- Chut... parle moins fort ! S'inquiéta Marielle
-Arrête de stresser personne ne sait... rétorqua Gwen en finissant d'appliquer son rouge écarlate favori sur ses lèvres purpurines. Elle fit un sourire à son reflet dans le miroir, et comme à son habitude, elle se trouva terriblement belle.
-Toi, tu es vraiment diabolique ! Ils vont pas tarder à venir... Quelle idée cette histoire de veillée ! Une veillée sans les corps... renchérit Marielle en croisant les bras l'air agacé par le comportement de son amie.
-Encore heureux que les corps de nos sœurs ne sont pas présents ce soir...et puis dit toi bien, que nos proches ont besoin de faire leur deuil, voilà un an jour pour jour que ma sœur est portée disparue. Il faut clore ce chapitre une bonne fois pour toute, expédier tout ça, verser deux larmes, se remémorer quelques souvenirs et après une nouvelle vie s'offrira à nous.
-elle me manque...
-Si ta sœur te manque, sache que la mienne me manque aussi. Crois-moi ! Puis si je me souviens bien tu ne t'inquiétais pas autant il y a un an, non ?
-Je sais tout ça... mais je t'en supplie parle moins fort, d'une minute à l'autre on va voir débouler Justine et ses larmes inépuisables, Valérian et ses regrets, Mimi qui espère toujours, Hugo et Juliette encore plus mauvais comédiens que nous et puis les autres ...
-Mauvaise comédienne ? Parle pour toi chérie... Moi je nous décernerais une palme d'or pour ce chef d'œuvre ? Se flatta Gwen.
-Enfin, tu pourrais avouer qu'Hugo a vécu tout ça très bien, malgré les pseudos sentiments qu'il avait pour Blandine.
-Blandine n'était pas dupe, crois-moi ! Quant à Valérian, je suis bien contente que Charlie l'a plaqué avant de partir. Qui sait ? Peut-être que j'aurai une ouverture...
-Comment tu peux vouloir faire quoique ce soit avec le mec de ta sœur ?
-Écoute, Charlotte est morte, et nous l'enterrons définitivement ce soir, elle et Blandine. Et puis...
-Stop ! On toque... coupa net Marielle.
Marielle serra la main de son amie de toute ses forces, inspira un grand coup. Il manquait d'air dans cette maison, c'était évident. Gwen rajusta tranquillement sa petite robe noire, inspecta ses ongles, avant de se décider à ouvrir la porte. Cette porte qui les séparait des autres, de leurs regards compatissants ou suspects. Elle l'aurait bien laissée fermer. Mais elle devait se montrer forte... Marielle qui depuis sa rencontre avec l'inspecteur Kanjori, semblait plus fébrile.
Gwen fit entrer Bruno et Mathias. Ils étaient, tout deux, vêtus de costumes endeuillés qui s'accordaient parfaitement à leurs visages solennels. Sans un mot, ils prirent place autour du cercle de chaises noires que Marielle avait disposé pour l'occasion. Gwen n'eût pas le temps de refermer la porte que le défilé d'âmes compatissantes s'enchaînèrent. Bientôt tous les sièges furent occupés, sauf un...
Après un silence pesant, qui semblait avoir duré une éternité, Justine essuya ses larmes du revers de sa manche, se leva et prit la parole :
- J'ai demandé à Gwen et Marielle d'organiser cette veillée, voilà un an qu'elles ont disparu, nous avons je pense tous besoin de leur dire adieu. Deux amies qui pour moi on berçait mon enfance. J'ai réfléchi longtemps à ce que je pourrais bien vous dire, chacun d'entre nous les connaissait de manière différentes, sans doute pas de la même façon que moi. Je vais vous raconter mon histoire ...
Justine expliqua le jour de leur rencontre...
