Montez !

By Deudeu33

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Francois, grand lecteur invétéré, s'intéresse d'un peu trop près à la vie d'un célèbre auteur de best seller... More

Chapitre 1 - François
Chapitre 2 - La petite voix
Chapitre 3 - Le bouquiniste
Chapitre 4 - Le grand écrivain
Chapitre 5 - Rencontre au sommet
Chapitre 6 - Le magicien des mots
Chapitre 7 - L'étage
Chapitre 8 - Proposition indécente
Chapitre 9 - La révélation
Chapitre 10 - Un nouveau défi
Chapitre 11 - À la recherche d'un style haut !
Chapitre 13 - Le petit Poucet
Chapitre 14 - Le Discours de la Méthode
Chapitre 15 - Le touche-à-tout !
Chapitre 16 - La cave de l'horreur
Chapitre 17 - Le Prisonnier
Chapitre 18 - Le bagne de la Réécriture
Chapitre 19 - Le code secret
Chapitre 20 - Anna
Chapitre 21 - Infiltration sous tension
Chapitre 22 - In Vino Veritas
Chapitre 23 - L'autre facette d'Emile
Chapitre 24 - Les flammes de l'enfer
Chapitre 25 - L'hôpital
Chapitre 26 - L'interrogatoire
Chapitre 27 - La fuite
Chapitre 28 - Liberté !
Chapitre 29 - Loubignac
Chapitre 30 - La boîte à secrets
Chapitre 31 - François le sorcier
Chapitre 32 - Les pieds dans le plat !
Chapitre 33 - Nuit magique
Chapitre 34 - Enfin seuls !
Chapitre 35 - L'avocate
Chapitre 36 - Chez Anna
Chapitre 37 - Les enchaînés
Chapitre 38 - Tourner la page
Chapitre 39 - La policière
Chapitre 40 - les cellules grises
Chapitre 41 - Anna fait son rap'port
Chapitre 42 - Les Malheurs D'Anna
Chapitre 43 - Au violon !
Chapitre 44 - Les élucubrations des écroués
Chapitre 45 - C'est la fin !
Chapitre 46 - Révélations et bracelets
Chapitre 47 - Des tensions provisoires
Chapitre 48 - Démons et Merveilles
Chapitre 49 - Tous pour un !

Chapitre 12 - Le grand ménage

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By Deudeu33

Il était de retour dans son appartement triste et miteux.
L'envie le brûlait de crier ses mots et de créer ses mondes.

Devenir écrivain l'élèverait au dessus des gens, le sortirait de son quotidien, bref, mettrait des paillettes dans sa vie !

Il devait se lancer tout seul, sans aide et sans filet.
Ses phrases devaient frapper fort.
Son coeur s'emballait de joie à l'idée d'écrire. Il était plus décidé que jamais.

Mais il lui fallait d'abord un environnement adapté, agréable, et stimulant.
La crasse et le laisser aller du lecteur-zombie qu'il était lui donnaient des haut-le-cœur.

Il regarda avec dépit son bureau tout recouvert de vieux papiers et de journaux en tous genres. Son assiette sale de la veille et sa tasse de café vide du matin trainaient encore sur le côté. Quelques chips jonchaient le sol comme éparpillées aux quatre vents. Une multitude de romans avec des marque-pages étaient posée un peu partout sur ses étagères. C'était un bazar sans nom, un  fouillis sans recherche ni grâce ni cohérence, à l'image de son logis, à l'image de sa vie.

Il se voyait maintenant avec d'autres yeux. Il jugeait l'ancien lui bordélique, sale et paumé.

Sa petite voix le réprimandait comme le faisait sa mère quand il ne rangeait pas sa chambre. Il l'entendait encore dans sa tête avec sa voix à elle !

Bref il avait changé.
Un nouveau jour s'était levé pour lui. Il avait un regard neuf sur le monde, la vie et l'avenir.

Il ne voulait plus vivre dans cette porcherie qui lui faisait honte.
Ça ne collait plus avec son estime de lui-même. Il valait mieux que ça. Il voulait faire place nette !

Il commença par ouvrir violemment ses fenêtres en grand.
Il fut d'abord fouetté au visage par la fraîcheur vivifiante de l'hiver qui s'engouffrait dans son antre poussiéreuse.

A cet instant même, une jolie fille qui passait sous ses fenêtres leva les yeux vers lui. Elle était brune, la peau très blanche, élancée, fine, tonique, le pas rapide. Sa belle bouche d'un rouge carmin brillant attira son regard. Ses yeux pétillants et souriants l'accueillaient sans retenue.
François tomba sous le charme instantanément !
Elle fut interrompue dans sa course par la brusquerie du jeune homme. Il remarqua sa gêne et en fut désolé, mais, hypnotisé qu'il était par une telle beauté, il ne dit rien et ne put qu'esquisser timidement un sourire gêné pour s'excuser. Elle éclata d'un rire aigu qui fendit l'air. Sa belle bouche grand ouverte, ses dents magnifiques, son teint de porcelaine et ce regard malicieux achevèrent le pauvre garçon.
Puis elle continua sa route et tourna au coin de la rue. Elle s'était déjà échappée.

