La fille au parapluie bleu [t...

Da Aleyks24

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Julie. Prénom banal, elle le sait. C'est la fille au fond de la classe. Mais si, vous voyez la fille au fond... Altro

Prologue
Chapter -II-
Chapter -III-
Chapter -IV-
Chapter -V-
Chapter -VI-
Chapter -VII-
Chapter -VIII-
Chapter -IX-
Chapter -X- ÉPILOGUE
Remerciement

Chapitre -I-

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Da Aleyks24

Chapter 1

Une semaine. Cela faisait tout juste une semaine que cet Allan avait fait irruption dans la vie paisible de l'établissement, et il me tapait déjà sur le système. Bien entendu, il faisait maintenant partie du clan des « populaire », et avait réussi à tous les charmer. Même Emi s'ouvrait, chose qui ne s'était jamais produite depuis que j'étais là. Il était ami avec tout le monde, et, conscient de cela, se pavanait au bras de ses nouveaux amis, en bombant le torse et en prenant un air de beau gosse qui m'exaspérait.

Il était aussi mon voisin de classe, et cela l'amusait de faire semblant de ne pas lâcher mon parapluie bleu toutes les deux minutes en faisant comme si c'était une question de vie ou de mort. Lorsqu'il faisait cela, je détournais la tête et le laissais faire. Après tout, si ça l'éclatait.

Nous étions en cours d'histoire, écoutant avec ennui le professeur nous parler de la préhistoire. J'avais les bras croisés et les yeux rivés sur le tableau. J'avais l'air attentive, mais mes pensées voyageaient. Un bruissement sur ma droite me fit tourner la tête, et je vis que Allan avait les yeux rivés sur moi. Je retournai la tête, ne faisant pas attention à lui. En effet, pourquoi me préoccuperais-je d'un garçon qui drague en réutilisant des phrases de films ? Mais je sentais son regard sur ma nuque. Je me redressai et le regardai droit dans les yeux. Il eut un sourire moqueur, puis rompit le contact en se tournant vers le tableau. Ce garçon m'emplissait d'incompréhension. Je gardai mon regard fixé sur lui.

« - Julie ! Mais qu'est-ce que vous faites ? Vous admirez votre voisin ? »

Je sentis mes joues s'enflammer tandis que je secouais la tête. Le professeur m'observa pendant quelques instants avec insistance, puis continua à parler de son cour. Comme tous les enseignants, il pensait que j'étais muette et ne m'interrogeait jamais. Comme la plupart des élèves, qui ne m'abordaient plus. Allan me lança un regard malicieux, et murmura :

« - Tu sais, tu devrais essayer d'être discrète si tu veux m'admirer. »

Je secouai violemment la tête, et mimai l'action de vomir. Il fronça les sourcils, et me demanda :

« - T'es muette ? »

Ahah. Alors comme ça je l'intéressais ? Je haussai les épaules, et repris mon observation de la cour. Il abandonna ses questions pour la fin du cours d'histoire.

...

Lorsque la sonnerie retentit enfin, je me dépêchai de rassembler mes affaires et de sortir. Je descendis dans la cour, et m'assis au pied d'un arbre. Je me mettais toujours à cette place, et personne ne s'approchait de cet endroit. Ils étaient tous sur des bancs. Je préférais de loin m'asseoir par terre, même si c'était sale. Je mis mes écouteurs, et sélectionnai une chanson au hasard.

Les yeux clos, je profitais des derniers rayons de soleil qu'offrait le ciel d'octobre. Oui, car en plus, Allan n'était pas arrivé comme tout le monde à la rentrée traditionnelle. Non, Monsieur s'était fait désirer et était arrivé courant octobre. M'enfin, je n'allais pas m'énerver à cause de ça.

Ayant l'impression d'être observée, j'ouvris les yeux, et aperçus le clan des "populaire" au grand complet qui m'observait. Surtout Allan, qui gardait sur moi un regard inquisiteur.

Les ignorant, je refermai les paupières et m'enfonçai dans mon monde. Je m'y enfonçai tellement que Samuel dû me secouer pour me prévenir que c'était l'heure de retourner en cours. Je me levai, hochai la tête pour le remercier, et le suivis jusqu'au gymnase.

