Pétales de Rose et rameau d'O...

By Susi-Petruchka

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« Jamais Rose Phorbe-Nascorie n'avait connu situation plus insolite que celle dans laquelle elle se retrouva... More

I. Damoiselle Rose, sur un muret perchée
II. Damoiselle Rose, au bal égarée
III. Damoiselle Rose, en un saule incarnée
IV. Damoiselle Rose, en pirogue embarquée
V. Damoiselle Rose, par les remous malmenée
VII. Damoiselle Rose, dans des plans très foireux impliquée
VIII. Damoiselle Rose, plusieurs fois abusée
IX. Damoiselle Rose, par la chaleur incommodée
X. Damoiselle Rose, en territoire ennemi infiltrée
XI. Damoiselle Rose, abondamment frustrée
XII. Damoiselle Rose, en un duel engagée
XIII. Damoiselle Rose, par la vérité assomée
XIV. Damoiselle Rose, à la franchise résignée
XV. Damoiselle Rose, en contre-attaque avancée
XVI. Damoiselle Rose, b(a)isouillant dans les bois
XVII. Damoiselle Rose, par la réalité - et le manque de sommeil - rattrapée
XVIII. Damoiselle Rose, à de très légers problèmes relationnels confrontée
XIX. Damoiselle Rose, en un si sacré sanctuaire emmenée
XX. Damoiselle Rose, à bien des périls exposée
XXI. Damoiselle Rose, par les événements dépassée
XXII. Damoiselle Rose, entre des feux croisés piégée
XXIII. Damoiselle Rose, par de menus détails intriguée
XXIV. Damoiselle Rose, par une licorne secourue
XXV. Damoiselle Rose, sacrifiée
Épilogue : Juste Rose

VI. Damoiselle Rose, dans les combles réfugiée

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By Susi-Petruchka

Il est inutile de s'attarder sur le retour au bercail de nos trois héroïnes ; il fut tout aussi pathétique qu'on peut se l'imaginer. Camomille fit les gros yeux en découvrant ses deux filles dans un état indescriptible, fronça les sourcils, demanda à Rose pourquoi elle se trouvait dans une tenue aussi indécente, tiqua à peine lorsque cette dernière lui répondit le plus sérieusement du monde que des alligators avaient mangé sa robe, paniqua complètement lorsqu'elle apprit que les mêmes alligators avaient voulu croquer la jambe droite de sa deuxième fille, songea à appeler un médecin lorsque les deux malheureuses lui racontèrent leur sauvetage par des licornes du bayou, et enfin, s'évanouit. Les petites jumelles, Aubépine et Capucine, rirent beaucoup et prirent pour habitude de courir dans le manoir dans la même tenue d'Ève qu'avaient adoptée leurs aînées – quand bien même la chose s'avérait plus involontaire pour ces dernières. Les voisins y allèrent également de leurs remarques, et la rumeur se mit à courir qu'on avait aperçu les filles Nascorie et leur cousine se promener nues dans le quartier à la nuit tombée. On les soupçonna d'exécuter quelques rituels païens à la lueur du clair de lune. Orchis, la sœur aînée de Chardon, menaça de quitter cette maison de fous furieux. Seule la vieille Gaïa, l'ancêtre de la famille, leva un regard amusé sur ses trois arrière-arrière-petites-filles.

– Profitez tant que vous avez la cuisse bien ferme, mes mignonnes, crossa-t-elle avant de remonter s'enfermer dans ses appartements, dont elle n'était sortie que pour constater ce qui pouvait bien causer un tel boucan.

Edelweiss eut alors droit à un passage exprès chez le médecin et à une bonne vingtaine de points de suture, Chardon à une excellente nuit de sommeil, et Rose se vit accorder le droit de regagner sa chambre – chambre qu'elle passa encore une heure au moins à mettre en ordre en maugréant des injures indignes d'une jeune femme de son rang, avant de sombrer dans une nuit d'insomnie.

La soirée avait décidément engendré son lot d'émotion, et Rose ne parvenait à en détacher ses pensées. Il suffisait qu'elle ferme les yeux pour que les visages se superposent, que les odeurs lui reviennent, que les impressions la submergent. Elle repensait au bal et à leur fuite en pirogue ; aux plantes merveilleuses et au pauvre saule qu'elle avait tué ; à Olivier, gentleman maladroit, et à Aguaje, qui les avait sauvées. Bonheur et regrets, émotion et tourments. Impossible de dormir avec un tel maelström d'idées coincées dans la boîte crânienne.

