Trente-cinq ans plus tôt.
Il n'avait fallu que quelques instants pour que le Prince Immortel tombe follement amoureux de cette Mortelle.
Pendant près de deux ans, il l'avait côtoyé sans un seul contact physique intime. Il voulait passer tout son temps avec elle, minimum, une fois par semaine.
Alors qu'ils marchèrent, le jeune prince emmenait sa compagne dans un parc. Elle lui prit la main pour le faire changer de direction.
Durant toute son enfance, on lui avait inculqué les valeurs d'un Démon. Les Mortels étaient des êtres repoussants, insouciants. Ils étaient comme des animaux, dépourvus de savoirs et de réflexion.
Mais la vie d'un Démon était également en jeu. Côtoyer un être si fragile pouvait coûter la vie de sa bien-aimée.
Pourtant, le jeune prince s'en fichait. Il avait passé de longs moments à la comprendre, à identifier ses gestes, les endroits et lieux qu'elles aimaient, les petites attentions pour lui plaire. Il avait appris à comprendre comment un humain fonctionnait.
Pour lui, cette fille-là, n'avait rien en commun avec les autres humains.
Ils passèrent dans des allées, regroupés par maisons, puis elle pointa du doigt, un toit rose.
Sa maison.
Il ne voulait pas avancer, commettre le risque de la perdre même s'il ne pouvait pas s'empêcher d'être avec elle. Le prince ne pouvait pas cacher ses sentiments et il sentait que ceci était réciproque.
La masse noire, servant d'ailes, guidèrent le jeune couple vers une fenêtre ouverte. Lorsqu'il pénétra dans la pièce, son amie alluma la lumière.
Le Prince Immortel observa la chambre de l'adolescente.
Trois grandes vitres étaient cachées par des rideaux blancs. Plusieurs pots de plantes s'éparpillaient dans tous les recoins de sa chambre, un pachira se trouvait à côté de sa télé, un yucca à côté de son lit et plusieurs petits pots de sansevière sur une étagère.
Le sommet de son lit abritait de nombreuses étagères où plusieurs centaines de livres dormaient. Des petites photos étaient accrochées en forme de guirlandes et la corde zigzaguait entre les étagères. Il remarqua quelques petits cactus sur son bureau, tous en groupe sur le sommet d'une chaîne hi-fi. Les cd n'étaient plus dans leurs boîtes et les disques s'empilaient juste devant le lecteur. De grands poster de paysages étaient accrochés au plafond. Il ne reconnaissait pas ces paysages, sans doute des paysages humains, de Mortels.
Elle s'assit sur un canapé beige, couvert par une dizaine de petits coussins ronds et rectangulaires de différentes couleurs : bleu, brun ou encore café. Elle prit un bonbon dans un sachet et elle en lança un dans les mains du prince.
Il observa scrupuleusement la gourmandise emballée dans un papier vert. Il déchira, avec attention, l'emballage, puis il goûta à la boule de la même couleur.
Un goût particulier lui picota dans la bouche. Puis, l'acidité laissa sa place à la douleur. Ce bonbon était une découverte pour le prince.
— Tu n'aimes pas ? Demanda-t-elle avant de regarder les autres bonbons. Il était au citron.
Le prince ne disait plus rien et continua à mastiquer le bonbon. Il était délicieux.
Ses yeux continuèrent à regarder le dos des livres sur les étagères. Il n'arrivait pas à comprendre l'écriture de ces humains, mais il commençait déjà à comprendre quelques mots grâce à elle.
Elle sortit un appareil photo et prit de dos, le corps du jeune homme. Il sursauta par le cliquetis du flash.
Il fronça les sourcils en lui demandant l'utilité de cet objet. Elle lui expliqua, en détails comme si elle prenait plaisir à lui parler puis elle s'interrompit.
— Chez vous, les Démons, vous n'avez pas toutes ces choses ?
— Non, dit-il. Mon père ne souhaite pas voir ce type de choses.
Le Prince Immortel rejoignit la jeune fille sur le canapé. Il s'assit à quelques centimètres d'elle pour ne pas la toucher.
Sa bouche s'ouvrit, mais il refusa de parler. Il entendit quelqu'un marcher sur le porche de la maison. La porte de la maison s'ouvrit.
— C'est ma mère, annonça Meï.
Le prince voulut s'échapper. Les humains étaient en danger avec eux, il ne voulait pas effrayer sa mère. Pourtant, l'adolescente lui attrapa le poignet.
La porte de la chambre s'ouvrit. Le regard délicat de sa mère croisa celui du jeune homme. Il avait envie de s'enfuir et de rentrer chez lui.
Cependant, sa mère l'invita à dîner.
Il apprit un tas de choses sur les humains. Ils ne faisaient pas recours à la magie quand il fallait faire à manger même si le prince sentait que cette femme était une sorcière.
