ghettoyouth - graine dans la...

By Enfantdelaville

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« Ghettoyouth marche en solo, parce que dehors gros la confiance est morte. » Sincère, Noémie, Mehdi, Assia e... More

Sincère, Vol.1
Noémie, Vol. 1
Assia, Vol.1
Mehdi, Vol. 1 (Partie longue et intense, prépare-toi !)
Iskander, Vol.1
Noémie, Vol.2
Assia, Vol. Final
Noémie, Vol. Final
Iskander, Vol. Final
Mehdi, Vol. Final - (FIN DE L'HISTOIRE) -
-Annexe/Suites/Retours-

Sincère, Vol. Final

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By Enfantdelaville

A mon réveil, soit mon père dort soit il n'est pas là, il n y a pas de juste milieu. La majeure partie du temps il n'est pas là, comme ce matin. Je n'ai reçu ni appels ni messages. La dernière personne avec qui j'étais au téléphone est mon oncle Eliott.

Au réveil, 3 snaps et 4 messages. Des clients. Les snaps sont toujours explicite, les SMS plus subtils. Mais avec le temps, je m'y suis fait à mon procédé. S'il y a des petits points, c'est pour de la coke. Quand ça parle en couleur, c'est pour de la beuh ou du shit.

- : Dispo pour un marron de 40 ? 67 Rue de Gaston Tessier, vite s'te plaît !

- : C'est Damien. Viens déjeuner à 11h, à tout de suite...

- : Salut ! Ce soir 20h au quartier d'affaire, à l'Hôtel Premier, tu viens nous chercher ? C'est pour une fête ! Ciao....

Je me prépare. Un jean et un t-shirt simple, me voilà pas cramé. Je passe à l'appart nourrice coupé les bouts et prendre ce qui est à prendre. Quand c'est de la came, vaut mieux être incognito, ne pas être habillé de manière trop remarquée ou trop cliché au risque d'attirer l'oeil.

Quand c'est de la beuh ou du shit, je m'en beurre un peu. En général, les courses pour ce genre d'affaire n'ont pas lieu si loin que ça, seulement à quelques pas du quartier où dans la ville. Je me souviens de mes premières courses à 14 ans quand aucun mecs du groupe à part Djaby savait que je faisais déjà des diez.

Je mettais la beuh dans mes couilles, mais l'odeur me trahissait. A chacune des montées et des descentes, les regards se tournaient vers moi ou, vers la personne assise à côté de moi.

Je faisais toujours en sorte que la personne à côté de moi soit un jeune ou une jeune, avec une allure négligée, moche et un peu « ghetto » de manière à ce que je ne sois pas trop pris pour cible.

Quand c'était pas le cas et qu'aucun jeunes étaient présent dans le bus, je me mettais à côté d'un vieux qui puait ou qui était laid.
Non seulement l'odeur le rendait coupable, mais son aspect n'aidait pas non plus. A côté de lui, je prenais une posture d'intimidé, de gêne, j'faisais mine de chercher de l'aide dans le regard des autres afin qu'il me sente vulnérable. Dès lors, les gens le regardaient mal aussi et c'était marrant à voir.

Je me souviens d'une soirée où je partais livrer des lycéens alors que j'étais moi-même encore au collège et que des contrôleurs de bus étaient présents avec une escorte de flics comme bras droit. J'avais 3g, un 10 de shit et un 20 de beuh. Je n'avais mis que le shit dans mes couilles, la beuh était en totale liberté dans la poche de mon jogging. Le contrôleur prit ma carte, contrôla la validité de cette dernière avant de me la rendre avec un soupçon qui se lisait dans ses yeux et ses gestes.

– C'est l'homme là-bas. Il a des trucs sur lui, c'est pour ça que ça sent cette odeur.

Avais-je dit pour ma défense. J'avais désigné un jeune, un petit rebeu qui paraissait chétif et inoffensif. Oui, je m'étais grillé solo. Le contrôleur fit mine d'être de mon côté, de ne pas comprendre de quoi je parlai jusqu'à ce qu'il sortit du bus un court instant et me demanda de descendre accompagné de son collègue le flic.

– Tu nous suis? On veut juste te poser quelques questions et procéder à un petit contrôle.

Ils n'ont jamais su qui j'étais après la tempête que j'avais mis ce jour-là. C'était la première fois que je ressentais ce jus d'adrénaline, ce goût de jouer avec le danger, de savoir qu'à tout moment tu risque de te faire pincer. C'était beau, c'était palpitant, c'était bandant sa mère, bien que j'eus fini essou fler derrière la piscine municipale de la ville. La livraison faite, j'avais fait en sorte qu'un ami de mon père vienne me chercher de peur que les flics soient toujours présent et qu'ils m'attendent au retour. Déjà parano et ce dès le plus jeune âge.

Rue Gaston Tessier, c'est une jeune adulte qui vient réceptionner. Elle est blonde, la peau pale et les yeux marron. Elle est ronde, limite grosse en fait. Je suis intrigué, de base c'est un grand brun aux allures d'informaticien qui vient me prendre la conso. Elle monte dans la voiture comme si j'étais son pote.

– Il est pas là l'informaticien ? Lui demandè-je.

