Le Jeu des Cauchemars

By Marhine

59 8 6

Plusieurs individus de tout âge sont inexplicablement arrachés à leur réalité pour être envoyés dans l'Ailleu... More

Prologue
Chapitre 2 ~ Sori & Galina

Chapitre 1 ~ Alcatraz

10 2 2
By Marhine

Alcatraz croyait rêver. C'était soit ça, soit elle était en train de devenir complètement folle.

Sa mère avait-elle commencé voir d'étranges choses avant de finir par obtenir une carte de séjour à durée indéterminée pour l'hôpital psychiatrique ?

La jeune femme déglutit à cette pensée, puis ferma quelques instant les yeux pour respirer profondément et calmer son angoisse grandissante. Mais quand elle les rouvrit, rien n'avait changé. Elle avait bel et bien quitté l'impasse pour se retrouver sur le sentier d'une forêt à l'épaisse canopée. Une forêt peuplée d'arbres qu'elle n'avait encore jamais vus ailleurs. Ici aussi, il faisait nuit. Une nuit sans étoiles. Seule la pleine lune ajoutait un peu de lumière à toute cette obscurité, ce qui permettait cependant aux arbres biscornus de projeter d'effrayantes ombres ici et là. Alcatraz n'entendait le pépiement d'aucun oiseau, le cri d'aucun animal nocturne ni d'aucun insecte. Son ventre se contracta tandis que son rythme cardiaque s'emballait. Elle ne comprenait toujours pas si cela était réel ou pas, mais tout ce qu'elle voulait, c'était quitter au plus vite cet endroit lugubre.

Elle observa rapidement les alentours. Pas d'issue en vue. Derrière elle s'étendait un mur infini de pierres noires. Devant elle, un chemin conduisait tout droit dans les ténèbres. Alcatraz ne voyait pas à plus de deux mètres. Quant aux côtés droit et gauche de la jaune femme, les arbres y étaient si denses et larges qu'elle ne voulait même pas imaginer quels genres d'animaux sauvages – psychopathes et sociopathes y compris – s'y cachaient, à l'affût de proies.

Alcatraz, les mains légèrement tremblantes, entreprit de tâter le mur de pierres en espérant y trouver un bouton, un levier, n'importe quoi qui lui permettrait d'ouvrir une porte dissimulée. En vain. Pourtant, elle s'en souvenait clairement à présent : aussi invraisemblable que ça puisse paraître, elle avait traversé un mur avant de se retrouver ici. Elle n'était pas folle !

La jeune femme était épuisée. Il était déjà tard quand elle était partie de chez sa meilleure amie et l'angoisse qui l'envahissait maintenant ne faisait que la fatiguer plus encore, autant son corps que son esprit. Par réflexe, elle jeta un coup d'œil à la jolie montre qui ornait son poignet : les aiguilles s'étaient arrêtées de tourner à une heure du matin. Alcatraz tapota le cadran dans l'espoir que le mécanisme se remette à fonctionner ; mais rien n'y fit.

— En même temps, ça aurait été trop beau qu'elle marche vue la situation... commenta-t-elle à voix haute, résignée, car habituée à accumuler les mauvaises nouvelles.

Cette fois cependant, il fallait avouer que, même pour elle, c'était le pompon ! Etait-elle maudite ? Un sorcier vaudou était-il actuellement en train de s'acharner sur une poupée à son effigie ?

Elle délirait complètement. Et voilà qu'à présent, une musique lointaine arrivait peu à peu à ses oreilles. Une musique sinistre. Alcatraz se remit à respirer plus vite et bruyamment, les yeux rivés face à l'obscurité, là d'où provenaient les sons qu'elle percevait. Sa tête se mit soudain à tourner, surchargée par tous ces événements étranges. C'était trop à encaisser, stout quand, malgré tout, une petite voix en elle s'obstinait à lui répéter qu'elle devenait comme sa mère et qu'elle la rejoindrait très bientôt chez les fous. Une petite voix qu'elle s'efforçait de faire taire afin de garder l'esprit clair.

