Malenia (Nouvelle)

By Solivresse

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Malenia

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By Solivresse

L'archevêque lui-même avait fait le déplacement. Il se tenait là, en face d'elle, du bon côté des barreaux. Chatoyant dans ses robes impeccables et ses ornements d'or, il la toisait de toute sa hauteur. L'ombre de l'homme la recouvrait presque entièrement. Il avait refusé toute escorte pour descendre dans le donjon.

"Le Seigneur m'accompagne" avait-il rétorqué à la milice qui le mettait en garde. Il approcha sa torche comme pour mieux l'observer de son unique œil d'un bleu pénétrant. Un étrange amalgame de peur et de fascination s'y lisait.

La sorcière présumée, éprouvée par les viols et les tortures innommables qu'on lui avait fait subir en l'espace de quelques jours, pendait immobile aux chaînes qui enserraient ses poignets. La tête penchée en avant, ses longs cheveux noirs et lisses touchaient presque le sol, masquant à peine un corps décharné et sanguinolent. La plupart l'aurait déclaré coupable immédiatement tant elle était effrayante.

"Je libère mon âme, mon esprit, mon corps de tout envoûtement des sorcières, au nom de Jésus" déclara l'archevêque en un signe de croix. "Mes confrères avaient raison, c'est incontestable. Engeance du démon ! Il émane de toi une telle diablerie que je prendrais une satisfaction immense à te voir brûler, Ô seigneur pardonne ma cruauté, mais tu as mis sur mon chemin une telle abomination...".

Les mains jointes, l'homme désormais à genoux s'inclinait en priant.

Une haleine fétide parvint à ses narines lorsque la femme s'exprima en un râle suppliant.

"Vous faites erreur mon père... je vous en prie... Je vous en prie !"

Sa tête s'était redressée et la terreur se lisait sur le visage de la femme, auquel collaient ses cheveux gras. En un sursaut, l'archevêque se redressa et fit un pas en arrière. Il tendit un bras au bout duquel il brandissait un crucifix, en or lui aussi. Il continua de reculer, paniqué, et trébucha sur le sol pourtant plat. Il hurla, s'enfuit en courant et claqua derrière lui la porte du donjon. Le silence qui s'ensuivit perdura toute la nuit, légèrement interrompu par les rats qui reprenaient leurs droits dans cette obscurité totale. La femme perdait alors toute notion d'espace et de temps, sa conscience à la dérive. Sous ses yeux écarquillés se dessinaient alors les souvenirs de sa vie passée.

*

Malenia profitait des derniers rayons de soleil de la journée, assise sur le petit banc devant sa chaumière. Elle rallumerait bientôt sa cheminée car l'automne amenait avec lui son lot de froid et d'humidité. Elle n'était pas particulièrement frileuse, mais la solitude lui avait appris à apprécier la chaleur d'un bon feu. Vivant à l'orée d'une forêt qui surplombait un village, elle était l'archétype même de l'ermite esseulée. Elle avait pourtant essayé des années auparavant de s'y installer, au village. Candé qu'il s'appelait. Ses parents y avaient habité et elle y avait grandi jusqu'à ses dix-sept ans. Sa mère, médecin réputée dans la région, l'avait prise sous son aile dès son plus jeune âge pour lui transmettre son savoir, comme il était de coutume dans la famille.

Puis, l'année de ses dix-sept ans, sa mère avait été réquisitionnée à Angers pour intervenir sur une épidémie dévastatrice que l'on nommerait plus tard "peste noire". Alors elle était partie avec elle, laissant là son père et son petit frère travailler aux champs. Une pareille saisie des médecins de la région était une première, aussi n'avait-elle pas eu le choix que de suivre sa mère lorsqu'avaient été constatés ses talents en médecine malgré son jeune âge. Dès lors, des années d'hécatombes passèrent. La médecine de ce siècle était bien impuissante face à cette pandémie. Les traitements administrés changeaient selon les dernières théories scientifiques, sans jamais parvenir réellement à soigner les malades. L'Eglise ne tarda pas à communiquer ses instructions pour se protéger du malin. Malenia remerciait alors sa mère qui lui avait sans le vouloir légué sa suspicion envers ces hommes d'Eglise. Si la médecine était impuissante, au moins le reconnaissait-elle.

