Le lanceur de fleurs {L.S}

By L_Oceane_S

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Ils ont grandi dans un de ces quartiers dont on ne parle que lors des drames et qu'on préfère oublier le rest... More

Avant-propos || Sujets sensibles ⚠️
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24

Chapitre 3

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By L_Oceane_S

Hi! J'espère que vous allez bien?

Surprise ?

Écoutez jour férié + avoir juste envie de publier = deux chapitres cette semaine ! Je sais que ça peut prendre du temps pour une histoire de se mettre en place alors ça explique mon impatience de vouloir que vous découvriez les premiers chapitres rapidement !

Encore merci mille fois pour vos commentaires. Pour vos réactions. Pour tout. Vraiment ça me touche plus que tout. Ça me rend tellement heureuse alors merci du fond du coeur.
J'espère que ce chapitre vous plaira!❤️

...

CHAPITRE 3

(Feels Like_Gracie Abrams)

HARRY.

Lorsque j'arrive dans la cuisine, ma mère, ma tante et Inès sont déjà là. Elles tournent toutes les trois la tête vers moi, s'arrêtant de discuter le temps de quelques secondes. Et je n'ai pas besoin d'être devin pour deviner leur sujet de conversation. Tant qu'elles ne m'en parlent pas, ça ne me dérange pas. Et elles semblent l'avoir compris puisque, hier soir, en revenant à table avec Sacha, je n'ai plus entendu le nom de Louis. On a fait comme si de rien était jusqu'à ce que j'aille me coucher. Sans pour autant trouver le sommeil.

« Coucou mon chéri. » Dit ma mère alors que je m'approche d'elle pour embrasser sa tempe.

J'embrasse ensuite la joue de ma tante en lui disant:

« C'est la dernière rentrée de Inès, t'as pas encore pleuré?

-Pas encore. » Rit ma cousine alors que je pars m'asseoir à côté d'elle.

« Commencez pas! » Nous gronde ma tante.

Inès et moi échangeons un regard complice jusqu'à ce que ma tante s'approche pour prendre sa fille dans les bras, la serrant de toutes ses forces en disant:

« Mon grand bébé qui fait sa dernière rentrée au lycée... Je me souviens encore de ton premier jour en maternelle.

-Tu pleurais plus qu'elle. » Commente ma mère, me faisant sourire.

« Dit-elle alors qu'elle refuse que son fils de vingt-cinq ans quitte la maison.» Répond tante Julia.

« Il le veut bien! » Se défend ma mère en faisant un signe de la main dans ma direction.

« C'est vrai. » J'avoue.

« Tu resteras jusqu'à trente ans toi. » Lâche alors ma tante en serrant la tête d'Inès contre elle.

« Si tu ne m'étouffes pas avant. » Rit ma cousine en retirant les bras de sa mère.

On rit tous les quatre et c'est exactement ce genre de moment qui explique pourquoi je suis encore là.
C'est juste que... ça a toujours été nous quatre. Ces trois femmes extraordinaires et moi. Ma tante n'est pas juste ma tante. Elle est comme une seconde maman. Et Inès se rapproche plus d'une petite soeur que d'une cousine. On a toujours été très proches, très complices. On ne s'est jamais lâchés, même dans les moments compliqués. Et il y en a eu ces dernières années...

À cette pensée, je regarde ma tante qui retourne s'installer à côté de ma mère.

Mon coeur se serre doucement mais je sors rapidement de mes pensées pour prendre une pomme dans la panière à fruit et croquer dedans en même temps que ma mère me sert un verre d'eau.

« Je veux bien un café aujourd'hui, s'il te plaît. »

Ce n'est pas dans mes habitudes. Je ne suis pas un grand amateur de café. J'ai même longtemps dit que je n'en boirais jamais. Mais, après la nuit que je viens de passer et la rentrée qui m'attend, je crois que je vois ça comme mon dernier recours. Ma mère le comprend et sourit tristement en hochant la tête avant d'aller me faire couler un café.

