Elle tirait derrière elle un sac rempli de bouteilles d'alcool vraiment lourd, si lourd qu'elle en attrapa même mal au dos. Mei-Lee, une jeune caméléonne de 21 ans, vêtue d'une robe rouge bordeau et vert foncé, qui semblait avoir connu des jours meilleurs peinait à remonter la rue jusqu'à chez son père, un vieux caméléon qui tenait une boutique de troc miteuse de la Cité Interdite, dans laquelle les habitants venaient pour y échanger tout et n'importe quoi.
Son père souffrait de gros problèmes d'alcool, il y était accro depuis plusieurs années... depuis sa rupture avec la célèbre sorcière polymorphe de la ville de Juniper-City : La Caméléonne. Cette dernière s'était mise en couple avec le pauvre caméléon juste par intérêt, mais leur relation avait tout de même duré pendant quelques années, même si tout n'avait été que mensonges. La naissance de Mei-Lee n'était qu'un accident, mais ce fut cet événement qui poussa La Caméléonne à chasser son conjoint et sa fille non désirée très loin d'elle.
Expulsé de Juniper-City, le vieux caméléon et sa fille indésiré trouvèrent donc refuge dans la Cité Interdite et ainsi commença pour Mei-Lee une dure vie de pauvreté, ne vivant que d'insultes, de rejets et des crises de nerfs de son géniteur suite à sa consommation excessive d'alcool, qui rejetait toute la faute exclusivement sur elle, alors qu'elle n'avait même pas demandé à venir au monde. Mei-Lee ne connaissait même pas sa mère, seulement de réputation et encore plus depuis que Po et Zhen – son ancien apprenti – l'avaient récemment battue et envoyé dans le Royaume des Esprits (voir le film « Kung Fu Panda 4 »). La seule chose qu'elle tenait d'elle, c'était son puissant pouvoir polymorphe, ce même pouvoir qui lui servait à prendre l'apparence de qui elle voulait, à la seule différence avec sa mère qu'elle ne le maitrisait pas du tout.
Mei-Lee ne contrôlait pas le moins du monde son pouvoir, il pouvait lui arriver de prendre l'apparence de quelqu'un simplement parce qu'un bruit l'avait fait sursauter, ou parce qu'elle se sentait stressé, énervé ou triste, ce qui était franchement pénible. Son père n'arrangeait rien du tout, le fait de savoir sa fille en possession du même pouvoir que la caméléonne qu'il avait autrefois aimé le peiné et le terrifié à la fois. Régulièrement, il violentait Mei-Lee dès qu'elle prenait l'apparence de quelqu'un sans le faire exprès et l'a traitait en permanence pire qu'une esclave, l'obligeant à entretenir la maison telle une vulgaire Cendrillon, ce qui déplaisait beaucoup à la jeune fille.
Néanmoins, malgré sa situation, elle n'était pas un ange victime d'injustices pour autant et savait tout de même se battre étant douée pour se battre avec une lance, car régulièrement Mei-Lee allait déchainer sa colère et sa frustration sur les habitants les plus faibles de la Cité Interdite, aux côtés de ses trois amis Jia, Baï et Huan, les seuls amis qu'elle avait dans cet infâme endroit et qui l'a comprenaient mieux que quiconque. Régulièrement, elle leur parlait de ses soucis avec son père, mais ses amis ne pouvaient pas faire grand-chose pour elle, ce qui les chagrinaient fortement.
Encore aujourd'hui, la pauvre adolescente était simplement sorti se dégourdir les jambes loin de son père, mais avait eu ordre de la part de ce dernier avant qu'elle ne parte, de passer à la taverne du coin, afin de lui rapporter une bonne vingtaine de nouvelles bouteilles d'alcools forts, puisqu'il avait déjà descendu toutes les autres. Mei-Lee, effrayée et contrainte d'obéir sous risque d'être de nouveau battue, avait alors accepté, mais le chemin du retour était vraiment compliqué, le poids des bouteilles était trop pour ses petites mains et personnes ne voulaient lui prêter main forte.
