PDV ÉMILIE
Une petite secousse me fait ouvrir les yeux le lendemain : Inès se tient au bord du lit.
- Qu'est-ce que tu veux ? grogné-je, agacée d'être réveillée.
- Chuttttttt !
Je hausse un sourcil, ouvre lentement les yeux puis regarde à ma droite. Aaron dort paisiblement.
- Viens ! Il est dix heures ! On va assister à la première transformation de la seconde partie des jeunes ! Je te jure, c'est trop bien ! Et puis ça leur ferait super plaisir si leur Luna était là... Tu sais, ça ne se déroule qu'une fois par an !
Je maugrée des mots incompréhensibles mais finis par me lever avec le sourire. J'aime bien provoquer Aaron, et me lever encore avant lui va le faire réagir. Et j'aime ses réactions à mes provocations.
Je vous jure, c'est un régal !
Alors je me lève de bonne humeur, sans faire le moindre bruit pendant qu'Inès m'attend en bas. Je m'apprête pour l'occasion en m'emparant d'une robe qui m'arrive jusqu'aux genoux et sors de la chambre, en laissant tranquillement Aaron et ses rêves en rencard.
- On fonce !
Je souris et nous sortons de la maison. Nous sommes alors accueillies par la bise fraîche, mais accompagnées par un beau soleil.
- J'ai trop hâte de les voir en vrai, lui confié-je.
- Tu sais que tu commences à te comporter comme la Luna ? Ça doit faire méga-plaisir à Aaron !
Je me mets à rougir mais ne réplique pas car je sais au fond de moi que c'est vrai. J'ai enfin l'impression d'être chez moi, de faire partie de la famille. Et étrangement, j'en suis très heureuse. Parce que j'aime la meute. J'aime voir ses membres s'activer, me saluer à mon passage, me sourire.
Je ferme les yeux le temps d'une seconde.
J'aime sentir le vent balayer doucement mon visage et secouer mes longs cheveux blonds.
J'aime respirer la fraîcheur et l'odeur de la forêt et des fleurs.
J'aime sentir le bonheur battre dans ces lieux ensoleillés.
- Allez Émilie ! Bouge tes fesses ! On n'a pas toute la journée !
Je souris ; je peux bien voir qu'Inès est stressée. Et ce serait mentir de dire que je ne le suis pas moi-même.
Nous continuons alors notre chemin vers l'école, tandis que tous les membres de la meute, déjà éveillés à cette heure-ci, nous saluent, avec des yeux admiratifs.
C'est vrai que je ne suis sortie qu'une seule fois, et que c'est donc la première fois pour beaucoup d'entre eux qu'ils voient leur Lu... l'âme-sœur de leur Alpha.
Sauf que ni Inès ni moi ne nous attendions à ce que la voix de Carolina résonne derrière nous, alors que nous passions sur la place du village, où une cinquantaine de personnes se trouvent :
- Alors voici la fameuse Luna. Pauvre Aaron, vraiment. Il aurait pu avoir tellement mieux... Je le plains.
Je me fige sous ses paroles, ainsi que l'intégralité des personnes qui se trouvent autour, dont Inès.
Un silence se met à planer sur la place, alors que je me retourne lentement, un sourire aux lèvres.
- Bonjour, Carolina. Ça faisait longtemps !
Mon interlocutrice hausse un sourcil, déstabilisée par cette soudaine... politesse, ainsi que par le calme qui règne en moi.
- Hein ?
- Euh... Tu devrais peut-être aller voir un ORL, parce que je suis sûre d'avoir bien articulé, lâché-je avec un sourire hypocrite.
Carolina fronce les sourcils.
- T'es vraiment qu'une connasse en fait.
- Ah bon ? Alors tu dois être la pire d'entre elles dans ce cas ! répliqué-je avec une expression volontairement exagérée, c'est-à-dire une main posée sur ma bouche, et les yeux grands ouverts.
Elle commence à voir rouge.
- Tu te crois tellement la meilleure, c'est incroyable. Tu n'es qu'une petite princesse prétentieuse, sans pouvoir ni valeur. C'est tellement minable.
Le pot de peinture se met à rire à sa dernière phrase, tandis que je garde un air impassible. Alors qu'au fond de moi, j'ai été touchée.
Minable.
Le mot qui a rebondi durant toute ma dépression, et qui me détruit à chaque fois que j'y pense. Mais je ne laisse rien paraître.
- Alors qu'est-ce que tu es toi ?
- Hein ? fait l'intruse une deuxième fois, dépourvue par mon calme olympien.
