Le but de ces vacances
Shawn ne comprit pas pourquoi Noémie se mit subitement à remuer sur son siège, ni pourquoi elle se retourna pour jeter un regard désespéré à Nash auquel il répondit par un simple hochement de tête comme pour la rassurer.
Fred – Après un p'tit changement d'programme, il a été décidé qu'nous ferions d'abord passer l'épreuves des ch'vaux et ensuite celle des taureaux.
Les portes en bois s'ouvrirent et sept chevaux sautèrent dans le corral, un cow-boy agrippé à leur dos. Noémie cria et mit ses mains pour couvrir sa bouche. Ensuite tout se passa très vite. Elle se leva et descendit les marches en courant, Nash sur ses talons. Les chevaux continuaient de ruer et cabrer pour se débarrasser de leurs cavaliers indésirables. Noémie et Nash sautèrent par-dessus la barrière et se retrouvèrent au milieu du corral et des chevaux fous. Le foule hurla. Quand au groupe, il était muet de stupeur. Des cow-boy beuglèrent de revenir, mais les deux adolescents s'approchèrent d'un étalon spécialement agité qui avait déjà envoyé son cavalier rouler dans la poussière. Fiery. Nash resta derrière la jeune fille.
Noémie – Calme toi mon beau. Tout doux Fiery. Calme toi, c'est moi. C'est Noémie. Je suis venue te sortir de là.
Le cheval tendit les oreilles et ancra ses sabots dans le sol. Le monde arrêta de tourner autour d'eux. Elle s'approcha de lui et tendit sa main qu'il renifla.
Noémie – On va faire comme l'autre jour. Ça ne s'est produit qu'une seule fois mais on peut y arriver mon grand. Ça peut marcher. Ça doit marcher.
Elle longea son encolure en faisant courir ses doigts dans ses crins. L'étalon respirait fort, il était essoufflé et de la sueur faisait luire sa robe foncée.
Tout le monde retint son souffle quand elle s'appuya sur son dos. Puis, en souplesse, elle se hissa sur Fiery et il ne broncha pas.
Noémie – Je suis si fière de toi.
Dans les gradins les gens se levèrent pour applaudir. Mais il fallait encore que la française tienne une minute sur le dos de l'étalon pour remporter la victoire et surtout demander à garder le cheval. 10 secondes. Noémie pressa les mollets pour le faire marcher. Autours d'elle il ne restait que 3 concurrents. Eux avaient bientôt tenus une minute.15 secondes. Un des trois hommes tomba.
Soudain une femme surgit dans le corral. L'ancienne propriétaire de Fiery. Elle se mit à hurler de fureur.
... - Sale animal d'malheur ! Tu t'es bien fichu d' moi ! Tu n'étais pas si bon à rien si c'te gamine peut t'chevaucher ! Viens ici que j't'attrape !
Nash –Stop. Calmez-vous ! Vous allez lui faire peur.
... - Dégage d'là gamin. Ce cheval est à moi !
Noémie –Non ! Il ne l'est plus ! Il appartient à ma tante.
30 secondes. Au fur et à mesure que la femme approchait, Fiery reculait. Dans la foule plusieurs spectateurs crièrent à la vielle dame de sortir de là, malgré l'acte interdit de la française, mais elle n'écoutait personne et tendait fermement ses poings vers l'étalon.
... - Cette fois-ci tu n'm'échappera pas !
Nash – Arrêtez !
Il l'attrapa par le bras mais elle se débattit violemment et ses gestes brusques effrayèrent davantage le cheval qui se cabra.
Il ne restait plus qu'un seul cavalier, l'autre avait été expulsé du dos de sa monture. Quand à Fiery, il ruait comme un diable sans entendre les paroles que tentait vainement de prononcer Noémie.
Shawn hurla en voyant la situation se dégrader, et il bondit de son siège quand Fiery s'emballa et sauta la barrière, emportant la française avec lui.
Noémie se cramponnait à la crinière de l'animal. Fiery galopait sans s'arrêter, ils avaient déjà quitté le rodéo et se dirigeaient à travers champs. La jeune fille avait l'impression de revivre ses cauchemars et ses souvenirs...
Du vert. A toute allure. Du vent dans la figure. La liberté. Les cheveux dans le vent. Un chapeau masquant le soleil. La vitesse.
Fiery allait vite, trop vite, beaucoup trop vite. Noémie eut peur tout d'un coup. Pas cette petite peur qui vous provoque un frisson qui s'estompe, non cette peur qui vous paralyse jusqu'à tétaniser votre cerveau et vous geler au plus profond des entrailles.
Noémie – Arrête toi. Stop Fiery. Stop ! STOP !
Le cheval s'arrêta net en l'entendant hurler et Noémie glissa de son dos jusqu'à terre où elle se recroquevilla sur elle-même. Elle prit ses genoux entre ses bras et se mit à pleurer. Les sanglots la secouaient et elle tremblait dans l'herbe, sous l'ombre d'un grand châtaigner. L'étalon se pencha vers elle et resta ainsi, sa grande carrure imposante formant un voile protecteur.
