Et si demain

De aureliewhite

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À seulement 22 ans, Jade Beracci porte les cicatrices invisibles d'une vie parsemée d'épreuves impitoyables... Mais

CHAPITRE I
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII

CHAPITRE V

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De aureliewhite

Je claque la porte derrière moi et me précipite dans les escaliers, dans l'espoir qu'il ne me rattrape pas. Je m'effondre dès les premières marches, le choc faisant écho à la tempête qui fait rage en moi. Je pensais que l'expression avoir mal au cœur n'en était qu'une, mais la douleur brutale que je ressens à cet instant, témoigne le contraire. Elle me submerge tout entière. Je maintiens fortement ma poitrine, dans l'espoir que mon cœur continu de battre.

Une lumière s'allume dans le couloir, et une silhouette apparaît dans l'encadrement de porte. Le voisin me dévisage, son expression mélangeant curiosité et inquiétude. Suis-je pitoyable à ce point ? Il s'approche lentement, ses yeux scrutant mon visage et sans un mot, me tend une main secourable. Je m'accroche désespérément à sa main, à ce geste de compassion, dans un monde qui me semble soudain si froid et indifférent. Une fois sur mes pieds, il recule légèrement la tête.

— Allez, relevez-vous et prenez soin de vous, Mademoiselle.

Il hésite sur la marche à suivre. Je lui adresse un faible sourire de gratitude, bien que mes lèvres tremblent encore, sous le poids des émotions. Je ne peux pas rester ici plus longtemps, il faut que je parte, et vite. Je dois m'éloigner d'ici, de cet appartement, de lui.

Alors que je marche sans but, chaque coin de rue, chaque place, chaque restaurant, me ramènent à des moments partagés avec Alec. C'est si dur. Je me rappelle avec une netteté presque douloureuse, la première fois où nos lèvres se sont rencontrées. C'était un soir d'été, après une compétition de boxe, nous nous étions posés sur les hauteurs de San Francisco, là où toute la ville est à nos pieds. Le soleil alors chaud et doré, encore brûlant de fin de journée, embrassait nos peaux, alors que nous attendions patiemment qu'il se couche. Le vent soufflait doucement dans nos cheveux. Dans ses beaux cheveux bouclés. Et c'est là, dans ce moment de beauté éphémère, que nos regards se sont croisés, nos cœurs battant à l'unisson. Je me souviens encore de la sensation de ses lèvres tout contre les miennes. Le temps semblait n'appartenir qu'à nous.

Inconsciemment, mes pas m'amènent devant le salon de tatouage, où il y a encore un an, il gravait sur sa peau « amore», comme il avait l'habitude de m'appeler. C'était fou direz-vous. Il a beau paraître virile et être couvert de tatouages, je me souviens encore de son visage tiraillé, cédant à la douleur de l'aiguille, qui imprimait mon nom sous ses côtes. Il m'avait promis que nous appartiendrions l'un à l'autre pour l'éternité, que rien ni personne ne pourrait jamais briser le lien qui nous unissait. À l'époque, je croyais en chaque syllabe, en chaque promesse qu'il faisait. Pour moi, nous deux, c'était une certitude, un point fixe dans un monde en constante évolution. Mais maintenant que je me retrouve seule dans les rues, ces paroles sont vides de sens. La promesse d'éternité qu'il m'avait faite, semble maintenant n'être qu'une cruelle ironie, une illusion brisée par la réalité impitoyable de ses tromperies.

Au bout d'une heure à errer sous les lumières de San Francisco, je décide de m'arrêter près de Baker Beach. Je retire lentement mes baskets mal enfilées, et marche pieds nus, le long de la plage, déserte à cette heure tardive. Je sens le froid mordant de janvier me pénétrer jusqu'aux os. Le vent fait frissonner chaque fibre de mon être et fige les larmes salées qui ruissellent sur mes joues. Avec une détermination absolue, je m'avance dans l'eau, pourtant consciente de sa température glaçante. Ma démarche est assurée, mais quand mes pieds entrent en contact avec elle, je suis comme paralysée. La sensation est presque douloureuse. Chaque vague qui s'écrase sur moi, à hauteur de mes mollets, semble injecter une nouvelle vague de froid dans mon corps, déjà tout engourdi.

