BRITOMARTIS

By mrs__darling

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Se protéger de la tempête est le plus important pour minimiser les dégâts. Lucrèce vit dans un océan de dram... More

AVANT PROPOS
PROLOGUE
1| CIBLE
2| DÉESSE NOYÉE
3| FROIDEUR DÉSOLANTE
4| MAUVAIS INTERLOCUTEUR
5| VILAINE CURIOSITÉ
6| INTRUSIF
7|MUSE
8|GOUTTE ROUGE
9|LE CALME
10|INSOMNIE
11| DINER
12| MARQUES CONDAMNÉES
13| MOUILLÉ
14| MONSTRES
15| CACHOTIÈRES
16| PÉCHEUR
17| TOILE SALIE
18| BAISERS ROUGES
19| AMIS DÉVOUÉS
20| INVISIBLE
21| RANCŒUR BAFOUÉE
22| LIENS FAMILIAUX
23| SECONDE MAMAN
24| DÉLIT FLAGRANT
26| UNIONS FRUITÉES

25| POIS DE SENTEUR

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By mrs__darling

Présent

    On escompte des morts qu'ils répondent à des questions qu'on n'osait pas leur poser de leur vivant. J'ai toujours trouvé cruel de regretter des paroles jamais dites, c'est vrai, qu'avons-nous à offrir de plus que de lamentables remords ? De là où ils reposent, dans la terre humide, enfermés dans une triste boîte de bois. C'est certain qu'ils ne veulent pas nos échos navrés.

Aux alentours de 7 h 30, je défais mes gants en cuir, tiraillant sur les doigts pour retirer le bout. Une fois ma paire en main, je l'enfonce dans la poche de ma veste en cuir. En retroussant le col d'aviateur de celle-ci, j'en profite pour réajuster ma cravate. 

Je décroche mon casque, en extrayant ma tête, ma respiration crée un petit nuage de fumée. Les matinées sont encore fraîches, malgré les rayons de soleil à l'orée des bois, dessinant dans d'agréables reflets orangés la cime des arbres autour du cimetière.

Ma béquille dépliée, je descends de la Keeway et l'abandonne sur le petit parking. Je ne prends jamais de fleurs avec moi, parce que le parc naturel qui borde le cimetière en regorge. C'est une sorte de tradition, de me balader dans les hautes herbes afin de dénicher quelques fleurs qui viennent d'émerger. 

Ma mère ne supportait pas que l'on aille chez le fleuriste alors que ce n'était pas la saison, les fleurs étant importées, elle préférait passer devant en me désignant les quelques fleurs qui — d'après elle — étaient de la réelle saison. 

Je me détourne du portail pour progresser sur l'herbe, la rosée matinale fait glisser des gouttes sur mon passage. Mes doigts sont glacés, je préfère remettre mes gants. L'une après l'autre, je tire des tiges, quelques pâquerettes, des narcisses,  des voisines plutôt jolies. J'arrache les dernières feuilles sur les arbustes. 

Plus tard, je me dirige ensuite vers le portail, pousse le portique et chemine à travers les pierres tombales afin de trouver celles de ma mère. Une sépulture classique avec stèle. Il y a gravé, Bronte Radford, 22 mars 1981 — 19 décembre 2021 Femme et mère aimante.

Mon père n'aurait jamais dû choisir. 

Je soupire en posant ce que j'ai récolté sur la tombe.

— Depuis le temps, tu dois avoir appris à ne plus lui en vouloir, m'adressé-je à la pierre stoïque. 

Je m'apprête à m'agenouiller devant elle, soudainement mon attention est attirée par un bouquet posé là, bien avant moi. Vu l'humidité qui se dégage de l'emballage alambiqué, il a certainement passé la nuit ici.

Qui a bien pu déposer un bouquet de fleurs ? 

