Le Violoniste ⁽ᵛᵏᵒᵒᵏ⁾

By haevav

16.3K 1.6K 1.3K

De toute sa vie Jungkook, un jeune pianiste, n'a connu qu'un amour : un violoniste du nom de Choi Minjun, trè... More

Note de l'auteure
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 24
Chapitre 25
interlude I
Interlude II
Chapitre 26

Chapitre 23

493 46 27
By haevav

- Oui ? Non ne t'inquiètes pas. On rentre très bientôt... Quoi ? Non bien sûr que l'avion ne s'est pas crashé !

A l'autre bout du fil, Sohee, paniqué de ne pas nous voir revenir était dans un état d'inquiétude que j'avais rarement connu.

- Je t'envoie un message dès qu'on est dans l'avion... Oui. Bisous.

Le violoniste, à ma droite m'envoya un regard qui traduisait toute sa fatigue et sa lassitude.

Voila deux heures que nous étions sensés être rentrés à Séoul sur lequel se déchaînait une violente tempête pour une durée indéterminée. Tous les avions à destination du pays du matin clair étaient à l'arrêt, bloqués sur les pistes.
Et l'aéroport d'Oslo, capitale de la Norvège ne faisait pas exception.

Nous n'en étions pas sorti depuis huit heures ce matin. Il était désormais seize heures et rien ne bougeait et aucune annonce ne se faisait entendre dans la hall immense. La manager du violoniste commençait à sévèrement s'impatienter et le faisait savoir à qui voulait l'entendre, notamment au personnel qui ne semblait pas en savoir plus que nous sur la programmation des vols de la journée.

C'est seulement une heure plus tard que l'annonce sonna. Aucun avion ne décollerait en destination de la Corée avant au minimum midi, le lendemain. Autrement dit, nous étions bloqués sur le sol Norvégien pour la journée.

C'était la destination où nous devions passer le moins de temps, une demie journée en tout et pour tout. Mais le temps en avait décidé autrement, et je semblais être le seul que cette situation ne dérangeait pas.

Au contraire, ça me donnait du temps en plus.

- Vous avez déjà visité ? demandai-je au violoniste qui se rongeait les sangs, l'air dérouté par l'annonce.

Alors qu'il allait me répondre, une voix le coupa dans son élan.

- Bon, tout le monde. commença la manageur à l'attention de toute l'équipe. Comme le vol a été décalé, je vous conseille de profiter de cette soirée et de la matinée de demain pour visiter un peu. On ne peut rien faire à part attendre.

Un sourire marqua mon visage que je remballai immédiatement en croisant le regard sévère de la femme devant moi. Elle se tourna de nouveau devant le reste de l'équipe et termina :

- On trouvera un hôtel de dernière minute pour que vous n'ayez pas à dormir sur ses foutus bancs. Maintenant, quartiers libres pour tout le monde.

Le violoniste eut l'air ébahi, mais se reprit en comprenant qu'il n'aurait pas le choix.

Nous quittâmes l'aéroport sans nous préoccuper de nos valises, récupérées par le personnel.

Rester ici encore quelques jours me donnait du temps, du temps nécessaire pour être sûr de ma décision concernant Minjun, même si chaque nuit passée aux côtés du violoniste dans un nouvel opéra me confortait un peu plus dans la même idée.

J'avais beaucoup réfléchis à ce que je voulais désormais, mais aussi à ce que je ne voulais plus. Et parmi ce que je ne voulais plus, il y avait la violence. Et Minjun en était devenu indissociable. Le garder dans ma vie, c'était renoncer à mes idéaux.

Il m'envoyait des messages auxquels je répondais par une requête d'un peu plus de temps, et il me l'accordait en ne me répondant plus de la journée.

Une fois sortis de l'aéroport, le froid nous mangea rapidement les extrémités. Sachant que je ne tiendrais pas longtemps immobile, je me tournai vers le violoniste.

- Vous voulez aller vous promener ? lui proposai-je.

Il accepta silencieusement et je m'en réjouis.

Nous avançâmes dans Oslo tandis que le gel nous mangeait les doigts. Taehyung ne se plaignit jamais, mais je savais qu'il souffrait du froid.

Arrivé à ce qui semblait être le bout de la ville, je trouvai un bar, dont les fondations semblaient être en bois. De l'extérieur il avait l'air fermé, mais le violoniste avait l'air si gelé que je décidai de pousser les portes quand même.

C'est avec grande surprise qu'en entrant, nous découvrîmes un endroit vivant, illuminé où la vie existait. Le bar dans lequel j'étais parvenu à trainer le musicien n'était pas très rempli, mais l'ambiance qui y régnait était chaleureuse. A l'image d'un pub, des hommes discutaient au bar et jouaient aux fléchettes dans un coin prévu à cet effet. J'étais émerveillé par le côté aussi vétuste qu'agréable du lieu. Cette ambiance ne se trouvait pas partout, et surtout pas en Corée. Du moins, pas dans la capitale.

Je parvins à faire asseoir le violoniste à une table et celui-ci observa le monde autour de lui comme si nous étions dans une dimension parallèle. Je ne m'aperçus qu'à la dernière minute qu'un serveur s'était approché de nous.

Ses cheveux blancs comme la neige dehors et un sourire jusqu'aux oreilles, il prononça.

- Hei, hva vil du ?

Nous nous regardâmes dans le blanc des yeux, Taehyung et moi, perdus et effrayé à l'idée de dire au serveur que nous n'avions pas compris un traitre mot de sa phrase. Voyant notre confusion, il s'essaya à l'anglais, qui retentit avec un accent prononcé.