– L'informaticien? C'est comme ça que tu l'appelles ? Son prénom c'est Fabrice, tu devrais savoir depuis le temps. Et si, il est là mais sous la douche donc il m'a envoyé. Et je suis une amie si tu veux savoir.

– Ah ok.

L'échange est furtif, simple, sans timbre de voix fort. Je cherche pas à savoir davantage qui elle est, du moment que je sais qu'elle est lié à ce type par un quelconque lien et que c'est pas une flic, ni une balance.


De toute façon, ça se sent qu'elle n'est pas à son premier joint et encore moins à sa première demande de cons vu l'allure à laquelle elle me parle et analyse le bout de shit que je lui passe. Elle le met à la lumière du soleil a fin d'y voir de plus près et appuie dessus afin de voir si c'est du shit sableux ou tout dur. Elle finit par sortir de la voiture avec un regard à moitié satisfaite qui pourrait se traduire par. « Bon, il est 11h14, ça fera l'affaire en terme de défonce. »

Avant de quitter l'auto, elle me passe son numéro au cas où elle aurait besoin de moi. Elle ne manque pas de me dire que ce dernier ne sert pas à la draguer et qu'elle ne veut des messages que lorsque je serai rechargé.

Il aurait fallu d'une remarque de plus pour que je lui dise que je baise des meufs qui ont trente fois son niveau et que si c'était pas pour de la cons, jamais elle serait montée dans ma gov elle et sa graisse morbide. Mais tranquille, je reste calme, je reste serein, je reste pro.

– Ouais t'inquiète, c'est noté.

Elle finit par traverser la route par une marche rapide comme si une Skoda nous avait pris en chasse et rentre dans le hall de l'immeuble au moment où je démarre a fin de rejoindre Damien.

Je finis par traverser le centre-ville pour me rendre dans la périphérie de la ville non loin d'Amouvie-sur- Seine, au niveau des résidences simples et populaires. Je sonne, c'est sa petite-fille Agnès qui m'accueille, elle m'attrape par la manche de mon blouson avant que son grand-père au téléphone ne l'extirpe de là.

– T'es en retard Sincère, t'abuses, heureusement que j'ai pris l'habitude... Les voisins t'ont pas vu j'espère? Bon aller rentre, fais vite. Tu veux quoi un café, un thé, un jus ?

– Un jus d'orange s'te plaît.

On finit par être dans la cuisine assis autour de la table ronde en bois, la déco n'a pas changé depuis le temps que je livre ici. Elle est ancienne avec un papier peint de fleurs roses qui entourent la cuisine et des électro-ménagers datant du début des années 2000 hormis le frigo qui est lui archi moderne, archi américain. Il me dit qu'il doit se coltiner sa petite-fille malade dû à l'emploi du temps surchargé de son fils et de sa belle-fille.

– T'imagines ça.. Comme s'ils ne pouvaient pas s'absenter ne serait-ce qu'une demi- journée...Oui bon, il est biologiste tu me diras, mais la science avance quand même sans lui non ?

De loin, j'observe la petite jouer aux LEGO avec la télé allumée dont le programme diffusé est un dessin animé moderne que je n'ai pas connu à mon époque. Même les petits ont leurs propres héros maintenant. Damien allume la radio et se plaint des chroniqueurs politisés comme à son habitude.

Le bruit de la cafetière qui claque contre la tasse, le sons des carrés de sucre jetés dans cette marée brune, les mugs qui se brutent contre la table.. Je reconnais tous ses bruits qui me sont désormais familiers. Pourtant, rien ne me prédistinait à être aussi proche de Damien.

– Tiens, prends l'argent... Non non, donne moi la cons après, la petite peut nous observer là, je préfère pas qu'elle le voit...Bon aller, si t'insistes... Merci mon petit. Faudrait que t'arrêtes les ventes là, passe à autre chose non ? Depuis que t'es petit tu fais ça quoi, tu vaux mieux.

Des mois qu'il me dit que je devrais arrêter, que j'ai fait mon temps et que je finirai en prison ou mort. Il me répète qu'il me verrait dans le théâtre et qu'il regrette que je n'ai pas continué les auditions auxquelles il m'inscrivait sans que je lui demande. La seule fois où j'ai accepté d'faire son truc, j'ai eu l'impression d'être un suceur auprès des directeurs de castings. Pourtant, mon impression avait été bonne car j'avais été retenu au second tour d'un rôle. Au final, j'ai fini par faire le mort lorsque je voyais que ça devenait trop sérieux.

– La vie va vite Sincère. Regarde moi, je suis seul. Alors ouais, je regrette pas ma vie mais je regrette des choses malgré tout... Et toi tu regretteras tout ça, crois moi.

Voyant que la petite a le dos retourné et captivée par ses jeux, il en profite pour dévier à ses principes en s'foutant une pincée de poudre dans le nez qu'il refusait que je lui donne plus tôt. Il reprend ses discours sur la vie avec plus d'engouement, avec plus de vivacité tandis que j'observe Agnès la petite et essaie d'y voir au travers elle mon enfance.

