Frontière tome 1-L'éveil du T...

By EmmieHJean

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Attention ! Dépublication provisoire à partir du chapitre 4 jusqu'à la fin du concours Fyctia. Si vous voulez... More

Préambule
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34

Chapitre 31

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By EmmieHJean

C'est une odeur fétide et un sentiment de mouvement inconfortable qui me firent reprendre mes esprits. La bile monta vivement le long de ma gorge et je la ravalai difficilement en m'étouffant à moitié, à deux doigts de dégobiller le maigre contenu de mon estomac. Je clignai des yeux à plusieurs reprises, incapable de donner du sens au monde flou qui m'environnait. J'inspirai profondément et le regrettai immédiatement devant l'âcreté des effluves qui agressaient mes narines délicates. Une vibration résonna sous ma tête douloureuse et une voix rauque retentit, me faisant grimacer de douleur sous la nouvelle attaque portée à mes sens trop sollicités.

- Haiko se réveille.

Putain mais j'étais vautré sur Saturnin! Ark berk, je ne voulais même pas y penser.

Je tentai de me redresser mais mes muscles me firent savoir sans négociation possible que cela n'allait pas être envisageable et je retombai lourdement sur mon support, à savoir la poitrine creuse de mon vieil ami. Je réprimai un frisson dégouté en sentant le tissu poisseux des vêtements du mage contre ma peau et je me tendis, déchiré entre le soulagement d'être maintenu alors que le monde continuait à tanguer et mon envie irrépressible de m'éloigner. Le mage ricana grassement à ma réaction sans filtre. Il me tapota gentiment la tête et me manipula, jusqu'à se dégager et me redresser contre un mur frais. Sa main caleuse s'attarda un instant pour me relever le menton et m'examiner puis, content de ce qu'il voyait à travers la pénombre, il s'éloigna, me laissant sans soutien et à deux doigts de retomber comme une merde sur le sol souillé. Heureusement, une forme sombre et douce se matérialisa à ma gauche et me stabilisa par le côté et je sentis une langue humide venir me caresser la main. Mourant d'envie de chaleur et de réconfort, je levai le bras dans un effort démesuré et j'enfonçai mes doigts dans la fourrure épaisse du grand louveteau maigrichon qui s'était allongé et m'aidait à rester droit. Je n'avais pas souvenir d'avoir vu Léo durant la bataille mais l'ensemble était assez confus, je devais l'avouer. L'évocation de Kristen m'aidant à avancer en direction du portail me revint d'un coup et j'en déduis que j'avais du manquer la présence de Léo, obnubilé par la douleur dont la simple évocation me donnait encore envie de pleurer. J'étais putain de mal en point. Mon crâne carillonnait et de gros spasmes de nausées menaçaient de me faire dégueuler sur mes pieds. Je me frottai les joues et avalai convulsivement ma salive pour les faire passer, tachant de reprendre mes esprits et d'empêcher la pièce de tourner. Je fermai furieusement les yeux, rassemblait mes perceptions en vrac et forçai mon cerveau à se concentrer et lorsque je les rouvris, je me sentis un peu mieux et plus en mesure d'affronter tout ce qui s'était passé.

Il faisait toujours nuit noire dans l'entrepôt, maintenant ruiné, mais je reconnus sans peine une silhouette imposante affaissée à quelque mètres de moi. La vue de la masse sombre qu'elle surplombait me transperça le cœur. Je serrai les dents pour me donner du courage et j'appelai, dans un murmure désolé.

- Lucius?

Il redressa la tête et je réprimai un gémissement sourd devant son visage, redevenu complètement humain mais recouvert de larmes. Son aura, habituellement vive et brillante, luisait faiblement et tremblotait, signal clair de sa fatigue mais aussi, et surtout, de son désespoir. Cette vision me fendit la poitrine et m'emplit de culpabilité. Je mourrais d'envie de me précipiter jusqu'à lui, quitte à devoir ramper, pour le serrer contre moi et partager sa peine mais j'en étais incapable. Je devais mobiliser les moindres forces qui me restaient pour demeurer seulement assis sans basculer et la frustration me donna envie de hurler. J'avalai à nouveau ma salive et chuchotai d'une voix brisée :

- Est-ce que c'est Alex?