Mon père me missionne chaque 22 mars, jour de l'anniversaire de ma mère, pour lui rendre visite. C'est à peine s'il arrive à passer le portail. La dernière fois, Eldon Radford n'a pas réussi à sortir de la voiture, les yeux grouillant de larmes et les pieds tremblants. Hormis moi-même, je ne vois pas qui passerait rendre visite à Bronte Radford.

Je détaille ce qui me semble être des pois de senteur, des pétales ronds et roses et d'autres plus petits en forme de cœur. Ce vestige date de la période où madame Shepherd et ma mère s'échangeaient des bouquets. C'étaient toujours des pois de senteurs. Ça ne peut être que la mère de Connor. 

Je m'enchante en m'accroupissant.

— Bon anniversaire maman. Je vois que tu as eu de la visite, tant mieux, tu dois bien t'ennuyer ici, glissé-je à la tombe.

Je dégaine de ma poche une bobine de ficelle, en rassemblant les plantes que j'ai cueillies, je m'affaire à mon bouquet.

— Comme d'habitude, je te prépare ton bouquet, rie-je en tentant de faire tenir les fleurs entre elles, pour que le résultat ne la déçoive pas trop. 

Ma mère me disait régulièrement que tout ce qui l'importait, c'est que son cadeau, je le fabrique moi-même. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle m'a appris à peindre. J'arrache la ficelle avec mes dents, noue le bouquet sur lui-même. De ma main gantée, je le pousse sur la dalle en granite.

— Voilà... Je voulais aussi te dire que j'ai rejoint le club d'art, l'informé-je, une teinte d'amusement dans la voix, tandis que mes yeux brillent. 

Je n'ai jamais vu ma mère sur son lit d'hôpital, j'ai refusé. La dernière fois que je l'ai vu, c'était à son enterrement. Avant lui, je l'ai à peine regardé en partant en cours. Mon cœur se serre étroitement. 

Sur ça, je laisse ma mère, faisant le chemin retour vers la vieille bécane. Je dois être en cours pour huit heures tapantes, je ne peux pas m'égarer plus longtemps.

Il me reste tout juste dix minutes, je défais en vitesse mes gants pour la seconde fois ce matin, me rue vers l'entrée du lycée bondée de monde. En jetant un regard en arrière, la voiture de Connor et celle de Amon sont sur le parking, ils doivent déjà se trouver à l'intérieur. Je traverse le hall, entre les élèves. Je ne les aperçois pas dans la foule, mes sourcils se centrent. Bordel qu'est-ce qu'ils foutent encore ? 

Ces derniers temps, la bande s'exile dans des coins sombres. Nos liens, eux, se resserrent. Le dépistage nous a laissé sans voix. On attend pacifiquement que le sort s'abatte sur nous. 

J'extirpe mon téléphone, sans grande surprise Connor m'a laissé un message pour me dire qu'ils étaient sortis par l'issue de secours du couloir menant aux terrains sportifs. L'idée de les rejoindre près des bennes à ordures ne m'enchante pas trop. N'empêche que je reprends ma marche à vive allure. Cette section de l'annexe nage dans la quiétude. Je pousse la porte et tombe sur mes trois compagnons. 

Ma première réaction, c'est la stupéfaction en observant le visage de Amon. Après seulement, je songe à fermer la porte derrière moi. Que s'est-il passé bon sang ? De vilains hématomes couvrent le haut de son front, son coquard sur son œil droit me paraît affreusement douloureux.

— Tu t'es battue ? j'interroge Amon. 

Un silence d'aplomb règne dehors.

— Pas vraiment, grimace le grand mate. 

Il frotte énergiquement les restes de sang sur sa tempe à l'aide de son pull. 

Dramatiquement, j'emboite les pièces du puzzle : ce n'était pas un mec de l'équipe. Ça ne me réjouit pas davantage en sachant pertinemment qui c'est.

— Mon père, admet Amon en s'écœurant lui-même.

Son père est fou, ce n'est même pas suffisant pour décrire l'aliénation qui se dégage cet homme.

— Et vous, qu'est-ce que vous fabriquez ? dis-je à l'avis des deux autres. 

