MIRABILIS

By tymlor

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Lors de l'exécution de la dernière enchanteresse des royaumes, celle-ci laisse en son souvenir une malédictio... More

La carte des royaumes
Mirabilis - A propos
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22

Chapitre 17

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By tymlor



Loukas

    Je l'ai entendu m'appeler dans les bois, c'est à ce moment-là que j'ai su que j'avais gagné. Elle réclamait ma présence sans même le savoir, vexée que je mette fin à notre entrevue de manière prématurée. J'ai pris la décision. Elle l'a subie. La chasse vient tout juste de débuter.

    Je n'avais pas envie de partir. Je l'ai fait parce que je devais le faire, créer en elle le besoin de ma présence en ne lui offrant que mon absence. Je n'ai pas répondu à ses questions ou seulement de manière évasive, laissant son cerveau en créer de nouvelles auxquelles je ne répondrai pas davantage. Je n'ai pas joué la carte de la séduction, je ne sais pas le faire – du moins pas volontairement. Pour autant, j'ai toujours su chasser. C'est un jeu que j'aime, seulement je n'ai jamais pris autant de plaisir à reluquer ma proie.

    La princesse est une belle femme, de celle dont on s'éprend en se demandant bien pourquoi. Loin de ses jupons, elle rayonne. Les expressions de son visage sont diverses et variées, permettant ainsi d'entrevoir en elle chacune de ses émotions sans la moindre difficulté. Il est adorable de se perdre dans les plis de son front, la moue de sa bouche, la tension de ses zygomatiques. Un sourire en vaut dix, aucun n'étant similaire au précédent.

    En y réfléchissant bien, la séduire n'est pas une si grande malédiction. La chasser est un défi où le chasseur pourrait se faire prendre à son propre piège.

    Afélis aurait très bien pu lui donner la même mission qui m'a été confiée. Pourquoi ne l'aurait-il pas fait ? Il serait facile pour elle d'utiliser ses charmes pour arriver à ses fins. Les hommes sont faibles face au charme féminin, ils n'attendent pas pour dire oui. Ils le font avec les yeux, les mains, puis le corps tout entier. Ils finissent mariés, enchainés, puis pendus. Elles ont cet avantage, celui-là même qui les révulse et qu'elles considèrent comme un frein à leur émancipation. Elles ne savent pas. Elles ne savent qu'elles pourraient obtenir tout ce qu'elles désirent, peut-être le font -elles inconsciemment. Une femme peut rendre fou un homme. Afélis en a fait les frais avec l'enchanteresse. Père sombre chaque jour un peu plus depuis la mort de maman.

    La princesse ne semble pas avoir conscience du pouvoir de son rang lié à son sexe. Peut-être a-t-elle été éduquée ainsi, encore chaste et mal informée sur le rôle qu'ont les femmes dans nos institutions.

— Alors ?

    A l'orée du bois, éclairé par les foyers de la zone de combat qui brûlent en continue, Ryen m'attend sagement, son cheval humant la terre maudite dans l'espoir d'y trouver un brin d'herbe au milieu des os.

— Elle est venue, je réponds d'un ton sérieux en le rejoignant.

    Son cheval souffle quand Ryen lui donne l'ordre d'avancer alors que nous prenons la direction d'Afthonia. Mon ami ne porte pas de masque, ni le mien ni celui du loup.

    Je lui avais dit que je pouvais me débrouiller seul, mais l'entêté ne pouvait supporter que je me retrouve pris dans une embuscade. Ryen a l'esprit d'un loup, faisant passer la meute avant toute chose. Il serait capable de me tenir la porte pour que j'aille pisser.

— Seule ? insiste Ryen, cherchant dans mon regard la réponse à ses questions. Il ne trouve que l'imperméabilité de mon cuir.

— Elle était effectivement seule. Si elle ne l'était pas, personne n'est venue se faire connaître.

— Comment a-t-elle pu prendre un tel risque ? s'étonne le loup.

— Tout porte à croire que le roi n'était pas au courant de sa petite escapade, j'explique en prenant le trot. Il ne sait pas qu'elle chasse près de la zone de combat et si tu veux mon avis, elle lui cache bon nombre de petits secrets, en plus de mentir autant qu'elle respire.

    Je souris malgré moi et ma grimace attise la curiosité de mon ami.

— Est-ce une bonne nouvelle ?

— Je n'en ai aucune idée pour l'instant. Mais mon but est bien d'arriver à lui tirer quelques confidences.

    Ryen ralentit, me forçant à repasser au pas malgré mon envie de retrouver la chaleur de mes appartements.

