Pétales de Rose et rameau d'O...

By Susi-Petruchka

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« Jamais Rose Phorbe-Nascorie n'avait connu situation plus insolite que celle dans laquelle elle se retrouva... More

I. Damoiselle Rose, sur un muret perchée
II. Damoiselle Rose, au bal égarée
III. Damoiselle Rose, en un saule incarnée
V. Damoiselle Rose, par les remous malmenée
VI. Damoiselle Rose, dans les combles réfugiée
VII. Damoiselle Rose, dans des plans très foireux impliquée
VIII. Damoiselle Rose, plusieurs fois abusée
IX. Damoiselle Rose, par la chaleur incommodée
X. Damoiselle Rose, en territoire ennemi infiltrée
XI. Damoiselle Rose, abondamment frustrée
XII. Damoiselle Rose, en un duel engagée
XIII. Damoiselle Rose, par la vérité assomée
XIV. Damoiselle Rose, à la franchise résignée
XV. Damoiselle Rose, en contre-attaque avancée
XVI. Damoiselle Rose, b(a)isouillant dans les bois
XVII. Damoiselle Rose, par la réalité - et le manque de sommeil - rattrapée
XVIII. Damoiselle Rose, à de très légers problèmes relationnels confrontée
XIX. Damoiselle Rose, en un si sacré sanctuaire emmenée
XX. Damoiselle Rose, à bien des périls exposée
XXI. Damoiselle Rose, par les événements dépassée
XXII. Damoiselle Rose, entre des feux croisés piégée
XXIII. Damoiselle Rose, par de menus détails intriguée
XXIV. Damoiselle Rose, par une licorne secourue
XXV. Damoiselle Rose, sacrifiée
Épilogue : Juste Rose

IV. Damoiselle Rose, en pirogue embarquée

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By Susi-Petruchka

L'assemblée réunie autour de l'estrade ne se laissait jusque-là aller qu'à des commentaires appréciateurs sur l'audace et le sens des affaires du brillant Donatien de Tantale. Les belles dames minaudaient un peu tandis que leurs élégants époux dissertaient sur les ouvertures que représenterait la mine pour le commerce de l'Île. Toutes les conversations finirent cependant par cesser. Brutalement. Et le silence sonna comme un coup de tonnerre, bientôt ponctué d'exclamations affolées. Monsieur de Tantale, exaspéré par cette agitation soudaine, leva les yeux vers ce qui semblait désormais occuper le cœur de l'attention de ses spectateurs jusque-là si dociles.

Il vit le frêne. Il vit les feuilles jusqu'alors si vertes, si belles et si brillantes, changer lentement de couleur, jusqu'à virer à un brun maladif. Il les vit se rabougrir, se dessécher, et tomber finalement, comme un seul et immonde rideau pourri, pour venir baigner la scène qu'il occupait toujours. L'arbre était mort. Son écorce virait au noir, pourrissait de l'intérieur. Les branches se mirent à croupir, à se corrompre de l'intérieur. L'une d'elles cassa net, et un cri ébranla le silence pesant qui s'était saisi de l'assemblée. Le cri d'une jeune fille aux nattes blondes et aux yeux bleus écarquillés d'horreur et de surprise, qui tomba de son perchoir pour atterrir – il fallait que les choses de passent ainsi – très exactement sur la tête du puissant industriel.

– Euh... Pardon, débita-t-elle, sans paraître gênée le moins du monde.

Elle prit un instant pour masser ses genoux égratignés, grommela une réplique incompréhensible lorsque Monsieur de Tantale se tira de son ébahissement pour lui demander ce qu'elle faisait là, et finit par tourner son regard vers la foule ébahie, où son regard s'arrima à celui d'une brunette à la robe d'un violet clair.

– Coucou Cha ! Je ne veux rien présumer, mais je crois que c'est à peu près maintenant que l'on se met à courir.

Rose reprenait lentement ses esprits, toujours adossée au saule pleureur. Elle prenait à peine la mesure de ce qu'elle venait d'accomplir, et s'en trouvait d'ores et déjà horrifiée. Sans remords, sans arrière-pensées, elle venait de tuer un arbre. Une forme de vie ancienne et vénérable, à la puissance tranquille. Mais la Rose épineuse ne se souciait guère des conséquences lorsque la colère l'emportait, tel un immense raz de marée submergeant toute bribe de sens critique. Elle venait de tuer un arbre. Et elle se détestait pour cela.