Tournant à l'angle d'une rue, Mei-Lee cheminait difficilement vers chez son père, lorsqu'un sanglier la coupa net dans sa marche, il venait de passer à travers la fenêtre d'un bar peu fréquentable et s'étala de tout son long par terre, dans une pile d'ordures qui n'avait pas dû être ramassé depuis des lustres.
-Espèce de sale rustre ! Vociféra-t-il aussitôt en guise de réponse. TU VAS ME LE PAYER !!!
Il déguéna une paire de couteaux de combat et se jeta en retour sur son ennemi, un rhinocéros dont la corne manquait sur le bout du nez. La jeune fille recula de quelques pas, ne voulant pas trop se mêler à ce genre de dispute, surtout que les deux individus semblaient se battre pour une fille. Elle s'en alla en courant comme elle le put avec son sac d'alcool, juste à temps car du sang gicla sur le sol, le sanglier qui était passé par la fenêtre venait de se faire égorger.
Et dire que je voulais simplement prendre l'air, pensa-t-elle.
Tentant de garder son calme, Mei-Lee décida de passer par une autre rue pour rentrer chez son père. Par chance, cette dernière était déserte, à part quelques piles de poubelles malodorantes, il n'y avait personne dehors. Poursuivant sa route, tirant toujours de toutes ses forces sur le sac d'alcool, l'adolescente traversa un boulevard ou plusieurs maisons très pauvres se trouvaient à chaque trottoir et elle finit enfin par arriver devant une boutique miteuse rempli d'un bric à brac incommensurable. La vitrine contenait de cette dernière contenait plusieurs objets tous plus étranges les uns que les autres : cela pouvait aller de simples outils de cuisines, en passant par d'étranges flacons aux contenus très louches, jusqu'à des armes qui provenaient de lieux inconnus.
Mei-Lee fit de son mieux pour porter le sac sur l'une de ses épaules frêle et tourna la poignée de la porte d'entrée de la boutique. Les lanternes aux bougies partiellement fondues étaient toutes éteintes à l'intérieur, signe que son père avait fermé et se trouvait certainement dans son appartement – situé à l'étage juste au-dessus – en train de boire... pour changer. Elle grimpa l'escalier qui menait à l'appartement et arrivée sur le palier, elle s'écroula presque sur le plancher miteux, tant le poids de son fardeau pesait vraiment lourd sur ses épaules.
En entrant enfin dans l'appartement, elle vit avec effroi que le sol du salon jusqu'à l'entrée était jonché de bouteilles d'alcool vides, pour la plupart cassé en mille morceaux comme si elles avaient été jeté de rage contre un mur. La jeune caméléonne posa son sac de nouvelles bouteilles dans l'entrée, referma la porte derrière elle et soupira, avant de se mettre à ramasser quelques nombreux morceaux, pour ensuite les jeter dans une caisse en bois sans ménagement, se demandant à quel moment son père allait se remettre de sa rupture avec sa mère et de leur bannissement de Juniper-City, car à chaque fois le ménage des bouteilles cassés devait être fait et cela devenait plus que lassant.
Assis au fond de son canapé, le vieux caméléon buvait sa toute dernière bouteille d'alcool fort, les pieds posés sur la table basse, le tout en regardant des vieux rouleau de parchemins relatant les dernières nouvelles du monde extérieur. Lorsqu'il vit sa fille arriver vers lui, il se contenta de la saluer d'un simple regard méprisant, avant de lui dire :
-Te v'là enfin toi, j'allais presque m'inquiéter pour toi !
Mei-Lee fit comme si elle n'avait rien entendu et se contenta de continuer de ramasser tous les bouts de verres qui trainaient partout. Elle alla chercher un balais dans la cuisine et s'en servi pour rassembler les très nombreux morceaux qui jonchaient le plancher, avant de les prendre avec prudence dans ses mains, pour ensuite les jeter dans sa caisse en bois, qu'elle comptait bien sortir dans la cours juste après.