Le sport. La matière que je détestais. Je n'étais pas endurante, pas rapide, pas forte, bref, je n'étais rien. Je n'étais douée qu'en gymnastique, mais, comme on était pas censés en faire, personne ne le savait.

Je suivis les filles dans les vestiaires, et sentis une main m'effleurer la hanche. Je me retournai brusquement, et aperçus Allan, un air rieur sur le visage. Je le fixai, avec toute la rage qu'il m'inspirait dans le regard, me retenant pour ne pas lui coller une gifle. Puis, je tournai les talons et m'engageai dans les vestiaires. En retrait, au fond et près de la fenêtre condamnée, je me changeai. Rapidement, j'enfilai mon vieux jogging et un tee-shirt assez ample, n'aimant pas que l'on reluque mes formes. Je mis mes baskets, mais je ne savais pas quel sport on allait faire. En effet, on avait fini le football la semaine dernière. Bien sûr, j'allais avoir une sale note. Mais je ne vois pas l'intérêt de courir derrière un ballon.

Je sortis, comme d'habitude, la première des vestiaires, et allai m'asseoir au pied d'un panier de basket, attendant que les autres élèves arrivent. Ne voyant personne et sachant que les autres n'arriveraient pas tout de suite, j'en profitai pour me faire un chignon. J'ôtai l'élastique qui retenait mes cheveux, et ces derniers retombèrent en cascade dans mon dos. Je ne les aimais pas. Comme beaucoup de chose chez moi en fait... Ils étaient longs, lisses au sommet du crâne et ondulés aux pointes, sans reflets. Je me les lissais afin que mes queues de cheval soient raides. Je me fis rapidement un chignon, et me mis en tailleur, adossée au poteau.

Les garçons arrivèrent en premier, s'asseyant en groupe près du bureau du professeur de sport. Les filles se firent désirer pendant une dizaine de minutes, puis parurent enfin. Enfin, l'adulte arriva, et annonça, certain de son effet :

« - Bon. Le football était prévu pour satisfaire les garçons. Maintenant, vous allez faire de la gym. »

Des murmures de protestation se firent entendre. Il continua, en élevant la voix :

« - Silence ! Vous serez par groupe de quatre, que vous choisirez, et vous devrez présenter dans deux mois une sorte de représentation. Je vous donnerai, quand les groupes seront constitués, un catalogue des figures et échauffements. Bien. Répartissez-vous ! »

Je restai assise, sachant que les groupes allaient se faire sans moi, puis que je serais appelée pour compléter celui où il manquera une personne.

Quelques instants plus tard, je vis Axel, Julien et Allan se diriger vers moi. Le « fumeur à plein temps » m'annonça :

« - Bon. J't'avoue que t'es pas la personne avec qui on se serait mis si on avait le choix. Mais il ne reste plus que toi.

- Bien, maintenant que les groupes sont constitués, asseyez-vous avec les personnes avec qui vous êtes ! ordonna le professeur. »

Les garçons s'assirent à côté de moi. Il y avait en tout quatre groupes. Celui de Britney, de Live, de Cassandra et de Carla ; celui de Deborah, Amandine, Nina et Chris ; celui de Emi, Samuel, de deux autre garçons, et enfin le mien. Le professeur nous distribua ses fiches, et nous commençâmes à ébaucher notre représentation. Enfin, nous... Les garçons réfléchissaient, puis me consultaient, et je hochais distraitement la tête. Mais, au bout de dix minutes de ce manège, je m'aperçus que je disais oui à n'importe quoi. Ils proposaient de mettre une roulade avant pour commencer, suivie d'un ATR (poirier), puis d'un grand écart facial. Tout cela ne s'enchaînait pas avec harmonie, mais ça ne les gênait pas. Les écartant en soupirant, je m'emparai de la feuille de brouillon, la retournai, et recommençai le programme. Je gardai en premier la roulade avant, mais enchaînai avec un grand écart facial, d'une position dite « crevette ». Relevage, puis roue, ATR et pont en partant debout. Enfin, ATR pour se relever du pont, roulade arrière et grand écart, de face cette fois. Je leur soumis mon programme, et Axel reconnut :

« - C'est vrai qu'il est mieux. Mais tu arrives à tout faire ? »

Je hochai la tête. Julien émit un rire sarcastique, et Allan se moqua :

« - Toi ? Faire de la gym ? Faire le grand écart ? Laisse-moi rire ! »

Furieuse, je me levai, et me dirigeai vers l'endroit où le sol était recouvert de tapis afin d'amortir les chocs. Je me remémorai le programme, et commençai.

