Sain d'Esprit (Laura Woodward...

Da LeodeGalGal

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Ceci est un tome 2, passez votre chemin si vous n'avez pas lu (et apprécié) Les Affaires des Autres ! La tra... Altro

Préambule
Récapitulatif des personnages (au besoin, sans spoilers pour le tome 2)
Un instant perdu
1. Train-train sanglant (1/2)
1. Train-train sanglant (2/2)
2. De la promiscuité
3. Un os dans le gratin
4. Visite macabre à Butterfly
5. Sans nostalgie, vraiment
6. Relance
7. Au taquet
9. Inspection délicate
10. Apparition
11. Bienveillance brune
12. Garder le cap (1/2)
12. Garder le cap (2/2)
13. Interférences
14. Mauvais esprit
15. La compagnie des vivants
16. SOS fantômes
17. Retour à la fac
18. Assaisonnement (1/2)
18. Assaisonnement (2/2)
19. Indésirable
20. Les autres
21. L'expert (1/2)
21. L'expert (2/2)
22. Le chacal
23. Les voies du dépit
24. Enquête et trahisons (1/2)
24. Enquête et trahisons (2/2)
25. Compromis
26. Contre-attaque (1/2)
26. Contre-attaque (2/2)
27. Un autre spécialiste
28. Échos de Dunnes
29. RedWeasel007
30. Triste fin
31. Apprentie sorcière (1/2)
31. Apprentie sorcière (2/2)
32. Introduction posthume
33. Le coût du silence
34. Catharsis
35. Thérapie
36. Orage
37. Chaleur humaine
38. Incendie
39. Persév-errance
40. Qui sème le vent
41. Prise en charge
42. Réminiscences hivernales
43. Encore debout
44. Personne n'est parfait
Postface
L'eau qui dort (chapitre Poisson d'Avril)

8. Entre détectives

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Da LeodeGalGal

Le groupe était composé de dix-huit anonymes, cachés derrière leurs écrans de portable ouverts, tapotant sans discontinuer, de deux touristes, de Graham, d'une grande gueule et d'un premier de classe.

Les touristes étaient assis au fond de l'auditoire – un gars, une fille – et passaient leur temps sur leur téléphone, à jouer des pouces, en esquissant parfois un sourire ou une grimace. Passionnantes choses en ligne, à n'en pas douter. 

Graham était installé au milieu d'un groupe de dactylos et les imitait de son mieux, même s'il avait l'air un peu décontenancé par leur rythme effréné. Aux pauses, il bavardait avec les uns et les autres, détendu, un peu charmeur, un gamin de la campagne, extraverti comme il faut, bientôt parfaitement intégré. 

La grande gueule était un jeune gars aux lunettes rondes, mince, vêtu d'une chemise à rayures impeccablement repassée. Il écoutait sans prendre note, le crayon appuyé sur les lèvres, et posait sans cesse des questions. Pertinentes, pour la plupart. Documentées, aussi. Laura se demanda d'abord ce qu'il faisait là et s'il allait la lâcher, puis se prit insidieusement au jeu. Elle avait les épaules pour le contrer, mais il fallait aussi qu'elle s'en tienne à son programme. 

Le premier de classe, un gamin qui paraissait trop jeune pour être là, aux cheveux paille décoiffés et au tee-shirt de baseball, posait aussi beaucoup de questions, mais de ces questions inquiètes qui reflètent une anxiété dévorante, celle d'échouer. Laura fit de son mieux pour le rassurer, sans y parvenir parfaitement, et ce qu'elle avait trouvé touchant au départ finit par la rendre folle. Elle accueillit la fin du cours avec soulagement.

Evidemment, la grande gueule et le premier de classe vinrent la voir au moment où les autres quittaient l'auditoire. Elle s'efforça de leur accorder à chacun un peu de temps. Oui, l'opus du docteur Fromm sur les scènes de crime était un excellent bouquin ; non, il n'était pas nécessaire de retenir le nom de tous les insectes qu'elle avait cités. Elle se demandait comment elle allait bien pouvoir s'en dépêtrer lorsqu'elle reçut l'aide inopinée de l'inspecteur Melville. L'inspectrice surgit soudain en haut des marches et lui fit signe de la main. 

— Messieurs, je suis attendue.

Les deux étudiants dévisagèrent la nouvelle venue, qui leur présenta son badge d'un geste théâtral. Si le jeunot s'esquiva sans demander son reste, Laura devina que son aîné n'aurait pas détesté s'attarder. Il eut néanmoins la politesse de sortir, à son aise.

— Tu me sauves, fit Laura dans un soupir.

— Tu as du succès, dis donc.

— Auprès des enfants, formidable.

— Ils ont au moins vingt ans. Tu as le temps pour un café ?

Laura éteignit son portable et replia les câbles.

— Ça dépend pour quel café.

Helen rit joyeusement et s'assit sur le bureau.

