Cette petite coccinelle qui volait et qui brillait de mille feux me rappelait étrangement quelqu'un. Atrix cherchait-elle à me communiquer quelque chose ? Alors que l'insecte se trouvait à l'intersection au fond du couloir, je me dépêchais de le rejoindre. Mon instinct me dictait de le suivre, discrètement. Je marchais derrière, profitant pour l'observer. Il ne me disait rien.. s'agissait-il réellement de Atrix.. ? Surtout que sa lumière me semblait plus argentée que bleutée.
Je ne comptais plus le nombre de corridors que l'on passait. Et je n'étais pas même sûre de savoir me réorienter si je venais à devoir faire demi-tour. Puis dans un lieu reclus, une impasse, on s'arrêta. Je ne comprenais pas, qu'étions nous censé faire ici ?
Un grand vase en porcelaine laiteux traînait ici, munit d'un bouquet de fleurs exceptionnelles, toutes aussi rares les unes que les autres. Un tableau volumineux se trouvait derrière, il s'agissait d'un portrait du premier roi. Je le savais car il y avait son nom écrit dessus. Son regard me fit drôlement de la peine, aucune joie ne le pénétrait. La brume semblait couvrir ce dernier.
La coccinelle me sortit de mes pensées alors qu'elle se mit à voler au-dessus d'un carré de marbre qui se tenait dans le coin, juste à côté du vase. Je m'y avançais, curieuse, quand bien même je demeurais dans l'incompréhension. Puis une illumination me fit plisser des yeux. Je ne tardais pas à chercher dans les alentours à la recherche de quelque chose. Une manette, un bouton, un levier.. tout ce qui pourrait me permettre d'ouvrir un passage secret.
Je savais bien, que comme tous les châteaux, ce dernier devait en posséder un tas. J'allais trouver ce dernier de gré ou de force. Cependant, j'avais beau regarder, je ne voyais rien et ça m'irritait. Les mains sur les hanches, l'expiration lourde, la langue qui passait furieusement sur le haut de ma dentition. Tout annonçait la couleur.. je perdais patience.
Puis, le long chandelier sur pied qui décorait le coin opposé m'interpella. Je me mis à regarder sous l'un de ses gros pieds arrondis et creux, mais il n'y avait rien. Alors, je regardais le deuxième pied, où ma découverte fut bien appréciée. Un minuscule bouton se cachait juste en dessous, on le voyait à peine.
Évidemment, j'appuyais dessus sans me faire prier. Une trappe s'ouvrit sitôt là où la coccinelle virevoltait plus tôt. Au-dessus du carré de marbre, ce dernier s'éclipsa et laissa un passage étroit montrer le bout de son nez. Une échelle en fer et peu rassurante nous permettait de descendre. Celle-ci grinçait alors que je sautais dessus à la hâte d'en découvrir davantage. Je me fichais bien qu'elle puisse se briser, car la hauteur n'était pas excessive.
Un pied à terre, et l'autre suivit. J'observais les alentours, me rendant compte que je me trouvais dans des sous-terrains tout à fait normaux. Froid, avec des lumières chaudes, des rats par-ci et par-là, puis des murs qui se ressemblaient tous comme deux gouttes d'eau. Je soufflais, lasse à l'idée de me perdre. Cependant, ma petite coccinelle m'avait bien l'air de vouloir me guider encore un peu, car elle passa devant moi.
Je la laissais faire, rassurée, puis me lançait derrière elle. Il ne nous fallut que trois bonnes minutes de marche, avant d'arriver là où elle voulait m'emmener. Une porte en bois, en bon état se tenait sous mon nez. L'insecte passa dans la serrure et la porte s'ouvrit aussitôt. Le grincement ne me fit ni chaud ni froid, alors qu'en temps normal, il m'aurait probablement fait frissonner.
Je découvris sans grande surprise un bureau en pagaille. Cela ne ressemblait en rien à une pièce où l'on travaillait sans vraiment travailler, comme dans le bureau du roi, mais plutôt à une pièce où l'on se dévouait corps et âme à un sujet qui nous passionnait.