J'effectuai la roulade avant sans difficultés, passai en facial, puis fis la crevette. Je me relevai, enchaînai par une roue parfaite, puis effectuai l'ATR. Je reposai mes jambes sur le sol, puis me pliai en arrière pour faire le pont. Je contractai ensuite mes abdos pour remonter mes jambes et refaire un ATR, fis une roulade arrière suivie d'un grand écart. Lorsque je me relevai, fière, je m'aperçus que toute la classe m'avait observée. Je rougis, et retournai rapidement m'asseoir près des garçons. Axel me fit un clin d'œil, et annonça d'un ton solennel :

« - Ce programme est validé. »

...

Quand ce fut fini, je me changeai, puis suivis le troupeau d'élèves en direction du self. Je m'emparai d'un plateau, pris de la salade, des pommes de terre et une pomme. Je ne mangeais pas beaucoup. Alors que je cherchais une table vide, je vis Nina, debout, me faire de grands signes pour que je vienne à sa table. Je secouai la tête, et posai mon plateau sur une table vide. Elle prit un air déçu, et retourna s'asseoir avec ses amis. Non mais oh, je n'allais pas manger avec des personnes qui ne faisaient que se moquer de moi ! Je mis mes écouteurs, sortis un livre, L'Assommoir de Zola, et commençai à manger tout en reprenant ma lecture où je l'avais laissée. C'était pareil tous les midis. Je mangeais seule tout en lisant. Mais bon, si vous cherchez quelqu'un de sociable, faut pas vous tourner vers moi.

Alors que j'en étais au moment le plus poignant de la déchéance de Gervaise, je vis cinq plateaux s'encadrer dans mon champ de vision, suivis de cinq visages maquillés à l'extrême. Britney s'exclama d'un ton faussement surpris :

« - Tiens ? Mais c'est la muette au parapluie bleu ! »

Oui, à cause de mon côté extrêmement sociable et de mon bavardage sans fin, je m'étais fait attribuer ce magnifique surnom. De plus, en ayant mon parapluie bleu même les jours de soleil, ça n'aidais pas. Je fermai mon livre, enlevai mes écouteurs, et rangeai le tout dans mon sac, avant de prendre mon plateau et de me lever pour partir. Mais visiblement, les cinq pestes ne l'entendaient pas de cette oreille. Au moment où je passais devant elle, Deborah me tira vers elle par les cheveux, ce qui me fit perdre mon équilibre. Je m'écrasai par terre, lamentablement. Mon plateau effectua un vol plané et s'écrasa lui aussi par terre, avec un grand fracas. Elles éclatèrent d'un rire mauvais, tandis que dans le self, le silence s'était fait. Britney me demanda tout en ponctuant sa question de coup de pied dans mon ventre et sur mon visage :

« - Alors ? Ça t'a plu de te donner en spectacle durant le sport ? Rester dans ton coin avec ton parapluie ne te suffit plus ? »

C'était la première fois que ces filles s'attaquaient à moi. Deborah renchérit :

« - Mais ici ma pauvre fille, mais tu n'es rien ! Regarde-toi ! Déjà, tu es muette, et en plus, tu n'es pas belle ! On se demande comment tu as pu entrer ici ! Alors évite de tenter de nous faire de la concurrence, tu n'es pas à la hauteur ! »

Méchanceté gratuite. Je luttais de toutes mes forces pour empêcher les mots de sortir de ma bouche. Je me mordis la lèvre inférieure, attendant que ces pestes aient fini de me frapper. Deborah m'assena un dernier coup de pied dans le torse, puis prit son plateau et partit, suivie de ses amies.