Je me demande si moi aussi j'ai été aussi innocent, aussi doux, calme, captivé par mes jouets, mes dessins et mon environnement car oui, je n'ai aucun souvenirs de cette dite époque qui a sûrement existé. Alors ouais, j'ai dû dessiner, on a dû me serrer dans des bras chauds et bâlants que ce soient ceux de mon père ou ceux de mes tantes, on a dû m'aimer, m'étouffer de sécurité mais pourquoi n'avais-je aucun souvenir de ça ? Mon cerveau avait-il décidé de faire une amnésie de mes moments positifs passés ? Agnès, toi, te souviendras-tu de tout ça avant d'être le résultat de ce que la vie veut que tu sois ?

Sans que je lui demande, mon verre de jus se resserre de moitié.

– Elle est mignonne ma petite-fille hein ? Tu veux des enfants toi ? Bon t'es encore très jeune, 21 ans, c'est ça ? Mais crois moi, être parent c'est quelque chose mais être grand parent c'est... Je sais pas comment l'exprimer...Ouais voilà, c'est comme si j'ai été papa deux fois quoi.

Je n'ai pas trop de temps ce matin. Mon téléphone arrête pas de biper, des gens me veulent, je suis quémandé. Je le coupe sur la discussion qu'il comptait lancer puis me lève sans chercher à ce qu'il me raccompagne. Au final, il me raccompagne mais alors que je suis sur le pied de la porte, il fait un détour par la chambre d'invitée d'où j'entends des vêtements tombés et les tiroirs de la commande s'ouvrir et se refermer

– T'es un ami à mon papi ? Me demande la petite curieuse de savoir qui est ce jeune garçon dont les générations de séparation et les mentalités se distinguent à vue d'oeil.

– Je suis l'ami, le conseiller et le médecin de ton papi, oui.

– Ah bah c'est très gentil ça alors... Tiens, un dessin, c'est toi et mon papi ! Je vous ai dessiné pendant que vous parlez.

Si ce n'était pas une enfant, mes remarques auraient des plus cruelles. Le dessin est moche, ma peau est faite au crayon bleu alors qu'elle avait la possibilité de la faire au crayon marron ou noir. Son papi lui est fait élancé, immense et imposant. Or, la réalité est tout autre. De plus, la table est quasi pas fini et le décor est vide.

– Waouh, c'est gentil. J'le mets dans mon sac et le garde avec moi, c'est mon porte- bonheur maintenant.

Les bruits de pas de Damien se dirige de nouveau vers moi avec un prospectus en guise d'allié qu'il secoue dans tous les sens tel un ticket gagnant prêt à être encaissé.

Ce fameux bout de papier s'avère être une annonce pour un énième casting de série.

– Je te le reconnais c'est loin Le Mans mais en train ça peut aller vite. Vas-y, ils recherchent des nouvelles têtes.. Ils veulent des gueules cassées, des gens au parcours atypique comme toi. Fais-le.

Je quitte la maison sans aucune réponse, mais ça ne le choque pas, il me connait si bien. Dans la voiture en direction du quartier je réfléchis son idée mais pas comme les premières fois. Toutes les fois où j'ai fait ses trucs, j'étais défoncé et adopté une non-chalance de bâtard. Là, le casting a lieu dans une ville de merde. Je suis pas perdu mais j'y réfléchis, j'ai d'autres business en tête avant.

Je retourne au quartier voir Xavi et Barrio, deux petits qui bossent depuis peu pour Djaby et moi.
Ils s'y connaissent peu mais sont malins, discrets et à l'affût de tous plavons. Je les retrouve au tabac décontractés, lunettes de soleil et commérages en tout genre.

La place est rempli de ses habitués que je ne manque pas de saluer, droit dans les yeux un à un sans trop me dévoiler ou trop parler. Les gens savent qui je suis dépuis de toute manière.

Je file des contacts à Xavi dont ceux de cet après- midi, Barrio prend quant à lui une partie de ceux de Djaby. Ils le savent qu'ils ne toucheront pas tout au départ, mais veulent quand même se lancer dedans. C'est la règle, les gros risques d'abord pour comprendre les ficelles du métier. Sur un 40 de shit, ils prendront un billet de 20. Sur le gramme de C' à 70, ils prendront 40 euros.

Sur l'héro, il y a rien à gratter, donc je les laisse faire. On a peu de clients qui tapent dans l'héro de toute manière.

Il est 14h43. Le temps passe vraiment vite Damien, t'as raison.

De nouveau dans la voiture, j'évoque avec Djaby tous ces trucs de castings, de théâtre et de séries télévisées que l'on a déjà évoqué plusieurs fois et où la chanson a toujours été la même de sa part :

« Fais-le, on a plus rien à perdre frère. »

A chacune des fois où je lui racontais la manière dont je désertais ces audiences, il tirait une mine étrange, un peu déçu que je ne saisisse pas ces opportunités. Encore aujourd'hui, il me rappelle son point de vue :

– Moi je te l'ai déjà dit, je vois ça comme un plavon, une passerelle, c'est tout. Ça peut être dar... En vrai c'est comme les rappeurs t'as capté.. Ils chantent mais ils arrêtent pas la bicrave et tout l'truc. Puis ça reste quand même plus tranquille que le tra fic d'armes.