-J'espère pour toi qu't'as ramené c'que je t'ai demandé ! S'exclama soudain le vieux caméléon, sur un ton ivre mort. Sinon, gare à toi... !
-Regarde dans l'entrée, papa ! Répondit-elle simplement.
Elle désigna son sac d'un geste de la main, tout en continuant de faire son petit ménage. Son père se jeta presque de joie sur les bouteilles, il y en avait une bonne trentaine au total et se saisit de la première qui se présentait à lui, avant de l'ouvrir pour la boire à grosse gorgée, si bien qu'il faillit perdre l'équilibre et basculer en arrière, tellement il était alcoolisé. Il jeta aussi au passage sa précédente bouteille sur le plancher, qui explosa à quelques centimètres à peine du visage de sa fille, agenouillée au sol pour nettoyer et elle faillit se prendre un bout de verre dans les yeux, mais elle parvint à se protéger le visage avec son bras.
Après avoir bu cul-sec le contenu de sa bouteille, le vieux caméléon baissa les yeux sur Mei-Lee et lui adressa un énième regard méprisant à sa fille, les effets de l'alcool le rendant une nouvelle fois violent dans ses mots et dans ses gestes.
-Qu'est-ce que... tu r'gardes comme ça, toi ?!
Un peu effrayée, Mei-Lee baissa le regard et se contenta de continuer son ménage, priant intérieurement pour que son père ne s'occupe pas plus que ça d'elle. Ses avant-bras étaient encore couvert des bleus qu'il lui avait fait la dernière fois qu'il l'avait violenté, c'est-à-dire pas plus tard que la veille.
-Je... rien du tout ! Répondit précipitamment l'adolescente, tout en tentant de calmer sa crise de panique qui commençait tout doucement à monter.
-Ouais c'est ça sale mioche ! Commença à s'énerver le vieux caméléon. En tout cas, fais gaffe à toi parce que sinon... !
Il fit mine de l'a frapper en pleine face et Mei-Lee, sous le coup de la peur, se recula contre un mur et alla placer ses deux bras au-dessus de sa tête, pour se protéger du potentiel coup à venir. Mais sous l'effet de la peur, elle changea d'apparence contre sa volonté et prit celle d'une femme brebis, qui était en fait leur voisine d'à côté et en voyant ça, le vieux caméléon s'énerva encore plus et donna une violente gifle sur la joue de la jeune fille, ce qui eut pour effet de l'a faire rouler sur le côté, avant de terminer sa course contre l'un des murs du salon, avant de retomber face contre terre, un filet de sang s'échappant de sa bouche.
-COMBIEN DE FOIS DEVRAIS-JE TE DIRE D'ARRÊTER DE FAIRE CA ?! PETITE IDIOTE, JE T'INTERDIS D'UTILISER TON POUVOIR POLYMORPHE, SALE SORCIERE !!!
Sonnée par le coup, Mei Lee retrouva son apparence normal mais ne se releva pas tout de suite, elle était incapable de bouger suite au coup qu'elle venait de prendre. Ses sens étaient tout troublé néanmoins, elle parvint à entendre parfaitement son père se rapprocher d'elle. Il l'a saisit avec violence par le col de sa robe, avant de l'a soulever légèrement afin qu'il puisse l'a regarder droit dans les yeux et là, il s'exclama ensuite :
-Fini de faire le ménage et après, va me faire à manger, je crève de faim ! Et si jamais d'aventure tu te sers encore de ton saleté de pouvoir, je te ferais passer un savon comme jamais, c'est clair ?!
Mei-Lee ne répondit que par un murmure et cela sembla suffire comme réponse à son père, car il l'a laissa retomber à terre lourdement, avant de l'enjamber comme si elle n'était un déchet sur le trottoir. Il retourna s'allonger au fin fond de son canapé, une nouvelle bouteille en main et laissa la jeune caméléonne terminer de ramasser les derniers bouts de verres qui trainaient sur le plancher. Elle essuya le sang qui coulait de sa bouche avec la manche de sa robe usée et sortit ensuite dans la cours de la maison, afin de vider les déchets.