- Une simple Oméga. Ça ne va pas plus loin. Ah si, une prostituée au passage. Sinon, je crois que c'est tout.
Les chuchotements se stoppent net tandis que les yeux de Carolina deviennent bleu marine, signe que sa louve est en train de prendre le dessus.
- Je crois que tu t'es trompée de personne, car c'est toi qui n'as ni pouvoir ni valeur en y réfléchissant bien, je reprends. Tu n'es pas capable de tenir tête à un Alpha, ni à moi la première fois que nous nous sommes rencontrées. Tu n'as aucune gentillesse, aucune bienveillance pour la meute. Tout ce que tu cherches c'est le pouvoir.
- Ah parce que ce n'est pas ce que tu cherches toi ? sourit Carolina.
J'en esquisse un et avance lentement vers elle.
- Si c'était ce que je cherchais, ça ferait longtemps que je serais dans les bras de ton Alpha, et si c'était ce que je cherchais, je ne serais pas en train de me rendre à l'école de la meute pour assister à la première transformation des jeunes. Ce que toi, tu ne feras jamais, Oméga.
Mon ton devenu dur fait automatiquement reculer l'insolente, tandis que des sourires apparaissent sur les visages de la meute.
- Oh ? Tu recules ? Tu as peur ? Eh bien dis donc, c'est bien courageux pour une personne qui souhaite s'imposer en tant que Luna de la Meute Royale, et Reine des loups-garous au passage !
L'Oméga perd alors tout son calme et hurle en se transformant :
- JE N'AI PAS PEUR DE TOI, CONNASSE !
- Oh mais moi non plus, Oméga.
Rageuse, l'ex d'Aaron se jette sur moi. Automatiquement, les loups qui nous entourent se mettent à se transformer et à grogner pour me défendre, mais je les stoppe d'un geste franc, après avoir fait un pas de côté, ce qui fait que Carolina passe juste à quelques millimètres de moi sans pour autant me toucher.
La louve enragée fait volte-face pour me charger à nouveau, mais je reproduis le même jeu.
On se croirait presque à une corrida.
Le même manège se déroule pendant quelques minutes, tandis que je la laisse s'épuiser.
- TU N'ES QU'UNE LÂCHE ! hurle la louve en réatterrissant sur le sol une énième fois. TU N'OSES MÊME PAS TE BATTRE CONTRE MOI ! AVOUE QUE TU AS PEUR, SALETÉ !
Je serre les poings pour garder mon calme, mais mes yeux se teintent rapidement de vert, signe que je commence à perdre le contrôle de mes pouvoirs d'ange et d'Élue.
- La seule « saleté » ici, c'est toi. Parce que ce n'est pas moi qui couche avec tous les mecs à portée de main. Ne pas se contenter d'un seul, ça c'est lâche. Et ça, c'est sale.
La louve hurle à nouveau, furieuse, et se jette encore sur moi. Je l'esquive à nouveau, avec la plus grande tranquillité du monde.
- Émilie, souffle Inès, il faut qu'on y aille, on va être en retard...
Je hoche la tête puis me reconcentre sur Carolina.
- Bon assez joué, j'ai autre chose à faire...
- Tu vas partir comme ça, comme une lâche ?! me coupe la louve, avec un air satisfait au visage. Tu n'es vraiment pas une Luna. Tu n'as aucun courage.
Je la regarde rire, avec un petit sourire aux lèvres, avant de prendre un air catastrophé pour répliquer :
- C'est drôle, mais il vaudrait mieux pour toi que je parte. Sauf que je viens de changer d'avis donc non je ne vais pas partir comme ça. Parce que j'ai bien joué avec toi et que maintenant il faut bien passer aux choses sérieuses !
Avant que la lycanthrope ne puisse répondre, elle se retrouve projetée contre un mur avec une violence phénoménale, tandis que je laisse enfin éclater la colère maintenue en moi. Les loups qui ont formé un cercle autour de nous s'écartent brusquement.
- Donc premièrement Oméga, si tu étais si digne d'être la Luna, pourquoi est-ce qu'Aaron ne t'aurait pas choisie depuis longtemps ? C'est qu'il y a bien quelque chose qui cloche non ? Deuxièmement, j'ai du pouvoir. Regarde comme tu es minable, appuyée contre ce mur à la vue de tous, alors que je ne fais aucun effort.
Elle me jette un regard noir.
- Troisièmement, c'est moi qui domine ici. C'est moi qui suis la plus puissante ici. Tu veux voir un peu ?
