- Bon OK les gars ! Comme maintenant vous êtes sages, je continue à vous raconter mon histoire ! Alors, j'étais donc décidée à rentrer dans la bouquinerie, la nuit, pour libérer mon cher et tendre qui était enfermé à la cave.
J'escalade le mur hyper facilement ! Je me glisse par la fenêtre comme un chat ! Et là haut y avait Gérard !
- Oh ! Firent de concert les deux agents attentifs et conquis !
- Je réussis à me faufiler dans le noir entre les piles de livres et je trouve enfin l'entrée secrète de la porte de la cave !
- Ahhhh ! Firent-ils encore
- Je dois libérer François mais il est attaché avec des grosses chaînes !
- Ohhh !!
- Gérard veut me tuer et il a un couteau dans la main !
- Nooonn ! Crièrent les deux agents
- Si ! et il veut me tuer !
- Ohhh !
- Alors il veut descendre l'escalier trop vite et se brise la nuque arrivé en bas !
- Ohh !
- Et il s'est même planté son propre couteau dans ventre !
- Aahhhhhh !
- Oui ! Et vous savez où il avait caché la clé du cadenas ?
- Noooon !
- Autour de son cou !
- Noooon !? Le public était conquis !
- Si ! Si ! Alors je l'ai prise et j'ai pu libérer François de ses chaînes !
- Ohhhh !!!! Les deux Pierre ne faisaient plus qu'un.
- Mais c'est pas fini !
- Aah !!!
- Émile s'est pointé et voulait me tuer aussi !
- Ohhhh !! NOOON !!!
- Si si ! Je l'ai assomé avec un gros bouquin !
- Wooww ! Le public était en extase
- après il a réussi à se libérer pendant que j'étais avec François.
- Ohhh
- Et il était en fait en haut. Et moi vous savez ce que j'ai fait ?
- Noooon ?
- Eh ben je suis monté pour le combattre !
- Wooow !
Galvanisée par cette écoute, Anna voulut passer pour une héroïne invincible et déforma quelque peu la vérité.
- Le combat fut épique ! J'évitais tous les coups et j'arrivais à le taper avec tout ce que je trouvais sous la main : assiette, verre, vase !
- wooww !
- mais là ! Il fut plus rapide que moi !
- Quoi ?
- Et il réussit à me frapper fort !
- Noooon !
- Et je suis tombée au sol ! Inconsciente et à sa merci !
- Ohhhh ! Les deux Pierre se rongeaient les sangs !
- Il devait penser que c'était fini pour moi ! Et que j'étais même morte ! Alors après il voulut s'occuper de François !
- Noonn !
- Si ! Et en voulant descendre vers lui il renversa un chandelier avec 4 bougies allumées dessus !
- Ohhhh !
- et cela mit le feu à ses vêtements et il s'est transformé en torche humaine !
- wwwooooohhhh !
- Et après il a glissé et s'est tué lui aussi tout seul dans l'escalier et il était tout cramé !
- Oohhhh ! C'est dingue ! Dit Rafeu
- Je dirais même plus c'est extraordinaire ! Rajouta Ponce en jouant les Dupont et Dupond !
- Oui c'est dingue Messieurs ! Mais c'est vrai ! Ça s'est passé comme ça ! On a tué personne ! On est innocents François et moi ! Dit Anna
- Ben oui ! Raconté comme ça c'est sûr ! Vous êtes les victimes quoi ! Dit Rafeu
- Oui exactement ! Pierre ! Dit Anna
- Mouais ! Fit Ponce qui eut envie de montrer son talent d'imitateur d'un célèbre détective ! Excusez moi m'dame ! Mais y a juste un p'tit détail qui m'chiffonne ...vous savez c'est ce genre de p'tits trucs qui m'empêchent de dormir et qui tournent dans ma tête sans s'arrêter...
- moui...allez y Lieutenant Columbo ! C'est quoi ce détail ?