- What would you like to drink ?

Soulagé d'avoir enfin compris, du moins en partie, le violoniste pris une grande inspiration, que je coupais sans gêne.

- 2 beers please.

Taehyung m'envoya un regard étrange et je ne sus si c'était dû à la curiosité de m'entendre parler anglais ou par contrariété que je ne l'ai pas consulté avant de faire un choix pour nous deux.

- Which ones ?

Après m'être débrouillé pour demander conseil au jeune homme aux cheveux blonds, il nous quitta en me promettant de nous ramener les meilleures bières de la région.

Des cris de joie résonnèrent à l'autre bout de la pièce et le violoniste sursauta. Je voyais qu'il était mal à l'aise dans ce lieu et qu'il n'avait pas l'habitude de ce genre d'ambiance. Le café qu'il avait l'habitude de fréquenter à Séoul n'était pas du même acabit, bien plus calme et tamisé.

Je me retournai et remarquai qu'un des hommes qui jouait aux fléchettes avait marqué.

Je l'applaudis en souriant, me sentant soudainement euphorique d'avoir gagné une journée de plus dans ce pays, tout comme lui avait remporté la partie. Mais mon sourire retomba lorsque l'homme se leva et se dirigea vers moi. Il s'approcha et à chaque pas qu'il faisait il avait l'air plus terrifiant encore, peut-être à cause du fait qu'il me dépassait d'au moins une tête, en premier lieu.

Il s'arrêta finalement devant moi et me désigna d'un coup de menton.

- Vil du leke med oss? dit-il d'une voix grave et profonde.

Je restai la bouche ouverte, persuadé qu'il venait nous chercher des noises.

- Korean. dis-je en nous désignant puis en écartant les mains en signe de paix.

Une silhouette traversa la pièce derrière pour se diriger vers lui. Un jeune homme aux traits asiatiques fortement marqués lui tapa dans le dos et lui posa une question dans une langue étrangère qui devait probablement être du norvégien au vu de sa consonnance. Je le regardai faire en me demandant si lui aussi allait vouloir nous casser la gueule avant qu'il ne me regarde, se mette à sourire et à s'adresser à moi dans un coréen presque parfait.

- Ce que ce cher Fredrik essaie de te demander, c'est si vous voulez jouer avec nous aux fléchettes.

Il fit un signe de tête vers le fond de la salle tandis que son ami nous fixait toujours, le regard à la fois sévère et paradoxalement, accueillant.

Trop impressionné pour refuser, j'hochai la tête et alors, les deux se mirent à sourire, détendant d'un seul coup l'ambiance qui était trop pesante. À mes côtés, je découvris que le courageux violoniste était désormais penaud et renfrogné sur son siège.

- Ça va aller pour moi, je vais vous regarder. dit-il.

L'inconnu au large sourire hocha la tête. Je tentai de mes remettre de mes émotions en me laissant emporter par celui-ci, mais en jetant tout de même un regard en arrière au violoniste qui me regardait partir sans un mot. J'atterris finalement devant la cible où deux autres garçons plus chaleureux que le premier m'accueillirent avec le sourire et me prirent sous leur aile.

Ils finirent leur partie sous mes yeux attentifs et m'intégrèrent au jeu. Je ratai un bon nombre de fois la cible mais les encouragements de mes collègues furent si grisants que je pris plaisir à jouer avec eux. Et même à échouer.

Ce moment transcendait la barrière de la langue, je n'eus pas besoin de leur parler pour comprendre leurs conseils lorsqu'ils me firent des gestes ou me touchèrent pour me guider. Encore moins pour comprendre qu'ils étaient fiers de moi lorsque, par hasard, je touchai le centre de la cible et qu'ils se mirent à m'acclamer en coeur.

Je les remerciai en anglais lorsque la partie se finit pour aller rejoindre le violoniste. Le garçon asiatique au large sourire posa une main sur mon épaule et demanda de nouveau en coréen :

- Ca te gène si je me joins à vous ?

J'hochai la tête.

- Moi pas du tout.

Puis je me tournai pour de pointer du doigt le violoniste au loin qui nous fusillait du regard.

- mais lui, ce n'est pas si sûr.

Il prit ma phrase sur le ton de l'humour, mais je n'étais pas tellement sûr de plaisanter.

Nous rejoignîmes le violoniste qui avait déjà terminé sa bière tandis que la mienne était disposée sur la table, intouchée depuis une bonne demie-heure. Il nous regarda nous assoir à sa table sans un mot, mais son regard en disait long. Il détaillait le garçon à mes côtés comme s'il n'avait pas envie qu'il soit là.

- C'est tellement rare de voir d'autres coréens ici que je ne pouvais pas manquer l'opportunité de venir vous parler.

J'accueillis la nouvelle de notre nationalité commune avec le sourire, ravis de voir qu'à l'autre bout de la planète, ici en Norvège, il existait une petite diaspora coréenne.

- Alors tu l'es aussi ?  demandai-je, empreint de curiosité.

- Je suis avant tout norvégien. Je suis né et j'ai grandis ici. Mais par mon sang et la culture de mes parents, je le suis oui.

Il y avait sur son visage une sorte d'aura solaire qu'ils partageaient presque tous, comme si pour compenser le froid de dehors ils s'armaient d'une chaleur et d'une luminescence surhumaine. Même si ses traits ne trompaient pas sur son origine, il avait bien dans les yeux cette étincelle propre au pays, on voyant l'esprit scandinave dans chacun de ses gestes.