Il les avait aidées à préparer le repas. Du bœuf, des pommes de terre et des légumes : la nourriture de ce genre était la seule chose commune qu'il avait entre eux.
Il parla avec sa mère. Elle était gentille, aimable et aimante, comme sa fille. Elle les regardait, avec compassion.
Il apprit du nouveau vocabulaire et il ne put s'empêcher de le répéter en boucle pour que ces mots ne soient jamais oubliés.
Quand le repas fut terminé, la mère remercia sa compagnie. Le jeune prince essaya de rester de façon la plus humaine possible.
Sa mère partit regarder la télé. En attendant, il regardait sa douce, débarrasser la table. Il l'accompagna, tenant plusieurs objets dans ses mains. Puis, il s'aida de la magie pour faire venir les affaires plus rapidement.
Elle lui tapa sur le bras, lui faisant rappeler qu'il ne pouvait pas s'exercer devant d'autres humains.
Meï le prit par la main et l'emmena dans sa chambre. Elle semblait triste car le prince devait rentrer.
Pour ne pas éveiller les soupçons, le prince racontait à ses parents qu'il s'entraînait avec son serviteur dans un endroit reculé.
Elle s'allongea sur son lit et soupira avant de rapidement se redresser. Il était déjà proche de la fenêtre, prêt à s'envoler. Le visage de la jeune femme se ferma.
Il se recula mais le corps de la jeune femme sortit du lit. Elle s'approcha du prince alors qu'il ouvrit la fenêtre. Il ne pouvait pas succomber même s'ils passaient du bon temps. Il ne voulait pas mettre sa vie en péril. Il y tenait trop, ils étaient comme deux bons amis.
Le visage de l'adolescente s'illumina puis elle lui adressa un sourire. Il arriva à lui rendre la même expression. La masse brumeuse entoura ses jambes, prêt à partir de cette chambre.
L'air frais secoua sa magie lui donnant envie de partir à toute vitesse. La sensation de voler était d'une liberté indescriptible.
Un autre frisson lui parcourut.
Écarquillant les yeux, il regarda la main de l'adolescente sur son torse. Elle avait mis ses pieds dans l'ombre, comme si elle souhaitait voler et partir avec lui.
Ses yeux plongèrent dans les siens. Il eut l'impression de tomber dans un vide sans fond.
Elle était si belle.
Ses yeux noisette étaient plus foncés à cause de la nuit. Ses cheveux longs et bruns descendaient jusqu'à ses hanches : il semblait doux et soyeux à toucher.
Ses mains rencontrèrent la peau pâle de la jeune femme. Le corps du prince sembla bouillonner. Ses veines le démangeaient alors que leurs corps étaient proches.
La jeune femme ne bougeait plus alors que le prince ne savait plus quoi faire de ses mains. Ses pouces caressaient la douceur de ses joues chaudes puis il approcha lentement son visage.
Son rythme cardiaque s'accéléra. Il voulait faire marche arrière, lui trouver une excuse mais il ne pouvait pas lui faire du mal.
Il tenait tellement à elle, à sa présence. Il était heureux à ses côtés et il ne pouvait plus contenir ce sentiment pour lui.
Il l'embrassa. Le jeune prince était pris d'une nausée incontrôlable alors que le baiser s'intensifiait. Il fronçait les sourcils alors que son ventre le torturait de douleur.
Le processus de cette règle avait déjà commencé : la durée du prince commençait à se réduire, celle de l'être humaine également. Mais, il n'arrivait plus à se retenir. Il ne pouvait plus garder ses sentiments enfouis. Ils avaient explosé, en quelques secondes.
Les deux corps basculèrent dans le lit. Le Prince Immortel devint alors incontrôlable. Il embrassa follement la jeune fille, en gardant une certaine douceur puis il sentit les mains derrière son dos, demandant de se rapprocher encore plus.
Elle caressa les boucles blanches du jeune homme, profitant de sa douceur et de la légèreté de ses cheveux.
Il en parlera à son frère dès son retour. Il aura besoin de se confier, d'avoir commis une faute aussi grave.
Il voulait être avec elle, pour toujours. Le prince ne désirait qu'elle.
Leurs peaux nues se touchèrent et la passion s'installa. Aucuns mots n'étaient sortis, aucunes paroles comme si leurs esprits, leurs corps ne faisaient plus qu'un.
Il l'aimait, il n'y avait aucun doute dessus. La nausée disparut dès que leurs corps se mélangèrent.
Il la regarda. Les yeux pleins d'amour.
Elle le contemplait aussi, avec le même regard.
Le destin était déjà tracé. Il voulait en faire sa reine, son épouse.
Celle qui gouvernera avec lui quand il sera devenu roi.
A suivre...