Jasper joue avec la bague qui habille son index, nerveusement. Connor, à mon ignorance, était en train de consommer une clope, sûrement pour digérer la pilule dont je n'ai pas encore été informé.

— On a trouvé un mot dans le casier d'Amon. 

Il me le tend, ses mains blanchissent, je sais que le blond rêve d'en faire de la chair à pâté, mais ça attendra le temps que je prenne connaissance de ce qu'il y a écrit. 

Je suis d'autant plus surpris lorsque je découvre son contenu immoral en lettres majuscules noires.

Amon était la cible de ce mot-là en particulier, ça veut dire qu'il ne nous a pas tout dit. Les restes de la soirée, je ne les ai pas avalés, si ç'a un lien avec ça, autant dire que les fêtes pour notre bande, c'est fini.

— Tu es immoral, Amon ? Qu'est-ce que tu as fait d'immoral ? osé-je en le fixant, lui et son visage défiguré.

— Je n'en sais rien, putain Ivar ! Peut-être bien que j'aie consommé de l'alcool, de la drogue, que j'ai dit des choses blessantes ? éclate-t-il, bouillonnant. Qui sait ? hein ? J'ai sûrement tous les défauts de la Terre, je suis un menteur, un connard et aujourd'hui, je sais que je suis immoral. Alors qu'est-ce que j'apprendrai demain à mon sujet, Ivar ?

C'est regrettable de voir le plus enjoué d'entre nous céder à la détresse. Toutes ces accusations auront notre dernier souffle. Elles nous l'extirperont avec tant de rudesse, sur une dernière insulte bilieuse. Assez pour anéantir notre monde. C'est imminent, inévitable. Les aiguilles se rétractent sur nous, on manquera de temps un jour ou l'autre. 

Connor tire sur sa clope, Jasper salive, séduit par l'odeur. Je le dégage d'un geste brusque, interrompant son mysticisme pour le tabac de Connor.

— Si mon père le sait, il me tuera, alarme Amon. 

Je redresse mon menton dans sa direction, découvrant son allégresse. Ce n'est pas le moment pour plaisanter sur les coups qu'il reçoit entre les murs étouffants de sa maison.

— Ce n'est pas ta faute, intervient Jasper en dissimulant ses mains dans les poches de son pantalon. 

Son attitude m'est étrangère.

— Pourquoi ton père t'est tombé dessus ? 

Amon expire frénétiquement. On attend tous les trois qu'ils crachent le morceau. Les mots stagnent dans sa trachée sans jamais franchir ses lèvres. Je manque de patience, surtout quand les cours reprennent dans même pas cinq minutes.

— Son père sait qu'Ivanna fréquentait Wren Dawson, brise Connor. 

Je passe mes mains le long de mon visage, révélation sur révélation. Décidément, Amon sait garder ses secrets. Ce n'est pas bon signe du tout. On sait tous que son père n'applique pas la même éducation à Amon que nos parents, les parents normaux. Il nous rassure régulièrement que dans les familles hispaniques, croyantes, la figure paternelle est le pilier porteur, pas une figure d'indulgence. Néanmoins, un jour épargnera-t-il son fils ou le contraindra-t-il à jamais sous les violents coups de ceintures ?

— Je le savais, mais je n'ai rien dit. J'ai été surpris en pleine nuit en train de détourner le courrier que Wren envoyait à Iva. Elle allait se prendre un coup, peu importe ! J'en avais déjà reçu un, alors, j'ai probablement fauté en me mettant en travers de son chemin. Je me suis pris une sacrée torgnole.

Il est détendu en le vocalisant. Amon n'avait pas de crainte à en parler, en revanche, ce qui le freinait, c'était d'avouer qu'il avait échoué. Pour lui, il devait être en capacité de la protéger. Au vu des marques qui encadrent ses sourcils, Amon a dormi sur le sol, inéluctablement sonné par les coups de son père.

Il est tombé dans les pâmes.