Alors que je me tiens là, dans l'eau glacée, je revois encore le visage d'Alec dans ma tête, complètement déchiré et anéanti. Je me déteste de ressentir toute la peine qu'il a pu éprouver quand je suis partie. Je me déteste d'avoir autant d'empathie pour lui, alors qu'il vient de me détruire complètement. Je revois dans ses yeux la reconnaissance de ce qu'il a fait, la conscience d'avoir franchi une limite qu'il n'aurait jamais dû dépasser. Je sais qu'il sait. Il a compris que cette fois, c'était la fois de trop. Chaque partie de mon être, crie de revenir en arrière, mais je ne peux pas. Je ne dois pas. Il a transformé notre idylle en cauchemar, alors même que je commençais à lui refaire confiance. Je lui en voudrais toute ma vie de me contraindre à assener le coup de grâce. Il me force à mettre fin à tout ça, à devenir la personne qui mettra un point final à notre histoire, et ça me bouffe de l'intérieur.

Pourtant, je sais que ce n'est pas une mauvaise personne. C'est juste qu'il fait les mauvais choix. Je crois fermement en cette idée, car je le connais. Par cœur. Et comme personne ne pourra jamais le connaître. Je l'ai vu gentil, attentionné, aimant, sensible aussi. Mais quelque part, il y a une fracture en lui, une faille qu'il n'a jamais su combler. Peut-être qu'il n'a jamais appris à aimer de la bonne façon. Ou est-ce moi le problème ? Malgré toute la douleur et le chagrin qui nous séparent, il y a toujours une part de moi qui veut le réconforter, qui veut lui dire que tout ira bien, mais ce n'est pas vrai.

Malheureusement, je sais que la douleur soulevée par ses actions, ne changera jamais. Ni la réalité que nous devons maintenant affronter. Je me sens piégée entre ma propre douleur et la sienne, entre ma colère et ma compassion. Mais pour mon propre bien, je ne peux plus être celle qui porte le fardeau de sa rédemption.

J'ai tellement mal au cœur. Encore. Mais cette fois, c'est vraiment toute mon âme qu'il a brisée. Chaque battement de mon cœur, aussi faible soit-il, renvoie à toute la souffrance que je ressens à cet instant, comme s'il essayait de crier sa détresse au monde entier. Et je me demande, dans l'obscurité de la nuit qui m'entoure, si cette douleur ne pourrait pas être suffisante, pour éteindre la fragile lumière qui brûle encore en moi. Je vois trouble et mes larmes coulent à flots.

Je me vois là, à la place de ma mère, cette même place que je fuyais comme la peste, cette même place, que je lui ai tant reproché de ne pas réussir à quitter pendant des années. Je me déteste d'avoir été si naïve, d'avoir cru que je recevrais autant d'amour que je puisse en donner, d'avoir aimé si fort si longtemps, pour finalement tomber. Je m'en veux de m'être oublié moi, pour que lui puisse briller. J'aurais dû partir la première fois, ou la seconde, ou toutes les autres fois, peut-être aurais-je moins souffert. Je pensais vraiment que j'allais réussir à lui faire connaître le vrai bonheur, et lui apprendre ce qu'est l'amour, le vrai. Mais je viens de comprendre que, même avec toute la bonne volonté du monde, on ne peut changer personne. Je me sens si seule. J'ai toujours eu énormément de poids sur mes épaules et j'ai toujours réussi à le supporter, mais j'ai finalement été mise à terre par la personne qui comptait le plus au monde dans ma vie.

