— Tu as fait quoi ?!!!
— Ben, j'ai cru que ça serait une bonne idée. Tu vois. Emmanuelle a besoin d'argent et ...
— Et donc, tu la maques avec le demi-frère de ton patron qui est aussi, accessoirement, ton « faux » petit-ami par contrat... Lupita ! La situation n'était pas assez compliquée ?! lâcha Aïko en s'effondrant sur le canapé à côté de Pop-corn. Dis-moi que tu n'as pas demandé à ton voisin de m'accompagner pendant mes virées nocturnes ! finit-elle d'un ton lugubre.
— Mais non ! Dieu n'a rien à voir... enfin, j'ai des trucs à dire sur lui aussi, mais là, il n'a rien à voir avec cette histoire ! Emma... Tu ne dis rien.
Emmanuelle était assise sur le tapis élimé du salon, les yeux dans le vague et un large sourire aux lèvres. Elle fit basculer lentement son corps en arrière et exécuta une parfaite roulade arrière avant de lancer un grand « Yessssssss ! ».
— Non, mais je rêve ! s'exclama Aïko en se tapant le front. Elle est contente ! Manquait plus que ça ! Vous n'êtes vraiment pas croyables toutes les deux !
— Il est tellement canon ! Et charmant ! Et...
— Laisse tomber, poulette ! C'est bon, on a compris ! Tu es raide dingue d'un type que tu ne connais même pas ! Si ça se trouve, il...
— ... Laisse ses chaussettes traîner partout dans son appart et mange de la pizza aux ananas ! s'esclaffèrent Lupita et Emmanuelle en chœur en riant.
— En attendant, ça sera moyen quand la vielle bique montera dans ta chambre de bonne pour te surveiller comme le lait sur le feu !
— Ah ! J'avais pas pensé à ça ! s'écria Emmanuelle. C'est vrai ! Ça va pas être commode...
— C'est vrai... mince. Mais ils n'ont pas réagi quand j'ai proposé Emmanuelle...
— Peut-être parce qu'ils sont comme vous : deux écervelés !
Emmanuelle et Lupita firent une grimace, avant que la seconde ne file avec son smartphone dans sa chambre. Il fallait qu'elle parle avec Park et Ryker. La conversation ne fut pas longue. Il fallait trouver une autre fille et de manière urgente, puisque le repas était le lendemain. Une autre fille ? Son regard dériva vers Aïko, qui devina les pensées coupables de son amie immédiatement.
— Pas question !
— S'il te plaît, Aïko ! S'il te plaît ! S'il te plaît ! S'il te plaît !
— Pas question ! Je ne fais pas dans ce genre de combine...
— Ça ne serait que pour ce repas ! Ensuite, il raconterait des trucs de temps à autre sur votre couple, et si elle veut te revoir, il dirait que ça n'a pas fonctionné entre vous. C'est pour gagner du temps.
— Pour gagner du temps ? Il ne peut pas simplement lui dire qu'il ne veut pas de nana dans sa vie pour le moment ?! Merde ! C'est un grand garçon, non ?!
— Je sais, c'est ce que je me dis aussi pour Ryker, mais il y a des enjeux plus importants. Du moins, c'est ce qu'ils pensent.
— C'est ridicule ! Il n'a qu'à embaucher une des mannequins qui bosse pour lui.
— Une mannequin qui bosse pour lui ? Comment tu sais qu'il a des mannequins qui bossent pour lui ?
— J'ai vendu une photo à sa boite il y a quelques temps.
— OK... Donc, tu connais Jung Park ?!
— Non. Juste son assistante et sa boite.
— Donc, ça n'est quand même pas un inconnu... Aïko, s'il te plaît... supplia Lupita à genoux devant son amie. Juste un repas. En plus, avec toi à mes côtés, je me sentirai mieux.
— Merci pour moi ! s'exclama Emmanuelle qui boudait un peu depuis qu'il avait été finalement convenu qu'elle ne pourrait pas jouer le rôle de la petite amie de Jung Park.
— Emma ! Je ne voulais pas te vexer... mais toi et moi ensemble, c'est souvent synonyme d'ouragan et de tempête du désert ! Aïko, elle est...