Je regarde le café couler en même temps que je sens le regard de ma mère posé sur moi. Je sais qu'elle aimerait qu'on en parle. Mais je n'ai rien à dire. Encore moins ce matin, après avoir passé la nuit à me retourner dans mon lit parce que je n'arrivais pas à chasser mes pensées. C'était plus fort que moi. Et je pensais en avoir enfin terminé avec ça. Je pensais que les nuits blanches à penser à lui et à me demander pourquoi étaient terminées. Je m'étais fait à l'idée que je n'aurais pas mes réponses. Et qu'il était parti sans avoir l'intention de m'en donner.

Cette nuit, ça a recommencé. Les questions. La rancoeur qui se mêle à la tristesse même si j'ai du mal à assumer cette dernière aujourd'hui. Cette sensation d'étouffement, de poids dans la poitrine et sur l'estomac. L'incapacité de fermer les yeux et de juste oublier. Lui a dû réussir. Il a très bien réussi même. À oublier. Et moi j'essaie encore huit ans après. Je lui en veux à lui, mais j'en arrive à m'en vouloir à moi aussi. Je voudrais juste réussir à être aussi indifférent qu'il l'a été. Lui faire perdre toute importance. Parce qu'il ne l'est plus.

Mais il l'a été. Et c'est ça que mon coeur ne cesse de me rappeler.

Je prends une grande inspiration et remercie ma mère lorsqu'elle pose le café sous mes yeux. Je le bois en grimaçant tout en écoutant ma tante parler de la rentrée avec Inès. Mais je sens bien que ma cousine aussi n'est pas comme d'habitude. Mon annonce l'a perturbé et je m'en voudrais presque pour quelque chose qui n'est pas de mon ressort. Surtout lorsque je sais qu'elle a prit art plastique comme spécialité.

Une fois le petit-déjeuner terminé, Inès et moi finissons par y aller. Ma tante part embrasser sa fille en lui souhaitant une bonne rentrée et en lui rappelant à quel point elle est fière d'elle. Ça me fait sourire. J'aurais aimé rendre ma mère aussi fière à l'époque, même si elle ne fait que me le répéter aujourd'hui.

« Bon courage mon chéri. » Elle me dit une fois devant la porte d'entrée. « Tu sais que tu peux me parler si tu en ressens le besoin?

-Je sais maman. »

Elle me sourit une dernière fois et je me penche pour embrasser sa tempe avant de sortir et de m'éloigner dans la rue avec Inès. Sur le chemin, nous sommes tous les deux silencieux, perdus dans nos pensées. Je déteste l'appréhension qui noue mon estomac alors que je me dirige vers un endroit où je me sens bien. Pour avoir travaillé ailleurs, je sais que se sentir bien dans son travail est un luxe. J'y passe quarante et une heure par semaine. Je suis plus au travail que chez moi. La journée, je suis plus avec mes collègues qu'avec ma famille. Je ne veux pas ressentir cette appréhension en m'y rendant. Je dois me reprendre. Me détacher de cet... imprévu.

De toute façon, son arrivée ne changera rien.

Parce que tout a déjà changé, justement.

Une fois devant le lycée, Inès et moi nous séparons. La grille n'est pas encore ouverte pour les élèves. Alors elle rejoint Alexander et sa meilleure amie Suzie qui me font un signe de la main que je leur rend avant d'entrer dans le lycée pour retrouver mon équipe.

« Bonjour. » Je dis en arrivant en vie scolaire.

Michael, à l'entrée de notre salle de pause, me fait un grand sourire, un café dans la main. Si moi je ne suis pas un fan de cette boisson, Michael en est carrément accro. Ce qui explique sûrement son énergie débordante tout au long de la semaine. Que les journées soient difficiles ou non, Michael a toujours le sourire et une connerie à faire ou à raconter. Il est clairement le chouchou des CPE. Et le mien aussi.