Qu'est-ce qui ne vas pas avec moi ? Je n'arrive plus à avancer, je n'ai plus de forces, mon corps est faible. Mes jambes tremblent, puis me lâchent sous le poids de mes lamentations. Je m'effondre, totalement habillée dans l'eau. La froideur me transperce comme un couteau. Je lutte pour reprendre mon souffle, mais la tristesse et la fatigue m'enserrent de toutes parts. Les vagues viennent me heurter. J'ai les lèvres qui tremblent. Mes habits trempés collent à ma peau et je déteste ça, mais mes bras sont figés, je ne peux plus bouger. Je frissonne violemment, mes muscles se contractant involontairement, dans une tentative désespérée de se réchauffer. Je ressens chaque vague, comme la sentence qui m'est assignée pour avoir été si conne. Je suis fatiguée.

— Mais qu'est-ce que c'est que cette merde ? Madame ? Vous allez bien ? entendis-je au loin.

Ai-je vraiment entendu quelqu'un ou est-ce que je commence à perdre la tête ? La voix semble à la fois réelle et irréelle. C'est comme une mélodie lointaine. De toute manière, aucun mot ne parvient à sortir de ma bouche.

— L'eau est gelée, vous ne devriez pas rester là, vous vous faites du mal.

Si vous saviez.

— Venez, je vais vous aider, dit-il en s'avançant vers moi.

La voix se fait de plus en plus distincte.

Peut-être que je ne suis pas seule après tout, peut-être qu'il y a encore de l'espoir dans ce chaos. À bout de forces, je ne réponds pas. Le simple acte de répondre, est au-delà de mes capacités. Je sens soudain ses bras forts m'entourer et me soulever hors de l'eau. Mes sens engourdis peinent à comprendre ce qui se passe. La voix de l'inconnu résonne doucement à mes oreilles, apaisante malgré la confusion qui règne dans mon esprit. Il fait noir, je ne le distingue pas dans la nuit, et de toute manière, je peine à voir quoi que ce soit à travers le voile sombre de mes cheveux humides. C'est un homme légèrement plus grand que moi, et vu la facilité qu'il a eu à me porter, je suppose qu'il est plutôt musclé. Instinctivement, je me blottis dans ses bras, son sweat sec m'offrant un peu de chaleur et de réconfort. J'enfonce ma tête un peu plus contre lui. Son odeur est un mélange enivrant de notes boisées et épicées. Elle emplit mes sens, apaisant mon esprit agité.

Délicatement, il me dépose sur le sable, un peu plus loin sur le rivage. Je replie mes jambes contre moi. Mes mains entourent mes genoux, et ma tête trouve refuge dans le creux de mes bras. Je renifle et grelotte violemment. Mes dents claquent ensemble, avec une force incontrôlable.

— Vous voulez que j'appelle quelqu'un ? me demande-t-il, en déposant son sweat sur mes épaules dénudées.

Même si je ne le vois pas, je sens son regard peser sur moi. Je cligne des yeux, essayant de rassembler mes pensées, alors que je me sens encore marquée par le froid et l'épuisement.

— Non, surtout pas, balbutié-je.

Je secoue légèrement la tête, tentant de chasser le brouillard qui embrouille mes pensées. Puis, je détourne mon visage vers le sien, dans l'espoir d'enfin pouvoir le remercier.

— JADE ?! s'écrie-t-il scandalisé, en s'agenouillant près de moi. Alors d'accord, on appelle personne, mais putin qu'est-ce qui se passe ?!

Le son me fige sur place. Mes yeux s'élargissent de surprise alors que lui, paraît totalement paniqué. Le souffle me coupe alors que, je suis frappée par la réalisation soudaine de qui se tient devant moi. Ce n'est pas un inconnu.

Sebastian Lopez. Environ 870 000 habitants à San Francisco, et il a fallu que je tombe sur un de nos anciens amis de l'université. Je ne sais que répondre. Je baisse la tête, incapable de soutenir son regard, incapable d'affronter la douleur dans ses yeux, alors qu'il me voit dans cet état de vulnérabilité. La honte me consume. Et pourtant, ici et maintenant, nous sommes réunis d'une manière que ni l'un ni l'autre, n'aurait pu prévoir, ni imaginer.

