Corps étrangers [TERMINÉ]

By elierineau

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An 2289 Voilà six ans qu'un peuple extraterrestre est arrivé sur Terre, provoquant un chaos électromagnétique... More

Aesthetic
Prologue - Miroir aux alouettes
Chapitre 1 - En prendre pour son grade
Chapitre 2 - Garder son sang-froid
Chapitre 3 - Mi-figue, mi-raisin
Chapitre 4 - Récolter ce que l'on sème
Chapitre 5 - Filer à l'anglaise
Chapitre 6 - Le pot aux roses
Chapitre 7 - Comme un cheveu sur la soupe
Chapitre 8 - Malheureuse comme les pierres
Chapitre 9 - Tourner au vinaigre
Chapitre 10 - Avoir une araignée au plafond
Chapitre 11 - Fort de café
Chapitre 12 - Manger un clown
Chapitre 13 - Commettre un larcin
Chapitre 14 - Prendre ses quartiers
Chapitre 15 - L'enfer est pavé de bonnes intentions
Chapitre 16 - Faire plier l'ennemi
Chapitre 17 - En prendre plein les mirettes
Chapitre 18 - La main dans le sac
Chapitre 19 - Des plans sur la comète
Chapitre 20 - Mettre les voiles
Chapitre 21 - Pas de roses sans épines
Chapitre 22 - Tour d'ivoire
Chapitre 23 - La bagatelle
Chapitre 24 - Comme un coq en pâte
Chapitre 25 - Coup de Poker
Chapitre 26 - Prendre le large
Chapitre 27 - Battre de l'aile
Chapitre 28 - Aux grands mots les grands moyens
Chapitre 29 - Contre mauvaise fortune, bon coeur
Chapitre 30 - Passer entre les gouttes
Chapitre 31 - Ménager la chèvre et le chou
Chapitre 32 - Retour au bercail
Chapitre 33 - Tomber des nues
Chapitre 34 - Avoir froid dans le dos
Chapitre 35 - Retourner sa veste
Chapitre 36 - Partir sans demander son reste
Chapitre 37 - Renaître de ses cendres
Chapitre 38 - Une idée lumineuse
Chapitre 39 - Briser la glace
Chapitre 40 - Marcher sur des œufs
Chapitre 41 - Se fondre dans la masse
Chapitre 42 - Comme au cinéma
Chapitre 43 - Comme Chien et chat
Chapitre 44 - Une ombre au tableau
Chapitre 45 - Tomber dans l'oreille d'un sourd
Chapitre 46 - En un claquement de doigt
Bonus
Tome 2 - Corps étrangers, rébellion
Chapitre 1 - L'habit ne fait pas le moine
Chapitre 2 - Une pomme pourrie pourrit tout le cageot
Chapitre 3 - Prévoir un plan B
Chapitre 4 - Diviser pour mieux régner
Chapitre 5 - Faire des plans sur la comète
Chapitre 6 - Être sur la même longueur d'ondes
Chapitre 7 - tomber du Ciel
Chapitre 8 - Avoir le beau rôle
Chapitre 9 - Détaler comme un lapin
Chapitre 10 - Partir en cacahouètes
Chapitre 11 - La lumière au bout du tunnel
Chapitre 12 - Trop beau pour être vrai
Chapitre 13 - L'amour rend aveugle
Chapitre 14 - Tout détruire pour mieux reconstruire
Chapitre 15 - À brûle-pourpoint
Chapitre 16 - Avoir le feu aux fesses
Chapitre 17 - Tout vient à point à qui sait attendre
Chapitre 18 - La fleur au fusil
Chapitre 19 - Remuer le passé
bonus Saint Valentin! Les Duos Emblématiques
Chapitre 20 - La monnaie de ta pièce
Chapitre 21 - Comme un cheveu sur la soupe
Chapitre 22 - Enterrer la hache de guerre
Chapitre 23 - La charrue avant les bœufs
Chapitre 24 - Mettre le feu aux poudres
Chapitre 25 - Un ange passe
Chapitre 26 - Gueule de bois
Chapitre 27 - La peste ou le choléra
Chapitre 28 - Briser la glace
Chapitre 29 - Rester sur ses gardes
Chapitre 30 - Faire le premier pas
Chapitre 31 - Comme cul et chemise
Chapitre 32 - Se détourner du droit chemin
Chapitre 33 - Aux petits oignons
Chapitre 34 - Saisir une main tendue
Chapitre 35 - Comme une trainée de poudre
Chapitre 36 - À l'impossible, nul n'est tenu
Chapitre 37 - Les bons comptes font les bons amis
Chapitre 38 - Comité d'accueil
Chapitre 39 - Tomber au combat
Chapitre 41 - Comme au bon vieux temps
Chapitre 42 - Reculer pour mieux sauter
Chapitre 43 - une histoire à dormir debout
Chapitre 44 - le cul entre deux chaises
Chapitre 45 - Passer la seconde
Chapitre 46 - La rançon de la gloire
Chapitre 47 - Se jeter dans la gueule du loup
Chapitre 48 - Dans la peau d'un autre
Chapitre 49 - Ne pas être sur la même longueur d'ondes
Chapitre 50 - Remuer ciel et terre
Chapitre 51 - Après la pluie vient le beau temps
Épilogue
Remerciements