Je respirai profondément, et, malgré moi, je marmonnai :

« - Salopes. »

Je commençai à me relever quand une main tendue apparut devant mes yeux. Je levai la tête et aperçus Allan. Secouant la tête, je me relevai par mes propres moyens. Debout, j'époussetai mes vêtements, puis remis sur mon plateau les débris des récipients, qui s'étaient cassés dans ma chute. Tout le monde me regardait, alors j'essayais de paraître digne. Je mis mon sac sur mon épaule, et sortis du self après avoir déposé mon plateau.

Une fois dans la cour, je me dirigeai vers les toilettes. Là-bas, je m'observai dans le miroir qui ornait le mur en grimaçant. Une magnifique ecchymose ornait ma joue. Je relevais mon tee-shirt, et apercevais de nombreuses marques dues au coups reçus sur mon ventre et sur ma poitrine.

« - C'est sûr que ça t'arrange pas... »

Encore lui. Je me retournai vers Allan. Ce dernier fit mine de m'examiner, et conclut :

« - Bon, déjà que t'étais pas super, mais avec les marques, c'est pire. »

Avec un grand sourire, je lui montrai mon majeur tendu, puis sortis des toilettes en vitesse sans un regard derrière. Je me rendis dans la salle où le prochain cours avait lieu. Là, je me dirigeai vers le fond de la pièce et m'adossai au mur.

Pas une personne ne m'avait défendue. Cela ne m'étonnait pas, mais j'avais l'impression d'être un objet décoratif, que l'on brise sans s'en rendre compte. Je sentis les larmes me monter aux yeux, et les essuyai rageusement. Il était hors de question que je verse des larmes à cause de ces filles. Forte de cette résolution, j'attendis, silencieusement pour changer, que la sonnerie retentisse et que les élèves arrivent.

...

A la fin du dernier cours, celui de mathématiques, je rassemblai mes affaires et m'apprêtais à sortir de la salle quand le professeur m'interpella :

« - Julie ! Venez me voir s'il vous plaît. »

En fronçant les sourcils, je me rapprochai de son bureau, et l'écoutai :

« - D'où vient le bleu sur votre joue ? Mes collègues m'ont assuré qu'il n'était pas là ce matin. »

Je secouai négativement la tête. Il insista :

« - Écoutez. Je sais que vous n'êtes pas muette. Alors répondez-moi. »

Je restais surprise. Comment le savait-il ? Il m'éclaira :

« - Je suis venu un soir au café où vous chantez. Maintenant, répondez à ma question. »

Je me raclai la gorge, m'apprêtant à utiliser ma voix. Elle sortit de ma bouche :

« - Je... Euh, c'est... Britney et ses amies qui m'ont fait cela au self. Mais ce n'est pas grave. »

Je n'avais pas prononcé autant de mots depuis longtemps. Il me regarda par-dessus ses lunettes, et soupira :

« - Bien. Je ne peux pas vous forcer à reconnaître qu'elles vous ont fait mal. Faites attention à vous. »

Je hochai la tête et sortis de la salle, en ouvrant mon parapluie. Les yeux dans le vague, je me dirigeai par automatismes, et heurtai quelqu'un, tombant à terre. Je m'aperçus que j'étais arrivée dans la cour, et que j'avais heurté Axel. Ce dernier me tendit la main, comme Allan auparavant, mais n'attendit pas ma réponse. Il me saisit le bras et me releva. Je hochai la tête pour le remercier, et il eut un petit sourire en coin. Il s'exprimait avec une aisance et une voix particulièrement chaude :

« - C'est de ma faute, je ne regardais pas où j'allais. Bonne soirée Julie. »

Et il sortit de la cour, et partit en direction du centre-ville.

C'était la première personne qui me parlait comme si j'étais son amie. Légèrement surprise, je remis mon sac sur mon épaule et sortis de l'établissement en marchant malgré la pluie. Je tournai à droite et m'engageai dans ma rue. C'était un avantage de ne pas habiter très loin. Mais mon parapluie me servait toujours.

Je poussai la porte du hall de l'appartement et appuyai sur le bouton pour l'ascenseur. J'entendis alors une voix s'exclamer :

« - Hé ! La fille au parapluie bleu ! »

Je fermai les yeux de désespoir. Que faisait cet imbécile ici ? Les rouvrant, je me tournai pour faire face à Allan. Ce dernier m'expliqua :

« - J'habite ici. Toi aussi? »

Non crétin, je suis une SDF en quête d'un logement et je vais venir squatter chez toi. Lui tournant le dos, je m'engouffrai dans l'ascenseur. Il me suivit, et appuya sur le bouton de mon étage, le cinquième.

