Pétales de Rose et rameau d'O...

By Susi-Petruchka

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II. Damoiselle Rose, au bal égarée
III. Damoiselle Rose, en un saule incarnée
IV. Damoiselle Rose, en pirogue embarquée
V. Damoiselle Rose, par les remous malmenée
VI. Damoiselle Rose, dans les combles réfugiée
VII. Damoiselle Rose, dans des plans très foireux impliquée
VIII. Damoiselle Rose, plusieurs fois abusée
IX. Damoiselle Rose, par la chaleur incommodée
X. Damoiselle Rose, en territoire ennemi infiltrée
XI. Damoiselle Rose, abondamment frustrée
XII. Damoiselle Rose, en un duel engagée
XIII. Damoiselle Rose, par la vérité assomée
XIV. Damoiselle Rose, à la franchise résignée
XV. Damoiselle Rose, en contre-attaque avancée
XVI. Damoiselle Rose, b(a)isouillant dans les bois
XVII. Damoiselle Rose, par la réalité - et le manque de sommeil - rattrapée
XVIII. Damoiselle Rose, à de très légers problèmes relationnels confrontée
XIX. Damoiselle Rose, en un si sacré sanctuaire emmenée
XX. Damoiselle Rose, à bien des périls exposée
XXI. Damoiselle Rose, par les événements dépassée
XXII. Damoiselle Rose, entre des feux croisés piégée
XXIII. Damoiselle Rose, par de menus détails intriguée
XXIV. Damoiselle Rose, par une licorne secourue
XXV. Damoiselle Rose, sacrifiée
Épilogue : Juste Rose

I. Damoiselle Rose, sur un muret perchée

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By Susi-Petruchka

Jamais Rose Phorbe-Nascorie n'avait connu situation plus insolite que celle dans laquelle elle se retrouva piégée en ce soir de juillet. Si on analysait sa situation de manière temporelle, on constatait que les pendules sonnaient les onze heures. Une damoiselle de son genre aurait plutôt dû se trouver dans son lit, pelotonnée sous les draps de soie, à sombrer dans un demi-sommeil peuplé d'ombres et de rêveries. Cela dit, le plus gênant demeurait indubitablement sa situation spatiale du moment : à califourchon sur un muret, quelques deux mètres au-dessus du sol. En robe de bal, évidemment. La situation aurait perdu de son mordant, sans la robe de bal. Au pied du muret, Chardon lui murmurait des encouragements inquiets, la pressant de quitter son perchoir.

– Rose, ils vont te voir ! Descends de là ou tu vas nous faire prendre !

L'intéressée considéra quelques secondes durant le pan de vide qui la séparait du sol, puis sa robe, puis le vide à nouveau. Elle haussa un sourcil à la courbe aguicheuse.

– Non, non et non ! répliqua-t-elle, plus fort que ne l'aurait voulu la prudence. Edel peut bien causer tous les scandales qu'elle voudra, moi je rentre !

– Rose !

Elle aussi engoncée dans une robe à volants, Chardon tapait du pied, les bras croisés et la posture grave. La damoiselle perchée ne discernait pas ses traits, avalés par l'obscurité ambiante, mais devinait sans mal l'expression exaspérée qui devait les tordre.

– Cha, sérieusement ?

– Sérieusement, Rose.

Du haut de son muret, la jeune fille poussa un profond soupir, et décida de laisser au destin le luxe de choisir pour elle les conséquences qu'entraînerait sans aucun doute son acte : elle passa sa jambe droite de l'autre côté de l'obstacle, s'assura que l'abondance de tissu qui formait sa tenue ne s'était accrochée nulle part – le moment aurait été mal choisi pour terminer à moitié nue – puis sauta. Elle sentit la robe voler tout autour d'elle l'espace d'un instant, puis retomber au sol pour voiler ses impudiques chevilles.

– Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour Edel ! maugréa Rose en remettant un peu d'ordre dans sa coiffure.

Elle inspecta brièvement la tenue de Chardon et constata que leurs acrobaties nocturnes ne l'avaient point abîmée. Sa cousine resplendissait, charmante comme jamais dans l'avalanche de tissu parme qui la vêtait. Sa robe possédait une sophistication délicieuse, toute en dentelle et en transparence – sans pour autant en dévoiler plus que nécessaire. Même dans l'obscurité, le tissu s'accordait à la peau pâle de la jeune fille, et faisait même ressortir des nuances zinzolin dans ses yeux en amande. Et surtout, avantage non négligeable, il contenait plus ou moins pudiquement les imposantes rondeurs de sa gorge. Les poumons rayonnants de santé de Chardon leur causaient des ennuis plus souvent que nécessaire.