- Oh, mais au fait, on a zappé l'étape des présentations. Moi c'est Asbjørn. dit-il, un grand sourire décorant sa bouche.

Je le regardai avec confusion, ne me sentant pas capable de prononcer un tel nom sans le massacrer. À la vue de la confusion qui régnait sur mon visage, son sourire se fana légèrement.

- Mais appelez-moi plutôt Hoseok si vous préférez. soupira t-il, l'air aussi amusé que dépité.

Je l'observai en lui souriant. Ses yeux rieurs me renvoyèrent tout ce qui m'avait manqué ces derniers mois.

- Moi, c'est Jungkook.

- Taehyung. se presenta-il sobrement, devenu moins bavard et plus méfiant maintenant que nous n'étions plus seulement deux.

Hoseok écarta les mains en les secouant devant lui.

- Oh en fait je savais déjà qui vous étiez. Vous êtes assez connu parmi la petite communauté coréenne d'Oslo.

Le violoniste hocha la tête, comme s'il était sincèrement flatté mais qu'il refusait de l'admettre devant Hoseok.

- Nous sommes justement ici pour un concert. dis-je, voyant que le violoniste n'était pas prêt à prendre la parole.

- Oh, c'est vrai ? Quand ça ? Il reste des places.

En voyant son enthousiasme, j'eus du mal à lui avouer la cocasse vérité.

- C'était hier malheureusement. Mais qui sait, vous pourriez revenir en Norvège un jour. adressai-je au violoniste à ma droite.

- On pourrait effectivement revenir, oui.

Je dus faire semblant de ne pas être déstabilisé par cette correction devant le jeune homme bien que mes joues se mirent à rougir alors que le regard du musicien ne me quittait pas. Insinuait-il qu'il y aurait une prolongation de notre contrat ?

- Oh c'est dommage. Vous êtes bloqués ici à cause de la tempête en Corée j'imagine ? supposa le brun.

J'hochai la tête pour évincer le sujet qui semblait tant déprimer le violoniste.

- Et vous avez visité ?

- On n'a pas eu le temps et je t'avoue qu'on ne sait pas trop quoi faire.

Le jeune scandinave eut un sourire jusqu'aux oreille, l'air excité comme un chien devant un os.

- J'ai une solution à tous vos problèmes.

- Ah oui ? Tu es capable de faire décoller notre avions ou d'arrêter une tempête ? demanda amèrement le violoniste, semblant sortir de son état de transe.

Loin de se sentir attaqué, Hoseok se tourna vers lui.

- Non, mais je peux vous montrer quelque chose qui vous fera oublier votre colère. En fait, ça pourrait vous faire oublier tous vos soucis, quelqu'ils soient. On dit que ça guérit les esprits même les plus abîmés.

Un silence étrange s'installa, et son amusement se fana bien qu'il avait eu l'air sérieux en prononçant ses dernière paroles. Il se leva simplement et nous fit un geste de la main.

- Venez. dit-il en se dirigeant vers la porte.

Taehyung et moi nous lançâmes un coup d'oeil incertain. SI j'étais charmé par le brun, ce sentiment ne semblait pas être partagé. C'était un étrange personne, mais quelque chose chez lui m'inspirait confiance.

Je me levai, tendant la main au musicien encore assis pour le motiver, et il laissa échapper un soupir avant de l'attraper et de se lever. Nous sortîmes du bar sans trop savoir à quoi nous attendre.

Le froid nous dévora immédiatement les extrémités, mais heureusement pour nous, le temps était clair et le blizzard se reposait en ce jour. Nous aperçûmes Hoseok, accoudé à la portière d'une énorme Jeep.

- Pour vous montrer ce que je veux il faut remonter vers le nord. C'est à environ deux heures d'ici.

Nous nous jetâmes un énième regard perplexe, Taehyung et moi, mais l'homme du nord ne sembla pas perdre patience. Il ouvrit les bras en direction de la neige qui régnait au loin.

- C'est une occasion en or. Vous visitez gratuitement et par le même biais, ça me permet de faire la promotion de mon fabuleux pays, c'est gagnant-gagnant. Vous me faites confiance ?

Difficile à dire, nous le connaissions depuis une heure à peine. Pourtant, à travers son sourire, ses expression, et presque tout chez lui, je devais avouer que oui, j'avais confiance. Mais cela ne semblait toujours pas être partagé par le violoniste.

Je lui attrapai la main, lui envoyant un regard rassurant qui voulait lui dire que je le sentais bien, que nous n'avions rien à craindre et alors, dans un effort coûteux de concession, il hocha la tête. Je me tournai vers Hoseok, lui offrit un sourire qu'il me rendit avant de dire :

- Allons-y.

𝄞

L'air était toujours calme mais froid lorsque la voiture d'Hoseok s'arrêta. Durant tout le trajet nous avions échangé comme des compagnons de toujours. Le jeune homme était plein de ressources et sa vie me mit des paillettes dans les yeux.

Il avait vingt cinq ans, était garde forestier, à quelques kilomètre au nord d'Oslo et menait une vie tranquille et libre aux côtés de sa compagne qu'il avait l'intention d'épouser dans les années à venir.