À défaut de trouver le sommeil, elle s'en alla trouver Gaïa. L'ancêtre occupait les combles du manoir, et ce depuis aussi longtemps que Rose s'en souvienne, depuis un temps largement antérieur à son emménagement au sein de l'imposante demeure, lorsque sa mère avait décidé de quitter le continent pour rallier les colonies après le décès de son père – Rose se trouvait alors âgée de deux ans à peine, mais conservait de vagues, très vagues souvenirs de cette époque.

Elle s'efforça vainement de ne pas faire craquer les escaliers abrupts tandis qu'elle les escaladait, grimaçant à chaque grincement susceptible de réveiller les membres de la maisonnée. Une fois parvenue au sommet, elle constata que malgré le concert donné par les marches, pour lequel elle venait d'incarner le rôle de chef d'orchestre, aucune des portes de l'étage inférieur ne s'était ouverte pour laisser apparaître une tête endormie dans l'entrebâillement. Parfait, songea-t-elle. Et elle pénétra dans l'antre de Gaïa.

En général, les esprits des plantes s'avéraient de constitution fragile, de sorte qu'il leur était imposé de mener une vie tranquille, à l'abri des dangers et de la pollution – malheureusement de plus en plus présente dans les grandes villes. Saule, le père de Rose, avait fini par mourir d'une intoxication due à une trop longue exposition à la poussière de charbon ; Camomille avait accepté de l'expliquer à sa fille après des années d'insistance.

En revanche, lorsqu'un esprit des plantes vivait dans un environnement qui lui convenait, auquel il pouvait s'adapter parfaitement, les limites posées à sa longévité semblaient disparaître soudainement. De tels cas étaient extrêmement rares, et ces êtres vigoureux, presque surnaturels, faisaient l'objet d'un respect immense au sein de la petite communauté. Ainsi était Gaïa, ancêtre de tous et révérée par tous. Elle ne quittait que rarement ses combles, ne dormait presque plus, et Rose, comme tous ses semblables, la tenait pour bonne conseillère, guide de l'âme comme du cœur.

– Grand-mère ? souffla-t-elle lorsqu'elle eut entrouvert la porte. Gaïa ?

– Entre, Rose. Je me doutais que tu finirais par passer me voir ; tu portes le prénom d'une fleur trop tourmentée pour parvenir à trouver un sommeil sans rêves après ce que tu as vécu ce soir.

L'ancêtre se tenait assise dans un large fauteuil à bascule, tout sculpté dans du bois et posé au centre de la pièce. Elle gardait un œil attentif sur sa bouilloire, tout en malaxant quelques feuilles de menthe entre ses doigts, qui embaumaient la pièce d'une délicieuse fraîcheur.

Rose s'avança de quelques pas timides, appréciant le côté chaleureux de la pièce, alors que tout le reste du manoir n'était décoré que dans un but de grandeur et de beauté. Ici, les meubles paraissaient aussi vieux que leur propriétaire, mais il dégageait une impression familière. Il en allait de même avec les vieux tapis effilés, et les mille menus objets s'entassant çà et là. Gaïa avait l'âme d'une collectionneuse.

– J'ai mis de l'eau à chauffer, va donc te préparer une tisane, lui ordonna la vieille. Fleur de coquelicot, camomille et mélisse. Et pas plus d'une cuillerée de miel – tu as toujours été trop gourmande pour ton propre bien...

La jeune fille obéit sans broncher, s'emparant successivement des vieux pots entassés sur l'étagère pour préparer la décoction. Elle ne lésina cependant pas sur le miel, estimant l'avoir amplement mérité. Lorsqu'elle versa l'eau bouillante sur le mélange, une délicieuse odeur un peu piquante lui envahit les narines, agissant presque aussitôt sur ses nerfs irrités.

– Comme de coutume, vous connaissez les plantes mieux que quiconque, soupira-t-elle en s'asseyant en tailleur aux pieds de la vieille femme, qui lui adressa un sourire bienveillant, avant de plisser le nez en grimaçant.

– Je t'avais dit une cuillerée de miel, pesta-t-elle. Incorrigible enfant, as-tu encore dévalisé mes réserves ?