L'apparition d'Edelweiss, Chardon sur ses talons, la tira de ses noires pensées. Les deux jeunes filles avançaient d'un pas pressé, aussi vite que le permettait la belle robe à volant de Chardon.

– Rose, je me dois de te présenter mes plus sincères remerciements ! lança Edelweiss. Tu as accompli exactement ce que je m'attendais à ce que tu fasses – même si très honnêtement, achever ce pauvre frêne ne s'avérait pas tout à fait nécessaire, mais j'imagine que je peux te pardonner la chose vu l'effet assez extraordinaire qu'a dû avoir ta petite démonstration sur les esprits étriqués des partisans de ce tueur de forêts ! Et maintenant, on court !

Rose mit quelques secondes à réaliser ce que venait de débiter sa demi-sœur, son esprit toujours ancré à l'arbre assassiné. Elle ne s'énerva pas, pour le coup, sans doute trop choquée par ce qu'elle venait d'accomplir, et se contenta de hocher mollement la tête.

– Rose, on réglera nos comptes avec Edel plus tard ! la supplia Chardon, qui prenait sans doute son mutisme pour de la colère refoulée. On a pu s'éclipser parce que tout le monde est trop éberlué pour réagir, mais ils ne tarderont pas à envoyer du monde à nos trousses. Et après ton formidable coup d'éclat, je t'avouerai que je vois mal comment on pourra s'en tirer. Alors écoute Edel, pour une fois, et cours !

Elles coururent, s'évertuant à disparaître entre les ombres du jardin. Mais sur leurs talons s'élevaient déjà des voix, anxieuses et agressives, qui donnèrent envie à Rose de disparaître. Chardon n'en menait pas plus large, mais Edel gardait plus ou moins la tête froide, même si elle continuait à tenir des discours plus ou moins dénués de sens.

– Pas de panique, tout se déroule exactement comme prévu, chuchota-t-elle vivement. J'ai garé ma pirogue pas loin.

Elle prit la tête du petit groupe, profitant de ses vêtements largement plus pratiques – un impudique pantalon de toile brute et une simple marinière – pour évoluer rapidement et sans bruits au travers de la végétation. Elle pestait de temps à autre, accusant sa sœur et sa cousine de lenteur, mais Rose et Chardon ne relevaient pas la chose, trop occupée à zigzaguer parmi les herbes hautes. N'eût-elle été sous le choc, Rose se serait sans doute horrifiée de voir sa belle robe traitée de la sorte, mais elle avait légèrement d'autres problèmes en tête pour le moment. Le premier d'entre eux s'incarnant en leurs poursuivants, qui ne les avaient certes pas encore repérées, mais dont les voix se faisaient plus proches chaque minute.

Elles finirent par atteindre le bout du jardin et son muret, mais pas du côté par lequel elles avaient fait leur entrée, réalisa Rose. Les effluves nauséabonds d'un marécage, qu'elle sentait tout proche, lui tirèrent une grimace.

– À quoi joues-tu, Edel ? On ne pourra jamais passer par là !

– Oh, arrête de te plaindre et essaie de me faire confiance, pour une fois dans ta vie. J'ai tout prévu.

L'adolescente avait articulé les dernières syllabes sur un ton confiant, hochant outrageusement la tête. Rose retint une grimace. Perdue pour perdue, elle ne risquait pas grand-chose à accepter de laisser Edelweiss jouer les chefs de file.

– Et c'est reparti pour l'ascension du muret, soupira Chardon à ses côtés.

Cela s'avéra cependant moins compliqué qu'à l'aller, les trois jeunes filles se découvrant fortement motivées par les cris qui les pourchassaient toujours, sans compter que les deux aînées ne se souciaient plus d'abîmer leurs belles tenues. Rose n'hésita pas un instant à sauter de son perchoir cette fois, mais poussa une exclamation de surprise en se sentant atterrir dans un sol spongieux, qui lui mangea les chevilles. Elle y laissa même une ballerine en tâchant de récupérer son pied gauche, mais ne perdit pas son temps à essayer de la sauver de la boue et de l'eau tiède. Elle n'était pas vraiment sûre de vouloir remettre ces chaussures un jour, vu les traumatismes qui leur étaient alors imposés.

