La chambre était grande, impressionnante et imposante. Une immense baie vitrée offrait une vue à cent quatre-vingts degrés sur tout le Domaine de Diavolos. C'était à la fois magnifique et terrifiant ! Les flammes dansaient comme des ballerines face à un public envoûté par leur prestation, leurs reflets créant des ombres mouvantes sur les murs. Au loin, je pouvais apercevoir l'immeuble en forme de champignon qui accueillait toute l'assemblée de l'Ordre des Mouches, dirigé par le plus horrible de tous les terccos.
Belzébuth.
Non loin du bâtiment des Princes de l'Enfer, un grand stade ovale faisait office de lieu d'entraînement pour les chevaliers de l'Enfer. C'était une race extrêmement importante, chargée de protéger le monde souterrain contre toutes les attaques des autres créatures. Après l'Ère Sombre, très peu de monstres n'osaient s'en prendre au monde infernal.
Lorsque je me retournai, je vis un sofa en velours de couleur vert sapin, installé de manière à contempler le paysage flamboyant de cette région de l'Enfer. Un gigantesque lit, pouvant accueillir au moins quatre démones, se trouvait contre le mur en briques noires. Derrière celui-ci se trouvait une salle de bain luxueuse, avec une baignoire équipée pour de nombreux massages. Un merveilleux lavabo, double vasque, entouré de marbre gris avec quelques taches d'or, se trouvait en face. Un immense miroir aux bordures noires habillait le mur, reflétant les lueurs dansantes des flammes extérieures.
En m'approchant du lit, je vis des chaînes accrochées à chaque extrémité. Mes yeux s'écarquillèrent de surprise et de peur. Pourquoi avait-il des chaînes au lit ? Sûrement pour me torturer lorsque je désobéirais, supposai-je en haussant légèrement les épaules.
Des tableaux des différents démons du Rang Supérieur décoraient les murs en pierre. Je les observai grossièrement jusqu'à m'arrêter devant le quatrième en partant de la droite. Je m'approchai afin de voir de plus près le visage de ce démon, qui ressemblait fortement à celui qui me fixait la veille à l'Apoco.
Asmodée me fit revenir à la réalité lorsqu'il referma la porte d'entrée avec un claquement sec. Je m'assis sur un petit pouf placé juste devant le lit, essayant de me remettre de mes émotions. Mon cœur battait la chamade, et je n'arrivais toujours pas à croire qu'Asmodée était le Mentor que la Grande Succube avait choisi pour moi. Qu'allait-il penser d'Onyx, mon petit chat ? Nous étions tellement fusionnels que nous pouvions presque ressentir nos émotions mutuelles.
Mon Mentor me jaugea de la tête aux pieds avec une lenteur délibérée, chaque seconde de son examen augmentant mon malaise profond. Est-ce que je lui plaisais ? Est-ce que j'étais trop maquillée ? Trop habillée ou pas assez ? Qu'allait-il me faire ? Allais-je souffrir ?
Tant de questions tourbillonnaient dans mon esprit, et à certaines d'entre elles, j'aimerais n'en jamais connaître la réponse. Après m'avoir étudiée de haut en bas, il s'avança vers moi, ses mouvements empreints d'une assurance glaciale.
« N'aie aucune crainte, ma douce. Je ne te ferai aucun mal. » murmura-t-il, sa voix douce mais pleine de promesses sombres.
Il regarda les chaînes fixées au lit, puis se rapprocha de mon visage.
« Sauf si tu m'y obliges. ajouta-t-il avec un sourire en coin.
— C'est ce que vous dites à tous vos Valets ? » soufflai-je, sans pour autant croiser son regard.
Il me jeta un regard sombre, tellement noir que je pouvais m'y perdre à jamais. Je réalisai que j'avais peut-être été un peu trop audacieuse. Pour me faire pardonner, je me levai et pris le lacet du kimono de couleur bordeaux avec un léger dégradé de noir, qui entourait ma fine taille. Je tirai dessus pour révéler mes sous-vêtements. À cet acte, il sourit, et je compris que c'était ce qu'il attendait. Après tout, j'étais un succube.
