BRITOMARTIS

By mrs__darling

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Se protéger de la tempête est le plus important pour minimiser les dégâts. Lucrèce vit dans un océan de dram... More

AVANT PROPOS
PROLOGUE
1| CIBLE
2| DÉESSE NOYÉE
3| FROIDEUR DÉSOLANTE
4| MAUVAIS INTERLOCUTEUR
5| VILAINE CURIOSITÉ
6| INTRUSIF
7|MUSE
8|GOUTTE ROUGE
9|LE CALME
10|INSOMNIE
11| DINER
12| MARQUES CONDAMNÉES
14| MONSTRES
15| CACHOTIÈRES
16| PÉCHEUR
17| TOILE SALIE
18| BAISERS ROUGES
19| AMIS DÉVOUÉS
20| INVISIBLE
21| RANCŒUR BAFOUÉE
22| LIENS FAMILIAUX
23| SECONDE MAMAN
24| DÉLIT FLAGRANT
25| POIS DE SENTEUR
26| UNIONS FRUITÉES

13| MOUILLÉ

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By mrs__darling

TW : Abandon, perte, thématiques dures  (take care <3)

        Des gouttes perlaient à la pointe de ses mèches sombres. L'averse raflait le sol, poussée par le vent dans un mouvement irrégulier. Sur son chemin, elle avait récolté de l'eau. Ses restes s'amassaient une fois à l'abri du brouillard, se diluant parmi ses cheveux.

Son visage était emmitouflé dans sa doudoune noire. On ne voyait que ses yeux, son nez et partiellement l'arc de cupidon violet de ses lèvres tremblantes. Elle était belle à sa manière.

— Salut, se présentait Lucrèce. 

Les mains enfouies dans les poches de son anorak, il ne disposait pas de capuche. Celle d'un sweat bleu roi l'avait protégé négligemment pendant sa marche jusque chez moi. Elle avait le don de me ramener la pluie.

— Salut. 

Le petit bruit apaisant des précipitations dégringolant du porche de notre entrée était agréable. Je souriais en la regardant. Soudainement prise de confusion, elle avait le regard fuyant. Comme si elle regrettait déjà sa venue ici.

— Qu'est-ce qui t'amène ici ? 

Ses yeux ont trouvé un point fixe, parmi la plante verte que ma mère avait disposée sur le sol, fait de planche sous le petit toit devant notre entrée. Elle reniflait du nez, l'air brouillée. Je sentais qu'elle n'était pas venue par pur hasard.

— Je ne sais pas vraiment... Elle expirait ennuyée. Si-enfin, je me suis disputé avec Connor.

Cette fois-ci, ses yeux ont rejoint les miens. C'était toujours un mystère, leur relation n'était pas sympathique, je le reconnais. Pourtant, il lui portait de l'attention, d'un œil protecteur et aiguisé. Il rassemblait beaucoup d'énergie pour la contrariée, comme lorsqu'il était le seul à vraiment la comprendre. Moi, vis-à-vis d'elle, je semblai démuni de mes sens.

— À propos de quoi ? demandai-je.

— Rien d'important. 

Elle avait répondu catégoriquement

Je lui fis signe de la main pour qu'elle rentre à l'intérieur. Timidement, elle s'essuyait les pieds sur le paillasson avant de s'excuser de sa venue inattendue.

— Il n'y a personne ? Tes parents ne sont pas là ? 

Je lui fis enlever son manteau trempé, l'étendant sur un crochet pour le faire sécher dans l'entrée.

— Non. Mon père est au travail, et ma mère est partie faire quelques courses. Elle reviendra bientôt. 

Ses petits yeux se mirent à observer la pièce de longs en large par curiosité.

— Ça ne la dérangera pas si je suis là ? 

J'ai gloussé, sa question était stupide.

— Non, je t'assure, elle doit supporter les mecs de temps à autre, pourtant elle ne s'en plaint pas. Je pense qu'elle ne remarquera même pas ta présence. 

Elle m'offrit un sourire en coin un peu gêné. Je lui intimais de me suivre dans les escaliers. Elle montait en silence, sûrement à la recherche d'idées pour briser le malaise. Lorsqu'on eut franchi la dernière marche vers l'étage, je me décidais à lui faire un peu visiter.

— Là, il y a ma chambre. (Je lui désignais la seconde porte du doigt) celle de mes parents. (Je lui indiquais la première). 

Je m'avançais vers la dernière porte tout en l'invitant à faire de même.