- Ben ..m'dame..excusez moi mais mon collègue Pierre Rafeu ici présent m'a mentionné l'intervention d'une personne tierce qui aurait aidé le prévenu à échapper la Police m'dame.. y avait cette fille à la librairie m'dame...et cette infirmière à l'hôpital m'dame.. et puis y a eu aussi cette avocate madame ! Ah ! Madame ! Quel talent cette avocate ! Du grand art ! vraiment ! Quelle prestation incroyable m'dame... Le costume, les textes de lois ! Et le coup du courrier envoyé à nos supérieurs pour porter plainte contre la police ! Du grand art vraiment ! J'ai trouvé ça exceptionnel madame !
Et il la fixait intensément dans les yeux pendant qu'il jouait à la perfection l'inspecteur célèbre en évoquant des faits avérés de cette histoire.
Ce ton humoristique ne faisait pas sourire Anna. Elle sentait l'étau se resserrer autour d'elle et les accusations arriver.
- Madame, continua-t-il avec la voix et la gestuelle du Lieutenant, après il y eut la policière ! Quel talent encore ! Elle nous a bluffé ! Comme l'avocate ! Elle nous a bernés ! Roulés dans la farine ! Elle a eu un culot démesuré de venir nous narguer ici, chez nous, dans notre commissariat, déguisée en costume de police ! Et elle a réussi son coup encore une fois ! Avec son histoire de police des caractères ! quel humour et quel audace au passage m'dame ! Et ce travail sur le texte avec le feu ! Rafeu m'a tout raconté ! C'était délectable ! Quelle recherche ! Quel humour ! Du grand art m'dame ! Une prestation digne d'Hollywood vraiment !
Anna eut un sourire de satisfaction qui la démasqua. Elle voulut dire merci à l'agent Ponce avec ses yeux pour tous ces compliments mais le piège de la flatterie était si grand qu'elle ne tomba pas dedans.
Elle essaya de rester froide et inexpressive.
- Et Maintenant vous voilà ! Vous ! Anna ! Ou devrais-je dire Dana l'avocate ? Ou Elsa la policière ? Ou encore cette infirmière ? C'était vous n'est ce pas ? Quelle prestation m'dame ! Quelle créativité ! C'était remarquable ! Digne d'Arsène Lupin ! M'dame ! Bravo !
Elle craqua et ne put se retenir plus encore et répondit :
- Merci ! Merci agent Ponce ! Quelle perspicacité ! Quelle clairvoyance ! Et quel beau personnage de Columbo vous avez fait ! C'était très réussi ! Vraiment !
- madame, venant de votre part, c'est le plus beau des compliments.
Et Ponce sortit doucement les menottes. Anna tendit tranquillement ses poignets sans émettre aucune résistance.
Rafeu avait l'air perplexe, perdu.
- Alors c'est elle qui a fait tout ça ? L'infirmière c'était elle ?
- Oui Pierre ! dit l'agent Ponce
-et c'est elle aussi l'avocate qui m'a enlevé mon prisonnier ?
- Oui Pierre ! dit encore l'agent Ponce
- et c'est elle aussi qui m'a dragué quand elle était déguisée en policière canon ?
- c'était pour la bonne cause ! Lui répondit gentiment Anna.
Ponce quitta le pardessus râpé :
- Ouais c'est ça ! "La bonne cause" ! Allez ! Mettez-la sous les verrous le temps qu'elle réfléchisse à ce qu'elle à commis comme délits ! Et que justice soit faite !
Anna n'était pas effrayée. Elle était apaisée, détendue d'avoir pu tout raconter librement. Elle se savait non coupable même si elle avait joué un peu des personnages de comédie et aidé François à échapper à la police.
Elle était en paix. Plus de course poursuite, plus de peur, plus de mensonges, plus d'inventions rocambolesques.
Elle acceptait d'être incarcérée car elle croyait en la justice de son pays.
Elle fut accusée d'usurpation d'identité, de faux et usage de faux, de mensonges divers et variés aux forces de l'ordre, de délits de fuites multiples, d'irrespect flagrant envers les agents de la force publique et aussi de complicité de meurtres pour les cadavres de la cave.
Elle fut mise en prison.
Mais par un heureux hasard, la cellule d'à côté avait pour locataire un grand brûlé qu'elle connaissait très bien !
...