Rose, au contraire, avait opté pour plus de simplicité – si tant est qu'un tel qualificatif puisse être appliqué à une robe de bal. Point de profusion de jupons en ce qui la concernait ; un simple fuseau, d'une étoffe aux allures de ruisseau, cousu de pierreries. Pas de manches – dans la chaleur de l'été, celles-ci se seraient avérées étouffantes –, mais de longs gants de soie, d'un blanc crémeux qui se confondait à sa peau laiteuse, comme si elle n'avait porté que sa simple nudité. Et cascadant sur ses épaules telles des flammèches incandescentes, ses longues boucles rousses, seule touche de couleur du costume – mais quelle touche !

– Tout bon, t'es décente, l'informa Chardon. La chasse à l'Edelweiss est ouverte !

– Pas de pitié ! commenta Rose.

Les cousines – aussi dissemblables par l'apparence que semblables par l'élégance – firent ainsi leur entrée clandestine au sein de la réunion mondaine la plus courue de l'année : le bal annuel donné par Monsieur Donatien de Tantale, l'industriel le plus riche de l'Île, en l'honneur des différents officiels et autres acteurs politiques qu'il corrompait sans relâche année après année.

Les circonstances qui pouvaient pousser deux jeunes filles de bonne famille à vouloir pénétrer un événement de ce genre-là ? Nombre d'entre elles n'auraient tenté l'aventure que dans l'espoir de passer une soirée loin de leur chaperon, à s'imaginer princesses aux bras de beaux inconnus, à danser tout leur soûl et à goûter du bout des lèvres, gloussant et rougissant, les coupes de champagne servies aux invités. Pas Rose Phorbe-Nascorie et Chardon Acere, cependant. Pour comprendre la raison de leur intrusion, il fallait remonter à quelques heures de là, au sein du manoir familial.

***

Il s'agissait d'une imposante demeure, bâtie dans le pur style colonial. Quatre étages s'élevaient au milieu de l'espèce de jungle désordonnée que constituait le jardin. À chaque fenêtre, une lumière tranchait la pénombre crépusculaire. À n'en point douter, l'endroit était dûment habité, et non hanté par un unique occupant. Dans le grand salon s'entassait une joyeuse assemblée, presque exclusivement féminine, installée en arc de cercle autour d'une pianiste. La jeune femme égrenait les notes de ses doigts agiles, jonglant entre blanc et noir comme dans une impossible partie d'échecs. Le coffre du piano à queue, entrouvert, laissait échapper toute la puissance enchanteresse de la musique.

Cela ne suffit toutefois pas à couvrir le cri qui perça le plancher, en provenance directe du premier étage. Ce cri-là, strident, les occupants de manoir ne le connaissaient que trop bien. Et pour cause : il retentissait en moyenne une bonne dizaine de fois chaque jour. Il se décomposait en trois syllabes bien distinctes :

– E-del-weiss !

La pianiste cessa aussitôt son œuvre, qu'elle paracheva d'un accord grave et discordant, comme pour mieux exprimer son agacement. Tous les occupants du salon s'entre-regardèrent en silence, s'interrogeant sur le cataclysme qu'ils auraient à gérer cette fois. Puis, Rose apparut au sommet des escaliers, qu'elle dévala – martela plutôt – d'un pas si rapide qu'elle manqua une fois ou l'autre de dévaler le reste des marches sur son charmant postérieur.

– Mère, je n'en peux plus ! décréta-t-elle d'une voix qui tirait dans les aigus.

Elle s'était adressée à une femme d'une quarantaine d'années, au visage doux quoique fatigué, qui se tenait confortablement installée sur le canapé, une fillette sur ses genoux. Camomille Phorbe-Nascorie – ainsi qu'elle se nommait – se retint de lever les yeux au plafond, afin de ne pas accentuer l'état de fureur avancé dans lequel semblait plongée sa fille aînée.

– Et de quel méfait doit-on accuser ta sœur cette fois, Roseli chérie ?

– Jetez donc un œil au désordre qu'elle a mis dans ma chambre ! C'est un fouillis sans nom.