Ne me dites pas qu'il habite au même étage que moi ? Fronçant les sourcils, je me rappelai alors en soupirant que l'appartement à côté du mien avait été acheté récemment, et que je m'étais étonnée de ne pas voir le nouvel acheteur. Qui était ce petit prétentieux. J'étai à deux doigts de me taper la tête contre le mur lorsque la cabine s'arrêta dans un soubresaut. Je sortis rapidement de l'ascenseur dans l'espoir illusoire de le semer. Ce qui était impossible étant donné que son appartement était juste à côté du mien. Chose qu'il ne manqua pas de remarquer :

« - Tiens, je savais pas qu'on habitait l'un à côté de l'autre ! Bon, beh bonne soirée ! »

C'est ça. Crève. Je ne répondis pas, m'empressant de déverrouiller ma porte et de rentrer chez moi. Je posai mon parapluie bleu sur une étagère, balançai mon sac par terre et allai me vautrer sur le canapé. L'avantage quand on vit seule, c'est qu'on peut faire pas mal de choses. Oui, j'étais émancipée. Pas parce que j'étais rebelle ou quoi, juste parce que mes parents ne s'occupaient pas de moi, et qu'ils en avaient marre de mon silence. Ils m'avaient donc acheté cet appartement, et m'avaient gentiment fait comprendre qu'il fallait que je dégage. La vie, en étant seule, ne me changeait pas tellement de quand je vivais avec mes parents.

Un coup d'œil sur la pendule qui ornait un mur du salon me ramena à l'instant présent. Je devais aller chanter à huit heures, et il était déjà 6h30. Soupirant, je me levai et allai prendre une douche. Je fis couler l'eau, et m'observai dans le miroir. Deborah avait raison. Je n'étais pas belle. Mais je n'étais pas muette non plus. Je me déshabillai et passai sous la douche. Je me lavai rapidement, n'aimant pas passer des heures sous l'eau, puis m'enroulai dans une serviette et sorti. J'allai dans ma chambre.

Cette dernière était assez grande, mais pas trop. J'avais le soleil le matin pour me réveiller. Les murs étaient gris clair. Un était recouvert de photos, de posters, de cartes postales et d'un immense miroir ; un par mon armoire, un autre par une énorme bibliothèque, et un faisait office de tête de lit. Je n'avais pas de style particulier, ce qui faisait que ma chambre était décorée assez particulièrement. Il y avait quelques posters, une grande étagère qui croulait sous le poids du bazar accumulé depuis pas mal de temps, des vêtements qui traînaient un peu partout. Mon bureau était encombré de papiers, de notes et de paroles de chansons. Une guitare était posée dans un coin. Je ne savais pas en jouer et devait prendre des cours depuis une éternité, mais j'avais la flemme.

En passant devant le grand miroir, je m'arrêtai et passai mon doigt sur ma joue, suivant le tracé de l'ecchymose. J'allais devoir mettre du fond de teint pour la camoufler. Je me postai devant mon armoire, l'ouvris, et tentai de trouver quelque chose à me mettre. Ah, je vais bientôt devoir faire une lessive. Il ne reste presque rien dans l'armoire. Je sortis un jean noir, un tee-shirt ample de couleur beige et des sous-vêtements. Je m'habillai, et retournai dans la salle de bain. Après avoir balancé la serviette contre le radiateur, je passai à l'opération maquillage.

Je n'aimais pas me tartiner le visage de produits cosmétique, mais Hervé, le patron du bar où je chantais, m'avait demandé de faire un effort et de « m'arranger ». Sympa. Enfin bon, si je voulais continuer à me faire des sous, fallait bien que j'obéisse. Je mis du fond de teint sur la marque gracieusement laissée par Britney. Ensuite, je soulignai mes yeux bleus d'un trait d'eye-liner, puis mis du mascara. Je plissai le nez en voyant le résultat. Qui est l'imbécile qui a inventé le maquillage ? Il voulait quoi ? Que les filles ressemblent à des tableaux grandeur nature ? Soupirant, je me détachai les cheveux et entrepris de les coiffer. En plus d'être ternes etc., ils étaient trop longs, m'arrivant jusqu'à la chute de rein. Et ma mère m'interdisait formellement de les couper. Stupide autorité parentale.