Je n'attends pas sa réponse pour lâcher complètement mon aura. Quelque chose que je n'ai encore jamais fait. Je laisse toute ma puissance s'échapper de moi avec une violence inconcevable. En quelques secondes, toute la meute est soumise, et Carolina manque de s'évanouir sous l'aura complètement déversée sur elle.
Alors, satisfaite, je la ravale rapidement, sans apercevoir les regards fiers des membres de la meute.
- Et enfin, soumets-toi, lui ordonné-je en relâchant la pression de l'air.
- Quoi ?! s'exclame Carolina en s'écroulant par terre.
- Tu m'as bien entendue, Oméga, rétorqué-je en m'agenouillant près d'elle, toujours couchée au sol.
Puis sous les regards admiratifs de la meute, je chuchote assez fort pour que tout le monde entende :
- C'est moi la dominante ici, Carolina. C'est moi qui décide. Et ça aurait été vrai même si je n'avais pas été l'âme-sœur d'Aaron. Car j'étais la Princesse héritières des anges, et encore aujourd'hui, je reste leur Princesse. Et toi, tu resteras toujours une Oméga. À jamais.
Dans un élan de rage, la louve veut m'attaquer mais elle se retrouve à nouveau projetée plus loin, sans que je ne fasse un geste.
- En tant que Princesse, tu dois te soumettre à moi car j'ai un rang bien plus élevé. Alors soumets-toi. Et si tu refuses je te décharge mon aura et tu souffriras énormément.
La louve déglutit.
- Regarde comme je suis clémente pour ton insolence... Je ne te demande que de te soumettre, Oméga. Alors obéis à plus puissant que toi, et soumets-toi.
La louve tombe violemment au sol, en reprenant durement son souffle, alors que je lui inflige déjà l'intensité de mon aura immensément puissante.
La louve ne cherche même pas lutter, et baisse la tête.
- Couche-toi.
Elle obéit devant les murmures surpris et excités de la foule.
Parce qu'elle vient d'obéir à une inconnue. Et j'imagine que personne n'a réussi à se faire respecter d'elle avant moi, et surtout à la rendre aussi soumise.
Même pas Aaron lui-même je pense.
- Très bien. Maintenant, ne me cherche plus des problèmes, Carolina. Tu fais ta vie, je fais la mienne. Un point c'est tout.
Et je tourne les talons, laissant derrière moi Carolina couchée sur le sol, honteuse. Elle l'a amplement mérité, mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir pitié d'elle.
C'est pourquoi je pivote à nouveau, et m'adresse directement à la meute :
- Si j'apprends que l'un de vous ose l'insulter ou la rabaisser, il m'entendra. Avec Aaron, nous sommes les seuls capables à pouvoir remettre l'un de vous en place – et moi, pas en tant que Luna, mais en tant que Princesse des anges pour l'instant. Alors respectez-la autant que je vous respecte. Merci.
Puis je m'éloigne avec Inès, après leur avoir demandé de continuer à vaguer à leurs occupations.
- Allons-y ! lancé-je après avoir soupiré en reprenant le chemin de l'école avec mon amie.
Mais je finis par me stopper sous son regard étonné.
Tandis qu'une image de forêt apparaît dans mon esprit.
Avec une sorte de lueur rouge qui plane entre les arbres.
Pourquoi est-ce que j'ai un pressentiment sur la suite ? Pourquoi est-ce que je ne le sens pas du tout ?
Je secoue la tête. Je dois juste être paranoïaque. Alors je rassure Inès d'un grand sourire, et bientôt un grand bâtiment nous submerge de son ombre et nous passons le pas de la porte pour arriver à l'accueil de l'école.
Je prends une grande respiration, avant d'inspecter ce qui se trouve autour de moi. La femme qui est derrière un bureau nous regarde nous avancer avec curiosité, hume l'air, puis se lève rapidement avant de s'incliner.
Bon au moins maintenant, je sais que je sens Aaron à plein nez. Il doit être tellement content, cet idiot.
Et j'imagine que la marque accentue l'empreinte de son odeur sur ma peau.
Je m'empresse de la faire se redresser, gênée par tant de politesse, ce qui est assez étrange car j'y suis pourtant habituée. Mais venant de la meute, ça me dérange, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que je les vois tous comme ma famille ?
- Je peux vous aider, Luna ?
- Oui, je réponds avec un sourire poli, nous aimerions assister à la première transformation des jeunes, si ça ne vous dérange pas.
- Non, bien sûr que non ! Suivez-moi, Luna !