Arriva le jour où sa mère contracta la maladie. Elle la voyait alors dépérir et sut bientôt que rien n'y ferait. Sa mort la dévasta. Elle n'eut d'autre choix que de quitter la ville, moralement inapte à exercer ses fonctions. Quelques jours de marche lui suffirent à regagner son village. Le désespoir qui y régnait à son arrivée la déchira plus encore. Plus de la moitié de ses habitants avaient péri, et elle apprit que son père et son frère avaient pris les armes pour défendre le Royaume de France face aux invasions anglaises. Elle regagnait le domicile familial et s'y cloitrait quelques temps. On ne tarda pas à frapper à sa porte, le retour d'un médecin ne passait pas inaperçu en ces temps difficiles. Elle refusa d'abord de répondre aux demandes de soin, de plus en plus nombreuses. Puis son sens du devoir finit par reprendre le dessus. Elle exerça de nouveau quelques années encore et, apprenant la mort de ses derniers proches au front, cessa son activité pour de bon.

Dès lors, elle se consacra à la seule confection de médicaments et élixirs. Pour se faire, elle revendit le domaine familial et s'installa à l'écart du village dans une modeste demeure. Elle y avait aménagé un laboratoire complexe qui occupait un tiers de la maison. La proximité de la forêt était idéale pour amasser quelques ingrédients, elle achetait tout le reste. Jouissant de sa réputation, les affaires allaient bon train et elle descendait régulièrement au village pour écouler ses marchandises. Les cas de peste se raréfiaient mais les maux de l'Homme ne disparaissaient pas pour autant.

*

De violents coups résonnaient dans la bâtisse. Une main gantée de fer martelait la porte en bois qui tremblait sur ses gonds. Une voix s'éleva de l'extérieur.

"Malenia Mire, nous savons que vous êtes là, ouvrez cette porte immédiatement ! Par ordre de Monseigneur de Maine-et-Loire Hugues le Juste !"

Réveillée en sursaut, Malenia quitta sa couche le cœur battant et enfila prestement un manteau pour couvrir sa semi-nudité. Elle actionna les loquets et tourna la clé sans toutefois retirer la chaine de sécurité : une femme seule n'était jamais trop prudente. Par l'entrebâillement elle distingua à la lumière de leurs torches deux chevaliers montés, ainsi qu'un émissaire descendu de son cheval.

"Madame, vous êtes priée de nous suivre immédiatement, vous monterez à mes côtés. Nous chevaucherons toute la nuit et arriverons dès l'aube."

Il lui présenta le document faisant acte de cette décision sur lequel paraissait le sceau officiel du Seigneur le Juste.

"Puis-je savoir de quoi il en retourne ?" répondit-elle, hébétée.

"Monseigneur est gravement malade, le médecin officiel est en déplacement, vous êtes la personne... compétente la plus proche. En effet, vos années de travail à Angers vous ont conféré une certaine renommée dans la région. Nous prions pour que Monseigneur guérisse mais son état ne fait qu'empirer et ses symptômes nous font penser à... "

"La peste n'est-ce pas ?" compléta-t-elle.

"Effectivement, nous sommes informés de votre cessation d'activité, néanmoins, cela ne vous enlève pas votre savoir" conclut l'émissaire.

Malenia demanda quelques minutes pour préparer un sac de premiers secours et ce faisant nota pour elle-même "Comment diable puis-je guérir cet homme s'il est atteint d'une maladie incurable ?".