A quoi bon alors se lancer dans un délire si c'est pour continuer dans ce pourquoi t'es censé te détâcher ? Dealer, arnaqueur et comédien ? Nique sa mère, autant laisser mes mains dans des gants qui me vont.

Un peu comme d'habitude les journées sont ennuyeuses quand on envoie les deux petits. On tourne dans la ville avec des clopes, de la cons et des feuilles. On fait le tour des autres quartiers, rend visite à d'anciens collègues qui comme nous on lâchait l'école très tôt et on finit par être diplômé de la rue.

De retour dans la cité, ça s'enchaîne par des visites dans les block, dans les endroits inconnus où personne pourrait se douter qu'une dizaine de têtes cramées sont à l'intérieure.

On reste avec eux, fume la chicha, parle de tout et de rien avant de repartir voir un humain du quartier qui a une galère avec le pot d'échappement de sa voiture. L'histoire se règle assez vite puis de nouveau nous sommes assis là, dans cette voiture, à ne rien faire.

– Tu sais que je parle à la pote de Noémie depuis le jour là ? Je l'ai retrouvée sur les réseaux tu connais, ça va vite... Elle me fait un peu de manière mais elle répond beaucoup, même un peu trop.. Ce soir, je la capte. En tout cas, j'essaierai.

Je lui montre son profil Instagram pimpée de A à Z. Photos de ses voyages à Berlin, Tanzanie, St Barths, Afrique du Sud, Los Angeles et j'en passe. De ses mille selfies d'elle et de ses potes, de ses photos outfit où elle met en avant ses tenus du jour même.

– Elle vit ta pute hein ! Je la voyais pas aussi douce ce soir là. Me dit-il.

Les petits nous préviennent de leur arrivée près du tabac. Deux voitures, un parking. Ils reviennent heureux de la récolte et de leur blés en main et ont déjà pris leur part. La conversation commencent à s'éterniser sauf que nous ne sommes pas potes, juste des mecs qui taffent ensemble.

19h56, j'envoie un SMS au client du soir.

- : Je suis en bas.

L'hôtel est bondé de gens qui s'amusent et discutent entre eux. Un guitarise, un batteur et un chanteur accompagnent cette douce scène que j'aperçois de loin. Le gratte-ciel le plus imposant du quartier d'affaire voit la plupart de ses lumières encore allumées à chaque étage, ce qui n'est pas le cas en général.

On patiente, regarde les voitures se garer et les individus en sortir afin de rejoindre la réception. Ils sont classes, apprêtés et soyeux. De la tour, en sort un petit Blanc imposant dont les années de musculation passées sont encore présentes. Malgré son regard analytique, il est cordial et communicatif. C'est un commercial je pense. Il me demande si j'ai passé une bonne journée et si j'aimerais boire un verre avant de partir. Il m'accompagne jusqu'aux toilettes où la transaction se fait alors qu'un homme est en relation avec un urinoir.

– T'es venu tôt, je te remercie... Ce soir c'est spécial, on fête les 7 millions de CA, une première depuis 2008. La dernière crise sanitaire nous a tous malmenés ici.. Les beaux jours sont devant nous maintenant ! Tiens, prends un supplément pour toi, je garde ton numéro.

En me raccompagnant jusqu'à la sortie, son regard croise celui de ses collègues. Il leur lance un signe d'affirmation de la tête, un signe enjouée et discret mais assez démonstratif pour que je le remarque. Je suis donc réellement celui qui va pimenter leur soirée? Si c'est le cas, tant mieux. Qu'ils se souviennent de moi, qu'ils se souviennent de ma drogue.

La nuit est déjà tombée. On part manger dans le centre-ville une gaufre achetée par l'argent du client et on se balade un peu histoire de ne pas retourner au quartier trop tôt. On établit les plans pour cet été car même s'il doit voyager avec madame, il oublie pas notre voyage à trois avec Iska. Ou à deux, si ce n'est pas possible. Espagne, Portugal, Malte.. On n'en sait rien, mais on partira, tout comme l'été précédent.

Je reçois un appel de mon père. Il me prévient que demain soir un repas de famille aura lieu et que nous nous y rendrons. S'il veut, je n'ai pas mon mot à dire de toute façon. Je reçois un SMS de Chloé dans le même temps.

C - : Je suis en révision ce soir... Mais passe après 00h. Vers 00h13, le temps que Mimie parte de chez moi.

On continue de sillonner la ville afin d'écouler le temps. On est la recherche d'un plan, d'une affaire de courte durée qui pourrait nous occuper. On se met dans un parking. Je lance une instru puis il se met à freestyler, sans texte pour le défi de ce soir. On y passe les instrus d'anciens, ceux de notre génération plus branché trap puis un peu de R&B. La session a assez duré. De retour au quartier, on passe rendre visite à La Mine où seul Léandro est présent, épuisé et seul avec une bouteille qu'il descend à grosse gorgée.

– Les autres arrivent carrément. Calez vous si vous voulez... J'ai vu Barrio, il m'a dit il a fait des missions pour vous. Moi aussi je veux être branché wesh, vous dormez sur moi là. Qu'il nous dit.