Orphelinat des miracles, Octobre 2000
Une fillette de 7 ans reste barricadée dans la voiture, elle a verrouillé toutes les portières et refuse catégoriquement d'ouvrir à l'assistante sociale. Elle tient fort entre ses petites mains tremblantes sa peluche : un petit chat blanc qu'elle avait baptisé Nana. Elle vient de voir sa mère mourir sous ses yeux, renversée par un chauffard. Après plusieurs semaines à l'hôpital Justine est une miraculée, elle aurait dû y rester. Elle aurait voulu partir avec sa maman. Depuis elle se confine dans un mutisme désolant. Elle sait, elle a compris ce qu'il attend : un orphelinat froid, sans histoire le soir, sans maman. Voilà plus d'une heure que les négociations étaient en cours quand un homme surgit et s'attelle à l'ouverture de son château fort. L'homme force le véhicule en même pas une minute, Justine n'a pas le choix. Elle suit la dame qui la conduit faire les présentations avec la directrice Mireille Denand.
-Bonjour, Justine ! Quel joli petit chat que tu tiens là... Je vais bien m'occuper de toi. Ici tous les enfants m'appelle Mimi. Tu peux toi aussi m'appeler Mimi.
Justine baisse la tête...
Elle reste emmurée dans ce silence durant des mois. Malgré les histoires tous les soirs que Mimi raconte, malgré la chaleur que dégage le feu dans l'âtre de la cheminée. Justine se contente d'écouter, mais jamais un son ne sort de ses petites lèvres, un petit sourire s'y dessine parfois quand Bruno et Mathias, des autres orphelins de son âge, font les clowns pour amuser la petite troupe.
Juillet arrive, les enfants jouent au bord du lac, près du domaine. Mimi baigne le petit Michel qui n'a que 2 ans. Justine pensive marche le long du ponton, Nana son petit chat tombe à l'eau. Elle se penche alors pour rattraper le seul lien qui la relie encore à sa mère. Mais elle trébuche et tombe à son tour. Justine ne sait pas nager. Sa mère aurait dû lui apprendre cet été comme elle lui avait promis. Elle devait prendre enfin une semaine de congés et partir toutes les deux en vacances pour la première fois, c'était prévu...
Justine s'affole, se débat, remue dans tout les sens dans l'immensité d'eau qui l'entoure, elle tend ses frêles mains pour atteindre le ponton, elle est trop petite pour lutter... Bientôt l'eau s'engouffre en elle. Elle abandonne, elle est trop fatiguée, le poids de sa tristesse l'entraîne au fond... elle rejoindra bientôt maman. Quand soudain elle aperçoit un visage : un jeune fille blonde avec de long cheveux d'or, elle pense d'abord que sa mère est revenue la chercher puis elle sent qu'on la tire vers le bord du rivage. Blandine crie de toutes ses forces pour demander de l'aide. Charlie court aussitôt pour faire recracher le liquide du corps de l'enfant. Justine revient à elle, au centre d'un cercle d'enfant et d'une Mimi inquiète, Justine se redressa lentement, et pour la première fois elle fit entendre le joli son de sa voix : « merci ».
« -Blandine m'a sortie de l'eau ce jour là, Charlie m'a ranimée... Elles m'ont sauvée la vie du haut de leur 15 ans. Elles m'ont rendue la voix et aujourd'hui je chante tous les soirs dans le resto de Bruno » finit de raconter Justine les larmes aux yeux. « La vie est ironique, elles m'ont sortie des eaux pour disparaître à leur tour dans les profondeurs des océans lors de cette fichu croisière ! »
Mimi se leva à son tour, prit Justine dans les bras et la serra très fort.
« -Ses petites étaient comme des filles pour moi, comme tous les enfants que j'ai eu la chance de m'occuper dans ma vie. Charlie a tapé à ma porte, un soir de Décembre, elle n'avait que 3 ans, à côté d'elle un couffin avec Gwen à l'intérieur. Leur mère les avait laissées là, en leur disant qu'elle allait revenir les chercher. Bien sûr, elle n'est jamais revenue... Blandine et Marielle sont arrivées guère après, à l'âge de 5 et 4 ans, des voisins avaient prévenus les autorités des maltraitances. Ses quatre là étaient inséparables. Blandine et Charlie se battaient sans cesse enfant, à l'adolescence, elles sont passées de meilleures ennemies à meilleures amies. Puis elles sont parties faire leurs études et leurs majorités est arrivées. Je craignais alors de les perdre mais ce ne fut pas le cas, elles sont restées en contact avec moi, j'étais devenue leur mère... Elles me manquent beaucoup. »
Gwen racla sa gorge et partit dans la cuisine. Elle se passa la tête sous le robinet d'eau froide. Elle était en train de suffoquer c'était trop pour elle. Elle se sentait coupable.
