OCTOBRE 2005
AZHAR
Je m'allume une clope en regardant F de travers. Il est venu me dire que mon père aimerait se ramener en France pour nous voir. Je devrais lui faire du sale juste pour avoir osé m'en parler.
F - vous lui manquez
- qu'il aille se faire foutre
Je recrache en même temps ma fumée.
F - laisse au moins ton frère et ta mère en décider
- j'ai dis non putain
F - tu sais qu'il pourrait t'aider pour t'innocenter auprès du parrain
- j'suis pas innocent
F - tu sais ce qu'il te fera quand il saura que t'as tué Pallocino ?
- il a violé ma mère. Plusieurs fois.
F - et tu crois qu'en lui disant ça il va t'épargner ?
Je tire sur ma clope sans lui répondre. Je mentirais si je disais que j'avais pas peur de la mafia mais j'ai une fierté et je m'abaisserais jamais devant quelqu'un.
F - laisse ton père gérer
Je me redresse et me met en face de lui.
- qu'il aille se faire foutre et toi aussi
Je jette ma clope et me retourne pour partir.
F - t'as besoin de lui
- c'est faux
F - tu crois que tu te débrouille tout seul ? La drogue que tu vends c'est à lui, j'suis en aucun cas le boss, c'est lui le patron. J'suis qu'un asticot comme toi
Je me retourne violemment vers lui pour me retrouver à seulement quelques centimètres de son visage.
- t'es là parce que j'ai décidé que tu le sois et ça même si je sais que t'es le bras droit de mon père. Alors ne gâche pas tout F, sinon je te gicle et tu n'auras plus de nouvelles de nous à donner à mon père
F - j'suis pas là pour lui mais pour vous
- je te l'ai déjà dit F, on a pas besoin de toi, on se débrouille très bien tout seul
À ces mots, je me casse en le laissant seul dans le parking. J'vais à la tour, les clients font la queue pour leur dose. Je passe à côté d'eux et trace vers le vendeur. Je le tcheck. Il me sort les liasses de billets de la vente, je les prends et monte à l'appart' à Taytay.
Il est là avec son acolyte en train de détailler la plaquette dans la cuisine. Je vais me poser sur le canapé et commence le compte.
On est carré pour aujourd'hui. Mais faut écouler la marchandise parce que la nourrice se barre en vacances demain.
J'suis bien, c'est les vacances scolaires. J'ai rien de prévu pour ces deux semaines, j'vais pouvoir être là à 100% pour le business. Faut que ça tourne sans arrêt.
Je partage l'argent en quatre piles sur la table puis je m'appuie contre le canapé. Je m'allume une clope en regardant la télé pour faire passer le temps.
Je passe la journée entière sur ce canapé, je n'ai pas posé un seul pied dehors. Taytay nous a ramené des pizzas qu'on a mangé à l'appart'.
Les billets sur la table sont entassés. Les gars ont bien bossés. Ils sont tous là pour le compte. Je leur donne à chacun une liasse, c'est la somme qu'ils ont mérités pour aujourd'hui. Puis je prends ma part que je cache dans ma chaussette.
On nettoie l'appart' et chacun part de son côté. Moi je rentre chez moi. Il est une heure passé. L'appart' est plongé dans le silence et dans le noir.
J'allume la lumière de l'entrée et retire mes chaussures en refermant la porte à clé. J'entre dans le salon et sors ma liasse de ma chaussette. Je la pose sur la table basse du salon. C'est tout pour ma mère. Des fois, seulement quand j'ai besoin, je garde juste un billet de 20. Mais là j'ai besoin de rien, je ressens juste le besoin de la mettre bien.
Je sors du salon et me dirige vers ma chambre en éteignant la lumière de l'entrée au passage. Je passe mes mains sur mon visage en traversant le couloir quand je perçois soudainement des sanglots. Je m'immobilise au milieu du couloir puis fais trois pas en arrière. Je me retrouve devant la porte de la chambre à ma mère.
Ses pleurs me parviennent, ils me tordent le cœur. Je baisse la tête, impuissant. Qu'est-ce que je peux faire ? Entrer et la prendre dans mes bras pour la réconforter ? Comment je pourrais faire ça ? De quel droit je me permettrais de la toucher avec mes mains sales ?
Elle pleure de plus en plus comme si elle voulait faire ressortir toute sa douleur. Je pose mon front contre la porte en serrant la poignée dans mon poing. C'est ma vie, c'est mon sang qui est blessé et je peux rien faire.
Je fais mon possible pour la rendre heureuse, j'vous jure que j'me déchire juste pour lui arracher un sourire. Mon cœur s'enraye. Je ferme fort les yeux en expirant.
Je relâche doucement la poignée et m'éloigne de la porte tout en la regardant. Je baisse la tête une seconde fois et reprends mon chemin jusqu'à ma chambre. J'entre et m'assois sur le bord de mon lit. Les coudes sur mes genoux et la tête dans mes mains, je réfléchis. Qu'est-ce qui pourrait bien lui faire plaisir ?