Chapitre 40 - Une aiguille dans une botte de foin

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By elierineau

Je suis fébrile, le mot est faible. Je suis à deux doigts de céder complètement à la panique et seule l'adrénaline me maintient la tête hors de l'eau. Mei et moi vérifions les sacs que nous venons de préparer. Médicaments et crèmes en tout genre, berlingots d'eau gélifiée, gjustres, bandages auto ajustables, encore des gjustres... nous serons chargés comme des mulets. Pendant ce temps, Sayan nous expose les armes qu'il a rapportées : pistolets lasers, grenades et lames. Kiodo nous observe sans se départir de son masque d'impassibilité. Mais je sens autre chose dans sa posture : de la curiosité ? de l'étonnement ? Je ne saurai le dire.

— Je dois retourner au poste de pilotage, avez-vous besoin d'aide ? nous demande-t-il.

— Ça ira, fait Sayan. Nous partons en direction de la plus proche offensive rebelle, au nord, comme nous l'a indiqué Jofen. Pour couvrir une plus large zone, envoie les autres Scinas à l'est et au sud.

— Vous allez dans une zone où les combats au sol sont d'une grande violence, vous devriez l'éviter.

— Nous allons là où Kalen a été vu pour la dernière fois, lâché-je d'une voix rauque.

— C'est donc ça que vous nommez amour. Vous en parlez comme quelque chose de merveilleux, mais ça m'a tout l'air d'une malédiction.

Je lève les yeux vers lui. Kiodo doit y voir mon incompréhension, car il ajoute :

— Vous avez perdu tout sens logique. Vous allez mourir en tentant de lui porter secours. Est-ce que vous en avez conscience ?

Sa question me heurte. La réponse est d'une telle évidence à mes yeux que je n'ai même pas envie de la formuler tout haut. Heureusement, ma meilleure amie s'exclame joyeusement :

— Oh, mais nous n'allons pas mourir ! On se débarrasse plus facilement de morpions que de Mei Chang, mon grand !

— Je n'arrive pas à savoir si vous m'insupportez ou si vous m'êtes sympathiques. Mais je crois que je souhaite vous voir revenir. Vivantes.

— Je les ramènerai, lui assure Sayan. Fais en sorte de pouvoir t'approcher.

Les deux selcyns se regardent une dernière fois avant de partir chacun dans une direction opposée. Mei et moi suivons Sayan en trottinant. Au passage, nous récupérons du pain et du fromage que nous avalons machinalement sans cesser d'avancer. En quelques minutes, nous sommes à l'extérieur. Raimundo est assis sur une pierre, l'air dépité. Il n'y a plus que cinq pilotes encore en activité. Est-il possible qu'en une demi-journée, les deux cents IAM aient été détruits ? Les effectifs engagés tout autour de Cassy-1 sont totalement démesurés, deux cents robots n'étaient qu'une goutte d'eau, je suppose. Je me demande qui s'en sort le mieux à cet instant, nous ou les armées du Consul ? Et que deviennent le Maréchal et sa mission contre Muzhi ? J'imagine que si une armée terrienne est active ici, c'est que l'opération visant à détruire la super massive est restée secrète jusqu'au bout. Contrairement à notre arrivée ici. Quel bourbier !