*

La chevauchée nocturne fut éprouvante. Parvenus dans l'enceinte du Château de Châteaubriant, on la conduisit dans les appartements seigneuriaux dès qu'elle mit pied à terre. Les servants qu'elle croisait avaient l'air inquiet. Elle n'eut pas besoin qu'on lui indique la chambre, une odeur de putréfaction émanait de la pièce au bout du couloir. L'émissaire la laissa là et lui souhaita bien du courage.

En approchant, Malenia perçut un chant laconique en fond, une prière. Passant le pas de la porte, elle vit alors trois prêtres disposés autour du lit, bible en main. L'un d'entre eux l'aperçut et les autres se retournèrent tour à tour, interrompant leur messe.

"De quel droit entrez-vous ici ? le seigneur Hugues n'est pas en état de vous recevoir".

"Je suis guérisseuse, le seigneur lui-même a fait appel à mes services" répondit Malenia, surprise par tant d'animosité.

"Guérisseuse ? Est-ce là une réelle profession ? Veuillez sortir immédiatement où nous appellerons la garde !" s'agaça le prêtre le plus proche.

"Il suffit ! Cette jeune femme dit vrai, j'ai demandé à ce qu'on m'amène une personne apte à me soigner. De plus, vos prières n'ont fait qu'ajouter un mal de tête à mes souffrances. Ses traitements seront sans doute plus efficaces que votre incessante litanie. Maintenant sortez et laissez-nous."

Interloqués par les paroles du seigneur Hugues, les trois hommes obéirent avec un agacement évident et jetèrent un regard noir à celle qui sans le vouloir avait discrédité leur pratique.

"N'en faites rien, ils pensent pouvoir me guérir par leur simple parole, quelle prétention ! Ils répugnent la médecine comme le diable" ajouta-t-il, épuisé.

Après examen du malade, il ne faisait aucun doute qu'il était touché par la peste. Des semaines durant, Malenia lui administra un traitement qui n'avait pour seul but que de réduire la douleur. Elle fit également isoler le seigneur Hugues pour éviter une propagation de la maladie. Le mal qui le touchait était tenace et son état de santé se dégrada progressivement. Ses membres inférieurs se couvrirent de pustules et elles commencèrent à gagner son torse, son état mental devint également inquiétant. Il parlait seul, écrivait des notes qui n'avaient guère de sens, et avait des absences de plus en plus fréquentes. Vint le jour où, dans un éclair de lucidité, Hugues ordonna à Malenia de mettre fin à ses souffrances.

"Seigneur, je ne puis m'y résoudre ! Cela va à l'encontre des préceptes de ma profession !" se braqua-t-elle.

"Bon sang ! Je suis votre seigneur ! Voulez-vous que je vous fasse condamner pour trahison ? Faites venir les prêtres et seulement eux, qu'ils soient témoins de ma lâcheté et emportent mon âme auprès de notre Seigneur Jésus-Christ. Ma fin est arrivée."

Malenia n'eut pas l'occasion de raisonner son seigneur. Il ne voulait ou ne pouvait rien entendre. Elle tenta alors en ultime recours d'alerter les prêtres quant à la folie qui gagnait Hugues. Ils furent rouges de colère.

"Comment osez-vous calomnier ainsi Hugues le Juste vile catin ?! Le diable vous emporte, vous et vos mixtures, sorcière ! Nous obéissons aux lois du Seigneur parmi lesquelles figure l'obéissance au représentant du Royaume. Vos vaines accusations témoignent de votre incompétence en matière de guérison. Contentez-vous de confectionner un poison indolore comme il vous l'a été demandé, nous procéderons ce soir" cracha le prêtre qui l'avait déjà malmené lors de leur première rencontre.