— Ici, c'est la salle de bain. 

Je piochais dans les serviettes propres qu'on avait à disposition, pour lui en tendre une.

— Euh merci, dit-elle sonnée.

— Essuie tes cheveux, tu vas attraper la crève. 

En la voyant faire, je ressentais le pouvoir qu'avait notre différence d'âge. Je pouvais adopter ce comportement protecteur que Connor disposait. En fait, Lucrèce donnait envie de la choyer, de prendre soin d'elle. Même s'il ne s'agissait que d'un an d'écart.

— Ça fait longtemps que tu n'es pas passé à la maison. 

Ses lèvres reprenaient peu à peu leur couleur, un beige tirant vers le marron.

— Est-ce que tu es en train de dire que mes lettres t'ont manqué ? la taquinais-je.

— Ne prends pas la grosse tête. 

Elle me donna un coup avec la serviette, m'entrainant un ricanement. Ensuite, elle la remit sur ses épaules pour éviter que l'excédent d'eau ne coule sur ses vêtements. Je la poussais gentiment vers ma chambre. Par chance, en touchant gentiment son dos, il n'était pas humide, elle ne prendrait pas froid. À son égard, je devenais plus prévenant. Ça m'effrayait, elle avait le dessus sur moi en quelque sorte. Et j'acceptais totalement ça.

— Oh ! Sans crier gare, elle manifesta son enthousiasme alors que j'ouvrais la porte.

 Une moue joyeuse berça son visage. C'était rare. Elle se jeta vers un fauteuil pour prendre dans ses mains l'objet de son étonnement.

— C'est pas vrai ! Tu as une peluche Totoro ! 

Elle se mit à badiner toute seule, le petit animal fictif en main. Je la rejoins en m'asseyant au bord de mon lit.

— Tu as vu les Miyazaki ?

— Tous sans exception. 

Elle le remuait dans tous les sens, enjouée.

— Putain, j'y crois pas ! Je pense que je vais te la voler, annonçait-elle sournoisement.

— Dis-moi, ce ne serait pas le pull de Connor ? 

Je pointais du doigt le sweat qu'elle portait. Je n'y avais pas fait attention avant mais ça venait de me sauter aux yeux.

— Si, si. Son sourire dégringola quelques secondes. Il me l'a donné avant de partir, je lui ai dit que j'allais voir Aubrey. 

J'avais oublié qu'entre nous, c'était complexe. On se voyait de temps à autre en rigolant bien. Je souhaitais voir Lucrèce, voir Connor aussi. Sauf que c'était deux personnes incompatibles. Il ne supportait rien en lien avec sa sœur, et on ne devait pas avoir de lien avec elle. Parce qu'on devait la détester, parce qu'elle était son seul secours, ses convictions et que leur relation était indéchiffrable. 

J'étais incapable de prévenir lorsqu'il trouvait Lucrèce pour lui parler convenablement, comme si elle était sa moitié. Ou bien pour lui faire une crasse parce qu'ils étaient odieux l'un envers l'autre.

Je trouvais les relations entre frère et sœur difficiles, puisque j'étais enfant unique. Et que ma mère disait souvent qu'avoir un frère ou une sœur impliquait des chamailleries.

— Vous ne vous étiez pas disputés ? relevais-je incertain. Ses lèvres se sont retroussées dans un sourire acariâtre.

— Oui, c'est sa manière de s'excuser. Je crois qu'il aime bien quand je les porte. 

Ses jambes s'installèrent plus confortablement en tailleur. Son jean troué dévoilait ses genoux nus, recouvert de cicatrices, ou d'écorchures maladroites. Elle faisait du skate et m'avait déjà confié que ça lui arrivait de louper un saut avant le trottoir.

— Pourquoi tu es vraiment venue, Luc ? 

Elle lâchait la peluche pour m'observer, médusée.

— Je ne voulais pas rester chez moi. Et puis Aubrey n'est pas chez elle non plus.

— Ah, je vois ! Je suis ton plan de secours. 

En constatant que j'étais faussement vexé, elle se mit à rire, se rapprochant de moi pour me donner un petit coup vif dans le ventre.

— Évidemment, Ivarsen tu es ma dernière option, assénait-elle ravie. 

Debout devant moi, avec cet air défiant. C'était le même que celui ou je l'ai remarquée, ses traits rigides et méfiants. Sauf qu'une pointe d'amusement berçait ses yeux. J'agrippais son sweat par la taille pour la faire basculer avec moi sur le matelas. Elle gloussait, en me donnant des coups de pied.

