— Tu vas mordre la poussière !
— Dans tes rêves ! Asshole ! Je vais te pulvériser !
— Asshole ?! Un peu de tenue, Mlle Jones !
— Tu ne m'auras pas avec tes « Mlle Jones » ! Ça ne marche plus avec moi ! Prends ça !
— Attends ! C'était quoi ce coup de pieds de la mort ?! Comment tu...
— Hé ! Hé ! Hé ! Des années de pratique...
— Bon dieu ! Je ne vais pas me laisser faire ! Mon honneur est en jeu !
— Vas-y ! Je t'attends...
Lupita et Darius s'affrontaient à travers un jeu de combat qui ne leur laissait aucun répit. Darius en difficulté depuis le début, - il avait quand même bien perdu en pratique depuis son adolescence... alors que Lupita jouait chaque jour au moins une heure...-, galérait à tenter de gagner. La jeune femme exultait sans honte. Elle n'allait pas gâcher son plaisir de battre le « patron » quand même...
Enfin, ça, c'était ce qu'elle voulait faire croire à Darius pour que le final soit crédible. Sinon, il se vexerait. Et franchement, un amant vexé était sans aucun doute moins performant qu'un homme sûr de sa puissance.
— Ahhhh ! Putain ! Mais... Attends ! hurla-t-elle brusquement en loupant plusieurs coups successifs, Tu fais quoi, là ?!
— Game over ! J'ai gagné ! J'ai gagné ! cria Darius avec une banane d'adolescent fier de lui, en brandissant la manette.
Puis, il se jeta sur Lupita, qui faisait semblant d'être déçue d'une manière parfaitement vraisemblable. Le canapé accueillit facilement leur première étreinte et les suivantes.
***
Jung accusa réception du message et le lut en s'arrêtant devant la porte de la galerie d'art. Il sourit en voyant la photo d'un écran de télé sur lequel s'affichait un score donnant Darius gagnant.
— Qu'est-ce qui te fait sourire comme ça ? dit alors Aïko d'une voix renfrognée en lui volant son portable.
— Depuis quand es-tu jalouse, toi...
— Depuis le premier jour, mais surtout depuis que je porte cette fichue bague de fiançailles, répliqua la jeune femme en souriant à la photo, je suis sûre qu'elle l'a laissé gagner.
— Même si je suis d'accord avec toi, n'essayez pas de changer de sujet, mademoiselle... Je t'avais dit que c'était dangereux de plaire autant à grand-mère Kang ! Et puis, je ne t'ai pas forcé la main, il me semble...
— Humpf...
— Je vais mettre se grognement sur le compte du stress... dit-il en l'entrainant dans la galerie bondée.
La première exposition d'Aïko avait mis six mois à voir le jour. La jeune photographe avait travaillé d'arrache-pied jusqu'au dernier moment, jamais totalement satisfaite, toujours à chercher le détail qui pourrait la taxer d'amateur. Mais finalement, on y était. Seule ombre au tableau, l'absence de Lupita et Darius qui ne verraient l'expo qu'à leur retour, quand le feu des projecteurs se serait atténué.
Après les évènements qui avaient failli couter la vie à Lupita, il y avait eu beaucoup à faire. La mort bien opportune de Deimos, avait ébranlé le microcosme d'Anthéa, mais aussi la famille entière. Son enterrement, assez sobre, déplut fortement à Althéa, anéantie d'avoir perdu son mari et son père la même année. La bisbille entre les enfants et leur mère avait pris des allures tragiques quand, Mme Ryker avait compris que Lupita ne sortirait pas de leur vie, et que Jung allait désormais y prendre une place plus importante encore.
Et puis, professionnellement, il y avait eu des rumeurs, toutes démenties par des analyses policières rigoureuses. Le dernier des Yannopoulos s'était bien suicidé pour échapper aux poursuites judiciaires. Et pas seulement celles que sa propre famille avait engagées contre lui. Un certain nombre de malversations avaient fait surface, et il avait fallu faire des contre-feux pour éviter tout soupçon de collusion avec Anthéa.
Lupita était revenu à son poste avec la peur au ventre vis-à-vis de ses collègues qui maintenant étaient tous au courant de sa relation avec le patron. Il y avait eu une certaine gêne les premières semaines. Puis, tout s'était aplani quand l'équipe du pôle informatique avait compris que la jeune femme n'avait pas changé d'un cheveu, qu'elle était toujours la folle furieuse qui pourchassait les failles et les hackers avec un plaisir évident.
Les choses allant mieux, le couple s'était permis un break sur le territoire de Darius, son bout d'île dans les Fidji. Concernant le choix de la destination, qui aurait pu paraitre assez peu judicieux aux vues des derniers évènements, Darius avait été clair. En choisissant une île, il était sûr de pouvoir circonscrire les déplacements de sa dulcinée... Secrètement, il espérait convaincre Lupita de reprendre goût au plaisir de l'eau.
Mais même avec ses plages de sable fin et ses eaux translucides, Lupita refusait toujours de nager. Le trauma était maintenant si profond, qu'il lui faudrait sans doute bien plus que l'amour de Darius pour le vaincre. Elle se contentait donc de regarder nager son amoureux, en se dorant la pilule sur la plage. Ça lui allait très bien. Elle avait peur de l'eau, mais pas du bonheur.
