Alison
Mon corps ne ressent rien d'étrange au décollage. Je reste vissé sur mon siège, sans bouger. J'ai beau savoir comment se passent les vols en avion, je ne suis pas rassurée à l'idée d'être à des kilomètres du sol. Le trajet en avion dure une éternité dans un silence de plomb. Personne ne parle, personne n'ose bouger. Tout est étrangement lourd et pesant. Je suis obligée de focaliser tous mes efforts pour faire abstraction de l'ambiance.
Une fois l'avion posé. Myler nous guide jusqu'à une voiture garée juste à côté de notre avion. Le véhicule est très beau. Sa carrosserie noire est si bien nettoyée que les rayons du soleil se reflètent dessus. Je pourrais même voir mon reflet dedans. À l'intérieur, un chauffeur nous conduit à un hôtel pas loin du lieu du bal.
C'est une fois Myler à l'accueil en train de payer nos chambres que Kay m'explique plus en détail notre présence ici, dans cet hôtel.
-Romann accueille tous ses invités dans de grands hôtels très luxueux et beaucoup trop chers dans le seul but de leur en mettre plein la vue. Mais comme il ne nous connaît pas, et que nous ne sommes pas invités, nous devons nous aussi lui taper dans l'œil. M'explique-t-il avec un grand sourire fière de lui et de sa technique qui n'est sûrement pas à lui.
Je lui rends son sourire.
-Cet hôtel coûte une fortune, dis-je en regardant l'environnement qui m'entoure. Comment un couple comme le nôtre aurait bien pu avoir l'argent pour se l'offrir ?
Il fronce les sourcils comme s'il n'y avait pas pensé avant que je lui pose la question. Comme si ce détail hyper important, qui pouvait tout changer, lui était sorti de la tête. Myler le devance pour répondre.
-Jacob est un homme d'affaires. Il a vendu tout son héritage pour une somme bien trop élevée pour ce que ça méritait. Comme ça a marché, il a fait ça avec tout ce qu'il pouvait racheter puis revendre aux plus dupes.
-J'appelle ça un arnaqueur.
-Appelle ça comme tu veux, mais fais en sorte d'être amoureuse de lui.
Kay lève ses sourcils un par un pour me taquiner. Je fais de mon mieux pour lui sourire, mais il finit par voir mon inquiétude. Alors il passe son bras sur mes épaules et me dit doucement.
-Tout va bien se passer.
Je ne le remercie pas, mais dans mes yeux, j'espère qu'il voit la reconnaissance que je lui porte. Et Dieu seul sait, à quel point ma panique est élevée. Malgré tout, elle redescend d'un étage grâce à Kay.
-Et puis l'arnaque ce n'est pas mon truc. Je préfère jouer de mon charme pour attirer tout l'argent du monde à mes pieds.
Je lui rigole au nez, alors que nos corps sont collés et que je ne l'ai pas remarqué. Je ne me suis pas crispée...
-Tu n'as pas confondu l'argent et les femmes, Kay ?
-Oh, tu sais, avec de l'expérience, j'ai réussi à avoir les deux en même temps.
-Quoi, tu veux dire qu'elles te payent pour coucher ?
-Non, bien sûr que non. Ça, c'est quand elles en redemandent.
Je rigole de plus belle en voyant son assurance sans faille.
-Ah, ah ! Fou toi de moi, belle brune. Tu verras. Tu seras impressionnée de me voir à l'œuvre plus tard.
À sa réflexion, Myler se retourne vers lui pour lui lancer un regard noir. Je ne le comprends que lorsqu'il ajoute :
-Tes exploits, on s'en branle alors met là en veilleuse.
Je rigole doucement. Myler nous donne notre chambre et lui garde la deuxième clé.
-Alison, tu dors avec moi ? Me demande mon faux mari avec un regard plein de sous-entendus.
-Alors comment te dire que je ne suis pas une de tes groupies Kay...
Je n'ai même pas le temps de finir ma phrase que Myler intervient avec sa voix rauque.