Nous avions parlé durant deux heures sans nous arrêter tandis que le violoniste regardait par la fenêtre le jour s'étirer puis perdre quelque peu de ses couleurs claires pour foncer. Il n'avait pas dit un mot, rien du tout. Mais je voulais croire qu'il avait écouté et que notre nouvel ami l'avait intéressé. Le seul moment où j'avais vu ses yeux se détourner de la fenêtre dans le rétroviseur fut lorsqu'Hoseok évoqua sa compagne et ses futurs projets.

Mais bien vite, il s'était reconcentré sur le paysage locale.

Une heures plus tard nous étions arrivés à destination, dans une ville à couper le souffle, situé à flanc de montagne.

Un bruit de portière claqua de l'autre côté du véhicule et le jeune homme apparut face au violoniste et moi, son sourire ne le quittant jamais.

- Bienvenus à Bodø, c'est là que le vrai chemin commence.

- On n'était pas sensé être arrivés ? demanda le violoniste avec les sourcils froncés, pour exprimer à la fois son inquiétude et son mécontentement.

Hoseok pointa du doigt la montagne derrière lui où le soleil semblait naitre.

- Il va falloir grimper un peu, mais je vous jure que le jeu en vaut la chandelle.

Bon gré malgré, nous nous laissâmes embarquer dans l'aventure et je me tins aux côtés d'Hoseok pour ne pas le perdre tant il avançait rapidement. Le sentier était ardu et effrité. De hauts arbres s'étiraient sur les bords du chemin mais au loin, on parvenait encore à voir le soleil qui était étonnement dans toujours haut dans le ciel malgré l'heure qui se faisait tardive.

Le garçon brun était intarissable, et durant toute l'ascension, il me conta les mythes scandinaves et germaniques sur les forêts et les milles créatures qui les peuplaient.

- Le mont Rønvikfjellet est très connu. dit-il en fendant les bois comme s'il y était né. Normalement il y a beaucoup de touristes mais je vous emmène à un endroit que personne ne connaît sauf les locaux.

En respirant l'air des pins, en voyant la buée sortir d'entre mes lèvres à chaque respiration et en entendant le chantonnement des oiseaux, j'eus envie que l'avion resté bloqué ici pour toujours. Les problèmes semblaient tellement loin. L'apaisement que je ressentais ne m'avait jamais paru si grand, si agréable.

Après une demi-heure de marche où je commençai à voir la fatigue se dessiner sur les traits du violoniste, Hoseok pointa du doigt le haut de la piste, un sourire ravi sur son visage à la fois enfantin et mature.

- C'est juste là.

Curieux, j'accélérai le rythme jusqu'au dernier moment où je me retournai pour tendre la main au violoniste en difficulté. Ses yeux remontèrent de ma main à mon épaule, puis de mon épaule à mon visage. Il y avait quelque chose de magnifique dans ses yeux lorsqu'ils étaient posés sur moi, sans que je ne sache tellement nommer le sentiment qu'ils m'inspiraient.

Il me saisit la main et je le tirai à ma suite pour qu'il continue d'avancer. Nous fîmes quelques mètres encore, main dans la main jusqu'à ce que la montagne n'existe plus que sous nos pieds et qu'en face de nous se déroule un paysage resplendissant.

Hoseok regarda sa montre, y lut l'heure avant qu'un immense sourire déforme ses traits.

- Minuit pile. Si c'est pas du timing ça !

Subjugué, je regardai en face de moi le soleil et le ciel aux ton roses et orangés, plissant les yeux pour essayer de comprendre si cette réalité était superposable à celle que j'avais toujours connue. Le violoniste à mes côtés ne dit rien, mais son visage baigné des couleurs du ciel était si émue que chacun de ses traits inspirait une émotion différente.

- Les amis, je vous présente le soleil de minuit, aussi appelé jour polaire.

- Je croyais qu'il n'existait que des nuits polaires. souffla le violoniste en fixant toujours l'horizon, subjugué.

Notre guide qui n'avait pas l'air impressionné tant il devait avoir l'habitude de ces paysages mais tout de même contemplatif se tourna vers lui.

- Ça existe aussi, et c'est sincèrement déprimant. Il fait noir pendant plusieurs mois. Du coup, Dieu s'est dit qu'en échange, il allait nous faire cadeau d'un mois presque complet où le soleil ne se couche jamais.

- C'est magnifique. répondit-il en échange, et je vis le sourire sur le visage d'Hoseok être imbibé de satisfaction.

Il avait rempli sa mission de guide.

Quelques minutes passèrent où je posais des questions idiotes à Hoseok qui me répondit avec patience.

Puis son regard alterna entre le violoniste, moi et nos mains liées, une fois, puis deux, puis bien d'autres fois encore et il finit par reculer doucement.

- Je commence à redescendre, prenez votre temps. Vous connaissez le chemin maintenant.

Il m'adressa un clin d'oeil avant de disparaitre derrière les immenses arbres qui s'élevaient haut comme le vent.

La main du violoniste était immobile dans la mienne, et lui aussi. Il observait le lac gelé qui brillait en contrebas, les arbres qui par milliers en couvraient les bords et le mentau de neige qui les enveloppait tout. Et moi, je regardai tout cela à travers ses yeux.

Il finit par avoir un léger mouvement de recul, puis il réalisa que je le regardais, alors il se tourna vers moi pour me faire face. Et alors je compris intensément que ce moment était enfin arrivé. Le grand balancement. Le grand changement que j'avais autrefois attendu dans ma vie était sur le point de se produire. Maintenant.

