Sain d'Esprit (Laura Woodward...

By LeodeGalGal

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Ceci est un tome 2, passez votre chemin si vous n'avez pas lu (et apprécié) Les Affaires des Autres ! La tra... More

Préambule
Récapitulatif des personnages (au besoin, sans spoilers pour le tome 2)
Un instant perdu
1. Train-train sanglant (1/2)
1. Train-train sanglant (2/2)
2. De la promiscuité
3. Un os dans le gratin
4. Visite macabre à Butterfly
5. Sans nostalgie, vraiment
6. Relance
7. Au taquet
8. Entre détectives
9. Inspection délicate
10. Apparition
11. Bienveillance brune
12. Garder le cap (1/2)
12. Garder le cap (2/2)
13. Interférences
14. Mauvais esprit
15. La compagnie des vivants
16. SOS fantômes
17. Retour à la fac
18. Assaisonnement (1/2)
18. Assaisonnement (2/2)
19. Indésirable
20. Les autres
21. L'expert (1/2)
21. L'expert (2/2)
22. Le chacal
23. Les voies du dépit
24. Enquête et trahisons (1/2)
24. Enquête et trahisons (2/2)
25. Compromis
26. Contre-attaque (1/2)
26. Contre-attaque (2/2)
27. Un autre spécialiste
28. Échos de Dunnes
29. RedWeasel007
30. Triste fin
31. Apprentie sorcière (1/2)
31. Apprentie sorcière (2/2)
32. Introduction posthume
33. Le coût du silence
34. Catharsis
35. Thérapie
36. Orage
37. Chaleur humaine
38. Incendie
39. Persév-errance
40. Qui sème le vent
41. Prise en charge
42. Réminiscences hivernales
44. Personne n'est parfait
Postface
L'eau qui dort (chapitre Poisson d'Avril)

43. Encore debout

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By LeodeGalGal

Laura ne se souvenait pas d'avoir acheté autant de citrons mais, d'une manière ou d'une autre, son médecin personnel y avait pourvu. Après un nouveau jus acide, toujours un peu flageolante, elle appela Gareth Conway.

Elle s'excusa de l'avoir abandonné, il lui demanda si elle allait bien, et contre toute attente, sans l'avoir décidé, elle lui révéla que l'incendie avait coûté la vie à une inspectrice de police qu'elle appréciait, que le choc l'avait bouleversée, qu'elle se sentait responsable, à cause de la liste qu'elle avait fournie aux autorités. Elle n'en dit pas davantage, ne mentionna pas son raid dément jusqu'à Trespan, Jonathan, l'Ybsrydial, la mort frôlée, évitée de justesse, le dieu égyptien dans son salon. Gareth lui demanda si elle avait besoin de compagnie, ne s'offusqua pas de sa dérobade – car elle se déroba, bien sûr–, ne força rien, lui proposa qu'ils mangent ensemble un soir, si elle s'en sentait l'énergie. Il avait prévu de repartir au début de la semaine suivante, dès qu'il aurait mis ses quelques affaires en ordre, et bouclé les dossiers. Elle accepta, tout en l'avertissant qu'elle pourrait changer d'avis, et là aussi, il se montra compréhensif.

Elle ne rappela pas Duncan. Elle n'avait pas envie de lui parler, de se farcir ses fausses excuses et son souci à quatre sous. Lloyd savait qu'elle allait bien, cela devait suffire.

Restait le problème de la fameuse liste, de la réunion qu'elle avait évitée.

Henry était bien arrivé à Bryne, vivait toujours, avait quitté les soins intensifs.

Renata Wortman avait regagné ses pénates.

Sur les six noms du Remontrant, tout le monde avait survécu même si Henry avait souffert. Sur ceux de la première liste, seul le statisticien était mort. Les dégâts collatéraux s'élevaient à cinq individus : deux policiers spécialisés dans la protection des témoins, deux étudiants asphyxiés, une inspectrice de police.

Un accident. Le feu avait pris dans ce boîtier vétuste, un court-circuit provoqué par la pluie, une surtension, la canicule des derniers jours, les pompiers n'avaient aucune raison d'y chercher autre chose. Le statisticien avait trébuché sur ses lacets, l'escrimeur aviné s'était penché par-dessus la rambarde de son balcon, l'entomologiste avait fait une crise cardiaque, l'ingénieur avait dérapé sur la chaussée.

Il restait Zaffy. L'homme assassiné à coups de clavier, la victime initiale, un cas qui reparaîtrait encore et encore dans les émissions de crimes irrésolus, sans que jamais, personne ne puisse l'élucider. Il y en avait d'autres. Les gens finiraient par accepter.

Connectée à son ordinateur, elle ouvrit le dossier confidentiel et justifia sa liste sans parler d'Aaron, du Remontrant, expliqua qu'en étudiant les différents morts du campus pendant l'été, Jason Byatt avait été le seul point commun tangible entre une partie d'entre eux, qu'elle avait cherché de la logique là où il n'y en avait sans doute pas, mais que l'insistance des autorités universitaires et l'angoisse qui régnaient dans les couloirs de la faculté avaient participé à la genèse de cette illusion, que son opinion était désormais qu'il n'y avait pas de lien, juste le hasard, que la liste était partie d'un principe de précaution en attendant de s'assurer qu'il n'y avait vraiment personne. Qu'elle était navrée pour cette erreur de jugement.

