La moitié des garçons sont assis sur ma table quand je mets un pieds dans ma classe d'hypocrites.
L'odeur des brumes Victoria's Secret sature l'air quand je passe à côté des filles.
Des gars se battent au fond de la classe tandis que d'autres filment la situation pour prouver qu'ils ont une vie sur Instagram.
Rien de plus normal.
- Décalez vous. déclaré-je.
Ils arrêtent leur conversation et se retournent vers moi pour me lancer un regard noir.
- Va autre part sale conne. pouffe Maxime, le plus exclu de la bande.
Où veux tu que j'aille ?
Je soupire bruyamment en espérant qu'ils aillent faire chier quelqu'un d'autre.
- Ferme la.
Ok Karim, à présent je vais arrêter de respirer.
- C'est bon les gars, laissez la s'asseoir. proteste Brad en remettant ses cheveux en place.
Ils se lèvent en ricanant.
Merci mon dieu, j'ai cru que j'allais m'écrouler sous mon sac qui pèse cinquante kilos. La faute à mon père qui m'oblige à ramener des livres d'exercices en plus.
Je m'installe finalement en évitant leurs regards.
- Alors Lola, commence Mathieu d'un ton malicieux, apparemment tu dragues Noa Lee ?
Je m'étouffe presque avec ma salive.
C'est la plus grosse connerie que j'ai entendu de ma vie.
- À toi de me le dire puisque apparemment tu connais plus ma vie que moi même. Je réponds sans le lâcher du regard.
Sa mâchoire se contracte et son regard s'assombrit. Je prends peur et me rétracte sur moi même.
Il se lève brusquement et m'attrape par les cheveux avant de me tirer en arrière. Je n'ai même pas eu le réflexe de me décaler.
- La prochaine fois que tu ripostes j'te casse la gueule, compris Davis ?
J'acquiesce de la tête puis il me lâche finalement.
J'ai l'impression qu'ils font une compétition pour savoir qui réussira à me faire le plus souffrir.
Brad le regarde sans rien faire comme à son habitude, il fait l'aveugle. Ça me rappelle ma mère quand mon père s'acharne sur moi.
J'éloigne cette pensée de mon esprit et sort mes affaires en silence.
- Réponds ! s'énerve Maxime.
Ah parce que c'était une vraie question ?
- J'ai déjà un mec j'te rappelle, je vois pas pourquoi j'irais en draguer un autre.
Surtout qu'il a déjà un fan club bien rempli.
- Parce que t'es une trompeuse.
Ils éclatent tous de rire, même celles qui sont sensées être mes amies.
Mon regard reste figé sur Brad qui n'a absolument aucune réaction. On dirait qu'il en a rien à foutre mais en même temps qu'il m'en veut un peu.
- Pensez ce que vous voulez. Je souffle avant d'appuyer ma tête contre le creux de ma main.
- Tu sais qu'un mec comme lui voudra jamais de toi ?
Je sais déjà, pourquoi me le rappeler ?
- Autre chose ? marmonné-je à moitié sûre de moi.
Karim plisse les yeux avant de me bousculer violemment et de s'en aller en rigolant.
Le supplice est enfin terminé.
*
- On doit aller voir Noa. déclaré-je à ma meilleure amie.
- Trop bien ! Je pourrais me rapprocher de T-
- L'enfoiré aux cheveux bruns ? l'interromps-je en soupirant. Oui tu pourras, mais d'abord j'ai des questions à leur poser par rapport à la rumeur qui circule sur moi.
Elle fait la moue mais me suit tout de même en direction des deux nouveaux.
Une fois à quelques mètres d'eux, Thomas lève les yeux au ciel de façon exagérée.
- Vous être vraiment ch-
- Ferme la, je suis pas venue ici pour te parler. le coupé-je.
Rien que d'entendre sa voix me donne mal à la tête.
Je me tourne face à Noa, déterminée à avoir des réponses.
- Est ce que t'aurais raconté des trucs sur moi aux gens ?
- Pourquoi ?
- Répond juste à la question, c'est pas compliqué.
Il m'observe pendant une éternité avant de déclarer:
- Pourquoi j'aurais fais ça ?
Je souffle d'exaspération.
Il peut pas juste dire « oui » ou « non » ?
- Pour me nuire ?
- Sérieux, il a autre chose à faire. répond Thomas alors qu'on ne l'a jamais appelé.
Le club de cassos dans ma classe ont aussi autre chose à faire et pourtant... je dois les subir chaque jour de mon existence.
Je lui lance un regard noir avant de protester:
- La majorité des gens que je connaisse font tous leur possible pour me nuire, alors s'il te plaît, répond moi honnêtement. Est ce que t'as lancé une rumeur sur moi ?
- Non, j'aurais jamais fait ça. répond finalement Noa sans me lâcher du regard.
Je m'apprête à tourner les talons quand je me rappelle l'obsession de mon amie pour Thomas.
J'aimerais qu'ils soient en couple pour qu'elle arrête de me saouler avec ses histoires. Je suis fatiguée, exténuée, par les gens qui m'entourent, et devoir écouter Josie en boucle me donne des envies de meurtres.
- Je vous laisse entre vous, je crois que Josie voulait te parler.
Je leur adresse un faux sourire avant de les laisser entre eux.
Je traine mes baskets blanches sur le gravier en traversant la cour de récréation.
Des rires atteignent mes oreilles.
Ils te regardent tous, ils te jugent.
Instinctivement, je serre mon ventre et enfile ma capuche sur ma tête avant de continuer mon chemin.
Je m'éloigne le plus possible des autres et m'accroupie dans mon endroit préféré de cette établissement que j'ai hâte de quitter.
