Sain d'Esprit (Laura Woodward...

By LeodeGalGal

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Ceci est un tome 2, passez votre chemin si vous n'avez pas lu (et apprécié) Les Affaires des Autres ! La tra... More

Préambule
Récapitulatif des personnages (au besoin, sans spoilers pour le tome 2)
Un instant perdu
1. Train-train sanglant (1/2)
1. Train-train sanglant (2/2)
2. De la promiscuité
3. Un os dans le gratin
4. Visite macabre à Butterfly
5. Sans nostalgie, vraiment
6. Relance
7. Au taquet
8. Entre détectives
9. Inspection délicate
10. Apparition
11. Bienveillance brune
12. Garder le cap (1/2)
12. Garder le cap (2/2)
13. Interférences
14. Mauvais esprit
15. La compagnie des vivants
16. SOS fantômes
17. Retour à la fac
18. Assaisonnement (1/2)
18. Assaisonnement (2/2)
20. Les autres
21. L'expert (1/2)
21. L'expert (2/2)
22. Le chacal
23. Les voies du dépit
24. Enquête et trahisons (1/2)
24. Enquête et trahisons (2/2)
25. Compromis
26. Contre-attaque (1/2)
26. Contre-attaque (2/2)
27. Un autre spécialiste
28. Échos de Dunnes
29. RedWeasel007
30. Triste fin
31. Apprentie sorcière (1/2)
31. Apprentie sorcière (2/2)
32. Introduction posthume
33. Le coût du silence
34. Catharsis
35. Thérapie
36. Orage
37. Chaleur humaine
38. Incendie
39. Persév-errance
40. Qui sème le vent
41. Prise en charge
42. Réminiscences hivernales
43. Encore debout
44. Personne n'est parfait
Postface
L'eau qui dort (chapitre Poisson d'Avril)

19. Indésirable

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By LeodeGalGal

Laura émergea dans les ténèbres, parfaitement alerte. Le réveil indiquait 1h13 et il pleuvait : les gouttes tambourinaient furieusement sur le velux qui coiffait le salon. Elle demeura un moment allongée, immobile, puis tâta la couette sur sa droite jusqu'à trouver le dos du chat. Celui-ci s'étira sous sa paume. Elle réalisa qu'elle s'était endormie toute habillée.

Passer un pyjama pour terminer la nuit ou se lever, telle était la question. Si elle optait pour la seconde possibilité, elle risquait d'être complètement décalée, mais c'était finalement son ordinaire. Il n'y avait de toute façon personne pour s'offusquer de ses horaires déstructurés.

Cette pensée lui donna le cafard et elle quitta son lit.

Elle ouvrit l'ordinateur sur le comptoir de la cuisine, puis mit de l'eau à chauffer. Le dernier sachet de soupe instantanée était périmé depuis quelques semaines mais Laura se souciait peu de ce genre de détails. 

Armée de son en-cas nocturne, elle se réinstalla devant son écran et se connecta au logiciel de la morgue. Elle ouvrit ensuite la page de la faculté de criminologie de Fernbridge sur son navigateur. D'expérience, elle savait que les chances qu'elle ait été intégralement mise à jour depuis le suicide du thésard de Zaffy étaient maigres : les rares informaticiens étaient peu disponibles et les profs toujours trop occupés. Il ne lui fallut donc que quelques secondes pour recouper les deux bases de données et trouver l'identité du mort qu'avait mentionné Helen, un dénommé Jason Byatt, de Dunnes. Il avait travaillé sur une analyse des Émeutes Rouges de Byron jusqu'à son décès, une autolyse peu efficace qui l'avait amené à agoniser deux jours avant son trépas. Il avait été autopsié à Saint Francis, avec un contrôle par David dans un second temps. Mais il n'y avait pas grand-chose à en tirer sur base seule de l'autopsie : il s'était tiré une balle dans la tête, sous le mauvais angle. 

Un petit courant d'air froid souffla soudain dans la pièce et Laura vit distinctement la manche de sa chemise s'agiter. Saisie, elle releva les yeux.

— Comment as-tu pu me faire une chose pareille ! explosa Jonathan, sa voix se répercutant dans la pièce comme si on avait brusquement tourné le son d'un baffle jusqu'à saturation.

Laura poussa un cri, perdit l'équilibre et sa chaise claqua sur le plan de travail derrière elle, qu'elle cogna aussi de l'occiput.

Debout de l'autre côté du comptoir, furieux, Jonathan dégoulinait de pluie, les cheveux collés au visage, les épaules et le pantalon trempés, la chemise claire, sous sa veste, tachée de deux grands cercles sombres. Laura devina qu'il portait les vêtements dans lesquels il était mort, l'hiver précédent.

Malgré sa colère, il ne tenta pas de s'approcher.

— Tu m'as banni de Butterfly ! Comment oses-tu ! C'est mon travail, mes patients ! De quel droit t'interposes-tu ?

Elle se redressa, un peu sonnée, se massa le crâne d'une main hésitante.

— Jonathan...

Comment diable l'avait-il trouvée ? Il n'était jamais venu à Ververy. Elle le pensait lié à son hôpital mais il pouvait manifestement se déplacer au gré de ses envies... ou de sa fureur.

— Je pensais que tu respectais ma manière de faire !

— Jonathan, c'est parce que je respecte ton travail que je suis intervenue ! 

— En m'empêchant de persévérer !

— Jonathan, tes patients...

Comment mettre les choses en mots... Si elle mentionnait sa mort, il risquait à nouveau de disparaître.