Mei-Lee avait les larmes aux yeux, elle les essuya rapidement d'un revers de manche, tout en balançant sa caisse de bouts de verres dans un coin de la cour, rêvant dans le même temps de pouvoir enfin s'en aller loin de son géniteur, voir même de lui ôter la vie, tellement elle le haïssait...
Un bruit retentit soudain dans la rue, située juste derrière la cours de la maison, l'adolescente parut soudainement méfiante et se demanda ce que cela pouvait bien être. Un cambrioleur ? Un dangereux criminel comme il y en avait tant dans cette ville ? N'écoutant que son courage, elle déguéna un vieux bâton de combat provenant de la boutique de son père et s'approcha a pas de loup de la porte arrière, qui séparait le domaine de la rue.
Au moment ou elle s'apprêtait à ouvrir la porte en bois, des éclats de voix plus que familière lui parvinrent aux oreilles :
-Nan sérieux, je crois que j'aurais dû prendre mon bain avant de vous suivre ! Je ne crois pas que ton père va aimer mes odeurs de transpirations et d'eau croupis !
-Ha ! Ha ! Non, ça c'est sûr ! Tu sens tellement mauvais Huan, tu pourrais même faire mourir des mouches avec ton odeur !
-J'ai bien hâte de voir ce que Mei va penser de ton nouveau parfum, ça risque d'être drôle !
La jeune caméléonne se mit à sourire en reconnaissant ces voix, elle lâcha son bâton et ouvrit tout grand la vieille porte en bois, avant de faire face à Jia, Baï et Huan, qu'elle accueillit avec bonheur.
-Les amis ! Ce que je suis heureuse de vous voir !
Elle se força à avoir l'air naturelle et heureuse, mais ses amis n'étaient pas dupes, car ils virent au nouveau bleu qu'elle portait à la bouche que cela n'allait pas et que son père avait de nouveau porté la main sur elle.
-Ton père t'a encore fait la misère, Mei ? Demanda la fille de Shen, sur un ton grave.
L'adolescente cessa de sourire et soupira de lassitude. A quoi bon essayer de mentir de toute façon... ?
-C'est rien, répondit-elle, j'y suis tellement habituée que je ne fais même plus attention à force !
Face à sa réponse, les trois autres prirent peine et Baï fut le premier à s'avancer vers elle et il l'a prit dans ses bras pour l'a réconforter, la chaleur de sa fourrure de léopard des neige faisant toujours du bien à tous ceux qui le câlinait. Mei-Lee répondit à son étreinte sans aucune résistance et elle sentit ensuite Huan s'ajouter à l'étreinte puis, Jia qui – n'étant pas très câlin – se contenta simplement de glisser sa main dans la sienne et l'a presser, afin de lui témoigner toute son amitié et son soutiens.
Au bout de plusieurs longues minutes, le quatuor se sépara et la jeune caméléonne reprit très vite ses esprits et son sourire.
-Hum... alors ? Que me vaut le plaisir de votre visite les amis ?
Face à sa question, Jia répondit de but en blanc :
-Mon père veut nous voir, il a un truc à nous dire, à tous les quatre !
Mei-Lee tressaillit à cette nouvelle, tout comme Baï et Huan précédemment, elle aussi savait parfaitement qu'une convocation chez Shen n'était jamais bon signe... Mais bon, ce serait certainement beaucoup moins pire que de rester chez-elle aux côtés de son père alcoolique.
-J'espère que c'est pas trop grave ou que ça n'a pas de rapport avec nos... euh... sorties avec toi ! Dit-elle d'une voix tremblotante de peur.
Jia esquiça un maigre sourire et se saisit de ses trois amis, afin de les entrainer de force avec elle.
-Pour ça, il n'y a qu'une seule façon de le savoir : il faut y aller !
Malgré leur manque de motivation, Baï, Huan et Mei-Lee ne purent que suivre leur amie, toutefois avec une petite appréhension dans le creux de leur cœur.