Shogo..
Shogo..
Shogo..
Voilà ce que mon esprit me répétait depuis. Sans cesse, cela tournait en boucle dans ma tête. Je revoyais la bouche de Yediel m'avouer ce crime. Lui, que j'aimais tant, il avait osé me poignarder dans le dos. Comment avait-il pu me chercher, m'enlacer et m'embrasser tout en sachant ça ? Tout en sachant que je le haïssais déjà pour une autre raison, que moi j'ignorais encore ?
Je hurlais depuis, je me vidais d'eau maintenant que le choc était enfin passé. Ce splendide endroit se transformait peu à peu en un bazar où personne ne voudrait y mettre les pieds. Pourquoi fallait-il qu'il s'agisse de lui ? Et pour quelle raison avait-il fait cela ?
Pourquoi..
Pourquoi ?!
Ma conscience ne marchait plus correctement, j'ignorais à présent ce qui était bon ou mauvais. Je ne percevais plus la lumière de la lampe, un voile noir m'obstruait la vue. De même pour Ova, je ne la voyais plus. L'unique chose qui me faisait face, c'était ma colère et mon désespoir. Comment allais-je pouvoir me libérer de mes démons à partir de maintenant ? Comment pouvais-je réussir à lui ôter la vie ?
Quand bien même ma haine s'étalait comme un volcan entrant en éruption et sa lave, je ne pouvais me résumer à abattre l'homme qui faisait battre mon cœur. Je le détestais tellement, et l'aimais tout autant. Son visage, ses lèvres sur les miennes, ses mains contre ma peau. Toutes ces choses déclenchaient en moi un feu que je ne savais plus dans quelle catégorie ajouter. Le bien ou le mal. Car chaque fois que je me rappelais de ceux-là, ma noirceur s'intensifiait et mon plaisir de même. Les deux s'entrechoquaient comme deux cerfs en proie à se battre pour une femelle.
Encore une fois, ma voix fit trembler d'horreur cette pièce. Yediel était parti depuis un bon moment, peut-être même une journée ? Ou plus ? Quelque chose en moi avait dû lui dire de le faire. Lorsque son regard avait rencontré le mien suite à cette nouvelle, il avait étrangement changé. Puis il avait quitté les lieux sans rien dire. Mais peu importait..
― Je dois le retrouver.. Je commençais à murmurer dans ma barbe. Il va m'expliquer ! Ça doit forcément être une erreur.. Shogo ne peut pas avoir fait ça !
Puis je tentais aussitôt d'ouvrir une porte, mais rien ne vint. Je faisais mon maximum pour garder mon calme, mais je le perdais progressivement. Chaque fois un peu plus lorsque j'essayais encore et encore, mais que cela ne marchait pas.
― Merde ! Fichu porte de mes deux ! Arghhh !
Une énième fois, j'en vins à trouver un objet à casser en mille morceaux. Je me défoulais et me blessais au passage. Je griffais les murs, les draps, les rideaux, puis le bois. Mon esprit n'avait plus rien d'humain. La bête prenait le dessus.
Je.souffrais.
Et ça dura pendant trop longtemps, tellement, que je fus obligé d'y mettre un terme. Enfin, mon corps m'obligea à le faire, n'en pouvant plus. Je me laissais alors tomber dans un petit coin, là où aucun débris ne traînait. Mon regard s'abîmant et se déposant au loin. Mes poumons me brûlaient, mais pas plus que mon cœur. Il ne restait plus rien de ce dernier, pas une seule et unique poussière.
...
Le temps passait sans que je ne puisse en donner ni l'heure, et ni la date. Un soldat m'amenait parfois à manger, des femmes de ménage venaient de temps en temps pour ranger mon bordel. Mais elles ne restaient jamais longtemps, car elles me craignaient. Tous avaient peur que je puisse une énième fois péter un câble. À tout moment.
Actuellement, ma chambre était bien, comme neuve. Cependant, la seule chose qui pouvait un semblant m'intéresser, c'était de la détruire à nouveau. Et.. c'est ce que je fis. Sauf que cela fut différent de la première fois.
Cette fois-ci, je me défoulais d'une autre manière, ma haine et mon désir de vengeance. C'était toujours ainsi, ma rancœur finissait toujours par revenir d'une façon ou d'une autre. Je finissais toujours par avoir un nouvel objectif. En clair, cette merde ne me quittait jamais.