Je pose ma tête contre le mur beige et replie mes jambes avant de sortir mon carnet de mon sac.
Je cherche en vain mon crayon porte bonheur dans ma trousse et lâche un soupirement rassuré quand je l'aperçois enfin.
Je l'attrape et le fais tournoyer autour de mes doigts en cherchant des mots pour m'exprimer avant de les écrire sur une nouvelle page.
Je lève la tête et regarde autour de moi, aucun surveillant relou en vue, je replonge alors dans mon écriture, un sourire aux lèvres.
C'est inexplicable mais c'est la seule chose qui me fait me sentir bien. Comme si vous vous sentiez compris par quelqu'un, là en l'occurrence ce n'est que du papier.
Je prends toujours ma plus belle écriture pour que mes écrits soient jolies à regarder et à lire.
Je repense à mon « moi » d'avant.
Quand j'étais plus jeune, j'écrivais dans le but que ma mère tombe accidentellement sur mon carnet et puisse enfin comprendre ce que je ressentais.
Ça n'est jamais arrivé, mais en grandissant j'ai très vite compris que peu importe la manière dont je m'exprimerais, je serais toujours incomprise.
Toujours dans mes pensées, je me revois à l'âge de dix ans, en regardant mes amies avec leurs pères. Cette relation que j'ai toujours rêvé d'avoir et que j'ai abandonné en comprenant que je n'obtiendrais jamais l'amour d'un père.
Une main se pose sur mon épaule et me tire de mes pensées.
Je ferme brusquement mon carnet et lève la tête.
- Qu'est ce que tu fous ici. me demande Brad avec un regard interrogateur.
Je me relève difficilement en retirant les feuilles qui se sont accrochées à ma jupe.
- Rien. murmuré-je en tremblant de peur qu'il se mette en colère.
J'ai développé une très grande peur pour n'importe quel homme même si j'essaie de la cacher du mieux que je peux.
- Comment ça rien ? Et déjà c'est quoi cette rumeur de merde ?!
Je sursaute en l'entendant hausser le ton.
Je détourne le regard de ses yeux émeraude et baisse les yeux sur mes baskets.
- J-je sais pas. J'ai jamais rien fais avec Noa, je le connais à peine.
Il place son doigt en dessous de mon menton et me fait relever la tête vers lui.
- J'te jure que si tu me mens je-
Il s'arrête net en apercevant mon corps qui tremble comme une feuille face à son contact.
- J'espère que je fais bien de te faire confiance Lola. termine-t-il avant de s'en aller, me laissant toute seule face au mur.
Je me laisse tomber sur le sol mouillé sans prendre compte du fait que ma jupe à carreaux doit sûrement être actuellement marron.
Je me tripote les ongles en me demandant si Josie me cherche en ce moment même ou si en réalité elle n'en a rien à faire de ma présence.
Peut-être qu'à l'heure qu'il est elle s'est déjà faite une autre amie et qu'elle est en couple avec Thomas.
Elle traine avec toi par pitié.
J'enfonce brusquement mes ongles dans mes jambes à l'idée que cette mauvais pensée soit vraie.
*
Je fixe le plafond en me demandant si un jour je redeviendrais comme avant.
Celle qui appréciait chaque moment de la vie.
Celle qui avait toujours un sourire aux lèvres et qui l'apportait aux autres.
J'étais celle qui faisais rire les gens, maintenant je suis celle qui les déçois.
Ma vie est devenue tellement ennuyeuse, au point que je ne veux plus rien faire et voir personne.
Pourquoi j'y pense maintenant ?
Aucune idée.
Ce sont des petites phases comme ça, qui viennent de temps à autres me pourrir la vie.
Ces phases où je n'ai plus envie de rien faire. Même prendre une douche devient compliqué.
Mais les autres me traiteront toujours de « crado » sans savoir ce que ça fait de se dégouter de plus en plus chaque jour jusqu'à en vouloir s'enlever la vie pour en finir avec ce cauchemar sans fin.
*
- Bon tu m'écoutes là ?
Non.
- Oui, oui. Je réponds à Clémence qui me raconte l'obsession de Sacha pour Noa.
Elles n'ont que son prénom à la bouche ces derniers temps.
- Je la comprends, il est vraiment beau.
- Oui on a compris, il est beau ! m'écrié-je sous le coup de la colère et sûrement de la fatigue aussi.
- Wow, calme toi Davis ! s'exclame Karim, un sourire moqueur aux lèvres.
- J'ai un putain de prénom, alors utilise le bordel !
Je regrette mon impulsivité la seconde qui suit.
Il s'approche à grands pas et presse son doigt dans le creux de mon cou.
- Répète.
Il enfonce de plus en plus son doigt et j'ai de moins en moins d'air.
Vais-je mourir asphyxiée ? S'il continue, oui sûrement.
- Allez Davis, montre nous que t'es pas juste une intello de merde.
Je retiens mes larmes et tente du mieux que je peux d'économiser le peu d'air qu'il me reste.
- Tu voudrais... tout de même... pas... avoir ma mort sur la conscience Ka...rim ? arrivé-je à articuler avec difficulté.
Il me lâche brusquement avant de me pousser contre Mathieu.
Il m'intercepte et me pousse à nouveau en direction de son ami.
Mais allez-y, jouez au ping-pong avec moi tant que vous y êtes.
Le mouvement de Karim est trop violent et je tombe au sol en me cognant le crâne contre l'estrade.
J'ai d'abord très mal à la tête puis les derniers sons que je perçois sont les rires de mes camarades.
Puis, plus rien.
{ La suite dans le prochain chapitre ✨}