— Pas celui d'ici, si c'est ce qui t'inquiète. Je sors d'une série d'interviews... Je retourne en ville. Je peux te donner un lift vers le centre, si tu veux.

— J'ai ma voiture.

— Alors c'est toi qui me donneras le lift.

L'inspectrice sortit son téléphone et pianota une seconde.

— Voilà qui est fait. Je discuterais bien avec toi de Zaffy. Je te promets de te laisser rentrer avant la nuit.

— En cette saison, ce n'est pas très rassurant, s'exclama Laura tout en l'accompagnant vers la sortie, la mallette sous le bras.

Helen ne répondit rien et elles gagnèrent le couloir, les escaliers, puis la rue. Les auditoires étaient situés au sous-sol du bâtiment dans une cave que les années avaient rendue de plus en plus jaunâtre, l'effet combiné d'une mauvaise lumière sur des murs qui avaient besoin d'être repeints. Les étudiants l'appelaient la cuve à pisse, tout un programme.

Laura prit une profonde inspiration en sortant, ravie de retrouver la lumière, un peu moins la terrible chaleur. Elle guida Helen jusqu'à sa voiture, qu'elle avait pu – passe-droit bienvenu du corps enseignant – garer non loin. Une fois installée, elle se tourna vers son invitée.

— On va où ?

— A l'Arnaque ?

— Ça marche.

C'était un café plutôt sympa, à la décoration décalée rappelant un bar de la prohibition fantastique, rarement très fréquenté mais jamais complètement désert, et il y avait toujours moyen de se garer sur le parking du supermarché voisin. La circulation était dense – un accident un peu plus loin – et Laura se concentra sur le trajet, tandis qu'Helen lui racontait les derniers potins du commissariat, les mariages, les enterrements, les mises à pied. 

Laura attendait toujours que l'inspectrice lui parle de futurs bébés mais rien ne venait. En tant que médecin, même légiste, Laura ne se serait jamais permise de la questionner sur ses projets. C'était sexiste, maladroit et franchement pas très intéressant. Laura était d'ailleurs plutôt ravie qu'Helen n'ait pas d'histoires de marmots dont l'assommer.

Elles s'installèrent devant une tasse de thé, comme deux grands-mères en devenir, contraintes par leur service. 

— Raconte, alors.

— C'est ce Zaffy. Ce type a l'air d'avoir un nombre incalculable d'ennemis. De détracteurs, devrais-je dire. On n'est pas ennemis, dans ce milieu. On ne se met pas sur la gueule dans les parkings à la nuit. On se fait des coups vaches. On se trahit, on se copie, on se ment incroyablement et on s'exploite. Mais de là à fracasser un crâne... Tu sais qu'il n'avait que cinquante-deux ans ? Je pensais qu'il était plus vieux. Mais non. Il était jeune, grand, athlétique... et aucun de ses proches, collègues ou famille, ne fait deux mètres et du bodybuilding. Il n'y a d'ailleurs aucun type de ce genre sur les caméras de surveillance du bâtiment Lombroso. Ni le jour du meurtre, ni les trois semaines qui précèdent.

— Misère, qui est le malheureux qui s'est farci toutes ces vidéos ?

— Quatre stagiaires. Ils ont tous rendez-vous chez l'ophtalmo, depuis. L'enfer.

Helen grimaça et but une lampée d'eau brûlante. Laura n'était pas adepte du thé mais n'avait pas tellement réfléchi en lui embrayant le pas. Andrew, le mari d'Helen, était un connaisseur.

— Certaines drogues anabolisantes peuvent décupler la force de ceux qui les consomment, non ? demanda l'inspectrice.

— Décupler, non. Mais c'est vrai qu'il existe des crasses qui permettent une meilleure mobilisation de la masse musculaire. Certains sportifs les utilisent.

Laura croisa les bras.

— Est-ce que vous ne seriez pas mieux à chercher le mobile ?

— Je te l'ai dit, il y en a mille, des mobiles, rien que dans le couloir où bossait Zaffy. Alors s'il faut élargir... Mais c'est ce qu'on fait, mine de rien. On interroge. Je viens d'en voir quatre, ce matin. La secrétaire du département, le chef du département, un ancien post-doc devenu prof à l'étage inférieur, et l'informaticien. On a déjà interrogé tous ses chercheurs. Tu sens bien que les trois quarts sont convaincus qu'il le méritait, mille fois, mais aucun ne l'a fait. Les alibis sont solides, les gens étaient ailleurs. Au final, le plus suspect serait ce Brun arrivé de nulle part, mais c'est pratiquement le seul qui ne connaissait pas Zaffy et les relevés de son GPS sont formels : il était chez lui à l'heure présumé du décès.

Il ne manquerait plus que ce pauvre Gareth soit accusé à tort.

— Il n'y a pas eu vol ?