Rose pinça les lèvres en regardant ailleurs, avant de décider de dissimuler son visage derrière la large tasse de porcelaine bleue, qu'elle porta à ses lèvres. La tisane lui brûla la langue, mais le goût était bien trop délicieux pour qu'elle s'en inquiète – quand bien même le feu demeurait l'élément le plus dangereux pour les esprits des plantes ; une simple petite brûlure pouvait tourner en terrible infection si on n'y prenait pas garde.

– Bien, grommela Gaïa au bout d'un moment. Et si tu m'expliquais ce qui t'empêche de dormir, maintenant que mes devoirs d'hôtesse sont remplis ? Tu as toujours souffert d'insomnie, mais jamais après avoir vécu une soirée si mouvementée – là, tu avais plutôt tendance à dormir comme une fleur en hiver.

Rose écarquilla les yeux, cherchant dans ses pensées par où elle devait commencer. Le meurtre du frêne lui revint immédiatement en mémoire, mais elle savait qu'il s'agissait d'un poids qu'elle devait porter seule. Partager sa culpabilité avec l'ancêtre aurait constitué une forme de lâcheté, une fuite en avant. Non, Rose s'efforçait de vivre en faisant face à ses actes, en les assumant pleinement. Elle commença à tourner lentement sa tasse de porcelaine entre ses mains, savourant la chaleur qui s'en dégageait. La rouquine appréciait de pouvoir occuper ses doigts lorsqu'elle réfléchissait ; il lui semblait que la concentration l'habitait plus pleinement ainsi, quand son corps et son esprit se dissociaient en deux tâches distinctes.

– J'ai fait la connaissance d'un jeune homme, murmura-t-elle finalement, sans parvenir à déterminer si c'était à Olivier ou à Aguaje que se rapportait l'allusion.

Gaïa pouffa, et agita négligemment sa main fripée devant elle comme pour chasser un insecte, un petit rien agaçant.

– Je te croyais trop terre-à-terre pour être émue de la sorte par un garçon, lâcha-t-elle. Voilà qui relève plutôt du domaine de Chardon ; toujours à s'imaginer au bras de tel ou tel autre jeune homme, comme si cela pouvait suffire à dissimuler le fait qu'elle n'a d'yeux que pour ce cher Valerian – lequel adopte exactement la même technique, note.

– Oh, mais ce n'est pas ce que je voulais dire... balbutia Rose, que le ton mordant de l'ancêtre déstabilisait. Même si je dois reconnaître que vous touchez dans le mille concernant la compétition effrénée que se livrent Cha et Val au niveau de leurs petits amis respectifs. Peut-être un jour finiront-ils sans doute par se montrer raisonnables et reconnaître qu'ils s'aiment plus que de raison.

Gaïa crachota un rire aigre et se pencha légèrement vers Rose, tordant son vieux corps malingre pour glisser un regard pénétrant sur la jeune femme ; un regard vert, si vert, comme les rais de soleil qui perçaient la forêt vierge ou les mousses éclatantes du bayou. Comme la lueur émeraude qui émanait des licornes. Fascinée, Rose se laissa emporter.

– J'écoute. Qu'a-t-il de si spécial, ce fameux garçon ?

– Et bien... Tout dépend duquel on parle. Aguaje – l'indien qui nous a ramenées, en portant Edel sur son dos qui plus est – semble entretenir l'indécente coutume de se promener à moitié nu, et je dois honnêtement avouer qu'un simple regard sur sa personne peut troubler – Cha a arrêté de parler pendant au moins cinq minutes quand nous l'avons rencontré, le temps de laisser à son cerveau le loisir d'organiser ses pensées autrement, histoire de... de faire de la place à d'autres activités cérébrales.

Rose s'exprimait d'un ton léger, sentant enfin la pesanteur de la soirée la quitter, pour ne plus laisser que les mots dans sa bouche, qu'elle débitait avec douceur.

– Et puis il y a Olivier, poursuivit-elle.

En entendant le prénom, les yeux clairs, presque aveugles, de Gaïa s'écarquillèrent, laissant apparaître le blanc de l'œil, malgré ses lourdes paupières.

– Un prénom qui en dit long, murmura-t-elle sous le regard à la fois étonné et inquisiteur de Rose.