— Tu veux en parler ? Je suis là, continue-t-il plein d'empathie.

Ses mains se posent doucement sur mes épaules et s'activent pour me réchauffer.

Je relève la tête face au ciel et inspire un bon coup en ravalant mes larmes.

— Sebastian... J'ai sacrifié ma vie pour lui... Je n'ai pas pensé à moi.

Ses yeux sont empreints de compréhension et de compassion.

— Alec... Il a recommencé ?

J'acquiesce silencieusement puis, m'allonge lentement sur le sol, afin de contempler les étoiles. À son tour, il s'allonge à mes côtés, un bras sous sa tête. Je crois l'entendre soupirer. Il rompt le silence.

— Jade... Je n'ai jamais su comment te le dire, mais je n'ai jamais approuvé ses actions... Je m'excuse, je sais que je n'ai pas été là pour toi à ce moment-là. À l'époque, je n'ai pas voulu me mêler de ce qui ne me regardait pas, mais ça me fait mal de te voir comme ça, vraiment.

Je reste silencieuse, absorbant ses paroles avec un mélange d'émotions indescriptibles. Ses excuses résonnent en moi, réveillant des souvenirs douloureux, mais aussi une lueur d'espoir fragile.

Il tourne sa tête de mon côté, nos regards se rencontrant et je lui offre un sourire reconnaissant. La lueur argentée de la lune, baigne la plage d'une douce lumière, illuminant les contours familiers de son visage. Il n'a pas changé. Les mêmes yeux profonds. Les mêmes traits, à la fois doux et masculins. Les mêmes cheveux bruns qui, légèrement ébouriffés par le vent marin, tombent en mèches désordonnées sur son front. Son sourire, bien que teinté de mélancolie, éclaire son visage d'une clarté chaleureuse.

— Tu la connais ? reprend-il.

Je détourne le regard, incapable de soutenir le sien, alors que la douleur refait surface. Une boule se forme dans ma gorge. Je prends une profonde inspiration et finalement, avoue.

— Oui... c'est Marie.

Choqué, il se redresse subitement. Une vague d'inconfort me submerge.

— Mais pardon ? C'est une blague ? Mais il veut toutes se les faire ou quoi ? s'exclame-t-il.

Je lève les épaules, dépitée.

— Mais j'en reviens pas ! Qu'est-ce que tu comptes faire ?

Il me fixe avec une attente palpable. Je sens tout le poids de sa demande, comme si le destin lui-même, était suspendu à ma réponse. Je décide de répondre avec légèreté pour dédramatiser la situation.

— T'es psychologue toi maintenant ?

— Écoutes, pas à ma connaissance, mais si tu me trouves un canapé, un carnet, un stylo et que tu m'adresses un petit chèque en fin de séance, je peux l'être le temps d'une soirée, se moque-t-il.

Je me surprends moi-même à rire à sa taquine répartie. J'avais oublié qu'il avait de l'humour celui-là.

— Tu sais que c'est légèrement stéréotyper le métier de psychologue ?

Je ris sincèrement.

— Voilà qui est mieux.

— Qui est mieux ?

— Quand tu souris.

Je souris à nouveau, plus gênée, puis tourne ma tête face aux étoiles. Il y en a beaucoup ce soir, et je ne peux m'empêcher de penser à mon grand-père. Il est décédé il y a dix ans, c'était une personne exceptionnelle, extrêmement drôle, je n'en ai que de bons souvenirs. Depuis dix ans, je lui parle comme s'il pouvait m'entendre, comme s'il pouvait me voir d'où il est, ou avoir un quelconque rôle à jouer dans toutes les étapes de ma vie. Je suis ridicule. Il est comme la personne à qui je peux tout confier, et ça me fait du bien. Je me demande ce qu'il penserait de moi aujourd'hui, dans cet état. Me jugerait-il comme tous les autres, quand ils apprendront qu'Alec n'est pas à la hauteur du piédestal, sur lequel je l'ai placé durant plus de cinq ans ? Une brise légère caresse mon visage, comme une caresse réconfortante, en réponse à ma question.