Lui était tout ému, bouleversé, chamboulé. Il était resté accroché à son bord de fenêtre longtemps après qu'elle ait disparue, figé avec délice dans l'extase du moment aussi intense que furtif.

Il se demanda ce qui venait de lui arriver. Était ce un rêve ? Une apparition ? Avait-il bien interprété l'expression de la belle passante ? Était-elle séduite ? n'était-ce que de la politesse ? S'était-elle moqué de lui !?

Son cerveau et son cœur s'emballaient.
Il souria longuement en se repassant la scène.

Ce coup de fouet lui insufla l'énergie de mille hommes.
Il était transformé, revigoré.

La lumière timide de l'hiver en profita aussi pour venir habiter chez lui.
Le bruit de la rue ne le dérangeait plus. C'était même devenu une source d'intérêt et ce ronron de la ville l'apaisait enfin. Lui qui s'en était tant protégé.

Il alluma aussi la radio pour se donner du rythme et lui qui, avant, ne supportait pas les interruptions publicitaires qu'il ressentait comme autant d'intrusions, il les laisser passer cette fois sans les couper, les changer ou les critiquer. Il était devenu ouvert et tolérant. Il voyait même dans ces coupures mercantiles de l'humour, de la créativité et même des affaires à saisir.

— Ah bon ? C'est les soldes chez Ikea ? Je vais peut-être y aller voir pour me trouver un nouveau canapé-lit ! Le mien ne vaut plus rien ! Pensa-t-il.

Il commença avec ferveur son ménage de printemps en plein hiver.

Il était sur tous les fronts.
Il rangeait, nettoyait, jetait, dépoussiérait, réorganisait...

Tant d'agitation le mit en sueur.

Cela lui donna encore plus le sourire.

Un désir fou le prit au corps dans cette excitation ! Il lui fallait le transcender. Il eut en tête la vision fantasmatique et brumeuse d'une plume fine qui glisse et s'immisce entre les pages blanches immaculées, de mots qui se couchent avec douceur puis qui bougent au rythme cadencé de ses phrases jusqu'à ce que le plaisir jaillisse !

Sa petite voix lui susurra :

—Tu es à la masse ! Tu rebâtis on ne sait quelle chimère ! Il ne faut pas s'extasier, ni s'excuser ! Il faut s'exprimer !!

Il improvisa alors un poème de circonstances qu'il déclama à voix haute, dans son salon :

Plus jamais je ne traine !
Je brise enfin mes chaînes.
Je sors loin de ma cage.
J'ai trouvé le courage.
Je contrôle ma vie.
Mon errance est finie.
Plus jamais je déraille
Ma vie est sur des rails !

Il recomptait sur ses doigts si le métrage était bon. Et de lui même, grâce au rythme, à la prosodie, il tombait juste à chaque fois :

Que des hexasyllabes !  cria-t-il tout seul et tout fort au milieu de son capharnaüm.

Sa vitalité était sans fin. Il était chargé à bloc ! Il avait sublimé son désir avec de la poésie !

Au bout de deux heures de travail acharné, il fit une pause, se recula un peu pour contempler le résultat.
Il était fier de lui.
Son appartement était plus lumineux, plus clair, plus respirable, plus propre, plus accueillant.

C'est quand même mieux si je reçois la jolie brune chez moi ! Pensa-t-il.

Il lui restait à attaquer le plus dur pour lui : sa "bibliothèque".

Il l'appelait comme ça parce que ses huit planches au mur portaient plus de livres qu'elles ne le pouvaient.

Dessus s'empilaient romans, poésies, bandes dessinées, magazines, revues littéraires, mais aussi une plante qui était en train de mourir, une vieille médaille d'un ancien tournoi de billard, et quelques bibelots décoratifs.

Il ne supportait plus tout ça.

Il vida toutes les étagères puis enleva toute la poussière accumulée depuis tant d'années de solitude et de dépression.

Il voulait faire de son lieu de vie un nouveau lieu pour démarrer sa nouvelle vie, stimuler sa création littéraire par des bonnes ondes positives. Il se voyait déjà habiter un Nouvel Éden !

Il redonna pour commencer un peu d'eau à sa plante agonisante, la plaça sous les rayons faiblards du soleil, et lui dit :

— Je vais mieux m'occuper de toi maintenant !

Il rangea ensuite ses livres sur ses étagères de façon organisée et méthodique. Au fur et à mesure il pensait à tous les livres qu'il n'avait pas.

Tiens il me manque les 10 petits Nègres ! Et Moby Dick ! Et je n'ai même pas tous les Stephen King !

Mais il les avait lu tous ces ouvrages, dévorés même à la bibliothèque municipale, la "vraie bibliothèque" ! C'était son temple, son refuge. Il y avait passé tant d'heures. Il y avait emprunté tant de chef d'œuvres sans jamais les payer qu'il en était pour toujours reconnaissant à la ville de lui avoir  donné l'accès libre à cette caverne d'Ali Baba. Sa carte d'étudiant lui permettait cet accès jusqu'à ses 25 ans. Et il redoutait le moment où il n'aurait plus ce passe magique !

