instant de pause pour mieux faire passer l'intensité de son discours, se releva lentement et tendit ses mains en direction de Rose et de Chardon.

– Est-ce que vous marchez avec moi, Mesdemoiselles ?

Rose leva un regard de défi vers sa sœur, balayant ses incertitudes et ses scrupules.

– Oui, décréta-t-elle fièrement. Oui, tu peux compter sur ma coopération !

Elle posa sa main dans celle d'Edelweiss, et les deux sœurs échangèrent un sourire complice, si rare depuis qu'elles avaient toutes deux quitté l'enfance. Puis, comme une seule personne, elles se tournèrent vers Chardon, toujours postée dans l'embrasure de la porte, les bras croisés et l'attitude sévère. Le petit jeu des regards dura une bonne minute au moins, avant que la brunette ne lâche une exclamation exaspérée.

– Bon, d'accord ! s'exclama-t-elle. On va au-devant d'ennuis considérables, mais tant pis, soyons fous. Ça va encore augmenter la masse de tes dettes envers moi, Edel !

***

Genèse 6.0

Susi dit : Pétale de Rose et Rameau d'Olivier - le titre de la mort !

Susi dit : ou pas :p

Spes dit : vendu !

Susi dit : faudra que je consigne cette discussion pour bien avoir tous les détails

Spes dit : Francis Lalanne + cousine + dragon

Susi dit : et des esprits de la nature qui chantent avec Lalanne, woo !

Susi dit : je sais même pas ce qu'il chante au fait...

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