Noémie se souvenait de tout à présent. Depuis si longtemps elle avait tenté de refouler des souvenirs qui la hantaient, plongeant dans une dépression sans limite, la coupant de toute vie sociale. Dès son réveil à l'hôpital, elle avait su que rien ne serait comme avant. Elle avait entrouvert les yeux et avait entendu ses parents se disputer derrière le rideau. Une lettre avait été déposée sur sa table de chevet. Elle n'avait pas besoin de la lire. Elle savait que son âme était divisée. Elle avait voulu hurler mais aucun son ne semblait vouloir sortir de sa gorge. L'Impuissance.
Les gouttes chutèrent du ciel et finirent par s'écraser sur les joues déjà mouillées du Magcon et de Mia.
Shawn – Mais qu'est ce qui t'as pris de faire ça Nash ?! C'est de ta faute ce qui s'est passé ! Elle est perdue maintenant ! Espèce de sale connard prétentieux !
Le canadien voulut se jeter sur Nash mais Johnson et Gilinsky l'en empêchèrent.
Cameron –Bon sang mais calme toi Shawn ! Ce n'est de la faute de personne, excepté de cette vieille folle, dit-il en désignant l'ancienne propriétaire de Fiery assise sur une chaise au milieu de cow-boys à la mine féroce.
Hayes –Nous devons retrouver Noémie. Il faut que l'on soit soudés.
Carter –Alors arrêtez de vous engueuler. Nous sommes tous dans la même galère.
Taylor – On doit se serrer les coudes.
Matthew –Et redevenir le groupe qu'on était avant. C'était le but de ces vacances.
Mia – Très bien, dans ce cas tout le monde en voiture. Nash tu cherchera au nord avec Cameron, Taylor, Hayes et Carter. Jack, Maho, Shawn, Jack et moi partirons vers l'est et Matthew et Aaron vous n'avez qu'a aller avec Maggie.
Tous s'exécutèrent et montèrent dans leurs voitures respectives. Dans le pick-up, Aaron et Matthew se serrèrent aux côtés de Maggie qui enclencha les essuie-glace, balayant la pluie comme si elle voulait chasser l'inquiétude qui lui barrait de nouveau le front. Jamais elle n'aurait dû mettre Fiery dans ce rodéo. Jamais. Elle se sentait responsable de ce qui se passait.
Matthew –Vous n'y êtes pour rien. Ne vous inquiétez pas, on va la retrouver.
Aaron – Les autres vont au nord et à l'est. Allons vers le sud.
Maggie –Non. L'sud c'est la ville. Allons vers l'ouest.
Elle fit tourner le contact et démarra en trombe. La pluie inondait déjà la route et on n'y voyait pas à dix mètres. Aaron se rongea les ongles et Matthew plissait les yeux mais ne distinguait rien. La peur commença à gagner le véhicule.
Dans la voiture des Jacks la tension était à son comble. Mia pleurait en silence mais ses reniflements ne passaient pas inaperçus. Gilinsky avait enfouit la tête de la blonde contre son épaule et tentait de la rassurer du mieux qu'il pouvait. A l'avant Shawn pétait un plomb. Il n'arrêtait pas de bouger, de se passer les mains dans les cheveux, geste qu'il avait horreur de faire, et il poussait des soupirs de frustration à chaque virage. Mahogany et Johnson était les seuls à garder un semblant de sang froid.
Dans le pick-up, Matthew voyait bien qu'en restant sur la route, leurs recherches n'aboutiraient à rien.
Matthew –Ne restons pas sur la route, prenons le petit chemin là. Il mène vers la forêt, c'est bien plus probable qu'ils soient par là.
Maggie bifurqua et quitta la route. Les pneus s'enfoncèrent dans les flaques de boue et le pick-up disparu sous les arbres.
Dans la jeep c'était Cameron qui avait pris le volant en voyant que les mains de Nash ne cessaient de trembler.
Nash – Bon sang, c'est de ma faute. Jamais je n'aurais dû l'accompagner dans cette galère. J'aurais plutôt dû l'en empêcher !
Hayes – Non tu as bien fais. Je t'assure.
Nash – Mais vois où nous en sommes !
Ne pouvant se retenir, une larme roula sur sa joue mais d'un geste rageur il la chassa.
Hayes – Tu ne te rends pas compte du bien qu'elle t'a fait. Tu redeviens toi-même.
Cameron –Ton frère a raison, on te retrouve enfin Nash.
Carter – Ne t'en fais pas, on va la retrouver.
Taylor –Ouais, elle doit pas être bien loin.
Les phares du pick-up de Maggie trouèrent l'obscurité de la forêt. Il était à peine midi mais la pénombre régnait sous les grands pins vertigineux. Les deux halos jaunes projetaient des ombres inquiétantes sur l'écorce des arbres quand Aaron s'exclama :
Aaron – C'est elle ! Elle est là !