Il prit mon visage entre ses mains, me scrutant avec une intensité qui me fit frémir. Je lus dans ses yeux une satisfaction perverse. Lentement, il descendit mon kimono le long de mes épaules, ses doigts effleurant ma peau avec une douceur trompeuse. Un frisson parcourut mon corps à son contact, et je ressentis un léger fourmillement lorsque ses doigts caressèrent ma peau. À présent, j'étais en sous-vêtements devant lui, un soutien-gorge noir en dentelle et une culotte qui épousait mes fesses, légèrement bombées.
Asmodée me fit signe du menton de m'installer dans le lit. Tout en me dirigeant vers ce dernier, il prit la parole, sa voix douce mais empreinte de menace.
« Je tiens à te préciser que je suis un Prince de l'Enfer, mais aussi la Luxure des sept péchés capitaux. Comme tu as sûrement dû le remarquer, il y a des chaînes au lit.
— C'est pour les séances de torture ? rétorquai-je, ma voix tremblante.
— Non, c'est pour que je puisse faire ce dont j'ai envie de toi sexuellement, sans que tu t'y opposes. » répondit-il, son sourire s'élargissant.
Oh non ! Dites-moi que je rêvais.
Lilith n'avait quand même pas choisi le seul démon sadomasochiste qui pouvait exister en Enfer. Ce n'était vraiment pas mon jour de chance.
Asmodée commença par m'installer dans le lit, prenant mon poignet droit et l'entravant dans la sangle en cuir qui servait à cet effet.
« Non, par pitié, ne faites pas ça. Je... tentai-je de dire, mais il me mit un bâillon boule avant que je puisse terminer ma phrase.
— Chut ! »
Il ne me laissa pas terminer ma phrase qui était pourtant importante à mon sens. Il me caressa la joue de ses doigts, un geste à la fois tendre et terrifiant. Un léger bourdonnement commençait à naître dans mon bas-ventre, mélange de peur et de confusion.
« Je ne t'ai pas dit de parler. Pour ton information, lorsque tu mordras dedans, de l'eau bénite coulera dans ta bouche et passera dans ta gorge. Je crois que ça vous brûle, n'est-ce pas ? » expliqua-t-il en m'attachant la sangle derrière ma nuque.
Il se redressa et descendit le long de mes jambes. Ses mains étaient douces, mais leur toucher me fit frissonner de terreur. La fraîcheur de ses doigts me fit soulever mon bassin involontairement. Il attrapa fermement une cheville et l'installa dans l'une des sangles situées au bout du lit. Il répéta l'opération avec l'autre. J'étais allongée dans le lit, mes membres écartés à chaque extrémité et aucun moyen de m'exprimer. La peur et l'impuissance me submergeaient, chaque seconde intensifiant mon malaise.
Comment se sentir humilié devant un démon ?
Il resta un long moment à me contempler. J'essayais de me libérer, mais il avait fermé chacun des liens avec des petits cadenas. Il rigola d'un air démoniaque qui me fit arrêter tout mouvement. Il déboutonna lentement sa chemise et la jeta sur le sofa. Asmodée me rejoignit dans le lit, en prenant garde à ne pas m'écraser. Tout en s'avançant vers moi, il glissa sa main sous ma culotte. Une fraîcheur me parcourut jusqu'à mon bas-ventre. Je fermai les yeux et commençai à prier pour ne pas souffrir des mains d'Asmodée.
« Tu es déjà mouillée ? C'est parfait ça. »
Il retira ses doigts et remarqua des traces de sang sur ces derniers. Ses yeux transpercèrent les miens et il me susurra au creux de mon oreille :
« Ce n'est pas grave. J'ai entendu dire que c'était plus excitant pour les succubes lorsqu'elles étaient en chaleur. »
À ces mots, il replongea sa main à la naissance de mon intimité, provoquant en moi de légers spasmes. La peur, l'humiliation et une étrange excitation se mêlaient, brouillant mes pensées.
***
Une fois mes ébats avec le Prince de l'Enfer terminés, il me détacha avec une lenteur calculée. Je me redressai, essayant de retrouver mon souffle et ma dignité. Seigneur, il était magnifique ! Ses muscles gonflés faisaient ressortir ses pectoraux avec une allure imposante. Je me levai, remis mon kimono qui était toujours au sol et m'approchai de lui.