Je les rassemblai en une natte, souhait d'Hervé. Après un dernier coup d'œil au miroir, j'allai me préparer à manger. Après quelques semaines de vie seule, j'étais devenue la spécialiste des pâtes. Oui, pas très original. Mais au moins, j'arrivais à manger. Je mis l'eau à bouillir, et ouvris la porte qui menait au balcon. Un courant d'air frais s'engouffra dans le salon, rafraîchissant agréablement la pièce.

Ah, ça bout. J'ajoutai les pâtes, réglai le chrono, et allai allumer la télé tout en m'étalant dans le canapé. Super. N'oubliez pas les paroles. Enfin, y'a pire. Ce qui est marrant dans cette émission, c'est les gens qui chantent faux. Et y'en a des pas mal. Je suivis pendant quelques minutes, puis la sonnerie m'indiqua que les pâtes étaient cuites. Je me levai, sorti la passoire et égouttai mon repas. Je renversai le tout dans une assiette et l'emportai devant la télé.

Je mangeai tout en chantonnant les quelques airs qui m'étaient familiers. Oui, j'adore la musique, mais niveau grands classiques de la chanson française, je ne suis pas douée. A part Claude François que mes parents écoutaient en boucle, je ne connais presque rien. Ayant fini, je posai l'assiette dans l'évier, attrapai un chewing-gum, ma veste, mis mes chaussures et pris mon sac. Dedans, il y avait mes clés, mon portable, mes écouteurs, bien évidemment mon parapluie et des bonbons. Souvent, j'avais faim après avoir chanté. Je fermai ma porte à clé et dévalai les escaliers. L'ascenseur, c'est mieux pour monter.

...

Je poussai la porte du café, et Hervé vint me prendre dans ses bras. Puis, il me relâcha et me murmura :

« - Tu es sublime. »

Mouais. Te force pas pour les compliments, ce n'est pas grave si tu dis rien. Il me fit un signe de tête pour m'inciter à le suivre. Il m'emmena jusqu'à une pièce, une sorte de vestiaires. Je laissai mon sac et ma veste là-bas. Puis, je me dirigeai vers la scène, et montai dessus. A cette heure-là, il n'y avait pas forcément de monde, et ça m'allait.

J'avais la particularité de ne jamais annoncer ce que j'allais chanter, ce qui faisait qu'à partir d'un certain moment, quand l'alcool circulait depuis un bon bout de temps, les personnes présentes s'amusaient à jouer à Question pour un champion et hurlaient le titre et le chanteur de la chanson que j'étais en train d'interpréter.

Je me raclai la gorge, tapotai le micro, et allai brancher les enceintes. Je reliai mon portable à ces dernières. Dessus, j'avais les musiques des chansons sans paroles. Mon portable était assez près de moi, ce qui me permettait de ne pas tout le temps bouger pour aller choisir telle ou telle musique. Je me repostai devant le micro, et sélectionnai l'intro musicale de November Rain des Guns N'Roses. Comme je l'ai dit précédemment, ma voix allait bien avec les slows. J'inspirais profondément, et me lança. Ma voix s'éleva dans le café, interrompant les conversations :

« - When I look into your eyes,

I can see a love restrained.

But darling, when I hold you,

Don't you know I feel the same? »

(Quand je regarde dans tes yeux

Je peux voir un amour réservé

Mais chérie quand je te tiens

Ne sais-tu pas que je ressens la même chose ?)

Les chansons d'amour. C'est ce qui plaît le plus aux gens, mais personne ne dit ça dans la réalité. Ce ne sont que de belles paroles. Jamais vous ne trouverez un homme qui vous dira d'aussi belles choses. A croire que la beauté des mots se perd.

« - Cause nothin' last forever,

And be both know hearts can change.

And it's hard to hold a candle

In the cold November Rain.