– Marécage ; j'avais vu juste, maugréa-t-elle, songeant que la soirée pouvait difficilement empirer – le souvenir de sa danse volée au bras d'Olivier lui paraissait une douce chimère à présent.

Edelweiss, qui aimait beaucoup prouver à sa sœur qu'elle avait tort – et qui possédait un réel talent pour la chose – la détrompa cependant remarquablement vite : oui, les choses pouvaient bel et bien empirer.

– Chut ! souffla-t-elle. Tu vas réveiller les alligators.

Rose se sentit blêmir, et se promit qu'elle lui réglerait son compte plus tard, morte ou vive.

Elles parvinrent à mettre la main sur une pirogue de bois flotté, comme celles qu'usaient les natifs de l'Île pour se déplacer à travers le bayou. Rose s'interrogea évidemment sur la manière dont sa cadette avait bien pu se procurer un tel objet, mais le souvenir des alligators qui campaient à proximité – selon Edelweiss – lui ordonna de garder ses questions pour plus tard. Elle se hissa tant bien que mal dans l'embarcation, détestant la sentir tanguer sous son poids. Chardon s'installa juste derrière elle, et Edelweiss s'arrogea la poupe, dégainant pour l'occasion une pagaie sculptée dans le même bois que sa pirogue, au manche joliment ouvragé. Les trois filles manquaient de place, et se félicitèrent d'entretenir une taille assez menue pour ne pas faire sombrer leur coquille de noix. Puis commença leur étrange périple à travers le marécage.

Sur l'Île, la nature était partout, occultait tout, et Rose ne voyait dès lors rien d'étonnant à ce que le jardin d'un puissant industriel donne tout droit sur la forêt vierge – cette dernière les encerclait sans fin, splendide rideau vert malheureusement mis en danger par les pratiques irresponsables de Monsieur de Tantale. Indomptée, la nature possédait un côté effrayant, que le clair de lune atténuait à peine. Chardon respirait avec une lenteur exagérée, dans le dos de Rose, comme si cela avait pu suffire à les faire passer inaperçues au milieu d'un territoire qui ne leur appartenait pas – toute affiliée à la nature que pouvait être leur famille, les cousines n'en menaient pas large pour autant dans le noir, cernées de crissements étrangers et de cris inhumains.

– Le bayou, pas pour moi, siffla Chardon entre ses dents. Si on s'en sort, tu vas me le payer cher, Edel.

– Je n'en doute pas.

L'adolescente ne précisa pas si elle parlait de leur éventuelle survie ou des affres que lui ferait subir sa cousine, et continua à pagayer avec lenteur et précision, prouvant que le maniement de l'embarcation ne lui était pas étranger, loin de là. Le voyage sembla durer des heures, éternelle balade au clair de lune sur cette eau nauséabonde, jusqu'à ce que quelques changements pointent leur nez à l'horizon : la mélodie de l'eau se remit à chanter, et le courant sembla s'accélérer. Elles quittaient le marécage pour rejoindre une rivière. Rose estima qu'il s'agissait d'une bonne chose, quand bien même elle n'appréciait guère l'idée de se retrouver sur une eau mouvante et sans doute un peu traître.

– Beaucoup traître, la corrigea négligemment Edelweiss lorsqu'elle en fit la remarque à voix haute. Mais la plupart du temps, je survis. Je serais vous, par contre, je me débarrasserais de ces fanfreluches. Si on chavire, vous allez couler à pic.

Seule la main apaisante de Chardon sur l'épaule de Rose empêcha cette dernière de hurler au meurtre.

Les cousines tâchèrent ainsi de se débarrasser de leurs coûteuses tenues, ce qui ne s'avéra pas une mince affaire, entassées de la sorte dans une embarcation peu stable, entraînées pas un courant de plus en plus fort. Il semblait à Rose qu'elles ne cessaient de s'enfoncer dans la forêt, pénétrant toujours plus profondément au cœur de cette nature sauvage et indomptable.

– Edel, où allons-nous comme ça ? demanda-t-elle lorsqu'elle fut parvenue à ôter sa robe – ce qui la laissait dans une tenue des plus impudiques ; pourvu que leur coquille de noix ne croise la route de personne !