Sous le ciel garni de tons roses, le violoniste extrait sa main pour la passer sur ma joue. Le ciel, le paysage et l'horizon étaient splendide en cette soirée d'hiver, les couleurs vibrantes nous enveloppaient, la magnificence de la nature s'offrait à nous, pourtant, ses yeux à lui n'existaient que pour regarder au plus profond des miens.

Je sentis son regard me détailler longtemps, et alors, plus timidement, le mien s'y égara. Je vis dans ses yeux le reflet du ciel, mais aussi de tout ce qu'il ressentait pour moi mais qu'il n'avait jamais exprimé. Je vis la passion, la crainte, la gratitude. Un mélange magnifique que les miens lui renvoyaient.

Sa main était chaude et ma joue froide, le feu brûlait dans nos poitrine mais aucun de nous ne bougea, attendant surement de l'autre qu'il le fasse. Minjun n'existait plus, le passé ni le futur non plus. Il n'y avait que nous, au milieu de la glace, bien ancrés dans le présent.

Les regrets, les conséquences, tout cela n'avait pas sa place au milieu de nos regards brûlants de désir.

Il n'y eut pas besoin de mots, juste de regards. Il s'approcha et en un éclair de temps ses lèvres rencontrèrent les miennes. Durant quelques instants, j'eus l'impression de flotter.
Je laissai mes mains glisser sur ses épaules, son visage, son cou. Je voulais le toucher plus que jamais, Je voulais sentir qu'il était là et qu'il le serait toujours. On ressentait dans ce baiser l'envie et le manque de l'autre. On sentait la retenue qui se libérait enfin de ses chaînes, le besoin bridé qui n'avait plus de raison de l'être, la libération.

Alors il m'embrassa longtemps, sous un soleil qui ne déclinait pas; qui symbolisait l'espoir d'un futur qu'il était encore possible de construire. En faisant ce geste, j'avais pris ma décision, et je l'avais affirmé. Je le voulais, plus que personne d'autre.

Désormais, je savais qu'il y aurait un après Minjun, mais pour cela, il faudrait réapprendre. Réapprendre à aimer l'autre, à m'aimer moi-même, à faire confiance, à pardonner. Et si c'était pour quelqu'un d'autre, j'aurais peut-être abandonné. mais en croisant son regard, magnifique, aimant, je me disais que j'étais prêt à tout reprendre à zéro, si c'était pour le faire avec lui.

Nous étions deux naufragés et ensemble pas à pas, nous allions construire un futur qui ne nous ferait plus peur, où la violence n'aurait pas sa place.

Lorsqu'il fut temps de reprendre notre souffle, nos fronts s'échouèrent l'un contre l'autre et nos respirations furent le seul son qui emplit l'air.

- Je crois que... ça fait un moment que je ressens des choses pour vous.

- Moi aussi. souffla t-il alors qu'un écran de fumée tapissait l'air.

Il m'embrassa de nouveau et je me laissai porter par ce baiser, sentant les papillons qui habitaient mon ventre depuis plusieurs mois s'envoler dans mon ventre.

Nous restâmes quelques temps en haut de la montagne, nous embrassant tantôt, contemplant le paysage le reste du temps.

Finalement, réalisant que notre guide était partit il y a déjà un bout de temps, je murmurai à contre-coeur.

- Il faut qu'on redescende.

Taehyung hocha la tête et me suivit sur le chemin du retour en tenant ma main.

La descente fut plus amusante que la montée. La piste était si glissante que j'avais chutée une première fois accidentellement. Puis en entendant le rire mélodieux du violoniste, plus beau que le son que n'importe quel instrument ne pourrait jamais produire, j'avais provoqué de nouvelles chutes en les faisant passer pour de l'infortune.

Il avait de nouveau rit, et j'avais senti quelque chose renaître en moi.

Nous arrivâmes finalement devant la voiture, quelques minutes plus tard.

Le sourire attendri d'Hoseok nous accueillit, tandis qu'il observait un écureuil grimper le long d'un haut chêne. Lorsqu'il nous aperçut, ses lèvres s'étirèrent davantage.

- Alors ? Ça vous a plus.

Et alors que je pensais qu'il resterai silencieux, ce fut le violoniste qui lui répondit en souriant lui aussi.

- Oui, beaucoup. Merci.

Hoseok fit une révérence qui eut pour don de nous amuser, avant de faire un geste vers la voiture.

- Allez, je vous ramène à Oslo.

𝄞

La voiture se gara devant l'hôtel dont l'adresse nous avait été envoyée par la manageuse du violoniste. La neige semblait être davantage tombée depuis notre départ. Désormais, une étrange couche blanche recouvrait toute la ville.

Le violoniste dormait à l'arrière de la Jeep, visiblement épuisé par la tournée, bien plus qu'il avait voulu le montrer. Devant la voiture, je remerciai Hoseok.

- Je ne sais pas comment te dire merci honnêtement, c'était fantastique. Je suis ravi d'avoir pu découvrir un peu de pays.

Il fit un geste de la main avec une moue amusée.

- C'est rien, ça m'a fait plaisir de vous rencontrer et d'en apprendre plus sur vous, même si lui n'est pas très bavard.

Il désigna l'arrière de la voiture avec un air mitigé.

- J'espère qu'il a apprécié au moins.

- Je te garantis que oui. Je ne l'avais vu sourire comme ça.

Il hocha la tête et un petit silence s'installa où il me regarda en hésitant un peu; puis il se lança.

- Alors... Vous êtes ensemble ?

J'avalai de travers ma salive.

- Euh, q-quoi ?

Il grimaça.

