- Quoi ? Commençais-je, comment ça elle est tenue secrète ? Et c'est ta cousine ?
Des pièces du puzzle dont je ne connaissais même pas l'existence apparaissaient. Trop de pièces, j'avais besoin d'une pause.
- À vrai dire, je ne savais même pas que c'était ma cousine, c'est ma mère qui me l'a dit. Le jour où elle a été convoquée, tu te souviens ? Et bien elle a vu Ella, m'a mis dans la confidence en s'assurant de ne rien révéler à son propos. Je ne pensais pas que ses parents avaient une fille. Elle était même scolarisée, mais très bien cachée.
- Et elle sait que tu es son cousin ?
- Non, le secret est bien gardé. Mais pourquoi ? C'est ce que je me demande... Alala, eh ! Il ne faut rien dire ! En attendant... la vérité se saura un jour !
- Tu crois ?
- J'en suis sûr, me dit-il en fermant les yeux, et en s'allongeant sur son siège de bus.
Waouh. Beaucoup de révélations. Trop de révélations.
Je n'avais jamais vu Dylan aussi sérieux.
Lui qui était toujours rieur, rebelle. Il avait l'air troublé et déstabilisé, mais plus apaisé après m'avoir parlé.
Comme si son coeur s'était libéré.
Et comme lui, mes paupières se firent lourdes, et je m'autorisais à dormir, comme tout le monde, après cette soirée riche en pleurs, et en terreur.
Mais une question me restait en tête. Qu'allait-il nous arriver ?
*
Je me réveillais à l'hôpital. Les derniers évènements me revinrent en tête. La boule au ventre avec.
On m'avait transporté à l'hôpital, et j'étais beaucoup trop fatigué pour résister.
Ils avaient sûrement emmener Ella aussi. Et Dylan.
Il fallait que j'aille les voir.
Mais avant, je devais penser. Trier mes pensées. Les informations.
Je n'arrivais pas à y croire.
Ella est la cousine de Dylan, elle a été cachée de tout le monde - et même à lui. Elle l'est encore.
Le drame s'est passé la soirée de son anniversaire. Au Kent.
Mais le plus important, c'est qu'ils sont de retour. Ces monstres. Après 16 ans.
Et là, je me relevais. Je devais voir quelque chose d'important. Quelque chose que je vois tout les jours.
Le ciel.
Il a toujours été gris, le soleil n'est jamais apparu, depuis leur première venue en 2130. Ils nous observaient dans l'ombre. Mais pourquoi ?
Le ciel était plus foncé, il ne pleuvait pas, mais on pouvait distinguer des éclairs dans les nuages. Agité. Comme de la colère. C'était triste, et l'ambiance était déprimante. Je me demandais juste si les gens vivaient comme d'habitude.
J'avais un bandage sur le bras, dû à mon entorse. Et des points de suture sur le visage. Je ne pensais avoir que de petites égratignures, mais j'étais vraiment ailleurs cette nuit-là.
J'étais dans le couloir, et j'allais vers l'accueil pour demander où Ella et Dylan étaient installés. Tous les téléviseurs étaient allumés, et on y voyait le patron y faire une annonce. Mais cela ne m'intéressait pas. Enfin pas pour l'instant.
Je me renseignais et m'y rendais. J'allais d'abord dans celle de Dylan qui était plus proche.
Il m'accueilla avec un regard réconfortant quand il me vit entrer, et un sourire se lisait sur son visage. Rien que ça me rassurait.
- Ça va ?
- Je me suis juste cassé la jambe, je suis dégouté !
Il me regardait du coin de l'oeil, pour observer ma réaction - choquée - et il éclata de rire ensuite.
- J'aurais préféré rater plus de cours ! Alala, je vais devoir y retourner... ma mère y tient particulièrement "Tu iras Dylan !", "Il n'y a pas de mais qui tiennent !", "La discussion est close" !
Il l'imitait en agitant son doigt sur son coussin - qui le représentait ?
Cela me fit rire. D'un rire franc. Et ça faisait longtemps que je n'avais pas rit. Tellement longtemps que ça me donnait des frissons.