Je me défoulais donc par haine et frustration, et non plus par haine et tristesse. J'étais frustrée à cause de l'idée qui me trottait dans la tête. J'allais lui faire regretter et me décrasser enfin de tout ce noir qui me collait à la peau. Toutefois, cette première façon ne m'enchantait pas plus que ça. Mais malheureusement, ma conscience étant sur le mode veille, je m'en fichais plus que ça ne me dérangeait.
― Si tu crois que je vais rester l'entièreté de ma vie à me rouler dans la boue.. c'est mal me connaître. Je grinçais des dents. Shogo.. ! Je vais te faire tomber avec moi pour pouvoir m'en sortir par la suite. Quant à toi..
Je donnais un coup-de-poing dans le bois qui céda sous ma force. Mes yeux me piquaient, et Ova que je revoyais enfin, était bel et bien plus menaçante. Comme si mes émotions l'influençaient indirectement. Il n'empêche qu'elle refusait toujours de lui faire du mal. Il était notre âme et il nous avait marquées.
Ce foutu marquage ! J'allais réellement en chier. Je grognais dans ma barbe, en rogne, mais satisfaite parce qu'à présent je savais sur qui ma vengeance allait se terminer. Je savais qui j'allais faire souffrir.. à ma place. C'est ainsi que je me rassurais, oui, c'était lui le méchant ! C'était lui le voleur ! C'était lui qui m'avait empêché de me délivrer de cette noirceur ! Tout était de sa faute !
Il ne restait plus grand-chose à détruire ici. Mais mon torse se baissait et se relevait de plus en plus lentement, toujours avec force, mais plus lentement. C'était un signe que je commençais à remettre finalement les pieds sur terre. Enfin, je revenais, mais changé, différente de comment je m'étais envolé.
Il faisait nuit en moi, aucune lune n'était présente pour m'éclairer. Je marchais fermement dans le noir et ne recherchais pas même une ridicule lueur. Ova m'appelait dans des échos que j'ignorais. Sa voix se dispersait dans ma tête.
― Ne fais pas ça.. Dayle.. Reprends-toi..
― Dayle..
Ce fut le dernier mot qui me parvint, mon prénom.
Oh non, il était temps que je mette un terme à tout ça. Je ne pouvais plus me balader avec ce bagage, je ne tenais plus. J'avais désormais un nom, le dernier que j'avais souhaité entendre, et pourtant, c'était bien celui que j'avais entendu.
Je te détestais tellement, je ne pensais qu'à toi, qu'à la façon dont je pouvais te prendre dans mes bras.. Pour t'y étouffer ? Pour y être cajolé ? Shogo, tu me tuais désormais et mon esprit me hurlait de te supprimer. Mon cœur m'interdisait de le faire. Mais c'était trop. Je ne le savais pas encore, mais je me perdais, enfin, j'étais sûrement déjà perdu.
― Tu sais Ova, je t'aime plus que tout au monde, mais il est temps que je commence à m'aimer également. Une larme coula sur ce visage vide. Il est temps que je commence à aimer ma vie. Une vie sans ciel gris pour me ternir, une vie sans amertume pour me tenir loin des saveurs. Je veux.. vivre.
Mon désespoir se percevait dans ce dernier mot. Ova ne répondit pas, mais je ne savais pas si c'était moi qui l'en empêchais ou si cela venait simplement d'elle. Peu à peu, les images dans ma tête de lui disparaissaient, l'obscurité prenait le dessus et détruisait tout ce qui me restait sur son passage. Cette trahison était ma perte, et le début d'un nouveau livre. Je l'espérais, non, j'en avais besoin !
Une femme de ménage entra, mais lorsqu'elle remarqua la pièce, puis par la suite mon regard, elle se retira aussitôt non sans baisser les yeux. Mon corps me brûlait, c'était probablement la seule chose que je ressentais actuellement. Cette brûlure me calcinait l'âme, me brouillait les nerfs.
...
Derrière cette porte cachée, se trouvait une petite pièce avec un bain, un toilette, et un lavabo. Il n'y avait pas grand-chose d'utile, seulement le strict nécessaire pour garder une bonne hygiène. J'avais plongé dans un bain, pris soin de mes jambes, de mes aisselles, et de ma peau en général. Je le faisais sans réel entrain, mais plus par obligation. Je m'obligeais à vivre normalement, même si mon esprit ne suivait plus.
La mousse se collait contre ma poitrine, mes cheveux frôlaient mon dos. En moi, un calme étrange flottait. Cela provenait sûrement de ce détachement, de ce choc que je venais de vivre. Je me sentais vide, vide mais avec une détermination nouvelle. La souffrance, pour la libération. Je me trouvais face à un hypnotiseur, incapable de contrôler mon corps.