Nous sortons du bâtiment et la louve nous mène dans la forêt lumineuse. Nous rejoignons bientôt des élèves qui nous regardent arriver vers eux en murmurant des bribes de phrases que je n'entends pas.
Mais mon petit doigt me dit qu'ils sont tous en train de parler de moi.
Je rougis doucement, légèrement désarçonnée par cette attention particulièrement... désarçonnante.
- Les enfants, en ligne !
Ils s'exécutent tous après avoir recouvré le silence.
- Votre Luna vous fait aujourd'hui l'honneur d'assister à votre première transformation. Vous avez beaucoup de chance !
Les élèves se mettent à sourire, tous aussi gênés que moi par ma présence inattendue. Bientôt ils prennent position afin de se transformer, aidés par plusieurs adultes.
- Fermez les yeux, commence un adulte. Laissez votre instinct vous guider. Laissez surgir votre plus grande envie quand vous respirez l'air de la forêt. Laissez la force en vous prendre le dessus, mes enfants.
Je regarde les enfants se concentrer et les vois commencer à se tordre de douleur en laissant paraître leurs loups.
Placée au bord en cas de perte de contrôle de l'un deux, j'assiste fascinée aux premiers hurlements des nouveaux loups, les uns plus puissants que les autres.
J'aperçois alors Tristan et Élijah ainsi que d'autres personnes aux côtés d'un loup qui a apparemment du mal à se contrôler. Inquiète, je tente d'entendre leurs paroles :
- Concentre-toi...
- Maîtrise-le...
- Tu peux le faire !...
Les loups commencent à se disperser dans la forêt, et je tourne la tête en entendant des pleurs. Je découvre alors une jeune fille qui ne parvient pas à muter, et qui commence à désespérer.
Je me mets à appeler Élijah, puis Tristan, mais ils ne m'entendent pas, trop concentrés sur le loup dont ils s'occupent.
Je souffle, énervée. La petite a besoin d'aide et tous les adultes se concentrent sur une seule et même personne, ce n'est pas croyable.
Je me dirige donc vers l'enfant à l'écart, assise par terre, ignorant les appels d'Inès qui se demande ce que je fais.
Au même moment, Aaron m'appelle par le lien :
« Émilie ! Tu me supplies de venir dormir avec toi et tu ne me réveilles même pas quand tu te lèves ! »
« C'est ma vengeance pour avoir profité de moi hier, cher Aaron. »
« Tu sais que je me revengerai après ? »
« Ok, mais euh, juste tais-toi deux secondes. »
Je rejoins l'enfant et m'agenouille par terre, à ses côtés.
« Tu es où ? »
« À l'école de la meute. Maintenant chut, je dois me concentrer. »
« Ah parce que je te déconcentre ? »
Je lève rapidement les yeux au ciel, dissimulant mon sourire dû au ton joueur de l'Alpha.
« Oui ! Maintenant tais-toi ! »
« Tu fais quoi ? »
Je ne prends pas la peine de lui répondre, et malgré ses rappels, me concentre sur la jeune fille.
- Hey, ma belle, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu n'arrives pas à te transformer ?
La petite opine de la tête, essuyant ses larmes avec ses petits poings.
- Regarde-moi, ma belle. Tu t'appelles comment ?
- Hermione.
Je souffle avant de me lancer.
- Ok Hermione, concentre-toi maintenant. Ferme les yeux, et imagine ta louve dans ta tête. Tu peux le faire. Normalement tu la vois... Essaye de lui parler, de marcher vers elle.
Je récite tout ce que j'ai appris du processus de la première transformation d'un loup-garou dans un livre que j'ai lu plus jeune.
- Je ne la vois pas...
Elle recommence à pleurer, et j'abandonne toute distance de sécurité pour la prendre dans mes bras, et me mets à dévoiler mon aura par petites vagues. Puis je ferme les yeux.
Les anges les plus puissants peuvent regarder à d'autres endroits en expulsant leurs esprits de leurs corps, comme je l'ai fait quelques mois plus tôt pour regarder dans les prisons. Mais désormais, je dois essayer quelque chose de nouveau. Quelque chose qui va sûrement me vider de toute mon énergie, mais je dois le faire pour la petite devant moi.
Alors je prends ses mains dans les miennes, et tente de m'immiscer en elle.
Je n'entends plus rien autour de moi. Toute mon attention est désormais portée sur la jeune fille dans mes bras. Je sens mon esprit me quitter et entrer dans quelque chose de blanc. De tout blanc. Et au fond, une louve couleur noisette qui est debout et regarde autour d'elle, comme perdue ou comme si elle attend quelque chose ou quelqu'un.