— Arrête voir ! 

Mes mains cherchaient son ventre par-dessus le tissu pour la chatouiller. Je l'entendis protester, maronner, précipitée dans une transe où elle se tordait de rire. Quand j'eus arrêté, elle était essoufflée.

— Tu préfères peut-être qu'on regarde un ghibli ?

— Oui, ce sera moins épuisant. 

Je me moquais en la poussant du lit. Dans un bruit sourd, elle atterrit sur ses fesses. En remontant, elle vint s'accrocher à moi pour me cribler de coups.

— Allume cette putain de télé Radford sinon je te tue, pestait Lucrèce, irritée de tout son être.

— Très bien, très bien. 

Je séparais ses bras et m'installais. Elle se remit convenablement, elle aussi, tous les deux obnubilés par l'animation sur l'écran de ma chambre.


***


       Assis sur ma chaise de cours, je remuais mon crayon à papier dans tous les sens, gribouillais sur ma feuille. Désintéressé du reste du monde dans ma petite bulle grise. Une classe barbante ou l'heure passait lentement. Je ne comptais plus le nombre de fois où j'avais regardé les aiguilles de l'horloge, mouvoir dans une intense pression qui me rendait dingue. On toqua à la porte de la salle d'histoire. 

Monsieur Henry, notre professeur à cette période, cessait son discours habituel sur notre manque de travail, et notre lassitude. Approuvant l'entrée. Je relevais les yeux de mon cahier.

Ainsi la silhouette de la secrétaire rentrait dans la pièce, armée de son calepin et de ses lunettes préalablement remontées sur son crâne. Une chevelure blonde, de jolis yeux bleus qui faisaient pâlir Amon lorsqu'on la croisait dans les couloirs. 

Elle avait peut-être l'âge d'être leurs mères. Pourtant, ça n'effaçait pas le charme qu'elle exerçait sur la gent masculine de l'établissement. Elle fouillait la salle, à la recherche d'un élève sûrement.

La plupart des fois où elle était venue à notre rencontre, c'était pour amener un élève perturbateur chez l'agent d'aide social, ou comme on l'appelait « l'éducateur ». Monsieur Vazquez, était celui qui distribuait les sanctions. 

Je m'asseyais plus confortablement et fronçais les sourcils lorsqu'elle demanda calmement :

— Ivarsen ? Ivarsen Radford ? 

Monsieur Henry qui la regardait longuement, s'évertua à détacher ses yeux de la belle femme. Il finit par me faire signe de la main. Je ramassais le peu d'affaires que je possédais. Passant devant Jasper qui me souriait en n'émettant pas son habituel regard curieux, et rire malicieux. La rejoignant avec un sourire courtois. Madame Dainty ferma la porte derrière nous. Je me situais à ses côtés lorsque nous marchions dans le couloir.

— Alors quoi cette fois-ci ? Qu'est-ce qui vous a déplu dans mon comportement miss Dainty ? 

Elle ne roula pas des yeux, elle ne m'accordait même pas une réprimande comme à son ordinaire. Une fois dans le secrétariat, elle ne me demandait pas non plus d'attendre sur une chaise. Ni de me taire parce que je ne devais pas déranger les autres. Non, madame Dainty, m'observait en silence, outragée par un sentiment qui lui faisait dévier les yeux. Pour ne jamais croiser les miens. 

Lorsqu'elle me fit regagner le bureau lambris, aux côtés de sa collègue. Je sentis l'atmosphère cordiale se métamorphoser. Fuyant davantage mon contact. Alors, muré dans l'ignorance, j'inspectais les meubles et leurs contenus, la photocopieuse, les copies. À la recherche de ma fiche, ou de mon bulletin. J'allais même jusqu'aux ordinateurs. 

Mais nulle part, je ne voyais quelconque preuve d'une infraction dont j'étais le responsable. Il n'y avait rien d'habituel. J'essayais tant bien que mal de déchiffrer cette attitude singulière. Si la direction n'avait rien à me reprocher, qu'est-ce que je faisais ici ? Madame Dainty reprit son téléphone filaire, déglutit péniblement et me le tendit.

— C'est pour vous, monsieur Radford. 

Agité, je la fixais. Quelque chose n'allait pas. En prenant le combiné, il me fallut du temps pour détacher mes yeux de la secrétaire qui se détournait aussitôt vers ses tâches, évitant la moindre approche.