- Oh, je suis désolé, le tact c'est pas mon fort. C'est juste que je vous trouve mignon tous les deux.

Je tentai de sourire, mal à l'aise. Je jaugeai sa réaction, refusant de croire qu'elle était sincère. Pourtant, il fallait admettre le contraire. il n'était pas dérangé.

- Ici c'est accepté ? demandai-je timidement, sans répondre à sa question.

- Les LGBT tu veux dire ? Bien sûr. Ici on ne te jugera pas pour qui tu es. Tu peux bien aimer qui tu veux, ça n'a pas d'importance.

Et ainsi, je compris un peu mieux pourquoi nous ne le rebutions pas. Ce qui était stigmatisé en Corée était culturellement accepté ici.

- Si seulement c'était comme ça partout. Chez nous on doit se cacher.

Il fronça les sourcils, l'air de ne réellement pas comprendre pourquoi je devais dissimuler cette partie de moi.

- Ou alors tu peux emmerder tous ceux qui ne t'acceptent pas. S'ils ne t'aiment plus ou sont prêts à t'abandonner pour une raison aussi dérisoire, c'est qu'ils ne t'ont jamais aimé au fond.

Plus facile à dire qu'à faire, eus-je envie de lui répondre; pourtant je percevais bien ce fond de vérité dans son discours. Ma mère, elle, ne m'avait jamais rejeté. Ça n'avait jamais entaché son amour pour moi, au contraire, nous nous comprenions mieux depuis qu'elle savait. Toute la frustration des non-dits avait été effacée.

- Emmerde tous ceux qui essayent de t'arrêter, de te faire sentir comme un moins que rien pour le simple fait que tu existes.

Je lui lançai un sourire lourd de sens et un petit silence agréable s'installa, juste avant que la réalité du départ nous rattrape.

- Bon, nous allons y aller. J'espère te revoir un jour.

Hoseok passa une main chaleureuse sur mon épaule avant de proposer d'échanger nos numéros ce que j'acceptai avec grand plaisir.

- Si tu reviens, appelle moi. dit-il une fois que son contact fut inscrit dans mon répertoire.

- Je n'y manquerai pas. lui répondis-je en souriant, triste que l'aventure ait été si courte.

Je partis réveiller Taehyung à l'arrière de la voiture qui se leva sans se plaindre. Le brun rentra dans sa voiture et ouvrit la vitre.

- Au revoir. Et pas adieu, je l'espère. cria t-il en allumant le moteur.

Puis il démarra et la voiture s'enfonça dans la rue tandis que je m'évertuais à lui faire de grands gestes pour lui dire au revoir comme il se devait. Lorsque la Jeep fut avalée par la route au loin, je baissai les bras et envoyai un regard au violoniste.

Il me sourit légèrement et eut l'air timide, d'un coup. Brûlant d'impatience, j'attrapai son bras pour le trainer dans l'hôtel.

Nous récupérâmes les clefs accrochées derrière le comptoir et montâmes à l'étage en courant comme des adolescents. Il était deux heures du matins, nous étions fatigués mais notre nouvelle vie commençait maintenant, et je ne voulais pas en perdre une miette.

Je déverrouillai la porte de notre chambre à l'aide de la carte électronique et à peine eus-je mis un pied dans la suite qu'il m'embrassa comme s'il s'agissait d'un besoin vital. J'arrivais à sentir le froid désagréable des bagues qui décoraient ses doigts sur ma mâchoire, mais la sensation de ses lèvres sur les miennes, de son corps contre le mien était si enivrant que j'en oubliai ce désagrément.

Je laissai mes premiers vêtements tomber sans pudeur, le laissant détailler mon corps, plaçant ma confiance en lui alors que ça me demandait tellement de courage de le faire après tant de déception. J'avais peur qu'il me trouve repoussant, qu'il arrive à voir les traces de mon passé, des bleus maintenant effacés, que moi, je voyais encore. Mais au lieu de ça, il passa sa main sur mon ventre, en embrassant mon cou, cet endroit si sensible où j'avais peur que l'on me touche de nouveau.

- Tu es magnifique. prononça t-il, tout près de mon oreille.

J'eus l'impression de l'entendre comme deux heures plus tôt lorsqu'il décrivait le paysage et alors une floppée de papillons s'envola dans mon ventre.

Je passai ma main sur son pull, tentant de le remonter mais sa main attrapa mon poignet comme par réflexe. Je reculai, et vis dans ses yeux de la peur. Je reculai, légèrement, lui laissant le temps de décider, d'y aller à son rythme. Puis je vis l'inquiétude quitter son regard au fur et à mesure qu'il reprenait pied. Qu'il voyait bien mes traits sur mon visage et pas ceux d'un autre. Et finalement, il attrapa le bas de son pull pour le faire passer par dessus ses épaules, et il fit de même avec son t-shirt, se dévoilant à nu devant moi.

Son corps fin, sans muscles apparents était opalin, magnifique. Et ce n'était pas toutes ces marques, ces brûlures et coupures qui m'auraient fait dire le contraire ou rebrousser chemin. J'aimais tout chez lui. Ses faiblesses, ses imperfections, tout ce qui le composait et faisait de lui qui il était.

Il garda ses bras posés sur son corps, l'air mal à l'aise, incertain. Je les attrapai pour les écarter délicatement et le caresser à mon tour comme il l'avait fait pour moi, doucement, zone par zone, sans aller trop vite ni trop brusquement.