— Vous allez où ? nous lance Raimundo alors que nous sommes sur le point de bifurquer hors de son champ de vision.

— On va soigner les blessés directement sur le terrain, répond Mei.

— Et chercher Kalen, ajouté-je, la gorge serrée.

— Je viens avec vous, grogne le lieutenant en se remettant sur ses pieds.

Sayan se retourne et le dévisage. Les deux hommes se retrouvent rapidement face à face. Raimundo resserre son étui à pistolet autour de son épaule sans lâcher des yeux mon ami, comme pour le mettre au défi.

— Les terriens sont venus ici pour piloter leurs robots, nous n'attendons rien de plus de leur part, déclare enfin Sayan.

— Je n'ai pas fit tout ce chemin pour être mis en déroute en seulement trois heures, répond le lieutenant. Et aucun de vous trois n'est un soldat. Alors je viens.

Quelques secondes s'écoulent sans que rien ne se passe. Puis Sayan tourne les talons et continue sa route. Mei hausse les épaules avant de le suivre. J'adresse un timide sourire à notre nouvel allié et lui fais signe d'avancer. Il a raison, la présence d'un soldat entraîné ne peut qu'être un atout pour nous. Et plus on est de fous, plus on rit...

Le relief de cette région semi-montagneuse nous épuise rapidement. D'après les informations de Jofen, nous sommes à seulement dix kilomètres au sud de la position de Kalen. Dix kilomètres dans ces conditions ! Heureusement que le temps maussade nous permet de ne pas avoir trop chaud, et que Mei et moi avons subi quelques améliorations avec nos séances de flaster. Il n'empêche que, même si nous suons moins que ce pauvre Raimundo, nous sommes loin d'égaler la forme physique de Sayan. Et puis le relief ne reste pas longtemps notre principal problème. Après seulement trente minutes de marche, nous tombons sur un suppo ouvert au sol, et salement accidenté. L'assise allongée est couverte de sang. Aucune trace du pilote, contrairement à l'appareil suivant qui est encore habité par un selcyn agonisant. Nous nous précipitons pour évaluer la situation. Raimundo reste en retrait, le regard attentif et la main sur la crosse de son arme. Il nous couvre. Le malheureux pilote est dans un état grave. Sayan pose un doigt sur son oreillette et se met à parler dans sa langue. J'hydrate le blessé avec un berlingot, puis Sayan nous explique qu'un des nôtres va venir rapidement pour l'évacuer.

— Comment vous savez que c'est un de vos soldats, et pas un ennemi ? demande le Brasilien.

— Je n'en sais rien, mais je ne laisse personne dans cet état.

Nous ignorons les remarques outrées de notre nouveau compagnon et continuons notre route. Mais plus nous avançons, plus nous rencontrons de blessés, ce qui nous ralentit considérablement. Certains peuvent encore marcher et leur état général ne nécessite pas beaucoup d'interventions de notre part, d'autres doivent attendre l'œuf qui les ramènera à Cassy-7. Le nombre de morts augmente progressivement, et à chaque cadavre que nous découvrons, l'émotion qui me transperce le cœur est toujours aussi intense. Je redoute de tomber sur le beau visage de Kalen, livide et sans vie. C'est lui que je vois quand nous contournons un corps. Je lutte pour éviter la crise de nerfs. Mei me soutient comme elle peut.

De rares hommes refusent d'être conduits chez ceux qu'ils considèrent comme les ennemis du peuple de Selcyon et préfèrent mourir plutôt que d'accepter quoi que ce soit de notre part. L'un d'eux va tenter de sauter à la gorge de Mei, mais les réflexes de Raimundo l'en empêchent. Deux tirs, deux coups à la tête. Nous nous mettons d'accord pour nous faire plus discrets ce qui, immanquablement, nous oblige à éviter les zones denses. J'ai le sentiment de trahir le serment d'Hippocrate en abandonnant ces hommes à leur sort. Mais c'est le prix à payer pour retrouver Kalen à temps.