-Tu dors avec moi ! Affirme-t-il sans même me laisser le choix.
Avec rapidité, je vole la clé que Kay tient dans ses mains pendant que les deux tas de muscles se défient du regard. Ne voulant ni dormir avec Kay ni avec Myler, je m'éloigne d'eux.
-Vous savez quoi ? Vous avez cas dormir ensemble. Une femme a besoin de son intimité. Je réponds en coupant le souffle des deux gaillards.
Je pars en direction de ma chambre au quatrième étage. La seule chose que je remarque est qu'il n'y a que des escaliers, pas un seul ascenseur dans cet hôtel.
Certes, la guerre a fait beaucoup de dégâts, faisant reculer la technologie de plusieurs années en arrière. Les téléphones sont devenus hors de prix et je n'en ai jamais eu. Les ordinateurs sont devenus en libre-service dans les librairies, seuls les riches peuvent se permettre d'en avoir un à la maison. Mais les ascenseurs sont très vite revenus dans les hôtels luxueux comme celui-ci.
Je ne m'attarde pas dessus et pars ouvrir ma chambre, sans regarder les garçons. Je ne sais pas s'ils me suivent ou s'ils abandonnent et finalement ce qu'ils font m'importe peu. Par sentiment d'insécurité séparée de ces mercenaires, je remets ma capuche et baisse la tête en croisant des personnes.
La chambre est bien plus grande que celle de la maison de Trois. Le lit est tout aussi gigantesque et la grande baie vitrée qui offre une belle vue sur New York est juste sublime.
-Waouh ! Ce mot m'échappe.
Je ne suis jamais sortie de l'Ohio. Jamais eue les moyens ou l'envie. Mais le paysage de cette ville rénovée me laisse sans voix avec plein de regrets.
J'aurais pu louper ça...
De ce que j'ai compris nous restons une soirée ici, et nous revenons à l'aube demain. Myler ne voulait pas rester plus longtemps que nécessaire. Alors je reste de longues minutes devant la vue, voulant l'imprimer dans mon esprit.
Un bruit à la porte me fait revenir à la réalité.
-Oui ? Je demande, sachant très bien que la porte est fermée à clé.
La personne derrière ne force pas la porte, seule la poignée bouge comme si elle tentait de voir si j'avais laissé ouvert. Puis seuls des bruits de pas faisant marche arrière me parviennent jusqu'au balcon.
Je rentre dans la chambre et fouille dans mon sac aussi vite que je le peux pour prendre mon arme.
Je n'ai pas rêvé.
Quelqu'un est derrière la porte...
Il y avait quelqu'un et si c'était Kay ou Myler, ils n'auraient pas fait marche arrière. Mon sang circule si vitre dans mes veines que la peur se transforme en adrénaline.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine, comme un fou, criant en silence le nom de Myler et Kay. Je ne veux finalement pas me trouver seule.
Mes mains se mettent à trembler alors que mon doigt est sur la gâchette. Je sais me servir de ces choses mortelles mais tuer quelqu'un n'est pas une chose que je veux faire. Mes jambes se mettent à trembler. Putain qui était derrière cette porte.
Ils m'ont trouvés.
Et s'ils m'attendent dehors.
Et si Myler et Kay m'avaient abandonné.
Et si c'était l'armée...
Tous les scénarios possibles et imaginables passent et repassent dans ma tête au moins une dizaine de fois et dans chacun d'eux, je meurs.
Je crois que mes jambes vont céder quand quelqu'un vient retoquer à ma porte si fort que j'ai bien peur que la porte lâche en même temps que mes jambes. Quelqu'un se met à crier :
-Alison ? Alison, ouvre-moi !
La voix de Myler me rassure instantanément. Je cours vers la porte pour lui ouvrir, l'arme encore dans la main.
Lorsque la porte s'ouvre, Myler a un mouvement de recul. Puis il fronce les sourcils.
-Qu'est ce qu'il se passe ?