Dylan allait bien, il avait repris des couleurs. Et sa joie de vivre était de retour.
En espérant que cela dure.
**
Il était temps d'aller voir Ella. J'étais dans le couloir y menant, et la porte de sa chambre était entrouverte.
J'entrais. Personne.
Le lit était vide, la fenêtre était ouverte.
Personne. Mais où était-elle ? Je commençais à paniquer.
Et à retirer le drap dans l'ultime espoir de la trouver. Mais non. Elle n'était pas là.
J'avais besoin de réfléchir.
Comment ? Où ? Je m'adossais au mur.
- Aiden ?
Ella. Mais où était-elle passée ?
Elle était là. C'était le principal. Je l'a pris dans mes bras.
Plus rien n'importait. Juste l'instant présent. J'étais tellement inquiet.
Elle me rendit mon étreinte.
- Tu sers un peu fort, Aiden.
Elle riait, et je resserais pour ensuite la libérer.
J'avais encore mes mains sur ses épaules, et je lui demandais :
- Où étais-tu ?
- Maintenant ? Dans le couloir d'un peu plus loin pour entraîner mes jambes ! Me dit-elle avec un sourire gêné.
Elle avait des béquilles. Sa jambe aussi était blessée.
- Mais toi aussi tu t'es blessé au bras ! Me dit-elle en regardant celui-ci.
- Et ton visage ? Tu as des points de suture...
Je traçais ses points avec mes doigts sur son front.
La pauvre. Cela n'aurait pas dû arriver.
- Et toi alors ? Moi je n'ai pas grand chose ! Me dit-elle en traçant les miens.
Elle devait être fatiguée. La pauvre. J'avais un pincement au coeur.
Je décidais de prendre sa béquille et de la mettre dans un coin.
- Aiden ! J'en ai besoin pour marcher, me rappela t-elle avec un sourire.
- Je sais !
Je la soulevais dans mes bras pour la mettre dans le lit. Elle était entrain de rire, ce qui me fit rire.
Une fois installée, j'apportais une chaise et m'asseyais à son chevet.
- Je suis rassurée, tu es là...
Elle me prit la main, j'aurais certainement rougi auparavant, mais je n'étais plus gêné.
Je lui pris la main dans les miennes, et lui arrangeait ses cheveux, tels l'ébène. Je plongeais mon regard bleu dans le sien, gris. Elle me sourit. Elle m'avait manquée.
- Il faut vraiment que je te montre quelque chose, intervint-elle, prochainement !
Je lui rendis son sourire.
- Je viendrais ! Ne t'inquiètes pas...
Elle avait l'air rassurée. J'étais là, avec elle. Je voulais mettre en pause ce moment, pour toujours.
- Tu sais, "Si la vie n'a pas absolument aucun sens... commençais-je.
- Qui nous empêche d'en inventer un ?", finit-elle avec un grand sourire.
C'était une réplique écrite par Lewis Caroll pour Alice. Un de nos romans préférés. Ma réplique préférée.
- Ça alors, cette phrase ne prend pas plus son sens qu'aujourd'hui !
Elle avait le sourire aux lèvres, et je n'ai rien répondu. Même si, pour moi, la vie avait un sens maintenant qu'elle était avec moi.
Elle riait, et mon rire se mêla au sien.
Et pour la deuxième fois de la journée, je me surpris à espérer que cette joie, ce bonheur dure.
***
Il était temps pour moi de me rendre dans ma chambre, et quand je me levais, un homme entra dans la chambre.
Il portait des lunettes de soleil, et m'inspirait un air de déjà vu.
Il me toisa, puis regarda Ella.
Elle, qui regardait par la fenêtre, se mit à le regarder.
Son regard gris avait changé, devenant à la fois triste, et heureux.
L'homme reporta son attention sur moi et je les quittais. En adressant un signe de la main à Ella.
Et un peu loin, dans le couloir, j'entendis la voix d'Ella.
Un mot qui me figea.
- Papa...
_________
Salut. Ce chapitre est beaucoup plus léger que le précédent. On avance doucement dans l'histoire.
Merci à tous. La suite est disponible.