La musique se rapprochait peu à peu. Alcatraz reconnut alors le chant d'un violon. Elle ne pensait plus qu'à partir. Qu'à fuir loin d'ici. Elle voulait retrouver le chemin de son appartement et se faufiler sous sa grosse et réconfortante couverture lestée. Dans un accès d'angoisse irrépressible, le cœur tambourinant dans sa poitrine, elle tenta le tout pour le tout sans y réfléchir à deux fois. Elle se recula du mur de pierre, prit son élan et courut aussi vite qu'elle le put en direction du mur. Elle n'eut cependant pas le temps d'atteindre sa cible que ses pieds s'entravèrent l'un dans l'autre, entraînés par ses jambes flageolantes. Alors, affalée au sol, les lèvres pleines de terre, la jeune femme craqua. Des larmes dégoulinèrent silencieusement le long de ses joues couleur porcelaine. Alcatraz se traîna difficilement vers le mur de pierres, s'y adossa et fourra son visage dans ses bras croisés sur ses genoux. Son esprit se mit à tourner en boucle et ne cessait de lui répéter qu'elle était folle, tout juste bonne à enfermer dans une cellule capitonnée. Il n'y avait pas d'autre explication à ce qu'elle était en train de vivre.

Telle mère, telle fille...

La musique se rapprochait de plus en plus quand, soudain, un bruit en provenance de la forêt attira l'attention de la jeune femme. Elle tourna aussitôt la tête dans sa direction, sur ses gardes, le cœur battant à cent à l'heure, mais trop épuisée mentalement pour parvenir à se relever. Pourtant, elle en était certaine : en plus de la musique, quelque chose d'autre se rapprochait d'elle. Et cette chose était sur le point de quitter l'obscurité des arbres. Le souffle court, Alcatraz tremblait.

Un animal émergea enfin des buissons. La jeune femme retint sa respiration quelques secondes, le temps de comprendre les intentions de l'espèce de cerf qui se tenait à présent devant elle. Un cerf étrange aux très longues canines qui dépassaient de sa gueule fermée. Un cerf aussi beaucoup plus grand que tous ceux qu'Alcatraz avait croisés depuis son enfance. L'animal, s'il était impressionnant, ne semblait cependant pas hostile. Il aurait tout à fait pu être effrayant, mais la jeune femme trouvait son regard clair tellement doux et rassurant, avec un petit quelque chose de mélancolique, qu'elle refusait de croire que cet animal lui voulait du mal. Alcatraz reprit alors son souffle et se détendit légèrement. Ses larmes avaient cessé de couler. Elle ne parvenait pas à détourner du cerf géant, qui lui n'était visiblement pas décidé à le faire non plus.

— Qu'est-ce que tu veux ? vocalisa enfin la jeune femme, toujours sur ses gardes malgré tout.

Elle ne s'attendait évidemment pas à une réponse, mais prononcer ces mots à voix haute lui donnait l'impression de reprendre le contrôle de la situation. Quelle ne fut donc pas sa surprise quand l'animal lui répondit :

— Seulement ton bien. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde ici.

Alcatraz, interloquée, resta quelques secondes incapable de parler, avant de se reprendre d'une voix mal assurée :

— Et... et c'est où « ici » ?

Cette fois, plus de doutes possibles, elle allait rejoindre sa mère à l'asile. Peut-être même qu'elle était déjà en chemin et que lorsqu'elle réussirait à s'extirper de cette vision complètement démente, elle se réveillerait dans un lit d'hôpital sans savoir comment elle y était arrivée.

— L'Ailleurs, lui répondit l'animal, interrompant ainsi le fil de ses sombres pensées.

— Ca y est... se lamenta Alcatraz, je suis dingue.

— Pas du tout, reprit le cerf. L'Aileurs est un monde que personne ne peut connaître hormis ceux qui y ont été attirés.

— Mais je n'ai jamais demandé à y être attirée ! s'emballa la jeune femme en montant dans les aigus, au bord de la crise de nerf.

Elle ne savait plus que penser. Tout se mélangeait dans sa tête. Etait-elle folle ? Cet étrange cerf disait-il la vérité ? L'un n'empêchant évidemment pas l'autre.

— Personne ne le demande ! s'emporta soudain l'animal d'une voix à la fois profonde et grave.

— Evidemment ! répliqua Alcatraz sur le même ton. Comment pourrait-on demander à venir dans un lieu dont on ne connaît pas l'existence !