- Moi je la vois, je m'entends dire. Cherche, ma belle, cherche !
Je développe encore plus mon aura pour l'aider. Car je sais que l'aura d'une luna peut énormément aider pour les premières transformations et les accouchements. Et comme je suis marquée par un alpha, je possède les pouvoirs d'une luna.
- Allez ! Tu peux le faire !
Quelques secondes plus tard, je vois la louve se mettre à marcher vers une silhouette. Il s'agit de la petite fille que j'aide.
- Je... Je la vois !
- Bravo, ma belle ! Maintenant continue de marcher vers elle. Va la voir. Touche-lui le museau !
L'enfant s'exécute et je me sens soudainement projetée hors de son corps. Je me lève précipitamment alors qu'Hermione commence à se plier de douleur, et à crier.
- Allez ma belle ! Tu peux le faire ! Puise la force qui est en toi !
Je continue de l'aider de mon aura et de mes paroles, sans même me rendre compte que tout le monde s'est réuni autour de moi, adultes comme louveteaux.
Quelques secondes plus tard, une jeune louve se tient devant moi, à la place de l'enfant. Et rapidement, elle se précipite dans les bois, folle de joie.
Car je les ressens désormais ; ses émotions et celles des autres. Je me tourne vers les loups réunis près de moi, et mon cœur se met à battre quand ils s'inclinent, ainsi que les Bêtas eux-mêmes.
- Euh... qu'est-ce qu'il y a ? lâché-je, complètement perdue.
- Tu as aidé une louve de la meute... comme le ferait une Luna, sourit Tristan.
Je tourne mes yeux vers Élijah, mais l'intensité de son regard me les fait rapidement détourner, rougissante.
- Qu'est-ce que vous attendez pour aller courir ? je ris en les voyant me regarder avec de gros yeux.
Mais ils ne bougent pas, et un tout petit loup s'avance vers moi. Je m'agenouille pour lui caresser la tête alors qu'il demande :
- Vous pouvez venir avec nous courir, Luna ?
- Je ne suis pas une louve, je souris, tout de même touchée par la demande timide.
- Oui, mais juste courir, ou nous accompagner dans la forêt ?
Les étoiles dans les yeux du loup m'émeuvent et après un regard adressé aux Bêtas, je déclare :
- Pourquoi pas après tout ?
Le petit saute de joie sur place et s'élance dans la forêt suivi par les Bêtas et moi.
- C'est exceptionnel ce que tu as fait, Émilie.
Je rougis.
- Je ne comprends pas, j'ai fait exactement ce que je tout le monde aurait fait à ma place. Et c'est bizarre... Je ressens toutes les émotions de tout le monde...
- L'aider a complété ton titre de Luna. Il ne manque plus que l'accouplement et tu seras officiellement la cheffe de la meute !
Si j'étais en train de boire, j'aurais tout recraché à la figure de Tristan.
- Tu verras le moment venu, fait-il en éclatant de rire au vu de ma réaction.
- Nan mais t'as fini oui ?!
Il part en fou rire, et je fronce les sourcils en remarquant que la mine d'Élijah s'assombrit derrière lui.
- Venez courir avec nous Luna !
La demande de l'enfant qui m'a appelée détourne mon attention, et je souris. Nous nous mettons alors à jouer à chat pendant toute la matinée avec les nouveaux louveteaux.
Jusqu'à ce qu'un cri perce la bonne humeur.
Je m'arrête subitement, et regarde autour de moi. Un nouveau cri brise l'harmonie de la forêt. Un cri de terreur.
Je me mets à courir vers son origine, et me stoppe devant un homme qui tient un louveteau avec un couteau sous la gorge.
- Lâche-le.
L'inconnu tourne sa tête vers moi, et je découvre des yeux rouges.
Des yeux rouges bien différents de ceux d'Aaron.
Des yeux rouge carmin.
Immédiatement mon cœur fait un bond dans ma poitrine et je serre les poings.
Tout va bien, Émilie, tout va bien.
- Lâche-le, vampire.
Parler. Parler pour ne pas y penser.
- Et si je ne le lâche pas, que vas-tu faire ?
- Il vaut mieux pour toi que tu ne le saches pas, je réponds agressivement.
Tristan, Élijah et les autres adultes débarquent en courant, et les deux Bêtas se transforment et commencent à grogner sur l'intrus.
- Lâche-le ! grogne Tristan en étendant son aura qui atteste de son rang.