— Jonathan, en janvier... En janvier, Miranda Badger a payé un tueur et tu as été assassiné. Tu... tu es... différent, maintenant. Tes patients... ils ont peur de toi... et ton contact... leur fait beaucoup de mal... Une dizaine d'entre eux sont morts ces derniers mois... Ton unité risque d'être dissoute.

Il l'observait, frémissant, le regard meurtrier.

— Quand tu étais... parmi nous, tu as beaucoup aidé ces gens, je n'en doute pas... personne n'en doute. Mais aujourd'hui... que tu es... mort...

— Je ne suis pas mort !

— Jonathan, bon sang, regarde-toi dans un miroir !

Il disparut brusquement, non sans éjecter une dizaine de livres de la bibliothèque et renverser un cactus ratatiné. Stupéfaite, Laura resta figée derrière son bar, l'arrière du crâne toujours pulsatile. 

Dans sa maison hantée. 

Elle passa lentement les mains sur son visage, tentant de calmer sa respiration. Bien sûr, elle pouvait bannir Jonathan d'ici aussi, il lui restait du sel, de la sauge, ce ne serait pas compliqué. Mais ce n'était pas non plus une solution : il lui apparaîtrait alors dans sa voiture, à la morgue, dans la rue... Il devait y avoir moyen d'apaiser le fantôme d'une autre manière.

Elle referma son ordinateur, demeura un peu tremblante, sans savoir quoi faire d'elle-même. Même furieux, il n'avait pas été physiquement menaçant. Il avait renversé l'un ou l'autre objet, mais il n'avait pas fait mine de la toucher, une chance, car elle n'aurait pas su quoi lui opposer. Elle n'était pas certaine qu'il sache ce que son contact provoquait, cependant, vu l'hécatombe dans son service. 

Elle alla s'asseoir dans le fauteuil. Le chat était sorti, elle ne s'en était même pas rendue compte. Elle lorgna la porte de la chambre, puis son ordinateur, mais elle se sentait incapable de lire ou de dormir. Elle alluma la télévision, à la recherche d'un programme abrutissant, suffisamment prenant pour enrayer les ruminations, qu'elle sentait pointer, peu à peu, comme dans les premiers mois suivant son retour de New Tren. 

A la Société, Lloyd lui avait glissé le nom d'un psy, entre deux portes, sans s'appesantir sur la raison de cette démarche. Ce n'était pas la première fois que quelqu'un lui conseillait de consulter. Autrefois, quand elle avait été coincée par l'Ecarteleur de Saffron, qu'une équipe d'intervention l'avait sauvée in extremis alors qu'elle gisait sur la table d'opération du psychopathe, le ventre à l'air, on lui avait fermement indiqué qu'un traitement du stress post-traumatique était à prévoir. Elle avait été à une seule séance avant de prétexter que tout allait bien. Et tout allait bien. Certaines personnes étaient plus résilientes que d'autres, il y avait de la variation dans l'espèce humaine, en matière de tolérance aux horreurs. Jonathan l'admettait à demi-mots et ne l'avait jamais sermonnée sur la question. Sans doute n'en pensait-il pas moins.

Est-ce que je craque ? songea-t-elle. Est-ce que ce fantôme est juste un produit de mon imagination malade ? De mon angoisse ?

Elle regarda les livres qui gisaient, épars, sur le sol, le terreau du cactus répandu sur le plancher. Non. Il y avait un fantôme. Elle s'en voulut de n'avoir pas réussi à garder son calme, de l'avoir mis en face de ses limites, froidement, dans les premières secondes de leur échange. Elle avait été surprise par sa colère : jamais elle n'avait vu Jonathan dans pareil état. Bien sûr, il pouvait s'enflammer, mais il restait toujours maître de lui-même. Cette... entité... était différente. Hermétique au raisonnement. Dangereuse.

Laura s'emmitoufla dans le plaid en polaire qui traînait sur le dossier du fauteuil et se prépara à passer une nuit sans sommeil. Quand ses yeux piquèrent, elle éteignit la télévision. Elle n'osa pas se relever pour aller couper la lumière de la salle à manger. Elle oscilla entre la veille et l'oubli, perdant toute notion du temps, glissant un moment dans une torpeur agitée pour s'éveiller en sursaut une seconde — ou une heure — plus tard. Il fit jour beaucoup trop vite. Le chat n'était pas rentré. Son smartphone sonna : il était 5h16.

— Laura, c'est Greg. Désolé pour le réveil matinal mais Rup et moi sommes déjà sur le pont. Tu sais aller à Starwell ? Les pompiers ont trouvé deux cadavres dans une maison incendiée. Pas des cramés.

— Je me mets en route.

— Je t'envoie les détails.

Elle s'étira. Chaque muscle de son anatomie paraissait ankylosé. Elle jeta un œil trouble autour d'elle, les tempes dans un étau. Renonçant à se faire un café ou même à se changer, elle attrapa un morceau de chocolat dans une armoire, se passa un peu d'eau froide sur le visage et se brossa rapidement les dents, avant de sortir.

Jonathan était dans l'herbe, près de la clôture du pré voisin. Il scintillait étrangement dans le jour naissant, moins visible, presque comme une déformation de l'air. Son apparence avait encore changé. Il portait son imperméable, celui des jours pluvieux, de leurs sorties dans le parc ou jusqu'à la plage. Laura se demanda s'il avait passé la nuit-là, à broyer du noir et à la maudire. Quelle était sa notion du temps ? Elle hésita puis se dirigea vers lui. Il regardait vers la campagne mais parut l'entendre, car il se tourna vers elle. Dès qu'il l'aperçut, son expression se durcit et il disparut dans un petit courant d'air glacé.

Cela valait tous les discours.

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من لا يحب الانحراف لا يدخل 🔞🔞🔞 الرواية منحرفة 🔞🔞