Anna avait l'air fatiguée mais heureuse. Elle s'approcha de lui et l'embrassa fiévreusement ! Il ne pouvait presque plus respirer tellement elle l'embrassait ! Il était au paradis, mais tous les scopes allaient biper tous ensemble si elle continuait !
- François ! Mon chéri ! J'ai cru que tu étais mort !
Il essaya de parler mais plus aucun son ne sortait de sa bouche ! Sa voix était trop voilée, sa gorge trop abîmée par les fumées de l'incendie.
Il prit la feuille et le stylo qu'avait laissés Magalie. Il écrivit son message :
Anna ! J'ai eu si peur ! Je te croyais morte aussi !
Comment as-tu fait pour t'en sortir ? Je t'ai appelée mille fois quand les flammes envahissaient la librairie ! J'ai crié ton nom autant que je pouvais mais tu ne répondais pas ! Et je ne te voyais pas non plus avec toute cette fumée ! J'ai pensé au pire !
Il lui tendit la feuille ! Elle lut et lui répondit :
- Ben dis donc quand t'écris un truc tu mets des rallonges ! Hihi !
Ok ! Ben, en fait, Émile m'avait frappée et jetée au sol. J'étais un peu assomée. Il voulait s'en prendre à toi après. Et quand je me suis relevée. J'étais coincée à l'étage avec les flammes et la fumée qui commencaient à rentrer dans la pièce. J'étais piégée ! Alors j'ai repris le chemin que j'avais emprunté pour venir.
Je t'entendais m'appeler ! Mais je ne pouvais pas te répondre. Il fallait que je m'échappe de ce four !
Je suis ressortie par la petite fenêtre qui donne sur la cour. J'ai dû m'accrocher et descendre doucement mais les murs étaient devenus brûlants et les grosses fumées noires commençaient à me brûler les yeux et la gorge ! Je n'y voyais presque plus rien ! J'ai glissé du mur et je suis tombée, je pense, de deux mètres de haut. Mais heureusement la poubelle en dessous a amorti ma chute.
J'étais un peu sonnée et j'avais le dos en compote ! Mais j'y croyais pas ! J'étais pas morte !
Après les secours sont arrivés ! Y avait des gens partout ! Des crétins qui filmaient l'incendie au lieu d'aider à l'éteindre ou de sauver des gens !
- Pfff ! Fit François avec une moue de dégoût en bougeant la tête de droite à gauche.
Anna reprit son récit :
- François, je t'ai cherché longtemps du regard au milieu de tout ce bazar de flammes, de gens, de fumées et de pompiers ! Et quand je t'ai vu enfin, tu étais avec les secours et ils t'embarquaient déjà pour l'hôpital.
J'ai eu très peur pour toi moi aussi !
François se sentait apaisé, heureux. Il avait retrouvé sa joie de vivre, son amour, la femme de sa vie.
Et pendant qu'elle lui racontait ses péripéties, assise à côté de lui, il s'extasiait juste de la regarder, de l'écouter, de la voir respirer, de la voir vivre ! Il était en admiration devant sa beauté et sa force de caractère. Il buvait ses paroles comme un calice réconfortant.
Ses longs cheveux blonds n'étaient plus cachés sous un bonnet mais coulaient en cascade dorée sur ses épaules. Sa blouse blanche presque transparente la rendait encore plus attirante. Ses grands yeux bleus et sa bouche pulpeuse le faisaient succomber de désir. Il eut envie de la prendre dans ses bras et la couvrir de baisers et de caresses infinis mais elle se leva d'un bond comme un ressort, coupant court à ses fantasmes, et dit :
- Bon. Trêve de bavardages ! Il faut qu'on bouge ! Le flic dehors il va revenir ! Il est hargneux ! Il tourne en rond dans le couloir. Il veut te cuisiner et te faire avouer des choses que t'as pas faites ! Il veut te coffrer !
- Alors ...qu'est ce qu'on va faire ? dit François faiblement d'une voix éraillée d'asthmatique.
- J'ai une idée ! Dit Anna pleine d'énergie.
Je vais te transporter comme un patient-landa, moi la Beta-lectrice !! Ah ah ! Ria-t-elle ! T'as compris la blague François ? Landa ..Beta !? Francois sourit à peine mais n'était pas très convaincu.
- Ouais bof t'as raison c'est pas drôle ! Bon... place à l'action !
Tu vas cacher un peu ton visage et on va faire comme à l'armée...on se tire ailleurs !
Elle sortit chercher un fauteuil le plus discrètement possible. Elle passa devant la salle de repos des soignantes, ça riait fort, puis devant les médecins et leurs élèves, là c'était le silence respectueux et le soliloque du médecin chef. Elle trouva enfin un fauteuil roulant et retourna vers François. Un médecin lui demanda si la patiente de la 412, Mme M.,avait bien fait ses bains de bouche ? Elle répondit que ce n'était pas son secteur ! Et elle continua son chemin. La cadre la croisa et l'informa qu'il y avait réunion pour les infirmières dans 15 minutes en salle 3. Anna dit :
- OK c'est noté Madame !
Puis une aide soignante lui demanda de venir l'aider à remonter un patient. Anna garda encore son sang froid et lui fit :
- Désolée ! Je dois transporter un patient à la radio !
- OK ! pas grave ! Je vais demander à ma collègue !