— Putain, ton père t'a laissé inconscient dans ton salon, et tout ce à quoi tu penses, c'est que tu aurais dû faire mieux ? demandé-je, abasourdi. 

La première sonnerie de la journée résonne derrière la porte. Coupé dans mon élan, je guette les alentours pour m'assurer que personne n'a ouï notre conversation.

— On s'en tape, Ivar, qu'il me cogne si ça lui chante, mais Iva doit préserver ses études, sinon il finira par la scolariser ici. Toi et moi, on sait que ma sœur n'a rien à faire ici. Sa place est au conservatoire, assure-t-il, comme si ça ne représentait rien et que le prix en valait la chandelle. 

Je ne suis plus sûr de suivre, contraint de respecter son choix absurde de faire vœux de silence. De toute manière, des bagarres surviennent régulièrement, l'administration ne se sentira pas alertée pour ses blessures. De quoi réjouir Amon.

— Et le mot ? On fait quoi maintenant ? surgit Jasper, remuant sa tignasse blanche à la recherche de solution. 

Connor le lui dérobe, il le brûle avec la fin de sa clope. 

Le papier disparaît en quelques cendres.

— On ne dit rien, et on retourne tranquillement en cours. On finira par mettre la main sur cet individu avant l'administration, nous intime-t-il.

C'est la meilleure option qui se présente à nous. On s'enfonce dans le couloir. Je referme la porte derrière notre passage.




***




Jasper et moi pressons le pas après notre cours de russe optionnel. Je regrette depuis ma scolarisation ici d'avoir pris cet enseignement. Jasper également, sinon il ne piquerait pas du nez dès qu'il en a l'occasion. Hormis les cours de tronc commun, et notre cours supplémentaire, le reste de notre journée se divise dans nos spécialités. 

Le blond est le profil type d'un scientifique, biologie, chimie, physique, un peu comme Connor et Amon, même si de leur côté, ils s'intéressent davantage aux mathématiques et sciences numériques. Ils ont fait le choix linguistique de l'espagnol, en raison de leurs origines familiales, je suppose. Je suis du parti des sciences de l'ingénieur, finance et mathématiques. 

Nos emplois du temps sont disparates, ce qui nous exhorte dans la bibliothèque se vidant à la pause méridienne. Notre nouveau recoin, après les vestiaires, on aimait bien se rejoindre là-bas, personne ne venait nous importuner. 

Jasper s'installe sur le bord de la table, appuyant ses mains maladroitement en renversant sa tête en arrière. Le menton en l'air, comme il a l'habitude de se positionner pour cracher sa fumée, dans un contexte favorable, une salle de bain vide et peu de lumière. 

Je tapote son épaule en m'asseyant sur la chaise face à lui. C'était son truc à lui, les salles d'eau, maintenant Jasper va devoir trouver un autre passe-temps que se défoncer à la weed. Je délace ma cravate en me replaçant convenablement dans l'assise. Amon campe en posant effrontément ses pieds sur la table, ça fait tiquer le blond dépassé par son impolitesse.

— On a percuté Alexa Nielson sur le chemin, ricane Amon en direction de Connor. 

On l'entend soupirer contre les étagères de la bibliothèque qui le soutiennent.

— Elle est vraiment collante. Il croise ses bras sur son thorax. Elle me met presque mal à l'aise, dévoile-t-il en pensant que personne ne relèverait ce détail. 

À peine les mots ont été vocalisés que nos regards se sont scotchés à lui. De ce que je sais, depuis une certaine Lorelei, Connor ne supporte pas le contact des femmes. Il les évite, les rebute lorsqu'elles se font entreprenantes. C'était le cas pour Alexa, qui traînait souvent dans ses pattes. 

Jasper et Amon ne sont pas dupes, même si Connor aborde Lorelei très rarement, on se doute qu'elle est encore le centre de ses pensées. Sinon, il serait déjà passé à autre chose. Cette note mélancolique nous pousse à détourner le regard pour ne pas lui mettre la puce à l'oreille.