– Bientôt wesh, t'es pressé. Sois calme, ç'arrive, sois patient. Lui répond Djaby

La vérité est que Léandro est une tête brûlée qui réfléchit que par lui-même. C'est un Zépek, un petit bouillant, impulsif, compulsif et un peu malicieux. Sa sœur voit pas ce qu'il devient, sa mère encore moins. Il traine jusqu'à tard dans la cité et erre avec son équipe dans une twingo volé puis se lève lendemain pour aller en cours mais toujours aussi dissipé et peu réfléchi. C'est pas le seul, ses potes sont pareils que lui, le même ADN, la même forme et le même fond, des Zépekistes.

Moi aussi j'ai connu tout ça très tôt. Les problèmes, l'évasion, cette dalle et cette colère. Nous sommes de la même graine eux et moi mais quelque chose m'en distingue, m'en éloigne et fait que j'arrive pas à leur faire confiance à ces petits. Je suis peut-être un peu jaloux, un peu dérangé du fait que je me vois en eux au même âge et que plus le temps passe, plus je m'assagis et n'ai plus cette grinta, ce point noir. Je me fais vieux, si on compte en âge de la rue.

Sur la route en direction de chez Chloé, j'vesqui les feux inutiles. La moto est une location alors pourquoi s'en faire ? Je finis par monter assez vite afin de ressentir cette adrénaline qui m'a tant manqué aujourd'hui.

J'arrive assez vite dans son quartier. J'ai fait a minima 100 fois le tour de cette ville, visser des clients par centaines au cours de ces années, mais je n'ai jamais mis les pieds dans ce quartier, ni dans cette rue. C'est propre ici. Je gare mon scooter devant chez elle puis en levant ma tête, je l'aperçois du haut de ses marches. J'avance à l'allure de coq mais elle semble indifférente à mon approche physique.
Une bise et je me retrouve sur son canapé. Après de longues minutes de silence et à mentir sur le fait que je valide la déco de sa maison, on en vient à parler de cinéma et de plusieurs sujets.
Si elle est plus branchée Tout ce qui brille et Jeux d'enfants de Yann Samuel, je suis plus sur Khamsa de Dridi et Les Lyonnais d'Olivier Marchal en terme de cinéma français. Elle évoque les livres qu'elle a lu, je lui parle des dernières sorties musicales. Elle me parle de la dernière collection de cosmétique, je lui parle des dernières motorisations du nouveau Q7 qui se rapproche d'un Macan et ça dure ainsi pendant des minutes, sauf que l'heure tourne.

– On peut continuer cette conversation dans ta chambre ? Directs sont mes mots.

Ses seins tombants et sa salive aux arômes de fraise. Putain, je lui baiserai bien la bouche. J'attrape ses petites fesses rondes que je pince si fort qu'un gémissement de plaisir douloureux émane de sa bouche. Elle s'échappe de mon étreinte puis me projecte sur son lit afin d'hôter mon fûtale. Elle suce mais elle y met les dents, c'est désagréable merde. Elle sert si fort ma bite que je ressens la non-circulation de mon sang vers ma verge. Ses quelques coups de langue n'y changeront rien. Je la retourne sur le dos et dissèque chaque partie de son corps. Son cou fin, ses cheveux soyeux, ses tétons pointilleux, son nombril profond, ses côtes et ses jambes grandement écartée dont de petites traces de vergitures peuvent s'y lire. J'y passe mes mains afin de les dessiner pour ensuite les embrasser. Encerclé par ses cuisses, le latex se fond aux paroies de son être chaud où je me laisse aller jusqu'à atteindre le point culminant de son désir et du mien.

Sa main me suit pendant que je me retire et je m'allonge à côté d'elle puis survient un silence gênant qui essaie d'être comblé par de multiples actions. Elle change de position, je regarde le plafond, elle regarde le sol alors que je carresse les draps encore humides et froissés.

En se levant du lit, elle soulève ma sacoche alors au sol où le dessin d'Agnès s'en échappe, mais elle arrive à le rattraper avant qu'il arrive au sol.

– Je savais pas que tu t'intéressais à l'art abstrait. C'est de qui ce dessin tout mimi ?

– C'est de ma nièce on va dire, elle s'appelle Agnès. J'le trouve pas si beau.. Mais j'ai pas osé lui dire.

– Encore heureux que tu sois pas un bâtard à ce point, elle aurait été blessée.

Elle me rejoint dans le lit puis nous décortiquons ensemble le dessin. La table ronde à couleur moitié faite, mon tee-shirt et mon jean aux teintes identiques, la fenêtre de la cuisine ouverte, la cafetière et le frigo. Quand on s'intéresse de plus près aux détails, on peut voir ma posture détendue, mon dos courbé, mes sourcils droits et mes yeux noirs. On y voit aussi Damien la tête contre la table, sa main gauche portée au visage et son corps presque avachi sur la table.

Je lui arrache le dessin de ses mains et remarque d'autres détails qui paraissaient jusque là insignifiant. Ma sacoche est dessinée de manière assez imposante, près de la tête de son papi. Une sorte de petit étui est aussi présent mais ce dernier est dans la main droite de mon client. Les points beiges coloriaient sur la table ne sont pas de la déco, la petite nous a pas dessiné, elle a dessiné le fait que je livre de la coke à son putain papy.