(Parce que rien ne dure éternellement

Et on sait tous les deux que les cœurs peuvent changer

Et c'est difficile de tenir une bougie

Sous la froide pluie de novembre)

Ouais. C'est ça. Rien ne dure éternellement. Sauf la haine et la rancœur.

C'est fou comme j'avais l'impression d'avoir la même voix qu'Axl Rose. Rauque, et super spéciale. Mais bon, lui, il est devenu quelqu'un de super connu. Moi, je vais rester la Muette toute ma vie. Alors que j'en arrivais à cette conclusion, j'aperçus un vif et rapide visage familier dans le public. Fronçant les sourcils, j'essayai de le repérer, mais ne le trouvais plus. La chanson s'acheva, et j'embrayai sur Numb de Linkin Park. Ce n'étais pas un slow, mais j'avais l'impression que cette chanson avait été écrite pour moi.

« - I'm tired of being what you want me to be.

Feeling so faithless, lost under the surface.

I don't know what you're expecting of me,

Put under the pressure, of walking in your shoes. »

(Je suis fatigué d'être ce que vous voulez que je sois.

Je me sens si incroyant, perdu sous la surface.

Je ne sais ce que vous attendez de moi.

Mis sous la pression d'être à vos places.)

En effet. J'en ai marre de devoir être ce que les autres veulent : gentille, sociable, pétillante etc. Je ne suis pas comme ça. Ma nature n'est pas comme ça. Je suis asociale, silencieuse, introvertie etc. Et je ne changerais pas. J'aperçus de nouveau le visage familier, et m'aperçus qu'il provenait d'Axel.

Génial. Qu'est-ce qu'il fait là lui ? Il me suit ? Il me fixait de ses yeux. Ils sont vachement beaux d'ailleurs. M'enfin, j'espère qu'il ne va pas appeler tous ses copains pour qu'ils viennent me voir.

Je chantai encore plusieurs chansons, puis reposai le micro sous les applaudissements. Le café s'était pas mal rempli. Je repris mon portable, et me dirigeai vers Hervé. Ce dernier me félicita :

« - T'as assuré Juju. Tiens, voilà 20 euros. »

Je hochai la tête, pris l'argent et allai chercher mes affaires.

Axel m'attendait dehors. Je lui passai devant, et il avança pour marcher à ma hauteur. J'attendis qu'il parle le premier.

« - Tu chantes plutôt bien. »

Puisqu'il savait que je n'étais pas muette, autant parler :

« - Merci.

- Tu chantes là depuis longtemps ?

- Moins d'un an.

- Pourquoi tu ne parles à personne au lycée alors ? »

Il ne s'attendait quand même pas à ce que je lui déballe ma vie privée ? Je haussai les épaules tout en resserrant ma veste autour de moi. Il ne pleut pas, mon parapluie ne me servirais à rien. Il soupira :

« - Je comprends que tu ne veuilles pas le dire. Si jamais tu as besoin d'une personne à qui parler, ou je ne sais quoi, je suis là. »

C'est gentil. Mais non. Je tournai à gauche, et le vis qui s'arrêtait. Après avoir délibéré quelques secondes, je lui fis face. Il me dit :

« - J'accepte de ne rien dire de ce que j'ai vu ce soir à personne. Mais en échange, je veux que tu me dises dès que quelque chose ne va pas. »

Bon, on va accepter.

« - Ok. Merci.

- Bonne soirée Julie.

- Ju'. »

Il fronça les sourcils :

« - Pardon ?

- Je préfère qu'on m'appelle Ju'.

- Ah. D'accord. Bon week-end. »

Je hochai la tête et repris ma marche. Je rentrai dans le hall de l'immeuble en priant pour ne pas croiser ce petit crétin d'Allan. La chance était avec moi, puisque je rentrais chez moi sans le voir.

J'étais en train de vider mon sac quand je vis un petit mot dedans. Je le dépliai, me demandant comment il était arrivé là, et vis un numéro inscrit dessus, avec une petite note « Numéro d'Axel »

Malgré moi, un léger sourire étira mes lèvres. Ok, si ça lui fait plaisir de me donner son numéro. Je l'entrai quand même dans mon portable, au cas où. J'allai ensuite me démaquiller. Une fois le visage vierge de tout cosmétique, je me mis en pyjama et allai me coucher.

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