Il s'approche de moi et m'enlève l'arme des mains pour la jeter sur le lit. Il vient me prendre les épaules pour s'assurer que je reste debout alors qu'il me redemande ce qu'il s'est passé.
-Il y avait quelqu'un qui a frappé à la porte avant toi ! Je réponds la voix cassée. Je ne sais pas qui s'était, mais si je n'avais pas fermé à clé, elle serait rentrée.
-Il n'y avait personne, Alison. Dit-il pour me résonner.
-Tu es arrivé bien après.
-Alison, calme toi.
Ses mains viennent prendre mes joues pour que mes yeux restent dans les siens.
-L'armée n'est pas là, Alison. Elle ne te cherche pas ici, d'accord ? Tu es en sécurité.
Il me lâche pour aller déverrouiller une porte que je n'avais pas essayé d'ouvrir.
-Kay et moi sommes dans la chambre à côté, la porte est en liaison avec la nôtre, ne la ferme pas. Si tu te sens en danger, tu viens nous voir.
Il jette un œil à mon arme.
-Tu sais tant servir ?
Sa question me passe au-dessus tant je suis plongée dans mes pensées.
Myler n'a pas tort. Il serait inutile pour l'armer de me chercher dans un autre état que l'Ohio. Mais ça n'enlève pas le problème : qui était derrière cette porte ? Qu'est-ce qu'elle m'aurait fait si elle avait réussi à l'ouvrir ?
-Alison ! Tu sais te servir d'une arme oui ou non ?
-J'ai jamais tiré sur quelqu'un...
Il baisse les yeux.
-Il va bien falloir que tu te prépares à ça, je ne peux pas tirer à ta place.
Il est prêt à partir alors que je n'ai toujours pas bougé.
-Myler ?
Il s'arrête et me fait face.
-Je ne suis pas prête à tirer sur quelqu'un.
-Même pour ta survie ?
Sa question me fait douter. Il comprend quelque chose que je ne trouve pas.
-Je serais à quelques mètres derrière toi durant toute la soirée.
Cette fois je comprends qu'il tire pour moi ce soir.
Je hoche la tête pour lui dire que j'ai compris et je n'ai même pas le temps de dire un mot de plus qu'il part dans le couloir. Je ferme la porte et la barre à clé derrière lui.
Le dos collé contre le bois de la porte, je suis persuadée qu'il y avait quelqu'un.
Mais qui.. ?
Le soir arrive vite et dès dix-huit heures tout le monde doit être près. L'horaire est strict. Et moi à dix-huit tapante, je suis en train de sortir de ma chambre, ma robe noire sur le dos, avec mes talons hauts. Je dévale les escaliers avec rapidité pour pouvoir rejoindre à temps les garçons.
En arrivant à leurs côtés, je fais mon plus beau sourire. Je cache aussi bien que je peux ma panique grandissante et commence déjà à m'entraîner pour regarder Kay avec les yeux d'une ado en plein manque d'amour.
-Waouh, ta beauté m'éblouit ma belle.
Je rigole, plongeant mes yeux dans le regard sombre de son ami. Je détourne mes iris des siennes pour porter mon attention sur Kay, il me tend son bras que je prends avec plaisir.
Les deux garçons sont tous les deux vêtus d'un costume, plus classique pour Kay et plus virile pour Myler. De ce que j'ai compris, Myler va jouer notre garde personnel. Comme excuse : les ventes de Jacob, mon fiancé, nous ont apporté quelques personnes malveillantes.
On sort tous les trois de l'hôtel. Mon bras est pris en otage dans ceux de Kay. Sa main s'est posée sur la mienne qui encercle son biceps, il me la tapote de temps à autre comme une nouvelle habitude de vieux couple. Kay est à l'aise dans son personnage et je dois avouer que ça a un côté rassurant de savoir que lui, il sait ce qu'il fait. Je sors mon plus beau sourire de femme heureuse et épanouie. Je fais tout pour imiter des yeux d'une personne amoureuse quand je croise le regard de mon cher et tendre fiancé.