— C'est une bonne chose qu'elle ne relate pas la moindre des informations au roi, glisse Ryen, faisant ainsi passer un message que j'avais déjà saisi. Elle est peut-être en conflit avec lui et souhaite se détacher de son autorité, alors il serait plus facile pour toi de la détourner de son royaume. Qui sait ? Peut-être n'auras-tu pas besoin de la force pour l'attirer jusqu'à Afthonia ?

    J'acquiesce. Nous en sommes arrivés à la même conclusion, à une chose près :

— Si elle se détourne du roi, je crains qu'elle ne fasse pas la même chose avec son peuple. Elle prend le risque de chasser seule à quelques foulées de la zone de combat juste pour nourrir son peuple. Elle ne craint pas plus la mort que la famine de ceux qu'elle nourrit. Mon amour ou mon affection... Quoiqu'il en soit, rien ne pourra la convaincre d'abandonner les siens.

    Pendant quelques secondes, seuls les bruits des sabots de nos chevaux troublent le silence.

— Tu pourrais proposer la paix, la conclusion d'un pacte de non-agression durant un laps de temps défini, propose mon ami d'une traite. Votre rapprochement pourrait être considérée à long terme comme une réconciliation, le mariage informel de deux peuples.

— Et tous les coyotes nous feront une haie d'honneur en se tenant par la patte et en nous jetant du riz, j'ironique devant l'utopie ridicule de Ryen.

— Je parlais d'un mariage politique, andouille. L'union des royaumes, pas des deux empotés qui les gouvernent.

    Son soupir couvre le bruit des sabots. Je n'ai visiblement pas compris ce qu'il voulait dire, car Ryen est loin d'être assez bête pour croire que l'union de nos noms pourrait être une solution. D'autant plus que l'idée ne me séduit clairement pas. Je n'aime pas les mariages, même s'il s'agit d'amour véritable. Un mariage arrangé ne peut donc évidemment pas être mis sur la table. Je ne vivrais pas avec quelqu'un qui m'a été imposé, ne partagerai pas mes repas, ma couche et mon corps avec un cadeau empoisonné quand bien même la paix l'accompagne. La liberté des royaumes ne peut être un frein à la mienne.

— Je te proposais de lui faire croire que votre union serait bénéfique à la paix, s'agace Ryen, pointant du doigt ma bêtise avant de me taper le front comme si j'étais un marmot.

    Je me renfrogne sous mon masque. Petit, j'aurais tapé du pied en pestant, promettant à quiconque aurait ri une vengeance à la hauteur de ma honte.

    C'est ainsi qu'est mort notre premier chat, pirouette, que j'avais caché dans le box du cheval de maman. Il a malencontreusement fini écrasé sous ses sabots. Père avait osé dire aux membres de conseil que je m'étais oublié dans mes draps – ils avaient ri. Pirouette, lui, n'a plus jamais eu le loisir de le faire.

    Je n'ai plus jamais mouillé mon lit par la suite, ou du moins, d'une manière bien différente qui ne me confère aucune honte sinon une fierté à la hauteur de mon égo démesuré.

    La voix de Ryen me rappelle à l'instant présent.

— Adeïa n'était que douceur d'après les anciens, ajoute Ryen tandis que je me crispe à l'entente du prénom de maman. Elle espérait que la paix soit proclamée avec un partage des ressources équitables. Il parait même qu'elle a proposé à ton père de faire un festin avec Afélis et sa femme où le sujet de la guerre serait proscrit.

    La faiblesse de maman est un sujet que je n'aime pas aborder. Je la vois comme une femme forte, à la limite d'être une guerrière. L'imaginer faire des petits plats aux Dekara tout en souriant est une image que je rejette avec ferveur.

— Les femmes ont la douceur des gestes à l'inverse des hommes qui ne sont que force, insiste mon ami, m'amenant là où il souhaite aller dans sa réflexion. Tu ne serais sans doute pas sensible à une alliance entre les royaumes, mais elle pourrait trouver l'idée fabuleuse. Ton affection... ou quoi qu'il en soit, pourrait faire la différence si elle est associée à une promesse de beaux lendemains.

    Le visage de la belle me revient et, bien que j'essaie de toutes mes forces de l'imaginer, je n'y ai vu aucune douceur. Toutes les émotions sont passées sur sa peau, de l'indignation à la colère, en passant par le mépris, la curiosité, le dégoût et l'hostilité farouche d'une chasseresse qui jubile à l'idée d'abattre sa proie. La douceur ne faisait pas partie de ses sentiments et je doute que ce soit un trait de caractère qui la concerne directement.

    Pourtant, de toutes les femmes que je connais, elle est celle qui attire mon attention tout particulièrement. C'est comme si elle n'avait pas besoin de porter de masque pour cacher ses émotions, préférant mettre en avant ses colères et ainsi réserver la douceur à ses nuits de solitude où la pudeur l'autorise enfin à couver des yeux ce qui lui est cher. Père parle de maman de cette façon-là, détestant les anciens qui colportaient des conversations intimes comme si cela pouvait perpétuer son souvenir.