Sa peau irrégulière, rêche endroit et douce à d'autres passa sous mon propre épiderme. Et je me délectais de chaque sensation qu'elle provoquait en moi. Ainsi, j'avais l'impression que nous nous voyions tels que nous étions réellement, sans façade, sans mensonges ou presque.

Je lui attrapai le poignet et le dirigeai vers le lit. Et la nuit fut riche de découverte, de craintes qui furent bien vite effacées par la confiance, de regards qui en disaient long et de plaisir.

Et avant même que nous puissions nous en rendre compte, le soleil avait de nouveau regagné sa place à son zénith, haut dans le ciel.

𝄞

Les clochettes du café tintèrent lorsque j'ouvris la porte de celui-ci. Le ciel était bleu et le soleil tapait si fort que j'avais décidé de mettre un t-shirt et un pantalon en toile. Les effluves amer de café me chatouillèrent le nez. Je n'aimais pas la boisson, mais l'odeur des grains ou du café moulu me plaisait au point d'en avoir une petite dose dans mon ancien appartement qu'il m'arrivait de sentir simplement pour le plaisir.

J'approchai du comptoir pour commander une canette de coca que je pourrais garder fermée. La discussion n'allait pas être bien longue, je n'avais pas l'intention de m'éterniser. Depuis que j'avais quitté la Norvège lorsque la tempête s'était dissipée, deux jours plus tôt, je n'avais fait que me conforter un peu plus dans ma décision.

Aujourd'hui, je quitterai Minjun.

La demoiselle en face de moi me tendit ma canette et un verre mais je laissai ce dernier sur le comptoir. Je me tournai, et aperçus Minjun au loin, proche de la place que Taehyung occupait auparavant, lorsque je le suivais sous ses ordres. Il regardait par la vitre, l'air absent mais aussi impatient.

Mon ventre se tordit et mes mains se mirent à suer; à l'origine de ses symptômes résidait un sentiment de peur. Mais je n'avais pas peur de lui, j'avais peur de moi. Peur d'être trop faible, pas assez courageux. Pourtant la motivation ne manquait pas. J'avais répété des dizaines de fois dans ma tête cette même phrase.

"C'est fini".

J'étais déterminé à lui faire mes adieux. J'avais assez réfléchi, ces deux semaines m'avaient montré qu'il existait d'autres alternatives dans ce monde, mais surtout, que je voulais les connaître et les vivre.

Alors je m'avançai, les doigts serrés autour de ma canette gelée, dont de petites gouttes de condensation perlaient sur le sol.

Il m'aperçut et croisa les bras sur sa poitrine avec un petit sourire sur les lèvres, l'air confiant de la suite des événements. Cela ne fit que me confirmer qu'il ne s'attendait pas à la vague qui s'apprêtait à le submerger.

- Alors l'Europe ? Tu t'es bien prélassé pendant que je me tuais au travail ? lança t-il d'un air qui se voulait taquin mais qui parvint à être blessant.

Il continua à parler comme s'il ne voulait pas me laisser la parole, sachant inconsciemment de quoi j'étais venu discuter avec lui. Agacé, je l'arrêtai.

- Minjun. Je ne suis pas venu ici pour faire semblant que tout va bien. J'ai pris une décision.

Son expression se fendit brutalement, montrant qu'il n'était pas prêt à entendre cela. Il roula des yeux avant de porter sa tasse à ses lèvres.

- Tu es resté bloqué sur cette décision débile ? Je t'ai laissé deux semaines pour faire ta crise, ça ne t'a pas suffit ?

Déçu mais pas surpris d'une telle remarque de sa part, j'inspirai un grand bol d'air pour le donner de la force.

- C'est fini entre nous. assénai-je brutalement, comme le coup fatal.

D'un coup, le temps sembla figé. Sa bouche s'entrouvrit, et sa tasse de café tomba sur la table, renversant une partie de son contenu; mais il ne s'en soucia pas, ses yeux étaient toujours fixés sur moi.

- C'est fini. Je te quitte.

Il y eut un revirement dans ses yeux qui se tintèrent de colère.

- Après tout ce que j'ai fait pour toi ? demanda t-il en se penchant par dessus la table d'une voix menaçante mais suffisamment contrôlée pour ne pas être entendue par nos voisins.

- Oui. Je te suis reconnaissant, parce qu'à côté du mal, tu m'as aussi beaucoup apporté. Je n'oublierai jamais ce que tu as fait pour moi, au même titre que je n'oublierai jamais ce que tu m'as fait.

Il passa une main sur son visage avant de rire amèrement, puis brusquement il ne rit plus du tout.

- Alors tu te barres pour lui, c'est ça ?

Ma gorge se serra.

- Non, tu te trompes, je ne m'en vais pas pour lui. Je m'en vais pour moi.

- C'est quoi ces conneries...

Le pire ne fut pas sa colère. Le pire était qu'il n'avait réellement pas l'air de comprendre pourquoi je mettais fin à notre relation. Et cette réaction me donna la force de poursuivre, parce qu'elle me prouva que je prenais la bonne décision.

- Tu n'as jamais été là pour moi sauf quand tu attendais quelque chose de moi. Puis après tu m'as frappé, plusieurs fois. J'aurais dû partir depuis longtemps.

- C'est toi le problème Jungkook. Toi et ta tendance à tout exagérer.

Ses yeux se montrèrent accusateurs et je baissai la tête, me sentant coupable. Puis je me rappelai la vérité, que je n'exagérais rien, que ce que j'avais ressenti était tout aussi valable que sa pseudo vérité. Qu'il fallait que je fasse aussi entendre la mienne.