Avant d'arriver devant la chambre de François elle fut interrompue une dernière fois. Mais cette fois c'était, encore, l'inspecteur Rafeu.
Il avait l'air encore plus décidé et énervé que la dernière fois.
- Mademoiselle ? Vous travaillez ici ?
- Non ! à la boulangerie! Ben oui ! Evidemment que je travaille ici ! Vous voyez pas ma blouse blanche ? Fit-elle avec ironie.
- Ok ! Bien sûr oui ! La blouse blanche. Le patient qui vient de l'incendie, on pourra le voir quand ?
- Quand on vous le dira monsieur !
Pour l'instant il est pas dispo. Il part à la radio !
Et elle entra dans la chambre de François. Et souffla un peu après toutes ces demandes incessantes.
- Pfffiou ! C'est l'enfer ici ! On est jamais tranquille ! Ils ont tous un truc à te demander ! François on s'en va. Cache ton visage avec un linge. Assieds-toi sur le fauteuil roulant. Et c'est parti mon kiki !
Elle fit sortir François et se dirigea dans le couloir avec la ligne rouge au sol qui indiquait la radio. Elle baissait la tête pour ne pas se faire remarquer. Elle allait quitter ja ligne rouge pour se diriger plutôt vers la sortie quand elle fut interceptée par une vraie infirmière.
- Pardon mais t'es qui ? Je t'ai jamais vue avant ? Tu bosses en Pneumo ? En Rea Tho ? En cardio ? En Hemato ?
Anna failit poufffer encore de rire encentendantvtoys ces mots en "o" ! Elle eut en tête de lui répondre :
- La tête à Toto !
Mais elle n'en fit rien. L'heure n'était pas à rire ! Il fallait réagir très vite sans attirer l'attention et en gardant son sang froid :
- Ben je suis sur le pool de remplacement sur un poste vacant.
- Ah ok ! Ça doit être pour remplacer Véronique qui était pas bien hier ! Ou Sophie peut-être qui a fait un malaise la dernière fois..ou alors peut-être Marie qui est en Burn Out ou alors peut-être aussi Julien qui a glissé en velo en venant au boulot! Bon....Et ça va ? Tu t'en sors ?
- Oh oui oui ! très bien ça va ! Je m'adapte ! Là j'amène juste ce patient à la radio.
- Ah mais c'est pas par là ! Là c'est la sortie ! On voit que tu connais pas l'établissement ! Faut que tu suives la ligne rouge. C'est dans l'autre sens ! C'est pas compliqué ! Bonne journée ! Bon courage !
Et elle s'éloigna enfin.
Anna fit mine de l'écouter et de suivre la ligne rouge mais dès que l'infirmière eut tourné les talons, elle prit un ascenseur pour atteindre le rez de chaussée. Un brancardier arriva derrière elle avec un patient également en fauteuil et fit mine de vouloir rentrer avec elle dans l'ascenseur. Anna lui dit :
- Non c'est plein !
Mais le brancardier insista:
- Mais si jolie demoiselle ! Y a de la place ! On va se serrer ! J'ai l'habitude ! Moi ca me dérange pas ! Et il força le barrage que faisait Anna et prit la place à côté d'elle et de son pseudo patient dans l'ascenseur. Il se mit à lancer la conversation :
- Vous allez où ?
- Hum..heu... à la radio !
- Alors vous allez au 1er étage ! Moi j'amène mon patient en service infectieux. Il est Covid + ! C'est au 3ème !
Le brancardier dévisageait Anna. Il la fixait intensément et cherchait à voir la tête du patient qu'elle transportait. Ça en devenait gênant.
Les étages s'affichaient et défilaient sur l'écran...4....3.. Gling !
L'ascenseur s'arrêta au 3eme.
- Bon ben ...bonne journée mademoiselle ! Et bonne journée Monsieur !
Et le brancardier sortit avec son patient. Anna eut juste le temps de lui dire :
- Merci ! vous aussi !
Et les portes se refermèrent sur Anna.
L'ascenseur ne descendit pas au 1er comme prévu mais au contraire remonta vers les étages.
Anna appuya nerveusement sur le bouton 0 pour redescendre vers le RDC. Mais la montée était déjà engagée.
...4....5...6....gling !
Et les portes s'ouvrirent au 6ème étage.
Deux infirmières montèrent et saluèrent Anna et son "patient".
Anna était de plus en plus crispée et n'en pouvait plus de cette attente interminable. Elle se sentait à nouveau piégée.
...5....4.....3....2...gling !
Les portes s'ouvrirent. Les dames sortirent.
Anna appuya peut-être 100 fois sur le bouton 0 !
.....2.....1......0...
Gling !
Et enfin les portes s'ouvrirent et laissèrent entrer une grande lumière qui venait du hall. Anna se dirigea en hâte vers la sortie.
Une voiture de police était garée juste devant la sortie de l'hôpital. Un homme surveillait les allées et venues bien assis sur son siège. C'était certainement le collègue de l'agent Rafeu.
- C'est pas vrai ! Se dit-elle ! Ils sont partout !
La situation se compliquait.
Elle était coincée ici avec François, elle déguisée en infirmière et lui assis dans son fauteuil roulant avec son turban sur la tête.
Elle devait faire demi-tour et chercher une autre issue.
Comment allait-elle sortir, échapper à la police, et sauver François ?