    La princesse ne me réservera jamais sa douceur. Lui faire miroiter la paix n'est pas une si mauvaise idée, peut-être alors ses regards pourraient changer, passant du feu de la haine au feu de la passion et à la douceur d'une confiance qu'elle croirait mutuelle. Peut-être me couverait-elle de ses regards, portant sur moi l'affection d'une femme et d'une louve, prête à prendre les armes pour défendre le fort d'un amour qu'elle ignorerait n'être qu'une chimère. Alors seulement, la chasseresse me suivrait jusqu'au château des Stratos – où elle ne trouverait que la mort.

    J'aime l'idée autant que je la déteste.

— Elle a sans doute des dragons, je lâche au milieu de ma réflexion, y mettant un terme en détestant apprécier m'imaginer sa douceur à mon égard. Je suis persuadé qu'ils existent.

    Nous quittons la zone de combat, laissant derrière nous les foyers brûlants pour se contenter de la lumière de nos torches respectives. Autour de nous, le bois s'efface et les plaines nous offrent leurs vallons, leurs sommets faiblement éclairé par la lune.

— Pourquoi le crois-tu ?

— Je n'en suis pas certain, mais elle est venue seule et ne semblait pas craintive. En tant qu'héritière, peut-être que les dragons la protègent ?

— Je ne crois pas que les dragons puissent ressentir le danger.

— Nous ne connaissons rien des dragons.

— Nous ne savons même pas s'ils existent, conclut Ryen, visiblement sceptique.

— S'ils existent, il faut envisager toutes les possibilités. Certaines légendes parlent d'une connexion entre le dragon et son maître, c'est peut-être pour cette raison qu'elle ne craignait pas mon épée.

    Un rire moqueur s'échappe des lèvres de mon ami, l'image de pirouette me revient en mémoire.

— Alors quoi ? Ton épée sous sa gorge et un dragon apparait et t'emporte dans la nuit, crache du feu et brûle la forêt ? s'esclaffe Ryen.

— Je te rappelle qu'une enchanteresse à fait disparaître le soleil, alors l'existence des dragons...

    Tout pourrait être possible. L'impossible réalisé, tout est devenu probable, angoissant et terriblement réaliste. Personne n'aurait pu prédire que le soleil n'existerait plus, tout comme personne ne croit en l'existence des dragons. Personne sauf la princesse, parce qu'elle les a vu et qu'ils la protègent.

    Le trajet restant se fait dans le silence. Ryen prend le trot, puis le galop et je le suis, respectant son besoin de calme évident. Il réfléchit aux pourquoi et aux comment, ne trouvant aucune réponse tant les possibles n'ont plus de limites. Quand le château apparaît au loin, mon visage est engourdi par le froid et je sais que le peu de peau visible autour de mon masque est rougie et sec. Je ralentis, bouge mes orteils dans mes bottes et pénètre dans la cour où quelques torches éclairent encore faiblement. Le royaume dort.

    Un palefrenier sort la tête hors de l'écurie avant de trottiner jusqu'à nous et de prendre les rênes de nos montures. Je n'ai pas besoin de lumière pour savoir son visage bouffi par le sommeil, un bâillement vient confirmer ce que je pensais – l'homme dormait sans doute sur une botte de foin.

    A sa présence discrète s'ajoute une démarche plus sourde, hésitante, entre celle d'un vieillard claudiquant et celle d'un ivrogne. J'aurais prié les coyotes pour que la première hypothèse soit la bonne, mais les vieillards dorment à cette heure, tandis que les ivrognes s'éveillent. L'homme saoul apparaît dans la cour, semblant sortir directement du château. Il ne tient ni bouteille ni choppe, seulement son manteau qu'il n'arrive pas à placer sur ses épaules. Il parle seul, les mots sortant de sa bouche sans avoir pris la bonne place dans la phrase. De ce brouillard incompréhensible s'élève sa voix, embuée par l'alcool et le froid qui fige ses lèvres.

    Le roi s'offre une balade nocturne.

— Tu devrais te reposer, me conseille Ryen tout en posant une main amicale sur mon épaule.

    Je ne dis mot, gardant les yeux rivés sur le spectacle que donne l'homme qui détient les pleins pouvoirs.

    Je finis par détourner le regard, refusant de donner du crédit à l'addiction de père. Il attrapera froid, se plaindra du climat hivernal et du manque de saison, puis décuvera en buvant des tisanes. Pour ma part, j'ai une mission à mener, alors je prends la direction de mes appartements et fais appeler Sèvre afin qu'elle m'y rejoigne. 

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