Je sentis le louveteau se tendre contre moi et Lucius ferma les yeux, laissant échapper de nouvelles larmes incongrues sur ses traits durs et décidés. Puis il baissa la tête dans un message de défaite limpide. Mon estomac se tordit et je faillis m'effondrer en réalisant que mes souvenirs disaient vrais. Je ne prétendrais pas avoir été attaché au grand béta ni l'avoir beaucoup côtoyé. Mais il avait été bon avec moi, m'avait laissé le bénéfice du doute et m'avait protégé. Il avait tenté d'aider les enfants, avait été loyal à Lucius, un membre de sa meute et un ami fidèle et j'étais certain que ce dernier l'avait aimé. C'était son béta, son allié, son frère et cette perte terrible m'accabla pour lui. J'avais beaucoup perdu dans ma vie et je me doutais que lui aussi. J'aurais souhaité lui éviter cette douleur si seulement j'avais pu. J'osai à peine ouvrir la bouche à nouveau mais il me fallait savoir et les mains tremblantes, j'articulai avec difficulté, le souffle écourté à l'idée des réponses qui m'attendaient.

- Comment vont Jonas et Isabeau? Et Jordan?!

C'est Saturnin qui me répondit. Il s'était penché sur une forme allongée et il se redressa difficilement, faisant grincer ses genoux au passage et soufflant bruyamment, comme le vieillard qu'il était.

- Ils ont eu du bol, ils vont s'en tirer... La Panthère a été bien amochée et la Louve aussi. Ce fils de pute de Sidhe les a taillé avec une lame en argent et ils vont avoir besoin d'un moment pour s'en remettre mais j'ai réussi à neutraliser l'infection et à nettoyer leur sang. Ces vieux sorts de la guerre restent encore bien utiles. Quand au gamin, il s'en tire avec quelques côtes fêlées. Tu peux regarder par toi même...

Alerté par son nom, un petit corps maigre et transi apparu du coin où il s'était tapi et en trébuchant, maladroit et exténué, Jordan se traîna vers moi. Il était encore plus sale que le vieux mage, ses vêtements déchirés et tâchés et l'odeur infâme de sueur aigre, urine et sang qui se dégageait de lui faisait concurrence à celle émanant de Saturnin. Ses cheveux clairs, dont l'ado avait été si fier lorsqu'il se pavanait dans Mud Square et jouait au petit rebelle, pointaient en tout sens et il me sembla remarquer quelques zones nues à travers desquelles on distinguait la peau de son crâne. La douleur se lisait dans chacun de ses mouvements mais il était vivant et capable de marcher, cela me suffisait. Je tendis mon bras en sa direction et il l'attrapa dans sa main droite, comme on saisit une ancre ou une bouée de sauvetage. Il se laissa glisser à mes côtés en pleurnichant et je le tirai contre moi, profitant de sa chaleur vive qui faisait pendant à celle de Léo, à moitié couché sur mon flanc et qui pantelait doucement. J'étais tellement heureux de l'avoir retrouvé, même si le prix en avait été élevé. Nous échangeâmes un regard dans lequel nous partageâmes tout ce qui nous agitait. L'incrédulité. La joie inespérée d'être vivants. La douleur débilitante d'avoir perdu Sarah, pour de bon cette fois... Car si j'avais gardé espoir tant que j'avais pensé la retrouver à Portal, je n'étais pas assez fou pour songer la sauver de là où elle avait été emportée désormais.

Je soufflai profondément en étreignant le gamin qui sanglotait, rejetant les larmes amères qui montaient derrière mes paupières. J'avais envie de pleurer comme un bébé moi aussi pour l'enfant que j'avais aimé et qui avait disparu, pour le grand Loup que j'avais apprécié et qui était mort et pour Lucius et sa meute face à la perte tragique qu'ils subissaient.

L'alpha était toujours immobile au dessus du cadavre de son ami. Je devinais à peine ses mouvements mais je l'entendis murmurer doucement avant de déplier sa grande silhouette et se relever, le visage fermé. Le corps inerte d'Alex resta sans vie à ses pieds et il s'en détacha avec résolution, les traits impassibles et son devoir inscrit dans chacun de ses gestes sobres et décidés. Il planta ses yeux rougis mais désormais dénués de toute émotion dans les miens et articula fermement.

- Nous devons dégager d'ici. Isabeau a besoin de soins et tes amis aussi.