Nos oreilles se sont habituées aux bruits des lasers et des explosions. Une odeur de métal chaud emplit l'air ambiant, s'immisçant dans tous mes pores. J'ignore combien de temps nous marchons, et combien de suppos dorés au sol nous avons croisés depuis le début de notre entreprise, mais soudain, nous voyons Mei agiter ses bras dans tous les sens. Nous la rejoignons en quelques enjambées. Elle nous désigne d'un doigt tremblant ce qui ressemble à un cadavre de plus. Je mets quelques secondes avant de comprendre son émoi. Le corps est celui d'une femme. Ce qui signifie que nous approchons des armées rebelles. Mon ventre se contracte. Nous faisons une courte pause pour boire et nous partager un gjustre (que Raimundo avale avec peine en maudissant la gastronomie selcyne), et nous nous remettons en route.

Effectivement, après quelques minutes, je perçois dans le brouhaha ambiant des coups de feu, typique des armes terriennes. Je vois également un hélico approcher de la zone d'affrontement, se délester d'un poids, puis repartir alors que des cris atroces s'élèvent, couvrant momentanément les tirs. Qu'est-ce que c'est que ça encore ? Un frisson d'horreur me secoue. Un bref échange de regard avec Mei et Raimundo m'indique qu'ils sont tout aussi inquiets que moi.

Notre progression devient plus laborieuse encore, l'herbe sous nos pieds se teinte de rouge. Le nombre de corps devient hallucinant. Des hommes, des femmes, des selcyns, des terriens. Beaucoup de selcyns. À quel point les hommes de Muzhi sont-ils modifiés pour qu'ils écrasent ainsi les rebelles ?

— Regardez ! s'écrie Raimundo en nous montrant une sorte de masque. Je ne sais pas ce que Muzhi mijote, mais ce n'est clairement pas bon signe.

— Qu'est-ce que c'est ? demande Sayan.

— Un masque à gaz. Que Dieu ait pitié de nos âmes, je pense que...

Mei s'effondre au sol, coupant net les explications du lieutenant brasilien. Ses jambes ne la portent plus. Je la relève, la supplie de continuer, pour Kalen, et elle finit par obtempérer. Raimundo, comme possédé, vide ses chargeurs sur tous les rescapés terriens, et ni Sayan, ni moi n'essayons de l'en dissuader. Il a gardé le masque à gaz avec lui. Les rares blessés encore en état de parler nous demandent de rebrousser chemin. Leurs visages sont anormalement écarlates, leurs voix, un faible murmure. En réponse, je leur demande s'ils ont vu Kalen, ou du moins un œuf s'écraser. Peine perdue, aucun ne semble savoir qui est Kalen, et des œufs abattus, ils n'ont vu que ça depuis le lever du soleil. Quelle que soit la nature de leurs blessures, ils semblent attendre que la mort les délivre.

— L'air, l'air...

Voilà ce qu'ils me répètent quand je leur demande ce qui leur est arrivé.

— C'est étrange, dis-je à mes compagnons de mission. Leurs peaux semblent légèrement brûlées, comme après un coup de soleil. Mais je ne détecte rien qui justifie leur agonie.

— C'est interne, en conclut Sayan. Ils ont respiré un poison.

Ce dernier mot nous laisse pantois, et pourtant nous l'avions tous pressenti. Nos réserves de soins et de nourriture arrivent à leur fin et nous sommes tous les quatre sur les nerfs. Sayan fait un compte rendu détaillé via son oreillette. Mei a le regard vide, et mes espoirs de retrouver Kalen s'amenuisent en même temps que les rayons du soleil.

— Il faut rentrer, nous dit Raimundo. Cette zone est bien trop dangereuse. Il y a ici quelque chose de plus dangereux que des balles.

— De quel poison s'agit-il ? demande Mei. Les armes chimiques sont interdites.

L'homme ne répond pas, mais il passe ses doigts sur le pourtour du masque à gaz.

— Même en rebroussant chemin maintenant, nous ferons une partie de la route de nuit, répond calmement Sayan.

— Nous serons moins facilement repérables.

— Lily, qu'en dis-tu ?