- Seulement en échange de la Luna, répond le vampire aux cheveux de jais en me regardant niaisement.
Je retiens une grimace quand je le vois s'arrêter sur la marque de mon cou. Il a l'air ravi de voir que je suis marquée.
Mais quand son regard arpente mon corps en entier, ma respiration se bloque.
Non, non, non. Arrête de regarder avec ces yeux pervers. Arrête ça tout de suite vampire.
Ne fais pas... Ne fais pas comme ceux de ton espèce ont fait avec elle.
Je zieute le louveteau qui couine puis le vampire. Quelque chose cloche.
Il ne peut pas être venu seul. Ce n'est pas possible.
Alors que Tristan et Élijah s'approchent du vampire, je les arrête en leur demandant de reculer.
- C'est un piège. Il ne peut pas être seul.
- C'est qu'elle a de la tête, la chérie d'Aaron.
Je le foudroie du regard.
- Fais attention à qui tu parles, vampire. Maintenant lâche-le.
- Sinon quoi ? sourit le vampire, provocateur.
- Sinon ça.
Et je lève la main en l'air. L'ennemi des loups-garous se retrouve projeté contre un arbre, asphyxié par une force invisible appuyée sur sa gorge. Sauf que je n'avais pas prévu qu'au même moment des dizaines de vampires tomberaient des arbres comme des gouttes de pluie.
- Eh merde...
Nous sommes encerclés par les vampires. Voilà le piège.
« Aaron ramène tes fesses ici. »
« Pourquoi ? Je te manque ? »
« Aaron c'est pas le moment-là ! Y'a des dizaines de vampires sur ton territoire donc bouge tes fesses maintenant ! On est encerclé ! Tu ne les as pas sentis ?! »
« Quoi ?! Non ! J'arrive ! Surtout tu ne bouges pas. Tu restes avec Tristan et Élijah. »
« Euh... Je suis un peu loin d'eux là... Eh merde. »
Je sens soudainement quelque chose de froid se poser contre ma gorge et me fige.
Une putain de lame.
Tenue par un putain de vampire dans mon dos.
Et triple merde...
Je sens son odeur qui me donne envie de vomir. J'ai toujours eu du mal à supporter celle des vampires, en tout cas depuis l'incident.
Un silence glaçant s'aplatit sur la forêt. Tout le monde retient son souffle, excepté les vampires.
« QUOI ?! ÉMILIE ! Putain j'arrive ! »
Je ne réponds pas. Occupée à calmer mon cœur qui s'emballe beaucoup trop.
M'indiquant que je ne suis pas loin de faire une crise de panique.
Putain calme-toi. Ce ne sont pas eux. On ne peut pas réduire toute une espèce à une poignée de gens.
Aaron va arriver, Aaron va arriver.
- Bien. Alcazar, relâche le louveteau. On n'en a plus besoin.
Donc celui qui me tient est leur chef. Ok.
Le dénommé Alcazar expulse le louveteau loin de lui, et le petit se précipite vers les siens. Je soupire silencieusement. C'est ça en moins. Maintenant il faut gagner du temps pour qu'Aaron arrive.
- Qu'est-ce que tu veux ? demandé-je en regardant droit devant moi, alors que je sens son corps se presser contre le mien.
Putain... éloigne-toi je t'en supplie...
Je chasse du mieux que je peux les images du passé qui me reviennent involontairement. Ce n'est pas le moment de craquer ; c'est tout sauf le moment de craquer.
Tu peux le faire Émilie.
- Toi.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est ce qu'on m'a ordonné de faire.
- Oh et tu obéis comme un gentil petit chien ? Bah bravo.
- C'est exactement ce qu'ont fait tes Bêtas, Émilie.
- Oui mais dans mon cas, c'était pour le bien. Toi tu obéis pour quelque chose de mal.
Le vampire se met à rire près de mon oreille. Mais je crois qu'au fond... il masque ses vraies émotions.
- C'est mal d'être pour sa patrie ?
- Oui, quand tu négliges celle des autres.
Le vampire serre le couteau sur ma gorge. Je sens sa colère bouillonner en lui. Je crois qu'il cache quelque chose.
Et je pense que je sais ce que c'est.
- Je n'ai pas besoin de la morale d'une petite princesse.
- Je crois que si, vu comment tu agis.
Les loups-garous me regardent avec de gros yeux, choqués par le fait que je ne sois aucunement inquiète.
- Je pensais que tu tremblerais de peur, souffle le vampire avec son odeur de sang.
Je tremble de peur connard. C'est juste que tu ne peux pas le voir.