Je pris son visage entre mes mains. Il était doux, bien rasé. En le regardant attentivement, je remarquai qu'il avait une cicatrice qui partait de sa tempe droite, passant sur son arcade et paupière droite, ainsi que son nez, pour terminer son chemin sur sa narine gauche. Que lui était-il arrivé ?
Lorsque mon doigt s'apprêta à caresser la cicatrice, il réalisa un mouvement de recul brusque.
« Tu peux toucher ce que tu veux, Ruby ! Mais pas ça.
— Je suis désolée, seulement... Ça m'intriguait. » répondis-je en baissant les yeux, sentant une gêne profonde.
Les siens se posèrent sur mon visage, me transperçant de leur intensité. Il prit mon menton pour que je puisse croiser son regard.
« J'ai vraiment aimé ce que tu as fait cette nuit, Ruby. C'était... Magique ! annonça-t-il en cherchant ses mots.
— Moi de même, Monsieur. répondis-je, ma voix à peine un murmure.
— Rhabille-toi ! Je vais annoncer à Lilith que je t'accepte en tant que Valet. »
Un sentiment de fierté mêlé à de l'appréhension monta en moi. J'étais fière d'avoir réussi, mais l'idée de devenir le Valet d'Asmodée me laissait un goût amer.
Je sentis mes pommettes devenir roses à cette phrase. J'étais fière de moi, mais une partie de moi se sentait également mal à l'aise. Amona serait encore plus fière, étant donné qu'elle m'avait tout enseigné. Je récupérai mes affaires et sortis de la chambre.
En ouvrant la porte, la Grande Succube se tenait devant. Elle regarda Asmodée et lui offrit un sourire approbateur, puis reporta son regard sur moi. Ses yeux perçants semblaient lire en moi, devinant mes émotions mélangées. Elle ne prononça aucun mot, mais son regard en disait long.
J'effectuai une révérence et sortis rapidement, le cœur battant la chamade. J'avais réussi. J'étais maintenant un vrai succube. Il ne me restait plus qu'à annoncer la bonne nouvelle à Amona et Arvo.
***
Dans l'après-midi, j'avais demandé à mes amis de me rejoindre à l'Apoco, le soir même, pour fêter dignement cette merveilleuse nouvelle, ainsi que mon anniversaire par la même occasion. Déjà un siècle que je vivais en Enfer. C'était passé à une vitesse que je n'eus pas le temps de m'en apercevoir.
Lorsque j'arrivai au comptoir, je commandai une tournée de shots.
« Je suppose que votre épreuve s'est bien déroulée. prédit le barman en me préparant ma commande.
— Oui, très bien, je vous remercie. » répondis-je avec un large sourire, mon cœur léger.
En me retournant, je vis Arvo et Amona entrer dans le bar. Je leur montrai du menton la table que j'avais réservée l'après-midi même. Les néons au plafond éclairaient légèrement la piste de danse, où quelques sigosos se frottaient aux mâles présents. Je souris largement à Amona, qui était vêtue d'un slim noir en similicuir et d'un chemisier à petites fleurs roses avec une touche de dentelle sur le col. De beaux escarpins noirs habillaient ses petits pieds. Ses cheveux, habituellement lissés, étaient au naturel, de belles grosses boucles châtains tombant en cascade sur ses épaules. Amona était un très beau succube, et Martis, un tercco mercenaire, avait de la chance de l'avoir comme Valet. Selon les rumeurs, Amona avait une liaison secrète avec son Mentor.
Arvo, quant à lui, portait un jean noir et un simple tee-shirt avec une veste en cuir. Rien de plus banal, mais il avait toujours ce charme indéniable.
« Toutes mes félicitations, Mademoiselle MOORE ! félicita Arvo en m'embrassant sur la joue.
— Bravo Ruby, je suis si fière de toi. annonça Amona, laissant quelques-unes de ses boucles caresser mon visage.
— Merci, Amona. Je n'y serais jamais arrivée sans ton enseignement. » la remerciai-je en lui prenant la main.