Tout en rédigeant son memo, Laura songea à la possibilité qu'on ait déjà fouillé son historique de recherche. Les procédures pour investiguer un agent étaient complexes, nécessitaient des autorisations qu'on n'obtenait pas aisément, mais elle savait aussi que depuis New Tren, elle devait figurer sur une liste rouge, d'éléments à surveiller. Elle aviserait. Rattraper le coup lui paraissait à la fois impossible et inutile. Elle n'avait pas l'énergie de s'y consacrer.

Quant à la personne qui avait invoqué l'Ysbrydial... Tant pis. La cousine, soeur, tante, amie de Jason ignorait probablement tout du désastre qu'elle avait provoqué. Les Remontrants hérissaient les tombes dunnites comme des boules sur un sapin de Noël, plus traditionnels que maléfiques, reflets de traditions vivaces. Et de toute façon, Allan lui avait demandé – non, avait exigé – qu'elle garde ses distances. Elle ne pouvait, au lendemain de son sauvetage, enfreindre ses conseils. Il avait eu raison, elle avait eu tort. L'affaire était close.

Elle rappela ensuite la morgue pour poser quelques jours de maladie, ce que personne ne lui reprocha. Elle détestait passer pour une faible demoiselle, mais le ton de David Moliarey, au téléphone, lui renvoya exactement cette image. Une vieille fille fragile, terrassée par le décès d'une amie. Helen n'était même pas vraiment ça, une amie, mais ça avait été une bonne copine de terrain, une collègue sympathique, et, bien sûr, surtout, Laura était responsable du désastre.

Elle guetta l'appel d'Allan, en fin de journée, et il se montra à la hauteur de sa promesse. Ils n'échangèrent que trois mots, elle devina qu'il était en voiture, il lui recommanda de prendre bien soin d'elle, et elle l'assura qu'elle obéirait. Puis il s'excusa, elle le salua et en profita pour couper court à leur échange, consciente qu'une mélancolie assassine la saisissait comme elle prenait conscience de la distance qui les séparait, se souvenait de leur brève étreinte, de l'apaisement qu'elle avait ressenti dans cette chaleur inespérée, à nouveau hors de portée.

Elle but du citron et affronta la nuit. Le sommeil la fuit. Les chats vinrent lui rendre visite, un de chaque côté, et elle pleura encore un peu. Ce ne serait pas la dernière fois. Mais elle irait de l'avant. Elle l'avait toujours fait.


Le surlendemain, elle quitta son isolement pour se rendre à l'enterrement d'Helen, à Graëlon. C'est Rupert qui l'avait avertie et il la guetta dans le parking, avant de venir glisser son bras sous le sien. C'était un homme de peu de mots mais il avait une finesse émotionnelle rare dans leur métier. Elle le trouva inutilement protecteur mais ne le repoussa pas pour autant. Le soleil magnifique écrasait les pelouses jaunies et leur cortège de costumes endeuillés paraissait presqu'incongru. Les lunettes noires étaient de circonstance, cachant les yeux rougis. Laura demeura à distance, avec les autres médecins légistes, laissant le corps policier soutenir Andrew Melville, qui paraissait aussi choqué que lorsqu'elle l'avait vu errer sur les lieux de l'incendie.

Il y avait une délégation de pompiers, aussi, et un nombre impressionnant de collègues. On avait beaucoup jasé sur l'ascension fulgurante de la jeune femme, en son temps, mais elle était simple et amicale et elle avait touché beaucoup de cœurs sur son passage. Une grande perte, disait le curé. Une immense perte, oui. Elle avait l'étoffe des grands. Mais elle n'avait pas su lâcher prise, comme Jonathan, comme Laura. Pourquoi fallait-il qu'elle leur survive, chaque fois, alors qu'ils chutaient dans le néant ?

Elle avait retenu la mise en garde d'Allan, et lorsqu'elle alla s'incliner devant le cercueil, elle souhaita bon voyage à Helen et la félicita pour tout ce qu'elle avait accompli, en comprimant les regrets tout au fond, en n'espérant en rien, en rien du tout, qu'elle puisse être encore là pour accomplir sa tâche.

Ils allèrent saluer la famille, les parents, une sœur, parlèrent à Andrew qui n'entendait rien et absorbait les condoléances comme si elles n'avaient été que de petites gouttes de pluie sur ses épaules accablées. Ils rentrèrent à la morgue et burent un café morose dans la cafétéria. Donald raconta que les autorités avaient décidé d'un plan d'urgence pour sécuriser les résidences étudiantes. L'université avait débloqué un budget de plusieurs millions. Il avait fallu une tragédie pour que la machine se mette en branle, comme trop souvent.

