L'enseigne du pub où ils se rendent se trouvent devant eux. Connolly's. Ils passent une nouvelle fois devant celle-ci, comme ils l'ont fait bien des fois auparavant. Pourtant, ce soir-là, elle capte l'attention du plus âgé du groupe.
— Vous pensez que c'est pour James Connolly.
— James Connolly ?
— T'étais où pendant la visite du musée Lando ? C'est un des leaders.
— Ouais, c'est celui qui avait été exécuté assis parce qu'il pouvait pas marcher tellement il était blessé. Celui qui aurait énervé le plus les irlandais.
— Ah oui, c'est bon je remets. Je suis pas très doué avec les noms.
— On avait remarqué !
— Après doit y avoir d'autres Connolly dans le pays ? C'est peut-être pour un autre ?
— Ouais, peut-être.
Et ils pénètrent dans les lieux, saluant les irlandais déjà présents et s'installant sur une table dans un coin. Elle est une nouvelle fois vide, comme si celle-ci attendait leur arrivée. Le néerlandais se lève alors, se dirigeant vers le comptoir où il adresse un grand sourire au propriétaire qui le lui rend.
— Alors Moher ?
— C'était trop trop beau. En plus, il a presque pas plu !
Le propriétaire rit en réponse. Si le champion du monde aime la pluie, il admet que ce n'est pas toujours particulièrement agréable, encore plus dans des endroits qui sont censés être de beaux paysages. Les nuages ont tendance à gâcher la vue.
— Tant mieux ! Vous voulez quoi ?
— On voulait savoir si on pouvait encore manger. On revient tout juste de Dublin et...
Il voit au sourire qui lui est adressé en réponse que cela sera le cas.
— Pas de souci. Je vous amène la carte.
— Cool. Merci !
Et le jeune homme se redirige vers sa table où ses comparses attendent son verdict avec impatience et une légère crainte. Ils n'ont aucune idée de ce qu'ils mangeront si la réponse est négative.
— Alors ?
— C'est bon, il va nous amener la carte.
— On a bien fait de t'y envoyer, nous, il nous aurait dit d'aller bien nous faire voir !
Les cartes sont bientôt apportées et chacun plonge dans une lecture attentive de celle-ci. Les noms leur sont inconnus, si bien qu'ils doivent consulter les ingrédients.
— Je crois que je vais prendre l'irish stew.
— Vous pensez que c'est quoi le black pudding. C'est pas un peu bizarre que ça soit dans le salé ?
— J'en sais rien, mais ça me fait, pas du tout du tout envie.
— Y a le chou au bacon qui me fait de l'œil.
L'un d'entre eux grimace.
— Pourquoi est-ce qu'il faut qu'ils mettent du chou partout ? Y en a aussi dans le colcannon et j'aime pas ça. Pourtant je viens d'aller voir, les irlandais disent que c'est le meilleur plat pour manger des pommes de terre et j'aime trop les pommes de terre.
— Et comme on a pu le découvrir, les irlandais s'y connaissent en pommes de terre.
Le néerlandais rit de la blague quand les deux autres ont des regards outrés.
— Si vous n'aimez pas l'humour noir, ce n'est pas une raison pour nous en dégouter !
Le plus jeune roule des yeux, les reposant ensuite sur son menu.
— Plutôt que de faire des blagues pas drôles ou d'en rire, vous feriez mieux de vous décider.
— Oui papa. J'ai décidé de toute façon, c'est George et Alex qui galèrent, je prends la tourte à la guinness vu que j'aime pas trop l'agneau dans tous les cas et que ça a l'air d'être le seul plat sans.
— Y a qu'Alex, je rappelle que j'ai dit que je prenais le chou.
— C'est vrai ça, décide-toi Albon. Pire que Lewis devant décider de sa tenue celui-là !
— Du calme. Bon je vais faire trou-trou, tout me plait.
Des sourires et des yeux brillants observent leur ami laissant son doigt glisser sur chaque plat les uns à la suite des autres jusqu'à ce qu'il s'arrête sur une ligne.
— Alors c'est quoi ?
— Shepherd's pie. Apparemment c'est un genre de gratin avec de l'agneau, des pommes de terre, des carottes et des pois.
— De toute façon, quel plat n'a pas d'agneau ici ? Même le burger était avec de l'agneau. Même combat pour les pommes de terre !