— D'ailleurs, elle n'est pas dans la même classe que Lucrèce ? questionne subtilement Jasper. 

Mes yeux virevoltent dans sa direction, mais les siens creusent déjà les miens. L'enfoiré. Je ne crois pas qu'il le fasse pour me faire chier, non, il doit avoir une idée derrière la tête.

— Peut-être, convient lascivement Connor. D'ailleurs, elle me cause bien des emmerdes. Hier, elle m'a demandé de la déposer chez le fleuriste, elle a dû rentrer ensuite à pied. Je ne sais pas ce qu'elle fabrique ces derniers temps, je ne cherche plus à comprendre.

Le brun et le blond ne réagissent pas, après tout, c'est assez commun d'aller chez le fleuriste. Je centre mes sourcils en me remémorant le bouquet mystérieux de ce matin. Un seau d'eau froide me dégringole dessus.

Oh merde... 

J'ouvre grand les yeux en réalisant que ce n'était pas la mère de Connor qui a déposé des fleurs sur la tombe de ma mère, bien sûr que non. Qui ça aurait pu être d'autre que ma petite déesse ? Je suis forcé d'abriter dans ma main mon sourire. 

Je n'en attendais pas autant d'elle, je n'attendais rien d'elle

Je suis habitué à son manque d'attention. Maintenant, je sais qu'elle me dévoue de la compassion. C'est tout ce dont j'ai besoin, minime soit-elle, c'est une preuve de tendresse. 

Je glisse mon téléphone en dehors de ma poche et lui écris.

« J'arrive, fais en sorte de te débarrasser d'Aubrey, tu as dix minutes. » 

Je veux la voir, ma petite menteuse. 

Elle me déteste ? Je n'y crois pas le moins du monde. 

Pendant mon instant d'absence, la discussion suit son cours.

— Tu sais, Ivanna va chercher des fleurs aussi, ça doit être un truc de fille, déduit Amon avachi sur sa chaise.

— Tu as l'air d'oublier que ta sœur avait une copine, espèce d'idiot, éclaire Jasper. 

Connor ne semble pas perturbé par ce qu'avance Jasper. Il a l'air d'avoir cerné son sous-entendu, mais il s'avère sûr de ses positions, comme s'il savait que Lucrèce ne pourrait jamais avoir de copain. 

Dans tous les cas, on sait tous autour de cette table qu'il décourage tous les hommes de l'approcher. Sauf un, me murmuré-je à moi-même. Connor devrait se faire du souci, mais laissons-le badiner dans son coin sur les chances qu'aurait Lucrèce d'être convoitée par un homme.

— Ivar, ce n'est pas demain ton premier cours en art ? Amon se relève en m'épiant, incertain. 

Je les ai tenus au courant de mes activités en dehors du basket, pour éviter toutes surprises ou déceptions. Malgré moi, j'avais cette impression que si je le gardais pour moi, ils auraient fini par le déceler eux-mêmes. 

Je me repose sur la question d'Amon pour mentir et me saisir d'une échappatoire.

— Si ! Merde, je dois faire un tour dans la salle pour du matériel ! 

Je rassemble en vitesse mon sac en me levant. Mes trois complices m'observent silencieusement partir, tous surpris. En poussant la porte, j'arrive à discerner le rire d'Amon en fond. Ainsi que le « crétin » de Jasper.

De retour dans le couloir d'un pas lourd, mon mensonge m'est resté entre les pattes. Dans la marée de lycéens, je repère la petite déesse. À mon plus grand bonheur, les nattes qu'elles portaient hier ont ravivé ses ondulations naturelles. Lucrèce a une belle longueur obsidienne. Elle a exécuté ce que je lui ai indiqué, il n'y a pas de rousse dans le paysage. Hormis des lycéens qui se dirigent vers le réfectoire, là où doit l'attendre sa meilleure amie. 