« J'étais en train d'inaugurer notre nouvelle machine à café. » Il dit en venant serrer ma main.

« J'ai ramené le petit-déjeuner. » Dit Lucas en sortant de la salle de pause.

« Merci, c'est sympa. » Je réponds, même si je n'ai pas faim.

Au même moment, Juliette et Samia arrivent à leur tour.

« Quelqu'un a ramené des croissants? » S'exclame Juliette en allant poser ses affaires dans la salle de pause.

« Lucas! » Répond Michael.

« Merci, j'avais trop faim. » Elle lance alors en attrapant directement un pain au chocolat.

« Avec plaisir. » Rit Lucas face à son enthousiasme.

Les CPE finissent par également arriver pour expliquer à Lucas et Samia comment se déroule une rentrée. Les classes arrivent au fur et à mesure. Ce matin, par exemple, on accueille les terminales à neuf heures puis les premières à dix heures. Leur rentrée dure deux heures seulement, la vraie première journée sera demain. Et, cet après-midi, ça sera au tour des secondes. Notre rôle aujourd'hui est surtout de les accueillir et de guider les nouveaux élèves, ceux qui ne connaissent pas le lycée et qui risquent de se perdre. De répondre à leurs questions, de les rassurer, de les diriger vers le secrétariat ou l'intendance selon leurs demandes. Comme il n'y a pas de self le jour de la rentrée, nous n'avons pas de surveillance à midi. Mais il y a un apéritif dinatoire servi dans la salle des professeurs pour l'équipe pédagogique.

L'appréhension me revient à cette simple idée.

« Je vous ai imprimé les classes et les salles où leurs professeurs principaux les attendent. Les élèves doivent déjà les avoir reçu par mail mais chaque année il y en a qui n'ont pas prit la peine de se renseigner sur leur classe avant de venir. Ou ont des parents qui n'utilisent pas internet.» Dit Laure en nous les distribuant.

« Merci, madame Leroy. » Répond instinctivement Samia.

« Oh, tu peux m'appeler Laure lorsqu'il n'y a pas d'élèves. Et me tutoyer.

-Moi aussi, mais je crois l'avoir déjà dit à la pré-rentrée. » Intervient Issa.

« Pareillement. Vous pouvez m'appeler Joséphine lorsque nous sommes entre nous. Même si Harry n'y arrive toujours pas. » Dit madame Martin en me lançant un regard.

« Vous avez été ma CPE. » Je tente de me justifier.

« Et aujourd'hui on boit des verres ensemble. Je pensais qu'une étape avait été franchie, Harry.

-Toujours pas, désolé. » Je réponds avec un sourire coupable.

Tutoyer madame Martin ou même l'appeler par son prénom m'est quasi impossible. J'y arrive facilement avec Laure et je sais que j'y arriverais avec Issa aussi. Mais seulement parce que je les ai rencontré dans le cadre du travail. Alors que madame Martin a été bien plus que ça. J'ai un profond respect pour elle. Et beaucoup de reconnaissance également.

« Bon, allons ouvrir les portes! » Dit-elle justement après avoir regardé sa montre.

(Hope ur ok_Olivia Rodrigo)

La matinée s'est passée sans incident si on oublie les deux trois élèves en retard à la rentrée ou ceux qui ne se sont pas présentés en pensant que la rentrée était demain. J'ai pu retrouver mes nouveaux terminal qui, pour certains, m'avaient quand même manqué cet été. Je me suis mit en doublons avec Lucas pour l'aider à guider les élèves en sachant que lui-même n'est pas encore familiarisé avec l'établissement. Mais il apprend vite et, surtout, le plus important, il a envie de bien faire. Il a vraiment envie d'être présent pour les élèves. C'est quelque chose qui se remarque vite et qui est important dans une vie scolaire. Samia semble avoir les mêmes intentions même si, tout comme Lucas, elle n'était pas très à l'aise au moment d'appeler les familles des absents. Je les comprend, je ne suis pas un grand fan des appels téléphoniques dans ma vie personnelle. Mais on apprend à être à l'aise lorsque ça devient professionnel.