—Il faut faire vivre le commerce local !
— Avec toutes tes photos que tu vas mettre sur insta, tu pourras faire vivre le commerce via des images toi !
Les deux blonds se mettent à pouffer alors que le grand anglais leur lance un regard légèrement énervé, ce qui n'a comme conséquence que de voir leurs rires augmenter.
— Au moins pour le dessert, pas besoin de réfléchir crumble aux pommes, c'est mon dessert préféré !
— Un estomac sur pattes le type. Toujours à penser au plat suivant. Tu m'étonnes que ton entrainement de reprise soit plus intense que les nôtres.
— T'inquiète pas Max, on le dira pas à Christian et Helmut que t'es en train de déplafonner ton poids de forme.
— Vous êtes bêtes. Depuis le temps, j'arrive à peu près à gérer.
— Tout est dans le « à peu près » évidemment.
Le pilote mercedes laisse son regard trainer sur la jeune femme qui vient de retourner à l'arrière du comptoir. Il s'attarde sur ses yeux qui paraissent rougis. Il finit par détourner ses iris quand elle se tourne dans sa direction, ses joues se mettant à rougir d'avoir été pris sur le vif. Il se reconcentre alors sur son plat et la fourchette prête à être avalée depuis plusieurs dizaines de secondes désormais.
— C'est trop trop bon !
Tout le monde est silencieux à leur table. C'est pourtant loin d'être le cas dans le pub. Aussitôt leurs plats servis, une troupe était arrivée, bientôt suivie d'autres irlandais et à présent, toutes les tables étaient prises sans exception. Ceux-ci étaient pour la plupart vêtus de maillot verts ornés d'un trèfle sur l'avant de ceux-ci. Sur la télévision, la compétition de golf avait fait place à la composition du XV d'Irlande. Chaque nom énoncé par les commentateurs avait reçu une salve de cris et applaudissements.
— Ils ont vraiment une compétition sportive chaque jour, ils se reposent quand ces gens ?
— Moi qui voulais trier mes photos, je vais pas pouvoir le faire dans un tel bazar.
— C'est tout ce que tu mérites pour avoir volé mon idée de toute façon !
Leur petite dispute est interrompue avant même qu'elle ne puisse commencer par l'intégralité du pub se levant alors que l'hymne irlandaise résonne. Ils hésitent sur la marche à suivre, pour finir par rester assis, car ce n'était pas leur pays.
— Je vais mettre un message à Pierre.
La voix est basse alors que les chants résonnent. Les mots sont entonnés à plein poumons alors que chacun semble y laisser un petit bout de soi. L'écran d'un téléphone est tourné dans leur direction sur lequel un simple ALLLLEZZZZZ L'IRLAAANNNNDEEEEE !! suivi d'un petit trèfle est inscrit avant qu'une photo des quatre énergumènes soit prise et jointe au petit texte. Les prunelles du plus jeune brûlent de malice alors qu'il clique sur la flèche d'envoi et que le message part en direction du whatsapp des pilotes à destination des deux français dont l'hymne avait résonné quelques minutes plus tôt.
Les notes finissent par s'éteindre, mais tous restent debout. Bientôt, un nouvel air emplit l'atmosphère et les chants résonnent une seconde fois, encore un peu plus fort que la fois précédente.
— Ils ont deux hymnes ?
Les épaules sont haussées alors qu'aucun n'a la réponse à cette question. Mais ils ne peuvent pas la poser à ceux qui se trouvent à côté, ils sont bien trop occupés à s'époumonner, chantant à tue-tête ce qui semble être un second hymne. L'un d'entre eux arque un sourcil.
— Ce serait bien le seul pays qui a deux hymnes avant ses matchs.
— Ils ont peut-être pas été capable de se mettre d'accord sur la meilleure ?
Un rire éclate. Il s'arrête tout aussi rapidement quand le thaïlandais se fait fusiller du regard par les irlandais toujours en train de chanter. Tous restent donc silencieux jusqu'à la fin de celle-ci. Une fois la dernière note évanouie et les images montrant les joueurs en train de se placer, la conversation reprend.
— Les deux chants sont bien, je propose donc qu'on tire à courte-paille.
Cette fois-ci, trois se mettent à pouffer.
— Et pourquoi courte-paille et pas pile ou face Alex ?