- J'ai vécu bien pire, crois-moi.
Les loups plaquent leurs oreilles en arrière, tout en continuant de grogner. Ils ont compris le sous-entendu de la phrase. Et les vampires aussi, étant donné qu'ils ne disent plus rien.
- Bon, je n'ai pas toute la journée. Qui t'as envoyé ?
- Tu crois que tu es en position de me poser des questions, princesse ?
- Oui.
Je ne sais pas comment il réagit mais il ne doit pas me prendre au sérieux, jusqu'à ce qu'une douleur le transcende suite à mon coup bas.
- Tu me gardes si je veux, déclaré-je avec un fin sourire en rejoignant les miens. Je m'échappe si je veux. Compris ? Donc maintenant réponds.
Le chef des vampires se redresse et se met à sourire.
- Alcazar, appelle-t-il.
En une fraction de seconde, l'interpellé attrape un nouveau louveteau avec sa vitesse vampirique, et replace un couteau sous sa gorge.
- Sa mort ou toi, fait le chef.
Je le foudroie du regard avant de me figer. Ma mâchoire se décroche lentement. Parce que désormais je peux le regarder et je l'ai reconnu.
Comment est-ce que c'est possible ?
- Corentin Avinci, Premier Ministre... Tu m'avais paru plus intelligent il y a quatre mois.
Il m'envoie un regard noir.
- Quelque chose a changé.
Je sens désormais sa peur pulser dans ses veines.
- Tu... Tu fais ça sous l'emprise d'un chantage... C'est ça n'est-ce pas ?
Comme il y sept ans... Où les vampires nous ont fait ça, car ils étaient sous le chantage de leur chef. Leur chef qui lui-même était sous le chantage du Roi des vampires. Qui a tout orchestré.
Mais leur a laissé la liberté de faire ce qu'ils voulaient d'elle. Tant qu'ils réussissaient à tirer une rançon de moi.
- TA GUEULE !
J'ai perdu toute mon insolence.
- Mon père avait prévenu ton Roi qu'il devait arrêter, sous peine d'une guerre entre mon espèce et la vôtre. Mais j'imagine qu'il n'a pas respecté le pacte ?
Je m'avance lentement, le cœur brisé pour lui. Avant de souffler :
- Si tu ne lui obéis pas, ta famille mourra. C'est bien ça ?
- Tais-toi tu ne sais rien ! Alcazar, tue le bambin.
- Non.
- Alors avance, princesse.
Je serre les dents. Je pensais pouvoir le résonner, mais quand la vie de ceux qui nous sont chers est en jeu, plus rien ne peut décourager quelqu'un de tout faire pour les maintenir en sécurité.
Que fait Aaron ?! Pourquoi met-il autant de temps ?!
- L'Alpha ne viendra pas t'aider, belle Émilie, fait le vampire comme s'il avait lu dans
mes pensées, après recouvré son calme. Le reste de mes équipes s'occupe de lui.
Je ferme mes poings avec rage. Il ne manque plus que ça...
- Ma patience a ses limites, petite ange.
- La mienne aussi, petit vampire.
Vu la tête des autres, ils doivent avoir l'impression de regarder un truc exceptionnel en mangeant du popcorn. Certains ont la gueule grande ouverte. Surtout avec mon insolence inégalable dans cette situation.
- Ce n'est pas un peu humiliant pour un Premier Ministre de se retrouver à faire le sale boulot ? le nargué-je.
- Si à trois tu n'es pas ici, je fais buter le gosse.
Je le fusille du regard, tout en gardant un œil sur l'enfant.
Putain mais pourquoi c'est toujours moi qui me retrouve dans cette situation, merde ?!
- Un.
- Ton Roi est un mauvais roi et tu le sais !
- Je n'ai pas le choix ! Deux !
Je jette un regard vers les Bêtas qui grognent de plus en plus, avec un air qui dit : « N'y va pas ». Mais je n'ai pas le choix. Je ne peux pas causer une mort de plus. Non, je ne peux pas.
- Tr...
- C'est bon. Je viens. Mais vous le relâchez en échange.
- Il ne nous intéresse pas. C'est toi qui nous intéresses, princesse.
Je me renfrogne en commençant à marcher vers lui. Et quand il m'attrape et repose un couteau contre ma gorge, le louveteau peut s'échapper vers les autres loups, qui semblent affolés.
Je fais un signe de tête vers les deux Bêtas qui ne savent plus quoi faire. Ils savent que nous sommes pris au piège. Que je n'ai pas le choix. L'armée n'a pas été prévenue assez tôt pour venir, même la garde d'élites. Et Aaron seul ne pourra rien faire contre eux.