Après le repas dans la salle des professeurs, nous avons accueilli les secondes qui nous ont beaucoup plus sollicités que les classes de ce matin. Il y a eu beaucoup plus d'élèves perdus, d'élèves stressés. Beaucoup plus de questions à nous poser aussi. Mais, depuis quelques minutes, ils sont enfin tous en classe. Nous profitons alors de ce moment de calme pour nous réunir autour des bureaux de la vie scolaire, les CPE étant à l'administration.

Juliette est presque allongée sur un siège, s'amusant à lancer des regards à Lucas lorsque le téléphone sonne. Surtout quand ce dernier tente de faire comme s'il ne l'entendait pas.

« C'est un baptême téléphonique. » Lui dit Juliette.

« Et il est long, ce baptême? » Répond Lucas en posant sa main sur le téléphone.

« Oh quand tu t'es fait insulter deux trois fois par les parents t'es enfin immunisé. » Elle dit en haussant les épaules.

Lucas grimace avant de finalement répondre en prenant sa meilleure voix:

« Vie scolaire bonjour? »

Accoudé au présentoir de la vie scolaire, en face de Lucas, je souris discrètement en regardant Juliette qui étouffe un rire en faisant un pouce en l'air à Lucas qui écoute attentivement ce qu'on est en train de lui demander. Il note tout sur un post-it à côté de lui, ce qui me fait penser à ma première rentrée. J'avais tellement peur de louper une information que je notais tout également pour finalement dire au parent que je les rappelais dans quelques secondes, juste le temps de moi-même poser la question à un collègue de l'époque ou à une CPE.

« Attendez, ne quittez pas. » Il dit avant de mettre en sourdine le téléphone. « Elle veut avoir quelqu'un pour les bourses?

-Tu transmets à l'intendance. » Je lui explique. « Les raccourcis sont affichés sur le bureau. » Je rajoute en lui montrant le tableau en question avec les numéros de toute l'équipe pédagogique.

« Super, merci. » Me dit Lucas avant de répondre fièrement: « Oui, du coup... Madame? Vous êtes toujours là?

-T'as pas enlevé le mode silencieux. » Lui fait remarquer Juliette.

« Merde! » Chuchote Lucas, nous faisant rire. « Oui, madame vous m'entendez? Super, du coup pour la bourse il faut voir avec l'intendance. Je leur transmets votre appel. Avec plaisir. Merci, bonne journée à vous aussi. »

Après avoir bien transmis l'appel, Lucas raccroche enfin en lâchant un long soupir et en se faisant applaudir par Michael et Samia.

« Le prochain, c'est pour toi. » Il dit à cette dernière.

Elle rit en hochant la tête avant de se redresser sur son siège pour nous demander:

« Au fait, tout à l'heure en salle des professeurs ils parlaient d'une soirée, vendredi soir je crois...

-Oui, ils font ça chaque année. La même soirée dans le même bar pour bien commencer la rentrée. Et pour voir les membres de l'équipe pédagogique dans un autre contexte que le travail. » Répond Michael.

« On est invités aussi, alors? » Demande Samia.

« Bien-sûr. Tout le monde va y aller je pense, non? » Demande Michael en nous regardant Juliette et moi.

Juliette hoche la tête et moi aussi. Mais je la tourne rapidement en entendant les portes de la vie scolaire s'ouvrir. Etant le seul debout, je me retourne instinctivement vers les personnes qui viennent d'entrée. Et mon estomac se retourne malgré-moi en découvrant Louis.

Je l'ai déjà aperçu tout à l'heure, en salle des professeur. J'ai essayé de ne pas le chercher du regard mais j'ai su que ça avait échoué à la seconde où mes yeux se sont posés sur lui, discutant avec deux autres professeurs tout en mangeant des petits fours. Il souriait, il riait, jusqu'à ce qu'il croise mon regard. Alors j'ai tourné la tête et je me suis forcé à ignorer sa présence le reste du repas, mangeant le plus rapidement possible pour retourner en vie scolaire.