– Ben... hésita l'adolescente. Aucune idée, je dois te dire. On a loupé notre tournant il y a une bonne demi-heure.

– Pourquoi n'as tu rien dit ? paniqua aussitôt Chardon, qui frissonnait dans son simple jupon.

– Vous êtes déjà assez sur les nerfs comme ça. Pas la peine d'en rajouter.

Cette fois, c'en fut trop pour Rose, qui esquissa un mouvement rageur et lâcha une exclamation frustrée. Mal lui en prit : son accès de colère fit vaciller la pirogue, qui manqua de chavirer.

Terra mater, terra mater, terra mater... psalmodiait Chardon, qui n'appréciait définitivement pas la tournure des évènements.

Edelweiss jeta à ses deux compagnes d'infortune un regard dédaigneux, toujours cramponnée à sa pagaie.

– On finira bien par arriver quelque part, souffla-t-elle.

Les chuintements de l'eau se firent de plus en plus fort, comme un doux murmure allant en s'amplifiant, jusqu'à devenir un étrange grondement, sourd et grave, dont la source se rapprochait. Rose ferma les yeux, devinant trop aisément ce que cela laissait présager. Les ennuis ne faisaient décidément que de commencer.

– Il n'y aurait pas une chute droit devant, non ?

Chardon soupira, et Edelweiss préféra se taire, de peur sans doute que ses remarques parviennent à véritablement enflammer sa sœur aînée. La pirogue continuait à dériver, portée par le courant plus que par les mouvements lents de la cadette des trois infortunées, désormais. D'étranges lueurs vertes apparurent au fond de l'eau, qui arrachèrent une exclamation paniquée à Rose lorsqu'elle les aperçut pour la première fois.

– Rassurez-moi, les alligators ne brillent pas dans le noir, n'est-ce pas ?

– Nope, lança joyeusement Edelweiss. Ce qui est tout à fait dommage, d'ailleurs, parce que ce serait vachement plus pratique pour les repérer.

Rose ne goûta guère à la plaisanterie, et tourna un regard anxieux vers les étranges lueurs, qui semblaient se faire toujours plus nombreuses en dessous de leur embarcation. Quelques minutes durant, elle ne prêta plus attention au grondement sourd qui se rapprochait, ne songeant même pas à crier à Edelweiss de tenter de se rapprocher de la rive – la manœuvre se serait sans doute soldée par un échec, de toute manière, tant les flots les entraînaient dans une irrémédiable fuite en avant. Mais ces lueurs...

– Elles possèdent une aura curieusement apaisante, murmura la rouquine, plus pour elle-même que pour ses compagnes d'infortune. Comme si... elles étaient là pour nous. Pour nous aider. Edel, tu es certaine de ne pas savoir de quoi il s'agit ?

Rose tourna les yeux vers sa sœur, qui esquissa un petit sourire en coin.

– Ce sont des licornes du bayou, bien sûr ! s'exclama-t-elle, presque obligée de hurler pour se faire entendre par dessus les grondements de la chute.

Rose l'ignora, convaincue qu'elle se moquait d'elle et guère motivée à lui donner de nouvelles raisons de la faire tourner en bourrique. Et de toute façon, la chute arrivait.

***

Genèse 4.0

Susi dit : Ce serait de la fantasy romantique alors ?

Susi dit : Waa c'est trop à la mode ça en plus

Spes dit : Je sais pas si on peut vraiment utiliser le terme de fantasy :p

Susi dit : De la romance romantique mâtinée de vampires ?

Spes dit : Ah des vampires, super bonne idée !

Susi dit : Nan, c'est fini les vampires, maintenant la mode est aux loups-garous !

Susi dit : Anticipons la prochaine mode... des zombies !

Spes dit : Pas pour la romance

Spes dit : Faut une espèce genre classe un peu

Susi dit : Mais c'est classe les zombies !

Susi dit : Bon, des princes alors ? Des nains ? Des satyres ?

Spes dit : Satyres pour tenter la jeune fille c'pas mal xD

Susi dit : Des esprits de la nature super mélancoliques et tout et comme ça en même temps on dénonce les vilains industriels, woo !

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