Je hochai la tête et tentai d'évaluer ma capacité à me mouvoir mais Saturnin renifla bruyamment et cracha un molard écœurant sur le sol. Je réprimai une nouvelle vague de hauts le cœur et le fusillai des yeux, sans aucun effet.

- Je ne t'ai pas attendu pour ça, le Loup. Pendant que tu t'apitoyais, j'ai envoyé la gamine nous chercher un véhicule.

Ses morts semblaient durs et sans empathie mais je connaissais le mage. Il dissimulait sa sensibilité sous des couches et des couches de sarcasme et de vêtements puants. J'allais néanmoins le réprimander pour son manque de délicatesse, dans un élan protecteur incontrôlé, lorsque je compris ce qu'il venait d'énoncer comme allant de soi.

- Kristen? Tu as envoyé Kristen toute seule dehors?

Léo gémit contre ma cuisse et je m'apprêtai à gueuler. La zone semi rurale de l'entrepôt n'était pas aussi dangereuse que certains des quartiers les plus mal famés de Portal, certes, mais c'était clairement abusé de laisser une enfant l'arpenter en pleine nuit et sans aucune protection. Même si en tant que prostituée, elle avait sans doute été dans des situations bien pires. Mais tout de même ! Saturnin ne m'en laissa toutefois pas le temps. Il claqua sa langue avec exaspération et roula ses yeux chassieux.

- Je lui ai filé ma bourse et une dague. Cette môme a de la cervelle et n'a pas froid aux yeux, elle saura se démerder.

Il semblait bizarrement attendri en prononçant ces mots et malgré mon état pitoyable et les carillons qui continuaient de marteler ma cervelle, j'en fus alerté. J'ouvris une bouche ronde et prononçai avec incrédulité.

- Tu l'aimes bien?

Une pensée survint d'un coup et j'ajoutai rapidement, sourcils froncés :

- Qu'est-ce que tu fais ici, d'ailleurs? Ma mémoire déconne ou je croyais que tu étais trop bourré pour venir nous aider?

Il hésita et me regarda sur le côté, le visage étrangement hésitant :

- Cette petite idiote ne tenait pas en place. Elle voulait de toute force vous accompagner et m'a soulé et engueulé jusqu'à ce que j'accepte de venir également. Et le petit Loup était prêt à la suivre alors bon... Et puis, à ce stade, j'avais un peu décuvé finalement...

Je me laissai retomber contre le mur, soufflé.

- Je n'y crois pas. Tu l'aimes bien. Carrément, même! Tu l'as suivi pour la protéger. Putain Saturnin, parfois tu me fais halluciner.

Le vieux mage haussa les épaules mais un air gêné traversa ses traits grossiers, que la poussière et le sang versé avaient rendu un peu plus flou. Il marmonna, en évitant mon regard :

- Je ne voulais pas venir me battre. Je n'étais pas certain d'être vraiment utile, pour être franc. Je suis assez rouillé et je craignais d'être plus une gêne qu'autre chose. Mais elle a su se montrer convaincante, cette petit chieuse.

J'en restai coi, un peu perturbé par cette vulnérabilité inédite chez mon vieil ami. En temps habituel, Saturnin promenait sa marionnette de poivrot devant lui, de manière assumée et provocante, et même si je savais qu'il ne simulait pas, qu'il cherchait réellement l'oubli au fond de ses bouteilles, j'avais toujours supposé qu'il préservait au fond de lui une certaine confiance en ses capacités. Après tout, il restait le l'âge le plus puissant que j'avais jamais croisé. Réaliser qu'il était conscient de ses failles, peut-être un peu effrayé de se voir diminué, était nouveau pour moi et je ne savais pas trop comment l'intégrer. Je n'en eu pas l'occasion, de toute façon. Un bruit grinçant traversa le silence ouaté de la nuit qui nous environnait, me faisant sursauter, et une voix juvénile nous appela de l'extérieur, pleine d'espoir et de fierté.

- J'ai acheté une carriole!