Le soleil couché, ils étaient prêts. Se tenait au lit le seigneur Hugues, à son chevet Malenia. Les trois prêtres en arrière. Ils entamèrent leur supplique et Monseigneur bu d'une traite l'intégralité de la potion concoctée par Malenia. Il lui rendit la coupe et la remercia. Les chants chrétiens continuèrent jusqu'à ce qu'un sommeil profond l'emporte. Le silence revint. C'est alors que deux des prêtres se jetèrent sur elle tandis que le troisième s'en fut en courant. Il se rendit à l'église Saint Nicolas et sonna les cloches comme il était de coutume à la mort d'un seigneur. Les habitants se réunirent sur le parvis et bientôt une petite foule patientait. Malenia, retenue par les deux hommes, fut amené de force devant cette dernière. Le prêtre qui avait couru, celui qui depuis leur rencontre la réprouvait, prit alors la parole.

"Voici Malenia Mire, "guérisseuse" de notre bien-aimé et désormais regretté seigneur Hugues le Juste ! Cette ribaude vient d'assassiner sous nos yeux notre bon seigneur à l'aide d'un poison qu'elle a elle-même élaboré, elle l'a condamné aux enfers pour l'éternité !"

Incrédule, Malenia resta sans voix, surprise par une manœuvre si abjecte. Qu'avait-elle fait à ces hommes pour mériter telle manigance ? Elle n'avait jusque-là éprouvé que du mépris pour l'Eglise, ce mépris venait de se transformer en rancœur. De la foule émergeaient des cris et bientôt tous hurlaient : "Sorcière !" "Brûlez-là !" "Salope !" "Démone !" "Retourne d'où tu viens !". Les chevaliers de garde ce soir-là l'emmenèrent sous les acclamations de la foule et des souliers furent lancés dans sa direction. Ils la jetèrent dans une cellule crasseuse, la tabassèrent et lui crachèrent au visage avant de fermer la cellule à double tour.

*

On la tortura, inlassablement. L'on devait obtenir ses aveux pour la condamner au bûcher, sans quoi elle mourrait certainement de ses blessures. Pour éviter cela, le fameux prêtre s'était assuré de faire revenir le médecin du seigneur pour alterner sans cesse torture et soins. Le prêtre avait également insisté pour participer aux tortures habituellement assurées par le bourreau. Il faisait preuve d'une cruauté sans nom. Il jouissait entièrement de la voir souffrir, elle décelait dans son regard le désir évident que ces tortures ne cessent jamais. Les seuls sévices auxquels il ne participait pas étaient les viols, commis par les gardes. Comme si cette retenue, à son sens, lui permettait de sauver son âme. Cet être répugnant faisait grandir une colère sourde chez sa victime.

Malenia perdait pied avec la réalité. Pendant les tortures, elle atteignait un état de dissociation mentale, si bien que la douleur qu'elle ressentait semblait lointaine, impalpable. Ainsi, jamais elle ne confessa quoi que ce soit. Cette dissociation finit par s'étendre sur les périodes de repos, elle perdait la tête pensait-elle. Ses rêves étaient de plus en plus sombres pour peu qu'elle se les remémore. Elle y rencontrait des créatures étranges, démoniaques. Une de ces créatures semblait particulièrement puissante, un homme envoûtant, délicieusement laid et atrocement merveilleux. Il était venu dans ses rêves et l'avait troublé. Il s'immisçait de plus en plus dans sa réalité, se nourrissant de sa haine et de sa douleur. Tant et si bien que Malenia le distinguait clairement la plupart du temps, juste là à ses côtés, dans l'ombre de ses bourreaux.

"Que veux-tu ?" tenta un jour Malenia. "Jouis-tu toi aussi de mes souffrances ?"

"Tu sais parfaitement ce que je veux. Lâche prise Malenia, lâche prise..."

*

L'arrivée de l'archevêque avait mis fin à son calvaire. Elle serait jugée pour sorcellerie lors d'une ordalie par l'eau. Le prêtre s'était fait un plaisir de venir lui conter ce qui l'attendait.