Et, là, ce n'est toujours pas le moment de m'attarder sur lui. Pas lorsqu'il est accompagné d'une élève en pleurs. Elle respire fort et a le regard fuyant, comme si elle avait honte d'être là. Ses cheveux courts se collent à ses joues à cause des larmes et ses doigts s'enroulent fort autour de la hanse de son sac à dos.

« Bonjour. Cette élève était en pleurs dans le couloir lorsque je sortais de ma salle. J'ai voulu lui demander son prénom et sa classe mais elle a du mal à se calmer et... »

Louis hésite quelques secondes avant d'ancrer son regard dans le mien pour terminer:

« Je me suis dit que vous sauriez quoi faire. »

Et, encore une fois, j'aimerais ne pas le prendre personnellement. J'aimerais ne pas repenser aux fois où il s'est retrouvé dans cet état lui aussi. À sa respiration saccadée et à ses larmes alors qu'il tentait de me parler. Et j'ose espérer qu'il n'y fait pas allusion en lâchant cette dernière phrase. Oui, j'ose espérer qu'il n'a pas le culot de me renvoyer ces images, ces souvenirs, pour me rappeler à quel point moi je savais quoi faire lorsqu'il s'agissait de lui.

« Je vous remercie. » Je réponds de façon détachée.

Avant de me rapprocher de l'élève qui relève à peine le regard vers moi. À partir de ce moment là, je ne regarde qu'elle et ne fait plus attention à Louis qui s'est mit en retrait. J'entends Michael dire qu'il prévient l'infirmière, parce que c'est le plus sûr. Si elle peut soigner les élèves physiquement, suivre leurs traitements, leurs PAI, elle fait aussi beaucoup de psychologie.

« Je veux pas aller en classe. » Lâche soudainement l'élève.

« On ne va pas te ramener en classe. » Je la rassure. « Tu veux aller te poser en permanence? Il n'y a pas d'élèves. »

L'élève hoche la tête et je l'accompagne alors jusqu'à la permanence collée à la vie scolaire. On peut voir l'intérieur depuis nos bureaux. Elle s'assoit à la première table et je m'assois à ses côtés. Elle garde la tête baissée, ses yeux posés sur ses doigts qu'elle tord entre eux.

« Est-ce qu'il s'est passé quelque chose au moment de rentrer en classe? Tu veux m'en parler? » Je tente après quelques secondes silencieuses.

J'ai conscience que je peux être maladroit. J'ai toujours peur de mal m'exprimer. De faire fuir l'élève qui, en réalité, a besoin d'un adulte confiant. Je sais que Samantha est beaucoup plus douée que moi. Ce n'est pas son métier pour rien. Elle est douce, attentive, et sait gérer les cas les plus compliqués. Même si elle me dit que je m'en sors toujours très bien avec les élèves, que certains ont déjà confié que me parler leur ont fait du bien, j'ai toujours ce doute au fond de moi. Ce sentiment que j'ai ressenti toute mon adolescence. La peur de ne jamais être assez.

Assez bon pour l'école.

Assez calme pour ma mère.

Assez bien pour qu'on reste.

Je déglutis à cette dernière pensée et la dégage rapidement de mon esprit lorsque l'élève à côté de moi finit par me dire:

« J'ai paniqué lorsque j'ai vu qui était dans ma classe. »

Elle prend une grande inspiration avant de continuer d'une voix tremblante:

« Il y a une fille qui était avec moi au collège et qui m'a déjà... harcelé.

-Les CPE de ton collège étaient au courant? »

Elle secoue négativement la tête.

« Non.

-Tes parents?

-Non plus. »

Je me pince les lèvres et attend quelques secondes avant de lui demander:

« Comment tu t'appelles?

-Victoire.