Il adorait y emprunter un livre ou plusieurs et les garder chez lui tout le temps s'il voulait pour les lire. Mais il détestait y ramener ses livres une fois finis. Lui qui était si attaché à ce qu'il aimait, il avait un mal de chien à s'en séparer. C'était un arrachement douloureux, une petite mort à chaque fois. Et c'est pour ça qu'il cherchait à tout retenir de chaque livre car il ne l'aurait plus sous les yeux ni sous la main, mais il serait à jamais dans son cœur, son âme et sa mémoire.

Bien sûr il allait fureter aussi chez son fameux bouquiniste, mais c'était pour y trouver des œuvres anciennes ou rares, ou juste des livres d'occasion qu'il avait à bas prix, ou des fois juste pour son ambiance de temple hors du temps.

Et quand il y repensait, il ne revivait pas son moment angoissant avec le grand et énigmatique Emile, et il avait déjà pardonné à Gérard son côté bizarre, il avait surtout en tête ce moment de révélation suprême à lui-même :

Il était fait pour écrire !

Tout ça tournait en rond dans sa tête sur fond de musique pop en même temps qu'il refaisait toute sa décoration intérieure au carré ! Lui qui n'aimait pas trop la géométrie !

Il passa beaucoup de temps à ranger sa bibliothèque car il s'arrêtait presque à chaque livre pour le réouvrir, le refeuilleter, revivre en un éclair toute l'histoire, les sentiments, les descriptions, les personnages....il se rendait compte qu'il ne lisait plus comme avant. Il décortiquait maintenant le travail de l'artiste comme devant une peinture on cherche à comprendre comment il a fait cette couleur, avec quel matériel il a peint ce portrait, sur quoi il s'est basé pour ce paysage, quel est le sens de ce tableau...

Il était passé de l'autre côté du miroir.

Il n'était plus seulement observateur. Il voulait comprendre les mécanismes de la création. Le pourquoi, le comment, ce qu'il y a derrière le rideau, ce qu'il y a sous l'iceberg.

Il voulait savoir l'artisanat et comprendre l'artisant, et ne plus se contenter de lire l'œuvre.

Il pensait toujours à cette phrase de Nicolas Boileau de 1674 dans L'Art poétique :

Hâtez-vous lentement et,
sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier
remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse
et le repolissez...

Il se demandait comment Victor Hugo avait pu faire une phrase de 823 mots dans "Les Misérables", et Proust de 856 mots dans Sodome et Gomorrhe, un volume de La Recherche !

Il se demandait comment encore ce même Proust avait pu écrire le roman le plus long, avec presque un million et demi de mots repartis en 7 volumes !!

Il se demandait aussi comment Georges Perec, dans "La disparition", avait pu écrire quelques 300 pages sans jamais utiliser la lettre "e", pourtant la plus utilisée en Français !

Il rêvait aussi aux 500 millions de ventes du célèbre Don Quichottte et fantasmait  d'avoir le "don" d'écrire un tel chef d'œuvre.

Il pensa aussi à ce médecin qu'était Conan Doyle et qui inventa son fameux personnage de Sherlock Holmes, ou Saint Exupery cet aviateur qui fut le père du Petit Prince, traduit en 270 langues et vendu à plus de 145 millions d'exemplaires sur la planète !

Ces chiffres lui faisaient, là encore,  tourner la tête !

Il en oubliait presque sa tâche du moment : la préparation de son atelier d'écriture personnel.

Une fois ses livres rangés, il se tourna vers sa cuisine où il avait laissé son gaz et sa planche à découper sales de la veille.
Il se dégoûtait. La honte le faisait avancer plus vite dans son ménage que la passion et l'optimisme. Sa colère contre lui-même était un moteur puissant mais nocif car il avançait mais en se critiquant et s'humiliant de vive voix. Les voisins auraient pu l'entendre ! Mais il s'en moquait. Il se faisait une scène de "ménage" à lui même ! Il s'auto flagellait pour arriver plus vite à la fin de cette tâche ingrate qu'il s'était laissée. Il eut fini en très peu de temps.

Il passa en revue tout son appartement qui n'avait jamais connu de telles heures glorieuses.

Il se sentait, enfin, bien chez lui.

Il lui fallait finalement un confort presque bourgeois pour être apaisé.

Son effervescence à écrire ne l'avait pas lâché pour autant.

Il se sentait prêt.

Mais d'un coup un frisson lui traversa le dos comme une décharge électrique. Il ne savait pas comment écrire, avec quelles techniques, ce qu'il fallait connaitre, appliquer et respecter dans telle ou telle situation d'écriture.
Bien sûr ses lectures lui montraient le chemin mais il repensa à la phrase de Morpheus dans Matrix :

Il y a une différence entre connaître le chemin, et arpenter le chemin.

Il voulut donc se pencher sur La Méthode.

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