Rien. Je n'en dis rien. Je remarque seulement que le rythme des tirs s'est considérablement ralenti et qu'aucun autre hélico ne s'est pointé pour balancer sa cargaison mortelle. Je lève les yeux. Il y a également moins d'œufs. Une trêve nocturne se met en place. Mais si Kalen est blessé, pourra-t-il survivre à cette nuit ?

— Allez-y. Rentrez.

— Nous avons besoin de repos, marmonne Mei d'une petite voix fatiguée. Nous reprendrons nos recherches demain. Ensemble.

— Allez-y, répété-je. Moi je continue de chercher.

— Tu crois vraiment qu'on va te laisser seule ici ? grogne mon amie. Il faut arrêter pour ce soir. C'est mission impossible, Lily, et tu le sais parfaitement.

Une colère sourde s'empare de mon esprit. Je vois rouge et, en quelques secondes, le barrage que j'ai pris soin de bâtir depuis plusieurs heures explose. Je perds totalement le contrôle.

— Mais qu'est-ce que tu t'imagines ? m'écrié-je, déversant ce torrent de frustration sur la pauvre brunette. Que je vais abandonner Kalen à son sort ! Il est là, Mei ! Quelque part dans ce cauchemar, et il est peut-être blessé ! Alors, fais demi-tour si c'est ce que tu veux, mais ne me demande pas de te suivre !

— Tu es d'un égoïsme sans nom, Lily ! s'énerve-t-elle en serrant les poings. Sam aussi est là, et peut-être qu'elle aussi est blessée ! Tu veux quoi, qu'on crève tous la gueule ouverte ! Parce que c'est ce qui va arriver si tu t'acharnes ! On a tous quelqu'un à perdre, alors arrête de te prendre pour le centre du monde !

Je pars dans un rire hystérique, je ne me reconnais plus. Mei continue de me regarder d'un air mauvais.

— Va-t'en ! lui ordonné-je enfin. Tu ne peux pas me comprendre. Tu n'as même pas été foutue d'avouer tes sentiments à Sam. Si tu l'avais fait, elle serait peut-être avec nous à l'heure qu'il est !

— Ferme-la, Lily ! hurle Mei, des larmes plein les yeux.

— Mais c'est trop tard, tu as laissé passer ta chance. Tout ça parce que tu as peur, Mei. Tu n'es qu'une fichue froussarde qui fiche sa vie en l'air ! Tu ne m'entraîneras pas dans ta chute. Je n'ai pas peur de ce que je ressens pour Kalen, je ne l'abandonnerai pas.

— Lily...

— Vis dans le regret, Mei, mais sans moi !

Et je tourne les talons pour me remettre en route. Mes pieds me portent vers Sayan qui me scrute avec intensité. Alors que je le dépasse, j'entends qu'il m'emboîte le pas. Raimundo prend la parole, mais je n'écoute pas. Je me contente de mettre un pied devant l'autre.

Mei et Raimundo ont fait demi-tour. J'ai mis une bonne dizaine de minutes à m'en rendre compte. Il n'y a plus que Sayan et moi. Mon ami m'a suivi en silence. Nous n'avons plus rien pour aider les blessés, mais là où nous sommes, il n'y a que peu de survivants : selcyns et terriens, unis dans la mort. Les corps sont luisants, les vêtements déchirés, comme si ces malheureux avaient brûlé sur place. Nous trouvons deux autres masques à gaz au sol.

Dans ma tête, je me répète en boucle les paroles blessantes que j'ai osé adresser à Mei. Je n'arrive pas à croire que j'ai pu être si monstrueuse. Je me dégoûte, littéralement. Je suis à vomir. La honte, la peur, la colère, la tristesse, tout se mêle. Je m'immobilise enfin. Mon corps me dit stop. Il fait nuit à présent, et l'obscurité m'engloutit complètement. Je me sens desséchée, vide. Au loin, quelques échanges de tirs persistent, beaucoup plus sporadiques que dans l'après-midi. Les rayons rouges donnent un aspect surnaturel à la situation. C'est même beau, d'un certain côté. Les mains de Sayan se posent sur mes épaules, je ne réagis pas. Il m'attire alors vers lui, toujours sans un mot. Nos regards se trouvent. Le sien est doux, rassurant, exactement ce dont j'ai besoin. Je me laisse aller contre mon ami et me vide de mes larmes, le corps tremblant.

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