"Tu vas enfin être jugée, quelle triste nouvelle. Tu vas me manquer tu sais ? Tu seras plongée dans l'eau de la Loire, si tu parviens à remonter, alors tu seras coupable et envoyée au bûcher. Si tu ne remontes pas et bien... félicitations, tu auras prouvé au monde ton innocence ! Alors, que préfères-tu ? La noyade ou les flammes ? Je te laisse à cette réflexion."

Et il partit en ricanant. La noyade ou les flammes ? Elle était bien incapable, dans son état, de répondre à cette question. La première lui paraissait toutefois plus douce, silencieuse et solitaire.

Le jour fatidique arriva enfin. Une foule était présente, bien plus conséquente qu'au soir de son arrestation. La nouvelle du jugement d'une sorcière était suffisamment rare pour rameuter nombre de curieux et fervents chrétiens. La berge était bondée sur une centaine de mètre et une partie de l'attroupement se tenait sur le pont à proximité. Le soleil se levait à peine et illuminait de reflets éblouissants l'eau glaciale du fleuve. La procession qui faisait l'objet de toutes les attentes apparut enfin au sommet de la colline et entama sa descente. A sa tête se tenait l'archevêque, tenant devant lui un calice d'eau bénite. Suivait un cortège de prêtres balançant des encensoirs et chantant pour leur salut. Enfin, escortée de chevaliers, une calèche transportait la sorcière présumée dans une cage de fer. Le cortège fendait la brume matinale et les badauds d'écartaient à son passage. Hormis les cantiques, un silence de plomb régnait sur l'assemblée.

Au bout du chemin, l'archevêque et les prêtres s'installèrent sur l'estrade prévue pour l'évènement, à la vue de tous. Ils seraient les seuls juges compte tenu de l'état d'urgence instauré depuis la mort du seigneur. On sortit Malenia de sa cage et ses vêtements furent arrachés, dévoilant les sévices réservés à ceux qui oseraient comme elle vendre leur âme au diable. Malenia semblait absente, insensible à ce qui passait autour d'elle. On lui passa des fers aux poignets et aux chevilles, suffisamment serré pour lui arracher une grimace. Les chevaliers la poussèrent ensuite jusqu'au bord de l'eau, au pied de l'estrade. L'archevêque et ses acolytes la dominaient d'un regard dédaigneux.

"Malenia Mire de Candé, vous comparaissez devant nous pour acte de sorcellerie, trahison et meurtre. Devant l'absence d'aveux de votre part, nous laissons notre Seigneur et maître Jésus-Christ. L'ordalie de l'eau scellera votre sort. Si après votre plongée dans les eaux de la Loire vous remontez, vous serez coupable et condamnée au bûcher. Dans le cas contraire, votre noyade attestera de votre innocence."

Il marqua une pause comme pour s'assurer qu'elle avait bien reçu l'information. Face à l'absence de réaction de la condamnée, il continua.

"Bien, commençons".

Les deux chevaliers qui la maintenaient l'orientèrent face au cours d'eau. La foule retenait son souffle.

Malenia n'attendit pas qu'on la jette à l'eau, d'une brusque rotation du torse, elle se dégagea de l'emprise des deux hommes qui, surpris, restèrent pantois. Elle se tourna vers l'estrade et lâcha un sourire glacial à son bourreau de prêtre avant de se laisser tomber en arrière, disparaissant sous les flots. Une stupeur générale s'installa et des minutes durant, personne n'osa briser le silence pesant qui s'était emparé des lieux. Les hommes d'Eglise jouissaient d'une vue plongeante et ils furent les premiers à s'apercevoir que quelque chose clochait. A l'endroit exacte où Malenia avait plongé, un nuage de plus en plus dense s'élevait : de la vapeur, l'eau entrait en ébullition. Alors ils la sentirent. Une présence écrasante de puissance, projetant une énergie si négative que leurs cœurs se serrèrent, la terreur s'empara d'eux. Une entité démoniaque s'était éveillée.