Je bouillonne un peu car cette conne a pris le temps de nous analyser, a eu le temps de voir toutes les choses qui ont pu se produire. Ça parle trop les enfants. Elle peut en parler à ses parents qui à leur tour demanderont des comptes à Damien; et Damien est-ce que je peux lui faire confiance même ?

Pourquoi est-ce qu'il me balancerait pas s'il était dans la merde? Et si les parents d'Agnès prévenaient les keufs ?

– Tes proches toi, de tes parents ? Moi pas trop pour être honnête.. Je sais pas pourquoi je te demande ça maintenant mais je te sens de confiance donc voilà, c'est dit.

Cette question pouvait pas mieux tomber. Qu'est-ce que je m'en bats les couilles sombre conne ? Puis en quoi tes soucis familiaux m'regardent ? Je suis conseiller familial moi ? Je suis là pour ta chatte, pas pour le relationnel. Mais une autre réponse sort de ma bouche :

– Pas trop... En fait plus je grandis, plus je m'éloigne et moins on se comprend mon père et moi. Puis ma mère, j'ai pas de mère.

L'intonation remet un froid à ce qui s'apparentait à un moment de convivialité et d'intimité. Je me rends compte que nous sommes toujours nus, ici, à se parler alors que ce qui devait être fait a déjà été fait. Le silence perdure mais cette fois-ci, aucun de nous deux cherchent à y mettre fin. C'est un silence d'au revoir, d'adieu, de fin. Je me lève, remets mes vêtements et elle ne paraît pas surprise par la scène. Je descends les escaliers prends mon casque et mon téléphone laissés sur la table puis quitte cette demeure la laissant en haut, seule. Sans un au revoir, sans un tout à l'heure. Dehors, en consultant mon téléphone, certains messages de clients demandent si je suis toujours dispo pour telle ou telle course. Parmi ces messages, j'en reçois un à l'instant qui est le plus vrai et le plus honnête possible.

C - : Tu crois que ce sont des manières de se barrer comme ça ? Tu me laisses à poil comme ça bah ouais, je suis ta pute moi c'est ça en fait. T'es vraiment qu'un petit fls de pute, reviens plus jamais sale bouffon d'merde

Ma jambe tremble, mon poing se serre. Je sonne. Elle ouvre. Elle flippe. Elle prend la fuite mais je la balaie avant qu'elle puisse s'échapper. Je la soulève par ses cheveux puis lui mets trois grosses gifles et une de mes chevalière laisse une signature sur sa lèvre supérieure.

Sa détresse et ses cris s'entendent jusqu'à la rue voisine. Je sors alors, monte sur la moto et un dernier regard est lancé, mes yeux dans les siens. Elle est apeurée et repliée sur elle-même. Mais au moment où j'actionne le bouton de démarrage accompagné du bruit du moteur, elle s'avance jusqu'à l'entrée de sa porte où elle prend l'ascendant sur moi. Elle se tient droite, ferme, convaincante et sur les appuies. Elle me défie. Les bras croisés, elle se positionne en juge, en femme droite et glaciale. Elle fait de l'ombre à la lumière derrière, je remarque ses longues jambes et son corps élancé taille mannequin. Elle m'intimide putain.

Avant que je ne regrette mon acte, je démarre et quitte cette rue où malgré les cris, aucun voisin n'est sorti et dans laquelle pas une seule lumière individuelle s'est allumée pour mon plus grand karma.

Ma conduite est sèche, brutale, rapide. Je calcule rien ni personne. J'emprunte les grands boulevards, passe par la ville et son quartier festif afin de noyer le souvenir de son visage rempli de larme et de le remplacer par ceux de ces jeunes qui rient, qui boient et qui font la fête. Mais il n y a personne, si ce n'est un couple qui se balade en cette nuit sans lune.

Près de ses bars inanimés, je décide de me rendre dans une épicerie à la devanture rouge où aucun client n'est présent. Il est sur le point de fermer.

– Chef, passe moi l'Absolut en 35cl s'te plaît.

Redbull-vodka, j'ingurgiterai le poison. L'Avenue de la Commune de Paris m'entend passer même si le quartier dort. Le parking dort aussi, lui qui a l'habitude d'être somnambule et communicatif par les gens qui y trainent.

A la maison le daron n'est pas là, encore une fois, je me sens vide mais pas comme les autres soirs. Ma boisson sucrée ajoutée à la vodka ne suffit pas adoucir la boisson dans laquelle le spiritueux est maître. Je bois un verre, puis deux, puis trois. Je mets un clip à la télé puis me resserre et refume une autre clope avant que le sommeil ait raison de moi. Ma bouche est asséchée, j'ai chaud, mon estomac est nouée et brûlée par l'alcool. Je m'endors, ça ira mieux dans quelques heures.

Ces quelques heures ont duré toute la nuit et m'ont mis debout aux alentours de 16h. La cuite d'hier m'a terminé, m'a mis dans un état pitoyable. J'ai encore le goût de ce cocktail qui remonte jusqu'à mes trompes nasales. La scène de crime est nettoyée, ni mon verre ni ma canette sont sur la table. Je regarde dans les tiroirs, dans la poubelle, dans le frigo mais rien, mon père n'a laissé aucune preuves irréfragables. Sur mon téléphone, des snaps de Djaby qui me dit qu'il a fait le tour ce matin à ma place, de Barrio et Xavi qui demandent où est-ce que je suis.