David profita de leur présence à tous pour leur demander de remettre leurs conclusions sur les cas de Butterfly avant la fin du mois. Personne n'avait rien trouvé de suspect, évidemment. Ils discutèrent du programme de séminaires pour la rentrée, puis convinrent d'un autre moment pour définir la tournante des gardes. Laura consulta les notes d'entrée et se choisit un cadavre, refusant de prolonger son congé. Oui, elle avait été troublée par le décès d'Helen, mais elle n'était pas si proche d'elle, c'était juste une collègue... Elle pouvait faire face. Et elle le fit. Le travail était toujours une bonne manière d'aider les choses à rentrer dans l'ordre. Si seulement elle avait pu soulager son sentiment de culpabilité et ce sentiment de manque dévorant.


Le même soir, plutôt que de retourner à Ververy et ses deux chats, elle retrouva Gareth dans un petit restaurant situé dans la banlieue est. Il avait l'air plus détendu, moins troublé, que quelques jours plus tôt. Il avait abandonné les chemises à fines rayures qu'il portait habituellement pour un tee-shirt gris sur lequel on devinait la forme d'un ours, esquissé en quelques traits. Ils s'installèrent dans le jardin de l'établissement, sous les arbres. Des lampions colorés attiraient les nombreux insectes. On entendait à peine le murmure du trafic.

Elle se demanda comment il avait repéré l'endroit mais ne posa pas de questions. Il prit de ses nouvelles et elle des siennes, Fernbridge, Butterfly, chacun sur ses gardes, puis le soleil se coucha, et ils en arrivèrent au dessert, avec plusieurs verres de vin derrière eux. Elle l'interrogea enfin sur son départ prochain.

— Mes valises sont prêtes, oui, avoua-t-il avec une petite grimace. Je n'avais pas emporté grand-chose, encore. L'idée était de trouver une maison adéquate avant de faire venir les malles... Finalement, heureusement que Gwen est partie si rapidement, ça m'aura évité un plus gros déménagement.

Il haussa les épaules, mais la douleur était vive, difficile à dissimuler, et il remonta ses lunettes sur son nez.

— Bref, je vais reprendre ma place. Mais je voulais te remercier. Pour ton aide. Et ton écoute. Je sais que... les autres m'ont mis en garde... sur les distances que tu veux garder... mais, au final...

— Quoi ? s'exclama-t-elle, posant sa cuillère à côté de son sorbet.

Gareth parut aussi surpris qu'elle, même s'il avait légèrement rougi.

— Heu. Et bien... Lloyd, Edward... même Duncan, avant tout ça... Ils m'ont prévenu, que tu n'aimais pas qu'on s'immisce dans ton espace.

— Ils ont dit ça ?

— Oui. Que tu ne voulais pas te lier. Pas trop. Seulement superficiellement. Pour ne rien devoir à personne.

Elle le dévisagea, éberluée.

— Désolé. J'ai peut-être été trop franc, ajouta-t-il. Mais tu commences à savoir que les Bruns...

— Attends, quoi, ils t'ont mis en garde contre moi ?

— Je ne sais pas si...

— Gareth, c'est trop tard. Tu en as trop dit. Lâche le morceau.

Il but une gorgée de son vin, comme pour se donner de la contenance.

— Écoute, voilà. Ils m'ont dit de ne pas m'épuiser en vain. Que nous ne serions jamais amis. Que c'était quelque chose que tu ne permettais pas, à personne.

Elle s'adossa dans le fond de son siège et resta stupéfaite.

— Ils sont gonflés, siffla-t-elle.

— Je leur ai dit qu'ils avaient tort, répondit Gareth.

Elle passa les paumes de ses mains sur son visage mais ne trouva rien à répondre. Était-ce si faux, dans le fond ?

— Laura, je vois que je t'ai troublée. Je ne voulais pas... Ils avaient l'air de dire... que tu revendiquais ces limites.

Elle esquissa un sourire.

— Peut-être qu'ils méritaient que je les érige.

— C'est aussi ce que je me suis dit, répondit Gareth.

Ils échangèrent un sourire de connivence.

— Je sais qu'au final, je ne serai pas resté assez longtemps. Mais je voulais te dire... que si tu venais jamais à Bryne... Pas qu'il y ait des chances que tu te retrouves là par hasard, cependant, mais... si tu y venais, je ne sais pas, en vacances... Je serai ravi de t'accueillir et de te faire visiter. L'hiver est rude et il y a beaucoup de moustiques au printemps, mais en été, surtout vers la fin, c'est vraiment magnifique. Si tu aimes marcher, la nature... Ça peut valoir le coup.

Elle acquiesça, toujours un peu ébranlée. Ses collègues les plus proches avaient une perception d'elle comme un monstre.

— Et ce sera l'occasion de voir si nous pouvons devenir amis, ajouta-t-il. Je pense que j'ai mes chances.

— Qui sait.

En réalité, elle ne le leur souhaitait pas, ni à lui, ni à elle. Ses proches souffraient et lui déchiraient le coeur. Les agents de la Société voyaient juste, elle ne pouvait pas se lier, mais pas pour les raisons qu'ils imaginaient.

Que lui avait dit Aaron, dans cette église morte, autrefois ?

Qu'elle était dangereuse, dans tous les sens du terme.

Heureusement pour Gareth, il quittait la ville, juste à temps. 

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