Il y avait des tableaux remplis de graphiques et de paperasses ! Des tas de listes de noms étranges dont je ne savais même pas si cela désignait des humains ou des lieux. Une armoire bourrée de livres au point où cela débordait presque. Mais.. sur ce bureau se tenait un autre livre avec un nom que je connaissais.
« Ckkros »
Le livre que Féroll m'avait demandé de lui ramener. Ce nom était ridicule, je n'étais pas même sûr de le dire correctement. Et pourtant, malgré cela, ce qu'il contenait valait apparemment de l'or. Je jetais un œil dans les alentours, pour être sûr d'être seule, puis je m'installais sur la chaise en cuir rouge foncé et à moitié usée.
Mon cœur s'accélérait alors que j'ouvrais les premières pages du bouquin. Je compris rapidement de quoi il s'agissait et ce que « Ckkros » voulait dire. Sa signification n'était rien d'autre que « Dimension ». Cela parlait uniquement de ça, de Atrix, ses trois sources, sa force et sa.. faiblesse. L'identité de l'auteur de ce livre restait inconnue, mais j'étais prête à mettre ma main à couper qu'il avait dédié sa vie à ce livre. Tout était si précis que ça en devenait angoissant.
Une page attira mon attention, cette dernière parlait d'un sceptre spécial qui se trouvait apparemment dans une dimension sous-marine. Le Sceptre d'Irse. C'est ce dernier qui permettrait de réduire Atrix à néant et de lui voler son pouvoir, de devenir probablement l'être le plus puissant. Mais ce qui me triturait l'esprit c'était le dessin qu'il y avait juste à côté. Ce sceptre.. je l'avais déjà vu à quelque part, mais il m'était impossible de me souvenir où.
Je lisais encore et encore, quand je me rendis compte que la coccinelle n'était plus là et que du bruit retentissait soudain. Il y avait quelqu'un juste au-dessus.. Est-ce que cette personne savait que j'étais là ? Heureusement pour moi, je ne ressentais plus le stress, cependant, je devais faire attention de ne pas me faire attraper.
Je refermais à contrecœur ma découverte, et me laissais tenter par l'idée de déguerpir. Malheureusement, je ne connaissais pas le chemin du retour et ma lumière m'avait abandonné. Je me mis à courir alors que les bruits de pas continuaient de me suivre. Quand bien même ils semblaient être dans le château et non pas dans le sous-terrain, j'avais l'impression que cela me suivait. Et cela m'embêtait grandement.
Alors je galopais de plus en plus vite, sans savoir où je me rendais. C'était si long, mais l'adrénaline me permettait de ne pas trop voir le temps passer. Je sentais mon cœur s'exciter, mais mon esprit rester de marbre, mon pouls s'accélérer, mais mon âme ignorer la menace. Encore une fois, mon corps réagissait.
Je tournais à gauche, puis à droite. J'évitais les obstacles et m'aventurais dans des profondeurs dont je n'avais pas idée. Mais par je ne savais quelle grâce, je reconnus un lieu que j'avais déjà visité, alors que le décor changeait légèrement. La lumière n'était plus aussi chaude ici, au contraire, plus froide et glauque.
J'étais heureuse de me rendre compte que je me trouvais là où j'avais une fois atterri et rencontrer le roi, autrefois jeune prince. Ce qui voulait dire qu'il y avait pas loin d'ici, la porte qui donnait sur la grande salle.
Aussitôt pensée, je me dépêchais de la trouver et pour une fois, ce ne fut pas long. Je sortis dès lors, me retournant pour refermer l'entrée. Il n'y avait personne ici, toute la pièce était vide comme la fête se tenait dans la petite salle. Je ne pus m'empêcher de sourire, victorieuse, et de me retourner une nouvelle fois alors que j'avançais vers les gigantesques portes.
Malheureusement, en me retournant, je n'avais pas prévu de tomber nez à nez avec Parsaté. Cette dernière me regardait étrangement, un poil en colère ? Elle s'avança vers moi et je reconnus le bruit de ses talons. Était-ce elle qui m'avait poursuivi ? Qui m'avait cherché désespérément ? Qui avait ressenti la présence de quelqu'un dans les sous-terrains ? Cette sorcière était vive d'esprit !
― Que fais-tu là ? Son timbre cinglant m'interpella.
― Rien qui ne te regarde.