- Non. dis-je en relevant la tête. Je n'exagère rien. Tu m'as coupé de ceux qui m'aimaient, tu m'as violenté, tu m'as utilisé. Et aujourd'hui, tu essaie encore de me manipuler. C'est terminé, que tu l'acceptes ou pas.

Il secoua la tête. Si ses yeux avaient pu parlé, il m'aurait dit que j'avais l'air pathétique.

- Il t'a retourné le cerveau.

- Tout ce qu'il a fait, c'est m'apporter l'amour que tu ne m'as jamais donné. Mais quelque part je peux te dire merci, parce que sans toi je ne l'aurais jamais connu.

Ma dernière réflexion que j'avais asséné pour lui rendre ses attaques sembla le frapper de plein fouet.

- Je savais que tu te tapais ce batard. dit-il entre ses dents, plus pour lui que pour moi.

Les veines de son cou ressortaient au point qu'on aurait pu croire qu'elles s'apprêtaient à exploser. Je fus heureux que l'on soit au café et pas chez lui, parce que je ne savais pas quelle réaction il aurait pu avoir si nous n'avions été que tous les deux. Encore une bonne décision que j'avais prise, sous les conseils avisés du violoniste.

Il changea de nouveau d'expression et eut l'air très calme d'un seul coup, comme s'il avait enfilé une carapace qui cachait ce qu'il ressentait. Pourtant, j'étais sûr qu'il avait mal.

- Je te trompais avec Emma. Depuis des mois. dit-il simplement.

Je déglutis, parce que même en étant déjà au courant, l'entendre faisait mal.

- Je le savais. Je n'ai juste rien dit.

- C'est une bien meilleure amante que toi. poursuivis-t-il en m'ignorant. Et une meilleure pianiste aussi. Peut-être qu'avec elle j'aurais enfin une chance de remporter le concours des arts.

- Je te le souhaite. dis-je à contrecœur, en priant de tout mon être pour que le titre revienne à Taehyung et non à lui.

Je n'avais pas envie de rentrer dans son jeu, d'être plus méchant que lui parce que je valais mieux que ça, et que je savais que Taehyung gagnerait haut la main. Il n'y avait dans le coeur de Minjung de place que pour la méchanceté et la haine.

- Ne reviens pas chialer quand il te jettera comme un malpropre. Tu verras que tu n'es rien sans moi, personne ne voudrais d'un pianiste aussi mauvais. S'il n'était pas aveuglé par son pseudo amour il t'aurait déjà jeté.

Pour faire le tri dans ma tête, je me répétai l'image émerveillée du son regard du violoniste sur moi lorsque je jouais du piano pour lui.

- Je vais y aller.

Je me levai, emportant ma canette même pas entamée. J'étais blessé mais surtout soulagé. Une nouvelle page se tournait, de nouveaux horizons s'ouvraient. Du moins, jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche de nouveau.

- Je vais tout lui balancer.

Je me figeai, sentant mon sang se glacer dans mes veines.

- J'ai hâte de voir sa réaction quand il va apprendre que son bien aimé le manipule depuis le début.

Je sentis quelque chose basculé en moi. Un sentiment qui ne m'avait jamais autant pris aux tripes, qui n'avait jamais autant fait ressortir une partie de moi-même qui m'était jusqu'alors inconnue.

Pris d'un élan de colère incontrôlable, je me retournai et me penchai par dessus la table, trop près de son visage.

- Fais ça et je te garrantis que tu pourras oublier le concours des arts. S'ils apprennent que tu es celui qui à faire fuir le morceaux de Taehyung dans la presse, tu seras disqualifié.

Il se pinça les lèvres, et je ne pus m'empêcher de lui porter un dernier coup.

- Dégage de ma vie, et n'essaie pas de me nuire, ou tu le paieras très cher.

J'aurais pu me sentir victorieux en voyant la pâleur sur son visage et la peur dans ses yeux, mais la blessure était béante. Même jusque dans la rupture, il cherchait à me détruire.

En passant la porte du café, je vis les souvenirs du début, lorsque nous nous aimions encore se dissiper dans la brise, jusqu'à totalement disparaître. Je pris une grande inspiration, comme celle qu'on fait avant de prendre un nouveau départ, puis fit un premier pas.

Celui vers la liberté.

♪ ♪ ♪

NDA : Je tiens jamais mes promesses donc cette fois ne sera pas différente. Je vais publier quand j'en ai envie. Il ne me reste qu'un seul chapitre à écrire de A à Z, les autres sont juste à corriger.

Pour parler du chapitre, j'espère que vous l'avez aimé parce que moi OUI. C'est un de mes préférés !!
Préparez-vous pour le chapitre 25... je n'en dis pas plus... ;)

Continue Reading

You'll Also Like

458K 15.4K 72
« Plus personne n'aura la capacité de me blesser, plus personne n'en aura le pouvoir. » Vivre seule, être indépendante et ne jamais baisser sa garde...
425K 16.7K 114
Tous les jours, nous rencontrons des personnes qui nous laissent totalement indifférents et un jour nous rencontrons celle qui change notre vie... Un...
40K 1.7K 45
"Félicitations, Monsieur Attal, vous êtes notre nouveau premier ministre." Quelques mots le début d'une divagation d'un homme dont les sentiments on...
68.1K 6.3K 67
Il les a toujours entendues... Ces musiques toutes plus différentes les unes que les autres qui gravitent autour de chaque être humain qu'il croise...