Les bras croisés, égale à son grand frère, elle est perdue dans ses pensées, assistée contre un casier, entre autres le mien. Le couloir se débonde, je gravis les quelques mètres qui me séparent d'elle. Sans préavis, je capte sa main, elle sursaute. Mon autre main accompagne sa taille vers moi. J'admire une microseconde son uniforme et la chemise qui sied à sa silhouette à merveille, car dans même pas deux minutes, on sera incapable de se distinguer. Rassurée que ce ne soit que moi, Lucrèce se rembrunit immédiatement. 

Qu'est-ce qu'elle peut être belle lorsqu'elle est contrariée. 

Elle subodore ce qui va arriver, elle ne résiste plus et m'accompagne dans la salle vide qu'on a l'habitude d'emprunter.

Crétin, marmonne-t-elle après avoir perçu mon sourire caustique, elle fait écho à Jasper. 

Je pouffe au creux de son oreille en verrouillant la porte derrière nous. Dans le noir, je la guide contre une des paillasses de la salle de science. Je profite de notre proximité pour la garder près de moi. 

Britomartis détient un pouvoir trop grand sur son pêcheur assidu. N'est-ce pas pécher que de mentir à nos amis respectifs ? Que de désirer la sœur de mon meilleur ami ? 

Ses mains compressent le rebord, pourtant elle se tient bien droite, défiant notre promiscuité. Son souffle se crashe sur mes lèvres. Une outrance. Je recule sur la paillasse derrière. Une fois bien installé contre celle-ci, j'inaugure le bal.

— Les pois de senteur, c'était toi ? osé-je sans préambule. 

Une chance qu'il fasse toujours jour, en dépit des rideaux déployés, les rayons de l'extérieur laissent passer une mince lumière. Assez pour que je la voie froncer les sourcils. La facette de Lucrèce, démunie, sans échappatoire.

— Tu vois, gamine, tu t'en veux toujours. Si bien que la tradition entre nos mères n'excepte pas à tes remords, ajouté-je acide. 

Sûrement pour rétablir la mémoire de cette fleur particulière. Elle est allée se recueillir, et personne ne l'y a contrainte. Elle aura beau me faire des avanies, je ne la croirais plus. C'est la seule dont je veuille que ma mère se souvienne. 

Elle enroule sur son doigt une de ses ondulations, détourne les yeux loin de moi.

— Je te déteste, maugrée-t-elle. 

Je ne retiens plus mon sourire, une seconde de trop, mes yeux sont scotchés à ses lèvres, ils y reviennent toujours. 

Parce qu'elles sont peintes de rouge. 

Je me décolle de la paillasse.

— Je déteste les mensonges, Lucrèce, dis-je à voix basse.

Un pas, puis un autre, bientôt, je la touche.

— Du moins, lorsque c'est toi qui les profères, je les vénère.

Ma petite déesse est une menteuse. 

Je n'ai pas besoin de tirer son menton pour qu'elle m'affronte, il vient naturellement à moi, depuis sa confusion. Je m'amuse avec une de ses mèches ondées. Ses cheveux naturels sont magnifiques. D'instinct, ma main trace sa mâchoire et la glisse derrière son oreille. Je finis par attraper son menton. Mon cœur pulse, mes jambes sont raides, mes yeux se plissent légèrement. 

Ça semble doux et accessible. Ce n'est qu'un leurre, c'est interdit.

— À mon grand dam, pourquoi faut-il que tu sois sa sœur, tu es si belle.

Qu'est-ce que je risque en faisant une entorse à la règle ? J'ai envie de l'embrasser.

Hi mes darlings <3 Comment vous allez ?

Chapitre qui a pris du temps avant de paraître je le reconnais (sorry), les prochaines semaines et mois, vont être rudes pour moi. Je vous tiendrais au courant sur insta (mrs__darling) concernant la date de ma pause je vous la communiquerai là bas aussi. Oui j'ai prévue de prendre une pause, en raison de gros examens très importants pour moi.

Kiss kiss Darlin

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