Ce moment est interrompu par Sebastian, qui se lève brusquement. Il m'observe avec une détermination mystérieuse.

— Viens, déclare-t-il simplement.

Je le regarde avec curiosité.

— On va où ? demandé-je, intriguée par son invitation.

— Tu verras.

Son sourire s'élargit.

N'ayant de toute manière, pas d'autres projets en vue, je le suis aveuglement, jusqu'au parking de la plage. Il sort de sa poche, des clés de voiture. Le bruit de déverrouillage des portes résonne, et la lumière de deux phares perce l'obscurité.

— Attends... Tu déconnes là...

Sebastian se met à rire, captant ma surprise.

— C'est ta voiture ça ???

Il hoche la tête, apparemment fier de lui.

— Allez, monte. On va te réchauffer.

J'observe sa voiture avec admiration. Alors que je monte à bord, je ne peux m'empêcher de poser la question qui me brûle les lèvres.

— Depuis quand être prof de football, ça paye autant ?

Il éclate de rire à nouveau.

— « Prof de football, » t'as dit ?

— Seb, tu ne réponds pas à ma question.

— Disons qu'il y a pas mal d'avantage dans ce milieu, répond-il d'un ton évasif.

Il reste mystérieux et laisse planer bien des sous-entendus dans sa réponse. Il suggère que cela puisse être une voiture de fonction, sans pour autant le confirmer.

Nous nous enfonçons dans la nuit, le silence entre nous, ponctué par le doux ronronnement du moteur du Range Rover. Alors que la musique emplit l'habitacle, une mélodie familière résonne dans mes oreilles. Je souris en reconnaissant les premières notes de September, de Earth, Wind and Fire. Surprise d'entendre Seb fredonner, je lui jette un coup d'œil.

— Tu connais ?

Sebastian se tourne légèrement vers moi et hoche la tête.

— Bien sûr. Qui ne connaît pas ?

Je réponds simplement par un sourire étonné, laissant la surprise se refléter dans mes yeux, alors que je continue de fredonner la chanson. Je me tourne vers la fenêtre, contemplant le paysage nocturne qui défile devant nous.

Le système de chauffage diffuse une agréable chaleur, qui me pénètre peu à peu. Je ferme les yeux un instant, appréciant l'apaisement temporaire de l'atmosphère glaciale de mes émotions. Sebastian sourit, remarquant le changement de couleur de mes joues.

— C'est mieux, non ? dit-il, sa voix teintée d'une satisfaction paisible.

J'acquiesce en souriant.

Après 15 bonnes minutes de route, nous arrivons sur le parking vide d'un stade de foot. Je me tourne vers Sebastian, intriguée par son arrêt soudain.

— J'ai ce qu'il te faut. Suis-moi !

Il ouvre la portière et descend du véhicule.

Je me demande ce qu'on fou là, à cette heure tardive. Le stade est plongé dans le noir. Tout de même confiante, je le suis sans rechigner. Nous traversons les portes du stade, les unes après les autres, amplifiant mon intrigue.

Enfin, la lumière éclate dans une grande salle de détente, illuminant les lieux d'une lumière chaleureuse. Je suis captivée par les teintes riches qui dominent la décoration. Des lampes d'ambiance diffusent une lumière tamisée et, au-dessus de ce que je suppose être un point café, un impressionnant néon rouge bordeaux affiche en lettres majuscules, le nom du FC SAN FRANCISCO, captant toute l'attention. Des fauteuils moelleux, revêtus de tissus de velours bordeaux, invitent à la détente aux quatre coins de la pièce et des étagères présentent fièrement des trophées, des photos encadrées de matchs emblématiques et d'autres souvenirs.

Sebastian m'observe satisfait.

— Tu voulais voir où travaille un « prof de foot » : Voilà, tu vois.

Je m'attarde un instant devant les photos encadrées.

— D'accord, mais... Qu'est-ce qu'on fait là ? On a le droit ? C'est pas interdit ?