Un voyage ? Ça lui ferait du bien de partir loin d'ici quelques temps je pense. Je lève les yeux vers mon tiroir à caleçon puis je me lève brusquement et le tire. Je fouille dans mes caleçons et en sors un portefeuille. Je l'ouvre et tire la CB que m'a donné F quand il m'a fait entrer dans le business. C'est de l'argent blanchit qu'il y a à l'intérieur mais je n'ai aucune idée de la somme.
Il me la donné au cas où si un jour je devrais fuir. Je sais qu'il pensait à la mafia. Je peux fuir qu'elle toute façon.
Je la glisse dans ma poche en refermant mon tiroir. J'entre doucement dans la chambre de Nabil, il somnole en ronflant. Classe. Je récupère son PC que je lui ai offert. Il m'a coûté une blinde mais rien n'est plus chère qu'un sourire de mes proches. Je dois le mettre bien lui aussi. C'est moi le grand frère. Il compte beaucoup sur moi, je dois être là pour lui.
Je vais me poser à la table à manger dans le séjour. J'allume le PC en m'allumant une clope.
Je regarde les différents site de voyages. J'ai pas de destination précise, je prendrais la moins chère.
Je navigue pendant deux trois heures à la recherche de la meilleure offre mais y'a rien. Les prix grimpent jusqu'à 3000 balles. Même l'Espagne c'est cher. Je passe une main sur mon visage et prends mon paquet de clopes. Putain, merde, y'a plus rien.
Je regarde l'heure, il est 4h30. Le tabac doit être fermé à cette heure putain. Faut que je fume. J'me gratte les yeux puis me lève dans un besoin urgent. Je vais à l'entrée, j'enfile mes chaussures et quitte l'appart'.
En bas, ils sont une dizaine. J'suis pas du genre à gratter des clopes, mais là j'suis vraiment en hess.
- y'a pas des clopes là ?
Ils me sortent tous leur paquet. Y'en a même qui me proposent un joint. Cimer mais je fume pas ça.
Je m'approche de celui qui est plus proche de moi et lui prend cinq clopes.
- cimer
Je lui refile un billet de cinq en même temps.
? - nan frère, j'te les offre
- prend j'te dis
Je veux rien devoir à personne.
Il m'offre un sourire en prenant mon billet de cinq et je remonte chez moi.
Ça dort jamais en bas. Ça te refourgue en deux deux sans problèmes, ici y'a pas de radins. Ça donne sans rien attendre en retour. Les principes ça s'achètent pas.
Je me repose devant le PC en m'allumant une clope. Je passe une main dans mes cheveux. Je sors la carte et l'observe en me demandant combien d'argent y'a dedans.
Je fais un dernier tour sur un site de voyage et prends finalement trois billets pour la Grèce. Vol + hôtel compris. Et ça à l'air d'un hôtel de luxe. Hôtel 4 étoiles avec jacuzzi dans la chambre. Le resto est compris dans le prix.
Je trouverais pas mieux. Aller je prends.
Je rentre les coordonnées de la CB en priant pour qu'elle marche. Bingo, c'est passé.
On décolle dans 5 jours pour 7 jours en Grèce. J'espère que ça plaira à ma mère, c'est tout ce à quoi je pense.
Faut que j'imprime les billets maintenant. Et comment ? Y'a personne au quartier qui a une imprimante. Puis je me souviens alors que Neyla m'avait imprimé mes cours quand j'avais raté les trois premières heures de cours de la journée. J'avais la flemme de recopier et elle tenait à ce que j'ai les cours alors elle me les a imprimé.
Je me connecte sur FB. J'ai tellement pas l'habitude de me connecter que je connais plus mes identifiants. Chaud. Je me connecte alors sur le compte à Nabil vu que c'est déjà connecté. Je cherche Neyla dans ses amis, je suis soulagé qu'il ne la pas.
Je la recherche et la trouve. Je lui tape un message en espérant qu'elle le verra quand elle se réveillera.
Je l'aime vraiment bien cette fille. Elle est la sagesse incarnée. En elle je vois une certaine rédemption qu'elle pourrait m'avoir. Je sais pas. C'est bizarre. Elle me rend meilleur ou c'est peut-être moi qui me rend meilleur pour être à sa hauteur. Mais même avec tous les efforts possibles, je serais jamais à sa hauteur. Elle est tellement parfaite bordel que je me demande si elle est vraiment réelle.
Parfois j'ai peur qu'elle m'échappe. Elle peut plaire à n'importe qui d'autre et ça me foutrait la mort si elle partait avec un autre. Elle pourrait très bien, j'ai rien d'intéressant. J'ai rien qui la ferait rester.
Mais je sais qu'elle m'apprécie. Je vois très bien comment elle me regarde, comment elle me sourit, comment elle s'occupe de moi, comment elle me protège...
J'oublierais jamais tous ses actes qu'elle fait à mon égard.
J'oublierais jamais la fois où on s'est fait virer de cours parce qu'elle a voulu me protéger, résultat elle s'est retrouvée embarqué par mes conneries.
J'ai essayé de la sauver mais cette fille est très entêtée alors elle a décidée de couler avec moi.
J'oublierais jamais..
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