— Aïko ! Enfin ! J'ai cru que tu n'allais pas venir à ta propre expo ! lança Emmanuelle en lui sautant au cou.
La jeune femme portait une robe fourreau courte, d'une couleur parfaite pour s'accorder avec sa carnation. Elle était juchée sur des talons vertigineux qui mettait en valeur le galbe de sa jambe. Plus d'un convive profitait du spectacle sans gêne.
— Si tu ne me lâches pas, Emma, je te roule une pelle devant tout le monde, ce qui va briser le cœur de tous ces hommes qui te dévorent des yeux et à qui tu pourrais vanter les services de ton entreprise de coaching sportif...
— N'importe quoi ! Je ne vais pas me faire de la pub ici ! Je suis là pour toi, Aïko ! répliqua Emmanuelle sans la lâcher.
— Ah ! Donc ça ne te gênerait pas que je te roule une pelle ?!
— Aïko ! Essaye, et j'en connais un qui va te pourrir ton buffet de fiançailles dans quelques jours ! s'exclama Emma en se détachant de son amie.
— Rahhh ! Tu viens de me pourrir en me rappelant l'évènement ! Comme si je n'avais pas assez de pression !
— La pression peut être gérer par...
— Laisse tomber, Emma, si tu ne veux pas que je gère en t'étranglant !
— Il ne manquerait plus que ça, dit Jung en enlaçant Aïko par derrière, pour lui apporter le calme nécessaire.
Il savait que depuis le début de leur relation, la prendre dans ses bras lui apportait une sérénité qu'elle avait du mal à générer seule. Elle soupira dans ses bras, avant de se détacher de lui. Elle réajusta sa petite veste noire sur sa chemise blanche impeccable, vérifia que son pantalon était, lui-aussi, irréprochable, avant de se diriger vers l'organisateur de l'exposition : Peter Dumont.
Emmanuelle la regarda s'éloigner avec un sourire.
— Ça va ? Elle gère ? demanda alors une voix grave près d'elle.
Gabriel était là, costume bleu nuit et chemise noire, gueule d'ange aux yeux scrutateurs. Il tenait deux verres dans les mains. Deux cocktails. Un sans alcool et l'autre normal.
— Gab, j'ai l'impression de laisser partir ma fille à l'école, un jour de rentrée scolaire. C'est trop fort, dit Emmanuelle en s'accrochant à son bras.
Il sourit. Il considérait la relation de Lupita, Emmanuelle et Aïko comme quelque chose de saisissant. Puissant. À elle trois, elles pouvaient déplacer des montagnes. Il resserra son emprise sur la taille de la jeune femme.
Malgré leurs six mois de vie commune, il arrivait encore à être surpris par cet amour qu'il y avait entre eux. Il était si fier, et en même temps, il se sentait comme un gosse à qui on aurait offert le cadeau de sa vie. Depuis qu'Emmanuelle avait décidé d'entrer dans son existence, elle la remplissait d'une énergie positive impossible à ignorer qui lui réchauffait le cœur et lui redonnait un espoir auquel il ne croyait plus depuis trop longtemps.
Il la regarda prendre des photos de l'évènement en cours.
— C'est pour Lupita ?
— Pas seulement. Santina veut voir si le chef d'œuvre qu'elle a réussi à faire avec les cheveux de Aïko, tiendra le coup.
— Je croyais que la famille Mendes était invitée ?
— Oui. Mais ils préfèrent venir quand il y aura moins de monde. Je crois même que l'enseignante d'une des filles, en apprenant que Aïko était sa voisine, a décidé d'emmener la classe entière voir l'exposition, la semaine prochaine.
— Ça me fait penser. On récupère Pop-corn quand ?
— Ça, je ne sais pas. Mme Kang s'est pris d'affection pour le clébard...
— Ah... Il va y avoir bataille pour la garde, si ça continue.
— Tu veux dire entre Lupita et Iseul ?
— Entre Lupita, Aïko, Iseul, Roméo et nous.
— Pour les autres, peut-être. Nous concernant, je pense que nous aurons bientôt d'autres préoccupations sérieuses, que de conserver un chien qui ne nous appartient pas.
— Ah, bon ?! Qu'est-ce qu'il y a ? demanda aussitôt Gabriel avec un air très sérieux.
Il avait tant l'habitude que son bonheur se brise... Emmanuelle lui sourit en lui prenant la main avant de la déposer sur son ventre.
— Je crois qu'il va falloir se trouver un appart plus grand...
En état de sidération face à ce qu'Emmanuelle suggérait de son état en plaçant sa main sur son ventre, le cerveau de Gabriel bugga sérieusement. Il commença par ne pas réagir. Puis, il la serra fort contre lui en cachant ses larmes. Il avait vraiment la chance d'avoir eu le plus beau cadeau que pouvait lui offrir la vie.
*** Et voilà ! C'est fini pour Lupita et ses amis... J'espère que l'histoire vous aura plu malgré sa longueur et les multiples rebondissements... J'avais prévenu 😉 A bientôt pour de nouvelles aventures...***