Je me prépare et repense à la veille et aux actes de violences qu'a subi Chloé. Coups de pieds dans le ventre, tirage de cheveux et les insultes. J'étais tellement pris de rage que je lui ai fait du gras, mais je regrette rien, elle le méritait. Pourtant, jamais je n'ai eu des images aussi nets des méfaits que j'ai commis. C'est comme si les scènes m'hantaient, c'est comme si Chloé m'hantait.

Dehors, je rejoins Djaby au tabac. Seul avec son sirop fraise, il me voit arriver au loin. Chacun de mes pas ramène à une vision de la veille. Le ciel est gris mais j'ai comme la sensation que le soleil me tape à la gueule.

– T'es sûr tu vas bien mon reuf ? T'as l'air quillé de la veille... C'était comment hier avec la ministre ?

Thierry vient me servir un sirop citron et un paquet de Camel qui a été commandé plutôt par Djaby. Il a tout anticipé, comme les clients de ce matin.

– Ouais, c'était calmé tu connais. Ça c'est bien passé. Maintenant c'est du passé, c'était que pour la nuit de toute façon.

Dans la voiture, il me passe ma part du butin de ce matin. Il y a plus de clients que d'habitude aujourd'hui, Djaby estime qu'on peut se faire 900 euros avant 19h. La journée se déroule et on continue de tourner, de baroder dans la ville, de rigoler entre nous mais le temps passe vite Damien, t'as raison. Quelle a été la dernière fois que j'ai senti que je faisais quelque chose d'utile, de bien ? A quand remonte la dernière fois où j'ai senti que mon karma n'était pas mauvais ? J'en sais rien, je sais plus.

Bien que le quartier soit vif, je demande à Djaby de me déposer chez moi afin d'avoir plus de temps pour me préparer pour ce soir. Mon téléphone ne cesse de biper et ces putains de junkies de merde ne veulent pas me lâcher la grappe.

-: Ramène moi marron stp, un 20
-: Tu penses que tu peux venir me chercher au niveau de la Place Solidaire... ?

Saoulé de ce train de vie ou juste le début d'une mauvaise journée, je sais pas, c'est confus. En tout cas, je suis lassé d'eux et de moi.

A la maison, papa est là. Il se fait vieux, ses premiers cheveux blancs se démarquent. Jamais les gens se douteraient du parcours de cet homme qu'est mon père. Souvent, je me demande s'il a réellement fait le bon choix en empruntant cette route ulcéreuse et si être vigile comme la plupart des darons subsahariens n'étaient pas la meilleure chose à faire au final. Dans ses agissements, il y va de la main morte. Il veut m'attendrir, me réconforter. Il a deviné et a vu l'état dans lequel j'étais hier soir. Ça faisait quoi, presque 5 ans que je n'avais pas reçu une étreinte de sa part.

On quitte l'appartement pour la voiture. J'hésite un court instant à lui demander les raisons de son absence ces derniers jours et ces dernières nuits avant de me rappeler que l'essentiel est le fait qu'il soit là maintenant. Les petits postés dans le bloc se lèvent automatiquement, lui serrent la main sans trop en faire ; les flics peuvent être pas très loin et émettre des liens. Sur la route, les seuls bruits sont ceux des clignotants avant qu'ils se mettent à parler.

– T'étais dans un sale état hier. Presque une demi-bouteille seul. T'es grand, mais attention, faut être attentif dans ce milieu, rester clean, c'est la meilleure chose à faire. Me dit-il

Il emprunte la rocade, puis se met sur la départemental où durant une vingtaine de minutes il ne me parle plus. Ses mots ont été dits, ils préfèrent économiser ses propos qu'il sortira au repas de famille.

Nous sommes tout près de chez mon oncle. Depuis petit, sa maison n'a pas changé. La courte allée de terre oblige que l'on se gare près d'un vieux portail en bois usés. Tonton Jimmy est là avec sa peau de cochon rosée et ses petits cheveux en épis. Il nous prend tous deux dans les bras avant de nous inviter à rentrer dans sa maison où persiste cette même odeur de linge propre comme s'il vivait dans une laverie automatique. Il y a des petites fleurs disposées ici et là qui est la marque de ma tante Urielle et de son amour pour les plantes puis, ce fameux drapeau Corse, qui n'a pas bougé et qui ne bougera jamais.

Mon oncle a été un ancien membre de la FLNC avant de rejoindre selon ses explications floues FLNC Canal Historique. Son degré d'implication dans le front a toujours été variable. Un jour il nous dit qu'il était totalement actif, participé à tous les actes libérateurs et un autre jour qu'il était juste un simple partisan discret qui soutenait de loin les courageux militants.

Ce que je sais et il nous l'a toujours répété, c'est qu'à cette époque il ne manquait jamais de sortir avec un petit calibre sur lui, tant l'île de Beauté était un terrain de terreur.

Devenu métropolitain, son accent s'est dissout mais pourtant, il fait tout pour le garder au point même de changer des mots par d'autres ou de prononcer les mots d'une certaine manière.