Un bruit fit vibrer la pièce, celui d'une porte qui coulisse. Ma tête resta ainsi, et ne bougea pas, quand bien même je savais qui venait d'arriver. Je me fichais d'être nu, je me fichais d'être sous ses yeux. Dans un bain peut-être, mais dénudée. Son regard persistait sur moi, mais il ne disait rien.
Yediel s'avança lentement, et enfin, je décidais de tremper mes yeux dans les siens. Je ne partageais plus d'émotions avec lui et il le remarqua. Il vit que ma lumière avait disparu, celle qu'il avait toujours autant aimé. Malgré cela, il ne sembla pas effrayer de m'aimer. Au contraire, il semblait vouloir être ma lumière.
Pourquoi.. ?
― Pourquoi tu continues à t'encombrer d'une femme comme moi ?
― Justement parce qu'il s'agit de toi. Je n'ai nullement besoin d'un lien pour savoir que tu es la bonne. Je l'ai toujours su. Il souffla délicatement.
J'expirais du nez, détournant le regard dans le vide de tout à l'heure. Yediel se posa près de moi, derrière plus précisément, attrapant une chaise dans la chambre. Puis il prit le soin de me laver les cheveux. Il les humidifiait, puis les savonnait lentement. Je me laissais faire et profitais de ce silence volontaire. Un silence étrange que je ne savais dire agréable ou non.
Il ressemblait à nouveau au Yediel que je connaissais, gentille et bienveillant. Et non pas à celui que j'avais pu rencontrer la dernière fois que nous nous étions vu. Il prenait soin de moi, celle qui le rejetait depuis le début, celle qui avait déjà été horrible avec lui. Certes, il m'avait quelque peu malmené, j'imagine que cela provenait de la colère qu'il avait ressentie en découvrant non seulement l'identité du.. tueur, mais aussi la marque. Cette fichue marque.
Cela n'excusait rien, mais je prenais cet acte comme une façon de s'excuser. Il ne comptait pas le faire de sa bouche, je le savais, pas cette fois. Les sujets étant trop sensibles. Mais il le faisait ainsi, en s'humiliant lui, le roi, en nettoyant une simple personne du peuple. En faisant le travail d'une servante auprès de quelqu'un qui n'avait pas même le noble titre de reine.
― Tu comptes le tuer ?
Il sut dès lors de qui je parlais, et son silence fut ma réponse.
― Je ne te demanderais pas d'y renoncer, car il a tué ton père et que je suis très bien placé pour savoir ce que cela fait, de connaître ce besoin de vengeance. Je me tournais vers lui, l'expression lasse. Mais sache que je tenterais ma chance moi aussi.
― Tu veux te venger de lui ?! Yediel s'étonna. Je ne pensais pas-
― Que mon désir de vengeance puisse persister en apprenant qu'il s'agissait de lui ? Je terminais sa phrase.
Il hocha de la tête, et vint sur ma droite, se rapprochant un peu plus en déposant ses coudes sur les rebords de la baignoire. Il observa chaque détail de mon visage, comme pour être sûr que je ne mentais pas. Lorsqu'il remarqua que j'étais amplement sérieuse, une aura ferme et satisfaite se dégagea de lui.
Il sentait la chose venir, mais il ne se doutait pas encore qu'il ferait partie de ma punition. Je pouvais mettre ma main à couper que la suite de la conversation allait lui plaire. Alors qu'il se reculait de peu, je décidais de m'approcher et de poser moi-même mes coudes là où les siens se trouvaient plus tôt.
― J'ai finalement bien réfléchis, et je pense accepter ta requête.
― Laquelle ? Il fronça légèrement les sourcils.
― Celle de t'offrir ma main, et de devenir ta reine.
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Hello tout le monde !!
Je peux déjà sentir votre frustration suite à la fin de ce chapitre, ça me fait presque suer... Aïe.
Mais j'espère que vous êtes aussi heureux(ses) que moi de retrouver Dayle, Shogo, Yediel et les autres ? J'ai pris un peu plus de temps que prévu, je voulais terminer un projet avant de me lancer et prendre une petite pause hihi. Ne m'en voulez pas trop s'il vous plaît !!!!
En toute honnêteté, je ne sais pas encore si je pourrais être très régulière pour certaines raisons. Je préfère vous prévenir pour éviter les surprises, mais je vais faire de mon mieux pour l'être et pour vous publier les chapitres, soit le dimanche, soit le lundi désormais.
En attendant, j'attends impatiemment vos retours ici sur ce chapitre et je vous dit à très bientôt.
Léa☃