Elle était bien consciente que ses réponses n'avaient ni queue ni tête, mais ça avait été plus fort qu'elle et cela lui avait au moins permis d'évacuer une partie du trop-plein d'émotions que provoquait en elle toute cette situation. A présent que la jeune femme était un peu plus calme, les battements de son palpitant l'assourdissaient moins et ses idées avaient retrouvé de leur clarté. Tout ce qu'elle voulait, maintenant, c'était savoir. Savoir si elle était vraiment tarée ou si tout ceci était réel, aussi incroyable que cela puisse paraître.

— Bon, soupira le cerf en reprenant une intonation modérée, reprenons depuis le début. Je m'appelle Alfan, et tu es dans l'Ailleurs. Un lieu sur lequel règne le Grand Maître. Un lieu dans lequel les cauchemars que font les humains sont envoyés une fois la nuit passée. Des cauchemars dont le Grand Maître raffole et qu'il conserve précieusement, jusqu'au jour où il choisit d'en relâcher certains pour corser son Jeu. Un Jeu que les participants ne parviennent jamais à terminer. Encore moins à gagner... C'est plus clair cette fois pour toi ?

— Oui, répondit Alcatraz avant d'émettre un petit rire jaune. Ca confirme ce que je pensais : je suis bonne pour l'hôpital psychiatrique. Si mon cerveau est assez fou pour imaginer tout ça, croyez-moi, c'est que je suis fichue.

Alfan soupira, atterré par l'obstination de la jeune femme à se croire démente.

— Ne fais pas l'erreur de penser ton cerveau au-dessus de ceux de tous les autres. Ton esprit n'a pas créé ce monde et tu n'es pas folle, lui expliqua le cerf d'un ton à la fois las et doux.

— Soit, imaginons que je te croie, admit Alcatraz dont la discussion lui permettait d'oublier momentanément la sinistre mélodie du violon qu'elle percevait toujours en arrière-plan. Et toi, qu'est-ce que tu fais ici ? T'es un cauchemar repenti ? Tu as été envoyé pour me terrifier, mais tu as perdu toute envie de le faire ? rit la jeune femme, que l'improbabilité de la situation finissait par amuser.

— Non ! s'emporta une nouvelle fois Alfan.

Alcatraz cessa aussitôt de rire et observa attentivement le cerf, surprise par toute la colère qu'il avait mis dans ce simple mot.

— Ne me compare plus jamais à un cauchemar, la prévint-il ensuite, le regard dur.

Elle hocha la tête, cette fois un tantinet effrayée par l'animal.

— Les cauchemars sont des entités terribles, ajouta-t-il tandis que l'expression de son visage se radoucissait. Ai-je vraiment l'air horrible que ça à tes yeux ?

Alcatraz déglutit, puis réfléchit sérieusement à la question. Elle détailla minutieusement Alfan des yeux : il était effectivement un peu effrayant avec ses longues canines, ses hauts bois pointus, son pelage sombre et l'immensité de sa carrure, mais son regard adoucissait l'ensemble. Il paraissait presque avoir été blessé intérieurement par les précédentes paroles de la jeune femme. Alors, elle finit par lui répondre « non » de la tête.

— Bien, déclara le cerf géant. Parce que si moi, je t'avais fait peur, je ne t'aurais pas conseillé une seule seconde de faire un pas de plus dans l'Ailleurs.

— Ce n'est pas comme si j'avais le choix... lui fit remarquer Alcatraz.

— On a toujours le choix. Et si tu n'es pas prête à affronter les pires horreurs pour rester en vie, autant que tu y mettes fin toi-même dès maintenant.

La jeune femme fronça les sourcils et serra aussitôt les poings le long de son corps finement musclé. Elle n'avait jamais déclaré forfait face à un adversaire, que ce soit durant ses combats en entraînement ou en compétition. Elle avait toujours enduré les coups sans broncher jusqu'à trouver la faille qui lui permettait de remporter la victoire... ou pas. Même lorsqu'on lui avait cassé le nez, elle n'avait pas abandonné le combat. Même quand on lui avait démis l'épaule, elle avait lutté jusqu'à ce que son corps lâche, car son esprit, lui, ne déclarait jamais forfait. Pratiquer la boxe thaï avait pour ainsi dire sauvé la vie d'Alcatraz.

Quand la maladie de sa mère s'était réveillée et que la jeune femme en avait subi les conséquences, c'était le sport qui lui avait permis de se défouler, de se battre pour garder les pieds sur terre, pour tout endurer, pour éloigner les lames de rasoir de ses poignets et pour trouver au fond d'elle la volonté de continuer. Car si un jour elle devenait comme sa mère, elle voulait avoir profité à fond de la vie avant que ça n'arrive, et ce, même si la vie s'entêtait à lui mettre des bâtons dans les roues.