— Allo ? 

Une respiration lourde aboutit, dense et effrénée. Un choc qui fit remonter ma salive alors que je pensais m'étouffer. À quoi tout ça rimait ?

— Ivarsen... haletait mon père d'une voix chagrinée.

— Papa ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Oh ?! m'alarmais-je, en regardant le vide, tâtant le sol de mes pieds douloureux. 

Un poids énorme couvrait mes épaules. La peur me nouait le ventre, si bien que je me sentais tanguer. La secrétaire jeta un œil furtif en arrière. Mon père reprit sa respiration. Nous restions comme ça quelques minutes avant que ça ne m'excède, et que je trouble son appel.

— Je suis à l'hôpital avec ta mère. 

J'écarquillais les yeux stupéfaits. Le bruit de ses soupirs s'éternisait. J'avais encore du mal à concevoir ce qui se déroulait.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Il y a eu un accident ? l'interrogeais-je, pris d'une panique monstre.

— Elle... (le silence fut si intense qu'il faisait écho à ma respiration). Elle ne rentrera pas ce soir.

Sa voix se brisait, il trimait pour ne pas s'effondrer au bout du fil. Peut-être qu'elle a besoin de soin, mais pourquoi aurait-elle besoin d'encore de temps de repos si ce qui lui arrivait n'était pas grave ? 

Ça l'était forcément.

— Pourquoi ? Il y eut un autre silence. Hein ? Pourquoi ne rentre-t-elle pas ? 

Un pleur grésillait dans le micro du téléphone.

— Elle vient de faire une crise cardiaque Ivarsen, lâchait-il. 

Ma gorge se noua, mon corps trembla. Il venait de se soulager d'une vérité qu'il ne voulait lui-même pas réaliser. Je l'entendais larmoyer au bout du fil. 

Il l'a dit et c'est comme si c'était véridique, comme si c'était vrai, puisqu'il l'a dit. Sauf que je n'y croyais pas. Je ne voulais pas y croire, c'était quelque chose d'inimaginable. J'étais statique, les yeux encore secs, bientôt grouillant de larmes qui attendaient de se déposer le long de mes joues. 

C'était improbable, ma mère était partie au travail comme tous les matins en forme et souriante. Enfin, aujourd'hui, elle ne m'avait pas souhaité une bonne journée comme elle avait l'habitude de le faire. Puisque je m'étais encore engueulé avec lui.

Je redonnais le téléphone à la blonde sans me soucier du reste. Quittant le secrétariat alors qu'elle criait mon prénom. Je chancelais si fort que je menaçais de tomber. Une perle roulait peut-être au bord de ma paupière, peu importe.

À cet instant, le quotidien désolant qu'entretenait ma mère se matérialisa. Le plus dramatique, ce fut de comprendre. Elle prenait soin de dissimuler ses mains tremblantes dans l'eau de l'évier. Sous les couches de mousses en faisant la vaisselle. Quand je rentrais, elle était toujours assise, une stature fiable qu'elle devait relâcher dès que je lui tournais le dos. Son état se révélait aussi : elle n'allait pas si bien. Ma mère se portait comme une malade traîne ses pieds. 

Sauf que j'étais trop occupé à le regarder lui, à lui hurler tout ce qu'il méritait. 

Sa laideur m'écœurait, ses mots aussi. 

Je n'aurais pas dû l'entendre de sa bouche, ça me rendait plus fiévreux. 

On avait négligé sa santé pour celle de mon père. Je passais les portes du lycée, observais la pluie qui martelait le sol du parking. Ne sachant pas où j'avais envie d'être, ni avec qui. Je croyais aller marcher longtemps, continuer ma route sans avoir peur que quelqu'un ne me voit pleurer. Sous cette maudite pluie. 

Je marchais, je marchais, marchais, sans savoir où me réfugier. 

Ma mère était décédée, j'avais beau me le répéter à chaque pas de plus. Je me voyais refusé, du plus profond de mon être. 

J'aurais dû savoir lorsqu'elle pantelait dans la buanderie. J'aurais dû m'en douter quand elle se tenait la poitrine en s'efforçant de sourire. 

Le plus terrible ce soir-là. Ce fut de rejeter l'idée d'aller à son chevet. À quoi bon espionner une âme envolée et les restes de son enveloppe en chair. Pour moi, elle était vivante sous son jour le plus révulsant, mais vivant. 