Myler m'ouvre la porte de la voiture quand Kay va s'installer côté conducteur.
-Je serai toujours à quelques mètres de toi, Alison. Tu ne me verras pas, mais je serais là.
Il me met une chose dans la main, un objet rond et noir, pas plus gros qu'un bouton. Je le regarde perplexe.
-Mets-le sur toi, j'entendrais tout ce que tu dis.
Il ferme la porte puis il part dans une voiture un peu plus loin.
J'interroge Kay du regard.
-Je sais. Me fait-il, comprenant mes inquiétudes. Ça fait beaucoup.
-Beaucoup ? J'étais censée savoir quand que je risquais autant pour vous ?
-C'est pas pure précaution.
-Et s'il me perd de vue ?
-Il t'entend...
-J'espère bien ! Dis-je en le coupant.
-Myler n'en est pas à sa première mission, Alison. On sait ce qu'on fait.
Un silence s'installe et mes doutes aussi. Je ne réalise pas encore dans quel bourbier je viens de me lancer. Quand Kay reprend la parole, je suis ailleurs au fin fond de mes pensées.
-Le mot de code, si tu ne peux plus le gérer ou qu'il devient trop insistant, c'est : « j'espère trouver mon bonheur ». Si je n'arrive pas à voler le bijou, quand je reviendrai vers toi, je dirais : « je pense trouver la perle rare ». Or, si je l'ai, je te dirai « je vais te trouver ta perle rare. » Ou un truc dans le genre.
Il marque une pause pour voir si je comprends bien.
-Si tu entends les miennes, on part le plus vite possible. Si tu dis la tienne, tu pars au plus vite avec ou sans nous. Tu pars et tu te caches avec le micro. Myler sera toujours en contact avec nous. Si ça tourne mal, il saura quoi faire.
Je hoche la tête peu déterminée.
Le trajet en voiture ne dure pas assez longtemps. On arrive trop vite à la belle salle des fêtes où tout un tas de vendeurs et d'acheteurs sont présents.
Il n'y a que des riches, avec des vêtements tous plus chers les uns que les autres. J'ai la soudaine impression de faire tâche dans ce décor rempli de fortune que je n'aurais jamais.
Kay descend de la voiture et vient m'ouvrir. Il me tend une main que je prends avec un plaisir simulé. Il laisse les clés à un voiturier, et comme s'il avait fait ça toute sa vie, il me prend par les hanches pour me guider. Je me crispe automatiquement comme si mon corps voulait déjà partir en courant rien qu'à ce contact.
Je mets quelques minutes à me décontracter et à faire comprendre à mon cerveau que tout va bien, que ce n'ai que Kay. J'ai beau avoir tout le courage du monde, cette mission m'effraye plus que je ne l'aurais pensé. Je marche à reculons vers cette salle bourrée de monde, et je sais d'avance que si Kay a le malheur de me lâcher, je serais prête à partir en courant dans la direction opposée à toute cette merde.
Kay le remarque sans trop de difficulté.
-Tout va bien se passer, Alison. Me dit-il en me poussant un peu plus. On est là. Toujours.
Ce qu'il me dit ne me rassure pas cette fois-ci. Occuper quelqu'un ce n'est pas mon truc et je sens déjà mon corps défaillir sous la pression que je me mets toute seule.
C'est lorsque mon cerveau repasse en boucle les paroles de Myler, que mon corps se détend enfin.
Je me répète en continu :
JE NE SUIS PAS SEULE.
JE NE SUIS PLUS SEULE.
***
Nouveau Chapitre !!!
Suite de la mission dans le prochain chapitre...
Qui a frappé à la porte d'Alison ?
Est ce qu'elle va réussir à retenir Romann ?
Est ce que Myler va savoir la protéger..?
Vous verrez bien !
S'il y a la moindre question, je réponds à tout.
Bonne lecture et bonne attente !!
À Dimanche...