Pas alors que j'ai un couteau sous la gorge.
Et en fait... je pense que c'est ce qu'il faut qu'il se passe. Que je me laisse emmener.
Et c'est pourquoi je ne me débats pas.
- Ouvre un portail, sorcier, intime le Premier Ministre des vampires à un homme.
Ce dernier obéit et un trou noir apparaît sur la gauche de mon détenteur.
Les loups commencent à grogner et à s'approcher. On ne touche pas à leur Luna. Et encore moins à leur Reine. C'est la règle.
Mais sous un chantage, tout le monde est prisonnier.
Un hurlement retentit soudainement dans la forêt et bientôt un énorme loup noir apparaît, ses yeux rouges montrant sa colère débordante. Son pelage est aspergé de sang qui dégouline aussi de sa gueule.
Je suis soulagée de le voir mais je ne l'ai encore jamais vu aussi en colère. Je sens les membres de la meute reculer, les petits se cacher effrayés, n'ayant sûrement encore jamais vu leur Alpha dans une telle fureur.
- Lâche-la, vampire.
Son ton est puissant, et sa rage éclatante. Je déglutis face au bouillonnement de colère que je sens naître en moi et qui vient de lui. Ma marque commence à picoter, me faisant presque grimacer.
Et contre moi, je sens Corentin se raidir. Il a peur. Mais il me serre encore plus contre lui, me faisant me renfrogner. Je n'aime pas la manière dont ses mains encerclent ma taille et apparemment, Aaron semble encore plus fou de rage quand il remarque son geste.
Parce que chez les loups-garous, le lien est sacré.
Je suis à Aaron comme Aaron est à moi. Et personne n'est censé me toucher, comme personne n'est censé le toucher lui.
Et surtout... je suis marquée. Inès m'a fait un debrief entier sur le lien et le marquage.
Corentin est en train de violer une règle primordiale chez les loups-garous. Parce qu'il a ses mains posées sur les hanches d'une femme marquée par un loup.
Et surtout d'une femme marquée par le Roi Alpha.
Ce qui est la faute la plus grave.
Et un vrai affront envers toute l'espèce lupine.
Les loups se mettent à grogner bien plus fort, furieux.
J'essaye alors de me séparer un peu de lui pour les calmer mais la lame m'en empêche. Si je bouge, je saigne.
L'issue de la situation me paraît comme évidente.
Et d'un côté parce que je l'ai décidé.
Mais ça personne ne le sait et ne peut le deviner.
Le Premier Ministre bloque mes hanches et mes bras de sorte que je ne puisse pas me défendre. Du moins c'est ce qu'il pense.
Mais je suis douée en combats à mains nues. Sauf que personne ne le sait. Seul Aaron peut s'en douter, parce que j'ai fait un salto devant lui.
Mais pas sûr qu'il ne s'en souvienne et c'est tant mieux.
- Je t'ai dit de la lâcher, PUTAIN !
- Non.
J'ouvre de gros yeux, et ma bouche prend la forme d'un O. Le vampire a signé son arrêt de mort. Elle n'est pas pour tout de suite, mais elle a 99,9% de probabilité d'arriver.
L'Alpha hérisse son poil et grogne plus fort encore, ses yeux rouges me crevant presque les yeux.
- LÂCHE-LA !
Les louveteaux tremblent de peur, et les adultes ont encore reculé, même les Bêtas. Je crois que personne n'aurait pu penser qu'un jour Aaron pourrait être dans une telle rage.
- On dégage ! annonce le vampire tout bas à ses complices.
Je souris. Les vampires sont vraiment des lâches. Ça n'a jamais changé.
Je me mets à légèrement me débattre pour m'échapper, mais le couteau se resserre sur son cou, et un filet de sang coule de la plaie, et goutte même sur la lame.
Oups.
Aaron, en le voyant, perd tout contrôle et se jette sur les vampires. Comme fou, il les tue un par un, mais quand il se tourne vers le vampire qui me tient, je suis déjà à moitié dans le portail.
Je lui souris doucement pour le rassurer, mais quelque chose s'abat sur ma tempe, et je me sens peu à peu perdre connaissance.
Jusqu'à sombrer dans le noir.
Alors que la dernière chose que je vois, c'est Aaron se jeter sur nous.
Mais je sais que c'est trop tard...
J'ai été kidnappée.
Voilà pour ce chapitre ! Qu'en avez-vous pensé ?
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