Un regard bleuté amusé se lève au ciel avant que le rire du pilote redbull rejoigne les autres.
— Ah Pierre a répondu. Il a écrit, j'espère que vous êtes au moins allés à Connemara.
— Je crois que c'est pas au programme.
— Ah bon ? T'es sûr George ? Parce qu'Esteban dit aussi qu'il faut y aller ?
— Je suis assez d'accord avec George, je crois pas que c'était vraiment dans le guide.
— Bizarre ça. Ils ont l'air tous les deux d'accord. Pierre a même écrit que c'était « The place to be ». Et c'est rare qu'il utilise les bonnes expressions anglaises. Après est-ce qu'on peut faire confiance à leurs goûts, c'est une autre question.
— Bon, je vais demander.
— Demander ? Demander quoi ? Pour le Connemara ?
— Non, pour l'histoire des hymnes.
Le seul qui a déjà terminé son plat se lève et fait quelques pas pour rejoindre la table derrière la leur où sont attablés cinq irlandais et irlandaises, des bières devant eux. Il écoute avec attention toutes leurs explications, hochant régulièrement la tête avant de rejoindre sa tablée.
— Alors, c'est parce qu'il n'y a pas de République d'Irlande et d'Irlande du Nord en rugby donc ils ont créé une hymne pour leur équipe pour que ça représente toute l'île. Donc à chaque fois y a d'abord l'hymne de l'Irlande et après celle-là.
— Ah d'accord, merci Max.
Il adresse un petit sourire à son cadet avant de hausser les épaules et d'observer les assiettes de ses amis. Elles paraissent en effet bien plus intéressantes que cette information désormais connue.
— Tu vas finir ton plat, Alex ? Parce que sinon je veux bien tester, y a pas de chou.
— Prends-en si tu en veux tant que ça.
Les yeux roulent une seconde mais le sourire est plus enjoué qu'autre chose.
— Merci, merci ! Oh la vache, c'est trop bon. J'aurais dû prendre de l'agneau, c'est peut-être qu'on sait pas le cuisiner aux Pays-Bas.
— N'empêche, c'est quand même bizarre d'avoir deux hymnes. Je sais pas pourquoi pour le rugby ils prennent pas la deuxième vu que c'est celle qui est commune à tous et qu'elle a été créée pour ça ?
— Je crois que vous avez plus votre mot à dire sur notre pays et ses choix depuis mille neuf cent vingt-deux.
La voix qui s'élève est glaciale et cassante. Elle emplit l'atmosphère du pub et le visage de l'anglais se décompose quand il réalise que sa remarque a été entendue par leurs voisins proches et que tous leurs regards sont à présent tournés vers eux, encore plus suite à l'éclat de voix de la danseuse.
— Eireann, calmos, c'était juste de la curiosité. Pourquoi il faut toujours que tu prennes toujours la mouche ?
L'ami qui intervient s'approche de la jeune femme dont le regard qu'elle tourne vers lui est noirci par une colère immense.
— C'est de leur faute tout ça !
Et puis son visage s'affaisse et ses prunelles plus claires s'emplissent de larmes avant qu'elle quitte précipitamment le pub devant le regard bleuté attristé de celui qui l'accompagnait qui crie pour l'en empêcher. Les trois amis se tournent sur le champ vers le pilote mercedes pétrifié sur son siège et qui ne sait plus quoi dire, faire ou comment agir. La voix est une léger murmure quand elle s'élève.
— Elle me déteste.
je me concentre fort sur cette histoire en ce moment, donc les chapitres devraient être plus rapprochés qu'avant !
instant informations :
même au cours de la guerre civile, l'équipe de rugby irlandaise a continué de jouer avec une équipe composée de l'irlande et de l'irlande du nord. c'est pourquoi la fédé a créé l'ireland's call, l'hymne de l'équipe nationale de rugby et les 2 hymnes sont toujours chantées l'une après l'autre au cours des matchs joués en irlande. l
en vidéo l'ireland's call : 24 février 2007, au cours d'un irlande-angleterre où les anglais ont eu pour la 1ère fois le droit de retourner à Croke's park depuis un match de football gaelique qui s'était terminé en fusillade le 21 novembre 1920 (le bloody sunday, 1er du nom), un joueur d'une des deux équipes était décédé et a d'ailleurs donné son nom à l'une des tribunes du stade.