Son mascara coulait le long de sa joue, son rouge écrasé par les paumes de ses mains lui flanquait une tête carnavalesque. Une comédie bien pathétique... un Pierrot.
Marielle la rejoignit, elle lui tendit un mouchoir. Pas étonnant venant d'une femme comme elle. Elle n'était que compassion.
Puis une fois ses larmes taries, elle lui asséna une gifle qui lui fit voir les étoiles. Toujours pas surprenant venant de Marielle. Elle savait aussi agir au bon moment. Il fallait que Gwen se reprenne et vite ! Elles rejoignirent la veillée et reprirent place avec un calme surprenant.
Je vous avais prévenus que mon écriture était capricieuse je vais devoir renverser la vapeur...
Oublier ce que l'on sait, ce que l'on croit savoir, et ce que l'on nous a fait croire.
Mimi se souvient:
Toutes les quatre étaient promises à un brillant avenir. Je me souviens encore de cet homme, un scientifique qui était venu faire passer des tests au lycée. Il avait pensé au départ qu'elles étaient prédisposées à des capacités supérieures à la normale. Il m'avait demandé l'autorisation de les emmener pendant les vacances estivales dans ce camps pour enfants intelligents. J'ai bien sûr accepté, les filles voulaient tellement y aller, j'étais tellement fière : quatre enfants dans le même orphelinat, retenus c'était assez déconcertant. Puis elles sont revenues à la fin de l'été. L'homme m'expliqua qu'il avait fait un erreur de jugement qu'elles sont certes intelligentes, mais pas assez pour pouvoir faire des études supérieures dans leur camps. Elles étaient, disait-il un peu trop rebelles ! J'avais regardé ce pitoyable petit homme avec le plus grand des mépris, elles étaient exceptionnelles mes filles. Je le voyais bien. A leur retour elles n'eurent même pas envie de parler de leur séjour. Tout ce que je sus c'est qu'elles avaient détesté cet endroit et qu'elles étaient bien contentes de rentrer à l'orphelinat. Puis la vie avait repris son cours.
Mais ce que Mimi ne sait pas, nous, nous le savons, je vais vous en faire le récit.
Juillet 2002
Gwen, Charlie, Marielle et Blandine arrivent au camps après un voyage des plus surprenant. Elles étaient montées dans la belle limousine noire du Docteur Masarès, elles avaient l'impression de vivre un conte de fées, d'être les héroïnes d'une des histoires de Mimi. Mais dès que la voiture quitta le village paisible de Léauxe. On leur demanda de se bander les yeux car l'endroit où elles devaient se rendre était un lieu tenu secret pour protéger les enfants et ne pas les exposer à des personnes de mauvaises intentions. Elles connaîtront plus tard le lieu si elles réussissent les prochaines épreuves. Charlie refusa tout net, et lui demanda pourquoi refaire des tests puisqu'elles avaient été déjà retenues. Pourquoi avoir donné une mauvaise adresse à Mimi, Pourquoi ? Pourquoi ?
Le Docteur caressa lentement sa barbe blanche hirsute...
« Mademoiselle l'effrontée, il va falloir revoir tout ça, mais ce trait de caractère n'est pas inintéressant. »
Notre histoire peu à présent commencer...
Mais avant j'allais oublier un petit détail, si je laisse le soin à Charlie de vous renseigner sur sa personne, vous n'aurez d'elle qu'une image subjective lié à sa grande modestie. Je me permets donc d'éclairer vos lanternes avant de vous laisser à la lecture d'un passage du journal de Charlie :
Charlie a deux saphirs intenses illuminant un sourire communicatif et franc qui respire la joie de vivre.