– Il ne peut s'agir que d'un hasard, vu l'endroit où je l'ai rencontré, corrigea celle-ci, gênée. Mais un hasard amusant, je vous l'accorde.

– Le hasard n'est qu'un mythe, une légende, petite fleur. Il n'existe pas. Tu ne devrais pas le prendre à la légère, ni le sous-estimer. Raconte à la vieille Gaïa... Que s'est-il passé avec ton bel Olivier ?

Un sourire étira les lèvres de Rose, qui se pencha légèrement en avant, comme pour accentuer l'atmosphère de confidence qui régnait déjà dans la pièce. Elle sentit son cœur s'accélérer tandis que les sensations lui revenaient – les mains larges d'Olivier sur ses hanches, l'odeur fraîche et épicée qu'il dégageait, ses jolis yeux caramel sous ses mèches indisciplinées, et ce sourire à la fois bienveillant et mystérieux. Oh, quel sourire !

– Il m'a tiré d'un mauvais pas, puis m'a emmenée danser, et je crains que ce ne soit tout, chuchota la rouquine, tout à ses rêveries. C'est un garçon charmant, bien élevé, poli et délicat ; quel dommage que je l'aie rencontré à la soirée de cet affreux Monsieur de Tantale.

– Et pourquoi donc ? grommela Gaïa, que les émois niaiseux de son arrière-arrière-petite-fille finissaient sans doute par lasser.

– Eh bien... balbutia Rose, qui luttait très fort contre l'idée très – trop – séduisante que représentait une nouvelle danse au bras d'Olivier. Eh bien parce qu'il n'appartient pas à notre monde ! C'est tout le contraire : il fait même partie de ceux qui s'efforcent de le détruire !

Sur son fauteuil à bascule, Gaïa demeura longtemps silencieuse, au point que Rose se demanda un instant si l'ancêtre avait glissé vers le sommeil et s'il convenait qu'elle se retire. Au bout de plusieurs minutes, n'obtenant toujours aucune réaction, la jeune fille se releva d'ailleurs, termina sa tisane d'une longue goulée et partit, sur la pointe des pieds, déposer sa tasse de porcelaine bleue sur l'un des meubles qui disposait encore d'un peu de place. Elle en était à prendre le chemin de la porte, priant déjà pour que les marches des escaliers se montrent clémentes à son égard, quand la voix de Gaïa retentit à nouveau dans la pièce, comme un grondement sourd qui serait venu des entrailles mêmes de la terre.

– Ce monde n'est pas toujours aussi manichéen que tu sembles le croire, Rose. Il existe d'autres couleurs que le blanc et le noir, et c'est une chose qui ne devrait pas échapper à une fleur. Tu apprendras.

Rose demeura un instant figée par les paroles, ne trouvant rien à y répondre. Elle jeta un dernier regard à Gaïa, à nouveau immobile sur son fauteuil, comme endormie, puis comprit que le moment était venu de se retirer. Elle passa la porte et fit de son mieux pour ne pas jouer un nouveau concerto dans les escaliers – sans succès d'ailleurs, car son manque de discrétion lui attira les foudres de Chardon et Valerian.

Les portes de leurs chambres s'ouvrirent simultanément, pour laisser apparaître leurs têtes endormies – les cheveux en bataille et les yeux mi-clos. Ils ne s'aperçurent pas immédiatement de leurs présences respectives, orientant toute leur attention sur la responsable de leur insomnie.

– Rose, sérieusement... articulèrent-ils tous deux, avant de s'interrompre brusquement.

Ils se foudroyèrent mutuellement du regard, grimacèrent, et Rose, immobile dans le couloir, observa toutes ces sympathiques réactions non sans un certain amusement.

– On peut savoir ce que tu reproches à ma cousine ? grinça Chardon, glaciale, ses prunelles pailletées d'améthyste soudain bien éveillées.

Le revirement soudain de la jeune femme n'étonna personne : Rose ne savait que trop bien que Chardon prenait toujours son parti contre Valerian – à dire vrai, elle prenait le parti de n'importe qui, du moment que cela lui permettait d'élever la voix contre le jeune homme.