L'interpellée se mordilla les lèvres, visiblement peu motivée à se livrer à une inspection sanitaire alors que la soirée commençait si bien. La fillette sur ses genoux gigota un instant, jusqu'à ce qu'elle parvienne à lui échapper. Elle fila alors le long de l'escalier, rapidement imitée par une autre petite fille au physique semblable ; les jumelles ne se tenaient jamais loin lorsqu'il s'agissait de rapporter aux adultes les bêtises des autres.

Camomille hésitait visiblement toujours à se lever, offrant un sourire innocent à Rose. Dans l'intervalle, une étrange apparition s'accapara les escaliers à son tour – ces derniers se trouvaient visiblement au cœur de toutes les tragédies ce soir-là.

– N'ayez crainte, bonnes gens ! s'exclama Edelweiss avec une emphase digne des meilleurs comédiens. Le malheur ne s'abattra point sur cette demeure, tout va pour le mieux : j'ai retrouvé mon monocle !

D'un geste charmeur, elle plaça l'objet devant son œil gauche, agrémenta l'assemblée d'un clin d'œil complice, puis dévala ce qu'il lui restait de marches, pirouetta devant sa mère, pour finalement offrir une gracieuse révérence à Rose. Cette dernière se renfrogna un peu plus.

– Chère sœur, vous êtes l'objet de toute ma gratitude, déclama-t-elle. La fouille méthodique de votre chambre a permis à mon humble personne de remettre la main sur ce précieux objet.

– Espèce de menteuse ! Il était coincé entre deux pages de ton bouquin de botanique. Dans le tiroir de ta commode. Dans ta chambre !

Edelweiss, une demi-tête plus petite que son aînée, mais pas impressionnée pour autant, esquissa une moue pensive.

– Certes, reconnut-elle. Mais je ne m'en suis souvenue qu'au moment de démonter ta bibliothèque. Le monde est bien fait, n'est-ce pas ?

Le visage de Rose vira au cramoisi, couleur qui jurait terriblement avec sa belle chevelure rousse. Camomille, toujours bien installée sur son fauteuil, jugea le moment opportun pour une démonstration criante de son autorité maternelle.

– Edel, va dans ta chambre s'il te plaît.

Elle fronça un sourcil – qu'elle avait aussi charmant que sa rouquine de fille – avant de reprendre :

– Ou bien non, dans celle de Rose plutôt. Tu vas ranger.

Edelweiss hocha la tête avec une acceptation qui ne lui ressemblait guère, pas plus qu'elle ne coïncidait avec le tempérament rebelle que lui conféraient ses seize ans. Elle disparut dans l'escalier sans demander son reste, et la pianiste put reprendre son œuvre, sous les yeux d'une Rose légèrement apaisée, quoique toujours rougeaude.

Le drame ne fut constaté que plus tard, et grâce à la clairvoyance de Chardon. Tandis que s'égrenaient toujours les notes, celle-ci quitta le reste de la famille pour gagner l'étage. Elle frappa à la porte de la chambre de Rose, mais personne ne vint lui ouvrir. Étonnée – et rendue méfiante par la trop rapide reddition d'Edelweiss –, elle tourna la poignée. Le spectacle qui s'offrit à ses yeux fut celui d'un impossible capharnaüm, aussi terrible que celui décrit par Rose, et effectivement suffisant à la faire basculer dans une bruyante hystérie. Bon, Edel n'avait rien rangé, c'était une chose. Au milieu de la pièce, empêtrées au milieu d'une nuée d'étoles, les jumelles – sœurs cadettes de Rose et d'Edelweiss – s'amusaient avec le maquillage de leur aînée. Leurs visages poupins se barbouillaient de couleurs.

– Mes petites fleurs ? les interpella doucement Chardon. Vous savez où a disparu Edelweiss ?

Les fillettes hochèrent la tête de concert, et pointèrent leurs doigts encore potelés sur la fenêtre entrouverte.

– Elle s'est faite toute jolie et elle est partie par là ! affirma Capucine, péremptoire.

– Pour aller à un bal de princesse ! renchérit Aubépine. Dis Cha, on ira aussi, faire les princesses ?

La jeune femme grimaça.

– Peut-être pas aujourd'hui, petites fleurs. Prenez ce qu'il vous plaira et partez donc jouer dans votre chambre à vous. Vous ne voudriez pas vous trouver sur le chemin de Rose quand elle découvrira tout ce désordre, n'est-ce pas ?

Aubépine et Capucine s'interrogèrent du regard, pour parvenir à une même conclusion : elles filèrent sans demander leur reste. Chardon, elle, s'attribua la lourde tâche d'annoncer à sa cousine l'étendue des dégâts – ainsi que de prophétiser ceux qui suivraient si elles n'arrêtaient pas rapidement Edelweiss.