Le retour fut long et pénible. La vieille charrette que Kristen nous avait dégottée et pour laquelle elle avait vidé la bourde de Saturnin, à son grand dépit, n'était rien qu'un tas de planches brinquebalant. Malgré mes protestations, Lucius m'y hissa comme un paquet fait de cristal, en compagnie d'Isabeau, inconsciente et de Jonas qui avait en partie émergé. Il me dédia un sourire féroce pour cacher sa douleur et le soulagement de le voir en vie fut un baume léger sur mes angoisses à fleur de peau. Il n'y avait en revanche pas la place de ramener le corps d'Alex et Lucius serait obligé de revenir le chercher. Lâchement, cette nouvelle m'arrangea. Je n'étais pas couard et j'avais côtoyé la mort bien plus souvent qu'à mon tour. Mais devoir voyager plusieurs kilomètres pressé contre le cadavre d'un homme que j'avais apprécié était une épreuve dont j'étais heureux de me passer.

Kristen n'avait pas réussi à négocier un cheval ou un âne aussi c'est Lucius qui nous tira sur le chemin du retour, malgré l'épuisement qu'il devait éprouver. En d'autres circonstance j'aurais ricané du grand Alpha transformé en bête de somme mais là, de suite, je n'étais pas d'humeur à plaisanter. Je tentai à plusieurs reprises de descendre et marcher en compagnie de Jordan, Léo Kristen et Saturnin, qui progressaient péniblement à nos côtés, histoire de l'alléger, mais Lucius finit par me grogner dessus avec une telle véhémence que je me le tins pour dit et restai finalement tranquille. Notre entrée dans centre de la ville se fit à la lueur de l'aube, et sous les yeux curieux des premiers badauds qui arpentaient le petit jour. Nous étions rien moins que discret mais à ce stage, je m'en carrais. Je voulais seulement rentrer et la grande maison des Loups m'appelait, promesse de confort et de sécurité.

Une fois arrivé à destination, Lucius refusa de me laisser poser un pied à terre. Il me prit dans ses bras et en dépit de la fatigue qui devait le tenailler, me porta jusqu'au lit que nous avions partagé. J'accueillis sans fausse honte le réconfort de son étreinte ferme. J'étais passé à deux doigts d'y rester et je me sentais encore un peu bouleversé. Il me déposa sur le matelas avec une prudence qui en d'autres temps m'aurait faite hurler et se pencha pour un léger baiser sur mon front avant de se détourner. Je lui attrapai la main vivement.

- Tu ne restes pas avec moi?

- Je dois repartir chercher...

Il laissa sa phrase en suspens et j'opinai, le cœur serré.

- Je comprends... Lucius je... je suis terriblement désolé. Il était ton ami et... juste tu sais, je comprends...

Il pressa ses doigts épais sur les miens et l'émotion afflua une seconde sur ses traits tirés avant qu'il ne l'en chasse impitoyablement.

- Je sais que tu comprends, même si je ne l'aurais pas souhaité. Et moi je suis désolé pour Sarah...

L'émotion me coupa le souffle et je la ravalai avant de m'effondrer en pleurs. J'opinai sans le regarder et prononçai d'un timbre heurté:

- Tu vas revenir? Tu dois être crevé.

- Je reviens au plus vite. Dors Haiko, tu ne ressembles à rien. Je serai à tes côtés lorsque tu te réveilleras.

- Tu me le promets ?

Il me regarda longuement et un sourire mélancolique éclaira son visage épuisé avant de disparaitre comme s'il n'était jamais apparu.

- Je te le jure, petit mage. Repose-toi, nous aurons beaucoup à parler.

Il disparut mais laissa la porte entrouverte et une ombre duveteuse se faufila entre ses jambes, avant de me rejoindre dans un concert de miaulements impérieux. Je m'étranglai, entre rires et pleurs, et ravi de le revoir, j'enfoui mon visage dans la fourrure si douce de Dracul, y laissant couler mes larmes. La pensée qu'une fois le jour levé je devrais aller annoncer à Maniko que l'enfant qu'elle avait aimé et protégé n'était plus me donnait envie de m'endormir et ne jamais me réveiller. Je ne pleurai pas longtemps, toutefois. L'épuisement finit par me rattraper et serrant mon compagnon félin contre moi, je me recroquevillai sur les draps, tirant la couverture de laine au dessus de ma tête. Je devais les pourrir de crasse et de sang mais tant pis, j'étais même trop exténué pour me doucher. Je commençais à m'endormir lorsque le rappel des derniers mots de Lucius me frappa et j'y songeai vaguement, en me laissant glisser dans le sommeil. J'allais, en effet, avoir beaucoup de choses à lui expliquer.

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