-Moi c'est Harry. Est-ce que tu penses que tu accepterais de parler de ton harcèlement à l'infirmière et à ta CPE?

-J'ai peur que Maëlla s'en prenne encore plus à moi en sachant que j'ai parlé. »

Maëlla, donc.

« Je comprends ta peur mais on est là pour te protéger, tu sais. »

Victoire relève la tête vers moi et semble hésiter en se mordant la lèvre. Au même moment, j'entends la porte de la vie scolaire s'ouvrir à nouveau. Samantha vient d'arriver et échange quelques mots avec Michael. À côté d'eux, Louis est toujours là, son regard posé sur moi.

« Je reviens. » Je dis à Victoire.

Elle hoche la tête et je me lève pour rejoindre les autres. Samantha s'approche directement de moi, me demandant à voix basse:

« Crise d'angoisse? »

Je hoche la tête.

« Avec une histoire d'harcèlement derrière. Une fille qui se retrouve dans sa classe. »

Je suis obligé d'en parler à l'infirmière et aux CPE. On ne peut pas garder ce genre d'informations et en faire une affaire personnelle. C'est ce qu'on m'a expliqué dès que je suis arrivé ici. Par contre, on peut prendre le temps d'expliquer aux élèves que, si c'est dans notre devoir d'en parler, c'est pour les protéger au maximum. Et les rassurer en disant que les adultes qui les entourent sont là pour ça.

Victoire pourra même changer de classe si elle le souhaite. Même si Laure, sa CPE, ne va pas seulement se contenter de ça.

« D'accord, merci Harry. » Me dit Samantha.

Je me racle la gorge et suis obligé de préciser:

« C'est monsieur Tomlinson qui nous a ramené Victoire. »

Samantha se tourne alors vers Louis pour le remercier également. Il se contente de hocher la tête puis, après un dernier regard dans ma direction, quitte la vie scolaire.

(I miss you, I'm sorry_Gracie Abrams)

LOUIS.

Je ferme la porte de ma salle d'art plastique avant de m'éloigner à travers ces couloirs que je connais par coeur. Du moins, c'est l'impression que j'ai, même des années après les avoir quitté. C'est étrange, ce sentiment. L'impression d'être perdu et de n'être jamais parti en même temps. Pourtant je l'ai fait. Je suis parti. Longtemps. Mais chaque coin de cet établissement me rappelle que j'étais là. Et longtemps aussi.

Un chauffage me ramène à un après-midi d'hiver, à courir dans les couloirs avec Sacha et Harry pour être les premiers à s'asseoir à même le sol, collés à cette seule source de chaleur. Je pourrais encore entendre nos rires résonner.

Ou, plus cruellement, je pourrais aussi entendre mes sanglots étouffés. L'impression de sentir mon coeur battre beaucoup trop fort. La peur qu'il s'arrête, là maintenant, alors que je suis caché dans une cage d'escalier.

Cette même cage d'escalier que je regarde aujourd'hui, le coeur tout aussi serré. Mais je sais qu'il ne m'y rejoindra pas cette fois. Qu'il ne m'y retrouvera pas juste pour rester là, près de moi, jusqu'à ce que sa simple présence réussisse à me calmer.

Je déglutis difficilement avant de descendre ces marches où des moments plus joyeux se déroulaient. Sacha qui tente de faire trébucher Harry et moi qui râle pour qu'ils arrêtent de faire trop de bruits, par peur de se faire engueuler par un surveillant. Avant de craquer et de me mettre à rire avec eux.

Un sourire nostalgique naît sur mon visage. Un sourire qui ne prend pas toute la place à cause de toutes ces piques qui se plantent dans ma cage thoracique. Une fois sorti du bâtiment, je traverse la cour pour rejoindre la sortie du lycée.