Sans le savoir, Alfan venait de permettre à la combattante prête à tout en elle de refaire surface.

— Je t'interdis de prononcer ces mots devant moi, le menaça très sérieusement Alcatraz en se remettant enfin sur ses deux pieds, des larmes, de rage cette fois, aux coins des yeux.

C'était plus fort qu'elle. Si elle avait refusé d'abandonner, de déclarer forfait face à la vie, elle n'avait pourtant jamais réussi à cesser de pleurer. Que ce soit de douleur, de peur, de tristesse, de désespoir, ou même de joie. Le seul adversaire contre lequel elle ne pourrait jamais rien, elle le savait, c'était elle-même.

Alfan ne répondit rien. Il se contenta de la fixer en silence jusqu'à ce que les poings d'Alcatraz se desserrent. Comprenant que le cerf n'avait pourtant pas l'intention de revenir sur ses paroles, la jeune femme prit sur elle et préféra changer de sujet. Ce n'était pas en se mettant à dos un animal de l'Ailleurs que sa situation allait s'arranger.

— Pourquoi tu es venu m'expliquer tout ça ? le questionna-t-elle.

— Il y a bien longtemps que je n'avais pas parlé à... à un humain, lui expliqua-t-il en prenant grand soin de choisir ses derniers mots.

— Tu vas m'aider à sortir d'ici ? lui demanda ensuite Alcatraz de but en blanc, pleine d'espoir, même si elle n'était toujours pas certaine de la réalité de tout ce cirque.

Alfan garda le silence quelques secondes de trop avant de lâcher :

— Oui, ou du moins, je vais essayer. Garde cependant bien tête que je n'en ai pas le droit. Si le Grand Maître l'apprend...

— Pourquoi tu veux m'aider dans ce cas ? Tu ne me connais même pas... remarqua la jeune femme.

— Viens, il faut qu'on parte. Tu ne dois pas rester trop longtemps au même endroit, expliqua-t-il simplement en éludant la question.

Alcatraz préféra ne pas insister pour le moment. Elle n'était plus seule, quelqu'un qui connaissait les lieux était à présent à ses côtés et cela lui suffisait à garder espoir, même si elle avait parfaitement compris que son avenir n'avait plus rien de certain.

— Comment tu t'appelles ? l'interrogea Alfan tout en se mettant en marche.

— Alcatraz.

— Pourquoi t'a-t-on donné le nom d'une prison de laquelle il est impossible de s'échapper ?

La jeune femme fixa l'obscurité droit devant eux, la musique dissonante du violon toujours dans l'air, le visage fermé. Que pouvait-elle bien répondre à cette question ? Que sa mère aimait les prénoms étranges ? Que son père était parti avant même qu'elle soit née et que sa mère avait trouvé judicieux d'appeler ainsi sa fille dont elle ne pourrait jamais se séparer ? Que sa mère était une adepte des blagues nulles quand elle avait encore toute sa tête ? Qu'elle avait voulu porter la poisse à sa fille en la nommant de la sorte, la condamnant à être prisonnière d'elle-même toute sa vie ? Ou peut-être parce qu'elle savait que sa fille hériterait de la même démence qu'elle et qu'elle aussi finirait prise au piège par sa folie ? Alcatraz haussa les épaules malgré elle.

— Je ne sais pas, murmura-t-elle simplement pour éviter de devoir rentrer dans les détails avec un cerf géant qu'elle connaissait à peine.

Continue Reading

You'll Also Like

8.7K 442 30
-Il n'en vaut pas la peine. -Peut-être que si, au contraire. Fanfiction. Terminé le 23 juin 2019. J'espère que vous avez apprécié. Comme toujours, je...
76K 3.9K 35
Moi Louis, esclave de première catégorie, j''ai été vendu à un homme du nom de Harry styles, un homme respecter mais que je deteste pour avoir propos...
2.1K 785 48
Alors que deux des pierres de magie sont encore dans la nature et que les effets de la réunification des cinq magies se font de plus en plus sentir d...
8.4K 1.1K 29
Dans notre monde, il existe des failles magiques, qui sont des portails invisibles menant à des réalités différentes, les Instances. Gregor est un ch...