— Rien du tout. Ni son portefeuille, ni son téléphone, son disque dur... On pourrait éventuellement y voir l'acte d'un fou... un schizo qui faisait une fixette, un paranoïaque... On a commencé à éplucher les dossiers du personnel, des étudiants, voir si on a des signes en ce sens. Secret médical, blabla, je sais ce que tu vas dire, mais en général, ils sont déjà passés par chez nous, ces gars-là, donc on se contente des casiers.

Laura n'avait pas ouvert la bouche. Jonathan serait immanquablement monté au créneau, furibard, mais pas elle. Helen avait raison : ces choses arrivaient. Tous les psychotiques n'étaient pas meurtriers, mais certains l'étaient. Jonathan aurait rétorqué que les statistiques montraient que les malades mentaux étaient plus à risque de coups, blessures et mort prématurée que la population soi-disant saine, mais Laura savait qu'ils étaient plus à risque surtout à cause de ce qu'ils s'infligeaient à eux-mêmes.

— On imagine mal un schizo effacer ses traces avec tant de soin, reprit Laura.

— Mais apparemment, certains paranoïaques en sont capables. Et il y a la possibilité d'un psychopathe, aussi. Même si la cible, un prof quelconque, dans un endroit aussi exposé, n'en fait pas une victime évidente de ce genre de tarés.

Helen reprit une gorgée de son thé.

— Vous avez pensé à... un contrat ? demanda Laura.

— Bien sûr. Un pro qui la jouerait grandiloquent pour qu'on n'y pense pas. En fait, c'est le plus probable... vu l'état de la scène de crime, le manque d'indices matériels... mais du coup, on en revient à toute cette ribambelle d'intellos. Plus l'épouse, les amis...

— L'épouse ?

— Disons qu'il fricotait avec les thésardes, de temps en temps.

Laura leva les yeux au ciel.

— Comme tu dis.

Elles ne poussèrent pas le sujet plus loin. Helen était accusée par les mauvaises langues de s'être servie de la promotion canapé pour atteindre son niveau actuel de responsabilités. Qu'elle ait épousé le promoteur en question n'y changeait pas grand-chose.

— Mais même si c'était un tueur professionnel, ça n'explique toujours pas comment il a pu fracasser un crâne avec un clavier d'ordinateur. Et le fait qu'il n'y ait qu'une seule caméra fonctionnelle dans tout ce putain de département n'aide pas non plus : je ne peux pas être sûre qu'il n'a pas emprunté un chemin de traverse pour arriver jusqu'au deuxième. L'ascenseur était hors service mais il y a des cages d'escalier partout ! Le bâtiment a été construit à une époque où les pompiers la ramenaient déjà, évidemment. On n'aurait pas ce problème au collège d'histoire.

— C'est ce que tu crois. Il court beaucoup de rumeurs sur les multiples passages secrets qui relient les anciens collèges entre eux.

Helen écarquilla des yeux horrifiés.

— Il ne manquerait plus que ça.

Elle posa deux doigts sur son front, puis poussa un bref soupir.

— Tu as entendu parler de celui qui s'est défenestré ? 

— Rupert Harlow l'a mentionné en passant, répondit Laura, évasive.

— Juste comme ça ? Pas en lien avec Zaffy ?

— Pourquoi ? Il y a un lien avec Zaffy ?

— Bah... Même genre de profil. Type imbuvable, coureur de jupons, une star dans le domaine, détesté par la majeure partie de ses étudiants, doctorants et consorts. Et aussi un habitué de la faculté de criminologie.

— Mais je pensais qu'il s'était suicidé.

— Ou qu'il est tombé ou qu'il a été poussé. Il venait de manquer une promotion. Il voulait devenir doyen mais on lui a préféré quelqu'un d'autre, de plus âgé, de moins retors, il ne s'y attendait pas. Mais il n'a pas laissé de courrier. Et franchement, il avait encore vingt ans pour y arriver. Son épouse est stupéfaite, la plupart de ses collègues, même ceux qui jubilent, le sont tout autant. On parle de la part d'ombre en chacun, des gens qui masquent leur dépression, tout le blabla... mais c'est quand même bizarre. A quelques jours d'intervalle.

— Tu crois qu'il y a une sorte de justicier qui élimine les profs pourris ?

Helen eut un sourire.

— Ça ne me parait pas si absurde que ça... Un gars, ou une fille, qui s'est senti trahi par le système... Une bourse non renouvelée... Une idée géniale plagiée... La négligence, simplement... Il suffirait de quelqu'un d'un peu désespéré, d'un peu déséquilibré... C'est une piste de travail, en tout cas.

Laura acquiesça. Décidément, Helen était une source formidable, sans qu'il n'y ait rien à forcer.

— Pourquoi soudain maintenant ?

— C'est justement la question. Trouver quelqu'un qui a le profil, sur qui il vient de tomber une tuile académique...

Elle grimaça.

— Et qui est capable de fracasser un crâne d'un seul coup de clavier.

— Plusieurs, corrigea Laura.

Helen dévisagea le médecin légiste.

— C'est une donnée sur laquelle tu ne vas pas revenir, n'est-ce pas ?

— Désolée.

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