En passant devant la vie scolaire, je le vois derrière les vitres. Il est assis devant un ordinateur, entourés par ses collègues ainsi que les CPE. Ils doivent faire un récapitulatif de la journée. Une journée qui a dû aussi être marrante lorsque je les vois tous se mettre à rire, même Harry qui sourit derrière son poing. Je le regarde encore quelques secondes. Quelques secondes de trop lorsque je sens mon coeur se serrer à nouveau. Du moins, s'il a déjà cessé de le faire.

Il a tellement changé.

Physiquement, ses cheveux sont plus longs. Ses boucles retombent sur ses épaules. Il a prit plusieurs centimètres et est plus musclé aussi. Son visage est moins enfantin même si j'y retrouve facilement les traits du passé. Son regard a changé. Beaucoup changé. Il s'y trouve des lueurs que je n'avais jamais vu avant, ou alors très peu. Comme un tableau très sombre auquel on aurait soudainement ajouté de la couleur. Quelques points par ci. Quelques points par là. Pas beaucoup, mais assez pour faire toute la différence.

Et, tout à l'heure, en le regardant avec cette élève, je l'ai trouvé si... doux. Et patient. Tout ce qu'il n'était pas. Du moins pas devant les autres. Avec moi, c'était encore différent. Il me laissait apercevoir qui il était vraiment. Cette douceur qu'il cachait par peur de paraître faible. Cette patience qu'il avait lorsque je lui parlais d'art, lorsque je dessinais à ses côtés, trop concentré pour lui parler. Ou encore lorsque je me retrouvais à faire une crise d'angoisse devant lui. J'avais beau le repousser parfois, il restait là. Il ne s'énervait pas. Pourtant, c'est comme ça que les autres le caractérisaient. Nerveux, impatient, impulsif.

Aujourd'hui, j'ai l'impression de le voir enfin assumer cette part de lui. Celle qui n'est pas seulement dictée par la colère.

Même si je vois qu'elle est encore là.

Encore plus lorsqu'il pose son regard sur moi.

Comme à cet instant. Ça ne dure que quelques secondes. Il m'aperçoit et son regard devient plus froid. Jusqu'à ce qu'il tourne la tête pour se concentrer de nouveau sur ses collègues. Je prends une grande inspiration et mes doigts se resserrent autour de la hanse de mon sac avant que je ne m'éloigne.

Lorsque je sors du lycée, j'aperçois Samantha et un autre homme devant le lycée. Il s'agit d'un professeur de mathématiques si je me souviens bien. Il doit avoir à peine la trentaine. Il attache ses long cheveux blonds dans un chignon en même temps qu'il discute avec l'infirmière. Puis son regard chocolat trouve le mien et il me sourit, faisant tourner la tête à Samantha qui sourit un peu plus en m'apercevant.

« Oh, Louis, je voulais justement te voir. »

On ne se connaît que depuis hier mais Samantha m'a rapidement mit à l'aise et je lui ai tout de suite dit qu'on pouvait oublier le vouvoiement.

« Merci encore pour Victoire, tout à l'heure.

-C'est normal. Ça va aller?

-Ses parents sont venus la chercher et on a pu en parler avec elle. Elle est soulagée que ses parents soient finalement au courant et ils vont faire un courrier pour la changer de classe. Laure a prit le relais pour l'autre élève.

-Tant mieux alors.

-Tu commences fort l'année. » Me dit l'autre professeur.

« C'est sûr. » Je réponds dans un rire nerveux.

« Je m'appelle Thomas. » Il dit en me tendant la main. « Mais c'est monsieur Costa pour les élèves. Et putain le prof de mathématiques pour les littéraires.

-Je suis un littéraire. » Je ris en serrant sa main dans la mienne. « Mais je me contenterais de Thomas.

-Merci. » Il répond en posant dramatiquement sa main contre sa poitrine.

« Vous venez à la soirée de vendredi soir? » Nous demande Samantha.

« Bien-sûr. » Sourit Thomas.

« Je pense être là également. » Je réponds en hochant la tête.