Valerian – Val pour les intimes – avait toujours vécu dans le manoir aux côtés des cousines. Âgé d'une année et demie de plus que Rose et Chardon, il représentait une figure de grand frère, au début. Celui qui les poussait à tous les coups fourrés, qui cachait leurs poupées ou les emmenait faire de longues promenades dans la forêt – promenades durant lesquelles ils finissaient le plus souvent perdus, mais cela importait peu, seule comptait l'aventure ! Sa relation avec Chardon s'était toujours avérée plutôt tendue : enfants, ils se disputaient gentiment, bataillant pour savoir à quel jeu on finirait par jouer, qui avait le droit d'être le chef de la bande et pourquoi les zébus étaient tellement plus classes que les lapins nains.

Arrivés à l'adolescence, leurs innocentes chamailleries avaient peu à peu évolué pour devenir de véritables mésententes. Ils se fixaient toujours de ce regard brûlant, semblant prêt à se jeter au coup l'un de l'autre – pour s'étrangler ou pour s'embrasser, ça Rose avait mis un peu plus de temps à se le figurer.

Aujourd'hui adultes, Valerian et Chardon n'avaient rien modifié de leur relation tumultueuse. Ils n'en venaient certes plus aux mains, pas plus qu'ils ne hurlaient à en faire trembler les fondations du manoir – cela demeurait l'apanage de Rose. Non, les deux jeunes gens se contentaient d'oppositions systématiques et de remarques sifflantes. Leurs chambres mitoyennes n'aidaient guère.

– Ce que je reproche à ta chère cousine, Chardon, c'est de s'amuser à courir dans les escaliers à quatre heures du matin. Il y a des gens qui dorment dans cette maison !

Valerian utilisait toujours le prénom complet de Chardon, quand bien même il savait pertinemment que celle-ci ne l'appréciait guère, et qu'il sonnait comme une piqûre à ses oreilles.

– Rose a parfaitement le droit de rendre visite à Gaïa si l'envie lui en prend ! répliqua l'intimée, la tête toujours coincée dans l'entrebâillement de sa porte – Rose la soupçonnait de ne rien porter d'autre que sa seule nudité, sans quoi elle n'aurait pas hésité à sortir pour aller dire ses quatre vérités au jeune homme bien en face.

– Elle fait ce qu'elle veut, du moment qu'elle me laisse dormir ! Le fait que tu sois trop sourde – ou trop alcoolisée ! – pour être dérangée par le bruit ne m'empêche pas de l'être, moi !

– Ce n'était qu'un seul petit verre de champagne ! Et bien sûr, comme de coutume, le monde tourne autour de Môssieur Valerian !

– Peut-être parce que je n'ai pas la même tendance à me laisser piétiner par les autres que toi !

– Piétiner ? Pardon ? Rose ne piétine personne, elle a un fort caractère légèrement lunatique, voilà tout ! Quant à moi, je ne me laisse absolument pas piétiner ; je suis conciliante ! Mais peut-être la différence est-elle trop subtile pour toi !

– Oh, je t'en prie Chardon, tu ignores le sens du mot subtilité – et d'à peu près toutes les autres expressions de ta charmante réplique !

– Tu veux qu'on parle de vocabulaire, Valerian ? Infâme bélître cacostomique !

Le jeune homme ne réagit pas immédiatement, encaissant le choc. Puis un sourire mauvais vint étirer ses lèvres, tandis qu'il répliquait, sur le ton de celui qui sait pertinemment que son adversaire s'apprête à perdre son sang-froid :

– Gaupe dipsomane.

– Cuistre libidineux !

– Gourgandine pudibonde.

– Cénobite anoure !

La dispute se mit à dégénérer sérieusement à partir de ce moment-là, et elle attira d'autres insomniaques d'une bonne humeur relative et au vocabulaire fleuri. Rose, elle, ne faisait déjà plus partie du tableau : aussitôt qu'on l'avait oubliée, elle en avait profité pour filer et regagner ses propres quartiers, où le sommeil l'attendait enfin – contrairement à la plupart des membres de la maisonnée, qui devaient définitivement passer une nuit agitée.

***

Genèse 5.0

Susi dit : y'aurait l'esprit des oliviers, pis y s'appellerait Olivier, ce serait super original !

Spes dit : la fille s'appellerait Rose

Susi dit : l'esprit des euh... des marguerites ?

Spes dit : esprit des roses !

Spes dit : d'ailleurs elle serait mannequin

Spes dit : les prénoms chelou sont à la mode aussi

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