Je la voulais brillante de joie. Ou même de colère, je voulais qu'elle me rattrape le bras pour me demander de l'embrasser avant de partir en cours. Qu'elle me regarde comme ma mère, une fois de plus. Encore et encore. Je ressentais ce besoin désormais éteint.

Il faisait nuit noire, l'automne s'achevait et l'hiver ordonnait au soleil de permuter avec la lune de plus en plus tôt. La clarté des lampadaires me donnait la nausée. Rampant dans mon quartier, trempé et couvert d'une sensation morbide. Après une ou deux heures à errer sans conviction dehors. J'avais perdu la notion du temps, mon seul indicateur était l'obscurité naissante. 

Mes entrailles se déchiraient, mon corps allait lentement céder. Je reniflais toujours le regard sur mes baskets, elles débordaient d'eau et étaient certainement foutues.

Ça ne semblait pas suffisant, je voulais me défouler autrement, je voulais couvrir de coups n'importe qui. Elle n'avait pas pu partir de cette manière, elle n'avait pas le droit de me quitter comme ça.

Seul, seul, seul, seul. 

Putain de seul, contre tout le reste. 

Je frottais mes yeux avec mes mains, essuyant l'eau qui s'infiltrait dans mes cheveux. Le bruit d'un vélo traversant la route rompait le reste de mes pulsions. Je n'étais que spectateur du reste, continuant ma route vers chez moi dans une colère qui s'apaisait pour migrer vers un autre sentiment. La colère devenait sourde, muette, elle se dissipait. Je me sentais léger. Ma tête bourdonnait toujours, mes membres étaient las. 

La bicyclette passait dans un coup de vent. Je pouvais discerner de grands cheveux noirs dans un bonnet, tandis qu'un uniforme scolaire naviguait dans ma rue déserte, animée seulement par le passage de Lucrèce. 

Elle me discernait, hébétée par mon apparence. Mais ne s'arrêtait pas, elle continuait de pédaler à toute vitesse pour vite rentrer chez elle sous une pluie infernale. Je priais son prénom dans notre quartier vide. 

Elle ne donna toujours pas de coup de frein, traça son chemin à vive allure comme si elle venait de croiser un mort. Sans jamais me répondre, sans jamais stopper sa foutue bicyclette. Sans venir à mon putain de secours. 

Mes jambes se ranimaient, mon corps se mit à bouger, attiré par sa silhouette qui s'éloignait. Je cavalais jusqu'à elle, je tentais de la rattraper. Mes poumons frais devenaient braises. Tout mon corps en ébullition voulait retrouver cette fille qui s'éclipsait sans raison. 

Mon cœur s'efforçait de continuer, de réduire cette distance qu'elle nous imposait soudainement. Parce que je ne pouvais pas supporter qu'elle me tourne le dos à cet instant. Je ne pouvais pas résister à nous réunir. 

Le vent fit balancer ses cheveux sauvages lorsqu'elle se résolut à descendre de son vélo. Tous les deux essoufflés, on se dévisageait, on s'observait, armé de notre solitude. Ses sourcils chagrinés se fronçaient. Alors que la pluie la repeignait d'une teinte tragique.

— Lucrèce ?

Elle ne répondit pas, restant muette. Aussi vide que mon cœur, aussi dénuée de quelconque sentiment que ma tête.

— Ivar, c'est plus possible. Il ne faut pas qu'on soit vu ensemble, rejeta-t-elle. 

Sa petite voix frêle et gelée me berçait encore un peu avant qu'elle ne me coupe de son monde, qu'elle ne fasse demi-tour et qu'elle m'enlève de sa vie.

— Tu ne vas pas-

— Si j'ai le droit d'arrêter tout ici, parce que ça me coûte trop, coupa-t-elle sèchement. 

La haine qui avait reflué en la voyant se conditionnait petit à petit. On partageait un secret, qui s'était détérioré, s'était lascivement transformé en haine mutuelle. Parce que c'était plus simple, et que même si elle prétendait qu'elle avait essayé. 

On ne pouvait pas se donner dans quelque chose qui nous avait été interdit par des êtres auxquels on tenait plus. Parce que Connor comptait plus.

— Ton frère avait raison Luc, tu ruines les autres, crachais-je en la voyant disparaître vers son allée de garage. 

Elle m'avait tourné le dos quand j'avais le plus besoin d'elle. Pour une raison mystérieuse.

Hey mes merveilles ? Everyone is okay ?

Qu'en avez-vous pensé ? Quels sont vos ressentis ? <3

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