Une légère inquiétude me traverse quand je réalise que nous sommes entrés dans un lieu, qui pourrait être réservé aux membres du club – dont je ne fais bien évidemment pas partie.

Sebastian laisse échapper un rire moqueur.

— Bien sûr, qu'on a le droit. C'est moi « el patron » ici, répond-il avec une assurance amusée, accentuant ses paroles d'un geste de la main, qui englobe la pièce.

Je souris, rassurée par sa réponse et son attitude, un tant soit peu hautaine.

— Heu... Ça va les chevilles ?

Il lève les mains en signe d'innocence feinte, jouant le jeu avec entrain.

— C'est pas ma faute si je suis le meilleur.

Son attitude décontractée et son humour détendent l'atmosphère.

Il me regarde, une lueur d'anticipation dans les yeux.

— Est-ce qu'un chocolat chaud serait appréciable Madame ?

Je hoche la tête avec enthousiasme, touchée par son attention. Il semble connaître le remède parfait pour soigner mes peines.

— Oui, bien sûr, si ça ne te dérange pas.

— Si, ça me dérange.

Un brin provocateur, il lève les sourcils, un sourire malicieux dansant sur ses lèvres. Je croise les bras, feignant une moue boudeuse. Il se met à rire doucement, avant de se diriger vers le fond de la pièce, pour me préparer la boisson chaude. Pendant qu'il s'affaire, je m'installe confortablement dans l'un des fauteuils, laissant mon corps s'enfoncer doucement dans le tissu moelleux. À ma grande surprise, le fauteuil est incroyablement mou, comme si j'étais enveloppée dans un nuage.

Quand il revient, la tasse fumante entre ses mains, je fais mine de ne pas le remarquer tout de suite. Mais sa gentillesse l'emporte sur mon jeu d'acteur, et je finis par tourner mon regard vers lui, le coin des lèvres remontant légèrement. Il dépose la tasse devant moi, sur la petite table, puis me tend une serviette humidifiée. Je lève un sourcil, intriguée par ce don inattendu.

— Alors... Merci pour le chocolat mais... Pour la serviette, tu m'expliques ?

Sebastian sourit, gardant le mystère intact.

— Pour tes yeux.

Son ton est léger mais plein de malice.

Je fronce cette fois les sourcils.

— Mes yeux ?

Avec un clin d'œil complice, il sort alors son téléphone, prends mon visage en photo et tourne l'appareil. Outrée, j'observe mon visage qui est méconnaissable. Le mascara a coulé, formant des traînées sombres tout le long de mes joues tandis que mes cheveux sont tout emmêlés et couverts de sable.

— OH. MIO. DIO.  Tu supprimes ça tout de suite !

Mon regard horrifié croise celui de Seb et nous sommes pris d'un fou rire incontrôlable, face à ce spectacle de grande envergure.

Après avoir retrouvé notre calme, nous commençons à discuter de tout et de rien, entre deux gorgées de chocolat chaud, laissant nos esprits vagabonder au gré des sujets qui nous viennent à l'esprit. Apparemment, depuis l'université, pas mal de portes se sont ouvertes à lui dans le monde du football et je suis contente, il semble professionnellement épanoui. Même si je n'y comprends toujours rien.

Sebastian reçoit soudain, un message sur son téléphone, son expression se transformant légèrement en un air plus sérieux. Je remarque le changement subtil dans son attitude et m'excuse rapidement.

— Oh putin, je suis vraiment désolée ! T'avais sans doute mieux à faire, dis-je avec un pincement de culpabilité.

Sebastian secoue la tête avec un sourire rassurant.

— Ne t'inquiète pas.

Il se lève de son fauteuil, rangeant son téléphone dans sa poche.

— Mais je suis attendu chez moi et mon footing du soir dure un peu plus longtemps que prévu, ajoute-t-il.

Je m'excuse à nouveau et me lève à mon tour, comprenant qu'il est temps de partir.


« Amore » : Amour en italien.

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