Tonton Jimmy, c'est uniquement à mes 11 ans que j'ai compris que ce n'était pas mon tonton de sang, mais mon tonton d'alliance. Qu'il n'était pas le vrai frère de mon père et que le surnom de « frère » qu'ils se donnaient tous deux n'était au final qu'une valeur, qu'un mot affectif, qu'un mot représentatif. Je saurai un jour comment et à quelles occasions ils se sont connus, lui qui a été un escroc, un voleur et un allié de mon père dans certaines affaires.

La bouteille de whisky s'ouvre, la porte d'entrée aussi. Du salon, on distingue de multiples voix qui semblent rire et se plaindre du temps pluvieux. Ma tante vient d'arriver et avec elle mon oncle Anis et mon autre tante Rebecca. Nous voilà au complet faut croire. Mon oncle Elliott ne viendra pas, il est en déplacement à Marseille.

Dans la cuisine, mes tantes mettent au four le poulet à l'olive et préparent les frites maisons. Buveurs occasionnels, mes modèles sont vites saouls et mes tantes leur rappellent la différence entre crier et parler fort.

L'alcool délie les langues, la franchise de mes oncles concernant la solitude amoureuse de mon père s'entend bien après ces quelques verres.

– Regarde toi, bientôt 50 ans, friqué mais tu gères un four... T'as une relève en plus, il est juste là. Tout le monde s'est rangé Mpo', même Michel Ardouin ! Puis même, ça fait combien de temps que t'as pas baisé une vraie femme, dis nous ?

Si les mots sont cru, ce n'est qu'une traduction d'un attachement à leur amitié qui s'est transformé en fraterie avec le temps. Mon oncle Anis est moins bruts dans ses mots, lui qui n'a été qu'un commerçant ayant servi dans le temps à aider mon père dans le blanchiment de ses trafics et à trouver une planque en Tunisie pour Jimmy quand il était recherché par des: «fils de putes de mauvais hommes toulonnais » si je reprends ses mots.

Ils évoquent ensuite leurs belles années de jeunesse, leurs conneries en tout genre – j'apprends au passage que mon oncle Anis a braqué une boulangerie de sa ville plus jeune - , leurs petites histoires d'amours dont mes deux tantes manquent pas de leurs lancer des regards glacials à l'évocation de prénoms féminins. Ils viennent tous d'ailleurs mais ont tous fini là, ici, avec deux bouteilles de whisky presque vides alors que l'on vient à peine d'arriver.

– Je sors, je vais dans le jardin prendre l'air un peu. Dis-je

La pluie s'est arrêtée mais les nuages sont toujours gris annonçant une future averse. Je crame une clope pensif de l'avenir de mon père et de la vie de ses frères. Je m'imagine avec femme et enfants, avec Djaby et les siens autour d'une table où on évoquera nos années de jeunesse après une bouteille de vodka sifflée. Je pense aux maisons luxueuses de la ville, aux clients attentionnés, aux fils de pute de clickoss, aux enculés et aux traîtres.

– Tu me passes une clope mon chéri ? Me demande ma tante.

Sous son couvre-chef trico, elle y a déposé ses lunettes de soleil qui ne sont pas en lien avec le climat. Son style vestimentaire a toujours été propre à elle, authentique et personnelle, c'est tata Urielle quoi. Si les questions sur mes affaires sont celle dont j'ai pris l'habitude qu'elle me pose depuis mes 16 ans, celle sur mes futurs projets n'ont jamais été d'actualité.

– T'as une copine ? T'as d'autres projets que la drogue au moins.. Oui oui parce que c'est bien beau tout ça mais bon, t'es jeune encore, fais autre chose.. Ton père osera pas te le dire mais dans le fond, si tu pouvais faire autre chose, il le prendrait pas mal, crois-moi.

Ça me rappelle cette fois où il avait vu le flyer d'un casting afin d'être figurant dans une mini série télévisée à l'eau de rose et m'avait curieusement demandé si j'y étais allé ou si je comptais y aller. Je lui avais dit que non auquel un « Pourquoi ? C'est important de voir large. » sec m'avait été rétorqué. Aujourd'hui, Urielle a raison. Encore aujourd'hui, Damien, t'as raison, le temps passe vite.

Elle finit sa clope quitte le jardin me laissant seul à l'extérieur. A l'ouverture des fenêtres afin que la fumée de la cuisine s'échappe, une odeur d'olive et de poulet rôti en sort avec comme accompagnement les rires et cris de ma famille. Vais-je donc mener une vie à commanditer des meurtres comme l'a fait mon père pour Evan ? Vais-je continuer à tourner en rond, à demander à d'autres petits décervelés, désoeuvrés et avec un vice grandissant de bosser pour moi et d'être à mon service ? Vais-je continuer de faire l'amour avec le vice chaque jour que Dieu fait ?

A la dernière taff, je repense à tous cet argent fait et qui n'a pas fini de rentrer, à toutes ses soirées dans les blocks, à toutes ses escortes baisées sauvagement souvent sans préservatifs avec mon sperme à l'intérieur de ces dernières, à Joanna, au respect que l'on me donne, à Chloé et à la crainte que je suscite du haut de mes 21 bougies puis en rit. T'as raison Damien, le temps passe vite. 

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