De l'eau bouillonnante ressortit Malenia. Comme soulevée par une force surnaturelle, elle fendit la surface avec grâce et s'éleva à quelques mètres de hauteur, de sorte que tous pouvaient l'observer. Ses bras s'écartèrent en croix, sa tête partit en arrière dans une position presque impossible. Alors des sons sinistres brisèrent le silence, ses os rompaient les uns après les autres, tordant ses membres dans des positions improbables. S'échappa alors de sa bouche un rire cynique, obscène, qui n'avait plus rien d'humain tant il était puissant et grave. Il n'échappa à aucun des témoins présents ce jour, et resta gravé dans leurs mémoires comme la preuve formelle de l'existence du Malin. Ceux qui survivraient, mèneraient une vie pieuse et craintive, traumatisés par cette vision cauchemardesque.

Puis la créature révéla sa véritable apparence, le corps de Malenia sembla gonfler de toute part, étirant sa peau suppliciée jusqu'au point de rupture. Son corps éclata, projetant des éclats d'os, de sang, de peau et de muscles sur l'assemblée et l'estrade. Le monstre s'était incarné en elle, y avait grandi et avait pris sa place. Plus aucun doute n'était possible, l'être de chair qui se tenait parfaitement immobile était un démon, incarné en ce bas monde. Grand de plus de deux mètres, on distinguait parfaitement sa musculature saillante à travers une peau rouge et translucide. De ses mains disproportionnées jaillissaient des griffes saillantes qui juraient avec ses sabots en place de pieds. Une corne en croissant de lune jaillissait de son front vers le ciel, accentuant la dimension horrifique de son ignoble faciès. Il déploya soudainement d'immenses ailes veinées qui masquèrent le soleil. Ses paupières se levèrent, révélant des yeux sans pupille ni iris n'un noir absolu. C'est à ce moment précis qu'un mouvement de panique s'empara de la foule. Les gens hurlaient et courraient en tous sens, chiens et chevaux détalaient sans demander leur reste. Le démon découvrit ses dents en pointe, semblant apprécier l'émoi provoqué par sa simple apparition. Mais cela importait peu car il n'était pas venu pour eux, mais pour les nobles gens qui occupaient l'estrade.

D'un battement d'aile il se propulsa vers eux et atterrit sur la structure de bois d'un bruit sourd. Pour qu'aucun ne puisse prendre la fuite, il entoura de ses ailes les religieux qui souillèrent tous leurs robes, sans exception. Il lacera et démembra de ses griffes l'entièreté du groupe à l'exception du prêtre, le fameux prêtre. Là était la raison de sa venue. Une vengeance promise à une mortelle désespérée. Il le saisit d'une main et approcha son visage du sien jusqu'à ce qu'ils se touchent. Il ressentait l'émotion de l'homme qui avait depuis longtemps dépassé le stade de la terreur. Alors il lui arracha les membres, un à un. Puis attrapa ses parties génitales et serra jusqu'à ce qu'elles explosent. Il le jeta à terre et le piétina, lui brisant toutes les côtes. Satisfait, il attrapa ce qu'il restait du prêtre par les cheveux et lui susurra à l'oreille avant qu'il ne succombe.

"Malenia te fait part de ses affectueuses salutations."

Son devoir achevé, le démon retourna à son monde dans un brasier si ardent qu'il réduisit en cendre toutes traces des méfaits accomplis.

*

La veille de l'ordalie

Malenia accepte, lâche prise face à cet être ensorcelant. Dans l'obscurité de sa cellule elle le distingue pourtant parfaitement. Il lui a promis ce qu'elle souhaite alors elle s'abandonne, entièrement. Il s'approche de son corps meurtri et elle le sens se fondre en elle. Sa chaleur l'embrase intérieurement et toute douleur disparaît. Une extase s'empare d'elle lorsque sa voix et celle du démon retentissent à l'unisson.

"Ils prétendent mener une guerre contre le Malin ? Voyons s'ils sont à la hauteur de la tâche".

FIN

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