— Aïko a la tête sur les épaules, elle ! C'est pour ça qu'elle trouve tout le plan totalement foireux. Ce qu'il est, au demeurant, dit l'intéressée. Mais comme Aïko est magnanime, elle accepte la mission ô combien périlleuse, d'empêcher Lupita Jones de se mettre encore plus dans la merde.
— Arrête de parler de toi à la troisième personne, Aï ! lâcha Emma en balançant un coussin sur son amie en rigolant. Bon, ça veut dire que je vais avoir le rôle de la costumière-assistante.
— Holà ! Tout doux ! Je ne me déguise pas comme Lupita ! Capisce !
— Mais il va falloir que tu changes un certain nombre de chose, quand même ! Tu ne peux pas jouer le rôle de la fausse petite-amie habillée comme ça ?!
— Comment ça « habillée comme ça » ?
— Et bien, en veuve corse ou en emo asiate !
— Emmanuelle, tu vas finir découpée en morceaux dans une benne, si tu continues...
— Emmanuelle n'a pas pas tort. Il va falloir légèrement modifier un ou deux trucs pour que tu n'effraies pas la vieille dame. Il faut qu'elle approuve la relation pour que Jung puisse faire durer la mascarade sans toi pendant un moment. C'est le deal.
— Et donc ?
— Pas toute en noir...
— Putain ! Je regrette déjà !
— Attend ! Chemise blanche, pantalon cigarette noir et petite veste cintrée de la même couleur. Une paire de richelieu noire. Je suis sûre que tu as tout ça dans ta garde-robe ! C'est juste que tu ne les as jamais mis ensemble ! s'exclama Emmanuelle.
— Tu es effrayante, Emma. Que tu connaisses les fringues de Lupita avec qui tu partages ta vie depuis l'enfance, passe encore, mais les miennes...
— C'est un don, sourit Emma en s'adossant au fauteuil dans lequel elle s'était finalement assise, les mains derrière la tête, fière d'elle.
— Je confirme, alors ? demanda Lupita, smartphone en main.
Aïko laissa échapper un gros soupir avant acquiescer.
— Merci Aïko.
— Il a intérêt à m'apporter du lourd pour accompagner ma tenue et me payer grassement !
— Je vais lui dire... Tu es sûre que tu veux des bijoux !!
— Une montre. Je veux une super montre à gousset !
— Et c'est moi qui suis complètement barrée avec mon faux petit-ami... sourit Lupita avant de s'enfermer dans sa chambre pour téléphoner.
***
En raccrochant, Jung eut un doute. Et ce doute s'afficha suffisamment sur son visage pour que Darius éclate de rire.
— Et bien ?! Heureux d'avoir trouvé une perle rare en si peu de temps, Jung ?
— Humhum... se contenta-t-il de marmonner toujours dans ses pensées.
Il n'avait vu Aïko Chapelier que deux fois. Et elle ne lui avait pas parue particulièrement avenante. Mignonne, certes, mais peu aimable et très renfrognée. Comment cette fille avait-elle pu accepter de jouer le rôle de la petite-amie pour un repas ? Il allait la payer, c'est sûr, mais quand même. Il ne l'avait pas sentie sensible à ce genre d'argument. Plutôt le contraire. Et maintenant, elle voulait un chèque avec plusieurs zéros, et une montre hors de prix. Une montre à gousset qui plus est ! Il ne le sentait pas, ce coup-là ! Ça allait mal finir...
— Je ferais peut-être mieux de demander à une de mes mannequins... murmura-t-il.
— Trop tard, frangin ! Elle a été convaincue. Pas moyen de revenir sur le deal. La montre, je sais déjà où tu peux la trouver... Pour le reste...
— Je suis dans la merde ! C'est ça !
— Pas nécessairement. Après tout, elle fait de la photo. Vous avez au moins un sujet de conversation plausible. Alors que moi, avec Mlle Jones...
— Tu as raison. TU es dans la merde ! Grand-mère Kang va te démasquer en un rien de temps.
— Mais toi aussi, mon poulet ! Toi aussi !
— Putain ! On est dans la merde !
C'est sur cette constatation consternante qu'ils finirent leur soirée.