Je leur servis leur verre de shot et nous trinquâmes ensemble. J'étais si fière de moi. Pendant près de cent ans, j'avais plongé dans les livres démoniaques, apprenant toutes les races et leurs caractéristiques. Amona m'avait été assignée par Lilith en personne, afin qu'elle puisse m'accompagner dans les différents quartiers et domaines qui composaient l'Enfer. Sauf le Royaume de Vasilikos, où aucun démon n'était autorisé à pénétrer sans l'accord de notre Majesté, Satan.
C'était pendant cette période que j'appris que les démons du Rang Inférieur vivaient dans le Domaine de Diavolos et que la société de Justice siégeait dans le Domaine de Stratoï. Ma nouvelle vie de succube me plaisait, car elle n'était pas si différente du monde des vivants. Tout comme les humains, les démons possédaient un hôpital, des bars, des restaurants, un journal national, le Infernus News, et le plus important de tout... On avait Internet.
Arvo bougea sur son tabouret, qui grinça, me ramenant à la réalité.
« À notre nouveau succube ! » cria Arvo en buvant son troisième shot.
Amona se tourna vers moi, son regard pétillant de curiosité.
« Alors, qui est ton Mentor ?
— Ouais, qui est ton super démon du Rang Supérieur ? » ajouta Arvo, tout aussi curieux.
Je pris une grande inspiration, mon cœur battant la chamade.
« Il est ma-gni-fique ! Lilith a vraiment choisi un démon qui sort de l'ordinaire. commençai-je, essayant de trouver les mots justes.
— C'est normal, pour une fille exceptionnelle ! rétorqua Amona, buvant une gorgée avec un sourire fier.
— Oui, c'est vrai, mais ça ne nous dit pas qui c'est. » intervint Arvo, son impatience évidente.
Je sentis leurs regards peser sur moi, oppressants et impatients. Je pris une grande inspiration avant de leur révéler l'identité de mon Mentor.
Je détournai mon regard sur la table d'en face, intriguée. Une grande démone aux cheveux roux était assise, une Drago à la main. Vêtue d'un chemisier-débardeur couleur bordeaux, j'aperçus les cicatrices sur ses bras, qu'elle caressait nerveusement. Elle avait dû subir de nombreuses tortures, pensai-je, ressentant un frisson en imaginant la douleur de ces dernières.
Face à elle se tenait ce mystérieux démon. Il portait la même veste en cuir que la veille et paraissait plus attentionné au succube face à lui qu'à moi. Tous deux étaient en pleine discussion, sûrement une rupture, car la démone en question épongeait ses larmes avec la serviette de table.
Arvo claqua des doigts pour me faire revenir à eux.
« Allô, je te signale qu'on attend un nom, ma chère.
— Oui, excusez-moi. J'étais dans mes pensées. Un nom, oui. Bien sûr. » rétorquai-je en secouant la tête.
Mes amis me fixèrent du regard, leur attente oppressante et gênante. Je pris une grande inspiration avant de leur révéler l'identité de mon Mentor.
« Le démon que la Grande Succube a choisi pour moi est... »
Arvo tapa le bord de la table avec ses index, imitant le bruit des roulements de tambour.
« Mon Mentor est Asmodée ! » haussai-je le ton, sans m'en rendre compte.
La démone rousse et son accompagnant se retournèrent subitement à l'écoute du nom. Ils échangèrent des regards inquiets, tout en me jaugeant avec une intensité palpable. Sans un mot, ils se levèrent d'un bond et quittèrent l'Apoco sans même terminer leur boisson.
Il fallait que je découvre absolument le nom de ce démon. Il devait certainement savoir des choses au sujet d'Asmodée.
Mais lesquelles ?
Pour l'heure, je décidai de profiter de ma soirée en compagnie de mes amis. Nous discutâmes de nos différentes aventures, de nos projets... La soirée toucha à sa fin, et je ressentis un besoin considérable de retrouver mon lit. La journée avait été chargée d'émotions, et la fatigue commençait à se faire ressentir.
Je m'emparai de ma veste, allai payer au bar et sortis de ce dernier pour rentrer chez moi, mes pensées encore tourbillonnantes sur les événements de la journée et les mystères entourant mon nouveau Mentor.