En revenant ici, j'ai accepté de revenir seul surtout. Et si la solitude m'a longtemps été réconfortante, je sais à quel point elle peut devenir angoissante par moments. Je n'ai pas envie de rater l'occasion de faire de nouvelles rencontres. Surtout si c'est pour faire mieux connaissances avec mes nouveaux collègues. Je trouve ça important. Puis, une part de moi, sûrement la plus grande, me dit qu'il sera peut-être là lui aussi.

Après quelques mots, Thomas nous dit qu'il doit y aller, se dirigeant vers le parking pour récupérer sa voiture. Samantha me dit qu'elle part en direction du métro et nous réalisons que nous prenons la même ligne, n'ayant qu'un arrêt de différence.

Durant le trajet, j'apprends que Samantha est fiancée depuis peu et qu'elle vit donc avec son chéri et deux chats. Elle n'est pas seulement infirmière. Elle est aussi professeur de danse plusieurs soirs par semaine. C'est une passionnée et j'ai toujours aimé écouter les gens parler de leurs passions. C'est pourquoi, au lieu de lui raconter ma vie, ne voulant pas m'y attarder, je lui parle plutôt du dessin, de la peinture et de l'art en général. Lorsqu'elle me le demande, je lui dis que j'étais à Montpellier avant de venir ici. Elle ne sait pas que, en réalité, je reviens.

J'avais peur qu'elle me demande une nouvelle fois si je connais Harry, par rapport à notre courte conversation face à elle hier, mais elle semble déjà l'avoir oublié. Ou alors elle n'ose pas être trop indiscrète.

On se dit au revoir lorsqu'elle sort à l'arrêt avant le mien et j'enfile mes écouteurs une fois que je me retrouve tout seul. Je lance ma playlist, celle que je n'ose pas changer depuis des années. Celle réservée à mes chansons, mais aussi aux siennes.

Je sors du métro et traverse les rues en ayant l'impression de voir de l'art un peu partout. Dans cette flaque d'essence qui donne l'impression de former deux visages. Dans cet artiste de rue, qui joue de la guitare pendant qu'une petite fille ,qui vient à peine d'apprendre à marcher, se met à gigoter sur le rythme de la musique. Ça me fait sourire. Ça apaise mon coeur au moins le temps de quelques secondes. C'est à ça que je me suis toujours raccroché. À l'art. Je ne pense pas exagérer lorsque je dis que ça m'a sauvé.

C'est peut-être pour ça que, lorsque j'arrive dans mon appartement, il n'y a que des oeuvres d'art qui sont sorties des cartons. Des tableaux que j'ai fait, d'autre que j'ai acheté. Des dessins. Des sculptures. Des livres sur l'art. Des biographies d'artistes. Ma vaisselle est encore dans un carton, tout comme ce qui est censé représenter l'essentiel. Mais ça ne l'est pas pour moi.

Alors je pose mon sac dans un coin et part m'asseoir sur mon canapé, mon téléphone en main. J'ai besoin de parler. De parler à quelqu'un qui sait. Qui sait tout. Sinon je vais exploser. Je sens déjà mon estomac se retourner et ma poitrine se serrer. Oui, il faut que ça sorte. Alors je clique sur son contact et apporte le téléphone à mon oreille. Il suffit que d'une seule sonnerie pour qu'elle réponde.

« Coucou mon ange. Comment s'est passée ta rentrée? »

Je ravale difficilement ma salive et ma voix se met déjà à trembler lorsque je réponds:

« Il est bien là, maman. »

lousombre

...

J'espère que ce chapitre vous aura plu...?

C'est la rentrée pour tout le monde et Harry ne va pas pouvoir éviter Louis très longtemps apparement...👀

Que pensez-vous du premier point de vue de Louis?

Ça n'en dit pas beaucoup non plus mais c'est parce qu'il va falloir être patient! Mais je vais tout faire pour que cette attente soit tout de même agréable et... intense !

Je vous remercie mille fois pour tout et vous donne rendez-vous vendredi pour le chapitre 4 qui, j'espère, vous plaira.❤️

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