Rose hurla – encore – lorsqu'elle posa les yeux sur le désordre toujours aussi confortablement installé dans ses quartiers, tant et si bien qu'il y paraissait fort aise. Heureusement, personne ne vint à son secours cette fois, et elle réprima le réflexe de retourner se plaindre chez sa mère.

– Edel a tout manigancé, lui expliqua posément Chardon. Elle voulait se faire punir, vois-tu, afin de disposer d'une occasion de s'esquiver en douce sans que personne ne s'inquiète de son absence.

– Et pour quoi faire ? grommela Rose, glaciale.

Sa cousine haussa les épaules, un peu désabusée.

– Capu et Aubé disent qu'elle est partie pour un bal...

Cette fois, Rose montra un peu plus de sentiments.

– Elle n'aurait quand même pas osé ! s'étouffa-t-elle. L'ignoble gamine !

***

Rose et Chardon s'étaient donc esquivées à leur tour, sans rien dire aux adultes, pour s'introduire clandestinement dans le parc où se tenait le bal, à la suite d'Edelweiss. Elles n'entretenaient guère d'illusions quant aux intentions de l'adolescente : saboter la soirée. Il fallait dire que la famille des jeunes filles s'opposait depuis longtemps aux exactions du puissant Monsieur de Tantale. Les rumeurs voulaient que l'industriel présente ce soir-là un nouveau projet de mine à ciel ouvert, qui entraînerait la disparition d'hectares et d'hectares de la végétation luxuriante de l'Île. Edelweiss, avec son esprit contestataire et ses beaux idéaux, entendait gêner le tout d'une manière ou d'une autre. Après tout, la mine constituait son unique sujet de conversation, de plainte et de tourment depuis deux semaines au moins.

Rose commençait à réaliser que l'apparent découragement de sa sœur cadette – sa demi-sœur en fait, mais cela tenait du détail – ne constituait en réalité qu'une façade fort bien montée, apte à cacher ses véritables intentions. Elle commençait d'ailleurs à sentir l'inquiétude la saisir. Qui savait ce qui arriverait à Edelweiss si on la laissait mettre ses plans à exécution ? Donatien de Tantale n'était pas réputé pour son tempérament magnanime, loin de là. Et les autorités qu'il tenait à sa botte se retourneraient indéniablement contre la famille des cousines. Comme s'ils n'avaient pas déjà suffisamment de problèmes...

– Cha ? Peut-être qu'on devrait se séparer pour la retrouver plus rapidement.

Chardon, qui contemplait d'un air légèrement apeuré la foule des mondains, esquissa un début de grimace.

– Je ne suis plus si sûre que venir ici était une bonne idée, murmura-t-elle. Il y a vraiment beaucoup de monde... Il serait si aisé de commettre un faux pas.

– Ne sois pas ridicule ! la reprit Rose. Tu m'as traînée jusqu'à ce fichu bal. Nous allons nous fondre dans la foule, jouer les précieuses, et personne ne nous prêtera une once d'attention.

Elle considéra à son tour les lumières et les rires qui emplissaient le centre du jardin, mais sa résolution ne vacilla pas – Rose possédait un sens aigu du devoir, certes un peu lent au réveil, mais inextinguible une fois en alerte. Elle ramènerait Edelweiss avant que celle-ci ne puisse causer plus de dégâts. Fin de la discussion.

***

Nda : cette histoire, écrite au cours du NaNoWriMo 2012, a été esquissée au cours d'une discussion (trop) tardive avec un ami sur msn (ça existait encore à l'époque). Histoire de poser le contexte, vous en trouverez quelques extraits au fil des chapitres.

Genèse 1.0

Susi dit : un jour, tu sais, j'écrirai un truc vraiment niais

Susi dit : juste pour le fun

Spes dit : owi je veux

Susi dit : on coécris le truc ?

Susi dit : on sera des auteurs adulés !

Spes dit : owiiiii

Susi dit : ce s'rait quoi le scénar ? :p

Susi dit : y'aurait une fille

Susi dit : et un mec

Susi dit : et la fille, ben elle serait trop belle et tout, mais elle cacherait de terribles blessures, tu vois, parce qu'elle vient de perdre sa grand-mère et que c'est sa cousine qui hérite de l'intégrale des disques de Francis Lalanne, la salope !

Spes dit : va ptêt falloir bosser le scénar un peu :p

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