Je la dépassais à peine, lui tournant le dos, qu'une vive douleur me frappa dans la tête. Elle fut si intense et douloureuse que j'en perdis l'équilibre. Je tentais au mieux de ne pas hurler, cependant, c'en était impossible. Mes cordes vocales se mirent à chanter de leur propre chef. Je maintenais mes tempes, avec l'impression qu'elles allaient exploser. Les veines sur mon front grossissaient, ma peau rougissait et chaque membre de mon corps se tendait. Cette souffrance m'éreintait, elle me ligotait comme un noble avec ses esclaves !
― Arrête ça ! Je criais fermement. Je te jure que je vais te tuer si tu continues !
Je sentais mes pupilles me picoter de temps à autre, puis mes ongles ou bien mes canines s'extraire grossièrement. À cause de cette torture, ma louve voulait sortir. Parsaté ne me quittait pas des yeux et continuait de me tourmenter. Mon corps tremblait, je hurlais, je bavais et me lançais à terre comme un gueux.
Je perdais la tête, et ne supportais plus ce poids qui m'oppressait. Mon esprit qui ne ressentait plus rien depuis un moment, se tournait vers la folie. La douleur le rendait hystérique. Je devenais hystérique. Mon grognement fut presque théâtral alors que je laissais toute ma colère s'extirper de celui-ci. Comment osait-elle ?
Une masse se fit sentir dans mon estomac, quelque chose d'inquiétant, de sombre. Sauf qu'autour de cette dernière, je percevais dans ma tête une lumière bleutée la diriger. C'était mon pouvoir qui s'éveillait, mais d'une manière différente. Cela me réchauffa le corps, mais pas assez pour me libérer.
Puis pour mon plus grand bonheur, une porte dimensionnelle s'ouvrit sous mes yeux. J'y tombais à l'intérieur, non sans entendre une dernière phrase de Parsaté.
― Comment.. Elle avait murmuré.
― Moi aussi, je me demande comment.. Je disais dans ma bulle préférée, entouré de la mer.
Comment avais-je réussi à ouvrir une porte dimensionnelle alors que je me trouvais dans le château ?
― Je t'ai un peu aidé.. Une voix me sortit de mes pensées.
― Atrix ? Pourquoi ?
― En réalité, j'ai simplement accéléré ton processus. Tu commençais déjà à ouvrir la porte, mais tu avais du mal, ça prenait trop de temps.. Et je ne voulais pas te voir souffrir davantage, Dayle. Tu es mon enfant, mon élu.
― Mais.. et l'Érale ?
― L'Érale ne vaut rien contre la détermination et la désespérance..
Je sentis son départ, et me laissais tomber dans une réflexion suite à ce qu'elle venait de dire. Avais-je été désespéré de déguerpir à ce point ? Avais-je été déterminé à ce point ? L'intensité de ses sentiments.. Comment pouvaient-ils encore être là ?
Peut-être n'étais-je pas aussi inconsolable que je ne le pensais ? Peut-être allais-je être capable de ressentir à nouveau, sans lui.. ? Mais quel type de sentiments ? Ne s'agissait-il pas que du côté sombre de ces derniers ? Non, pas la détermination, c'était une bonne chose également..
Je fermais les yeux, sentant un sol moelleux dans mon dos. Je venais d'atterrir à quelque part, mais où ? Cela ressemblait à un lit, et un millier de parfum flottait dans les airs. J'ouvris les yeux, et fus estomaqué de me rendre compte que je ne reconnaissais pas cet endroit. Les odeurs se mélangeaient et j'étais incapable de savoir si une personne était bel et bien présente ici, dans ce qui me semblait être une maison. Cela sentait si fort.
Je me levais lentement et observais le lieu, fait de pierre et de bois, ancien et à la fois rénové. Une chaleur agréable me caressait la peau et me berçait après ce que je venais de vivre. D'ailleurs, je pris le soin d'essuyer ma bouche et de me refaire une beauté devant ce qui ressemblait à un miroir en forme de bouteille. Il était intéressant, et un peu farfelu.
Puis dans ma contemplation, je ne perçus rien. Seulement, par la suite, une voix perçante et séduisante, mais aussi ornée de colère me demander :
― Qui es-tu ?
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