ghettoyouth - graine dans la...

By Enfantdelaville

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« Ghettoyouth marche en solo, parce que dehors gros la confiance est morte. » Sincère, Noémie, Mehdi, Assia e... More

Sincère, Vol.1
Noémie, Vol. 1
Mehdi, Vol. 1 (Partie longue et intense, prépare-toi !)
Iskander, Vol.1
Noémie, Vol.2
Assia, Vol. Final
Sincère, Vol. Final
Noémie, Vol. Final
Iskander, Vol. Final
Mehdi, Vol. Final - (FIN DE L'HISTOIRE) -
-Annexe/Suites/Retours-

Assia, Vol.1

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By Enfantdelaville


On nous enferme 5 jours sur 7 dans une pièce avec des humains pour au final rentrer chez soi, se doucher, manger et recommencer. Mais quand est- ce que l'on prend du temps pour soi en vrai ?

Voilà, c'est au travers de cette petite phrase interrogative que j'me trouve des excuses pour me coucher tard et ne pas assumer le lendemain. Mon daron dit que ça tue la santé de se coucher tard. Après bon, c'est pas comme si je passais le plus clair de mon temps sur les réseaux ou autres ; loin s'en faut ! Bon, j'avoue j'y fais un tour de temps à temps, c'est comme tout le monde ! Les amis, les messages de groupes, les infos... Difficile de faire sans maintenant. A part ça, je lis et regarde des documentaires. Mais surtout ce sur la colonisation de Djibouti, mon pays d'origine ou mon pays tout court.

J'y connais rien en vrai du pays de mes parents, si ce n'est ce que je vois sur les documentaires que je regarde et les livres que je lis. T'façon, dans tous les cas, j'irai dans mon pays. Il faut vivre la vie du pays pour le comprendre et non pas entendre ce qui est dit de lui au travers de mes darons, de mes grands parents ou des reportages que j'ai longtemps visualisé.

J'irai aussi en Ethiopie, le vrai territoire de Djibouti car ouais, mon pays n'est que la construction sordide des Blancs. Et ce, du territoire stratégique qui a été malicieusement choisi jusqu'au drapeau et l'hymne national. Tout ça ce sont les colons qui l'ont décidé.

Ainsi en découle des richesses qui n'ont pas profité aux locaux ou du moins qu'à une petite classe, comme n'importe quel pays d'Afrique en vrai.

En l'occurrence, je peux pas dire que ma mère a vraiment vécu dans la pauvreté. Mon grand-père maternelle lui-même ayant été un proche des colons durant la période coloniale, il bénéficiait de certains avantages. Ouais, c'était un traitre ou un opportuniste j'sais pas quel nom lui donner mais bon, il était pas tout blanc tout propre. Du moins, pas envers les siens.

Mes parents ont vécu là-bas, dans leurs bled. Et comme beaucoup d'étrangers de la cité, leurs vraies vies est là-bas. Tout a été fait chez eux et ce de la conception de mes demis-frères que mon père a eu dans sa vie antérieure aux projets qu'il a pu entreprendre là-bas avec ses frères et sœurs qui eux sont restés dans cette région d'Afrique de l'Est. Je n'ai jamais vu ses enfants antérieurs que ce soit en vrai ou en appel vidéo. J'ai uniquement vu deux trois photos d'eux, c'est tout.

Mais s'ils ne comptent pas venir à moi, moi j'irai à eux et même si cela doit couter des représailles car oui, ils sont jaloux de ma sœur et moi et ils nourrissent je le sais une certaine rancoeur envers mon père car ils voient en nous l'abandon de ses responsabilités, de sa première famille.

Mon père a rencontré ma mère dans un de ces quartiers riches de Djibouti après la période coloniale alors qu'il effectuait une mission dans une demeure aux allures de maisonnette Disney. Tout de suite tombé sous son charme et elle immédiatement séduite par lui, mes grands-parents maternels se sont au départ opposés à cette union par le biais que mon père était déjà père d'autres enfants.

Financièrement, la situation de mon père n'était pas top non plus. Ce n'était pas un misérable. Il ne vivait certes pas dans une famille de délinquants où la misère avait poussé mes oncles et tantes à faire des trucs sordides et inhumanistes, mais la différence de train de vie était tout de même colossale entre ma mère et mon père. 

Mais ce qui posait vraiment problème était davantage le critère familial que le critère financier. Mon grand-père maternelle ne voulait pas que ma mère soit une deuxième femme la polygamie alors que la était et reste encore aujourd'hui acceptée à Djibouti dans une certaine et mince mesure.

Mon grand-père lui-même avait eu plusieurs femmes et plusieurs enfants. Le paradoxe ou la connerie du bail. Car ouais, j'aurais aimé dans le fond vivre avec mes frères qui aujourd'hui me voient comme le résultat des pulsions sexuelles non contrôlées de mon père. Voilà, c'est exactement ça, j'ai de l'empathie envers des gens qui me connaissent pas vraiment et qui s'en battent les couilles de moi, meskine. Ainsi, la période coloniale et postcoloniale les avaient eu car ils adoptaient le même mode de vie que les Blancs, notamment au travers de cette non- volonté de polygamie de la part de mon grand-père. Alors que ces colons n'étaient et ne seraient jamais comme eux, comme nous.

J'ai lu Cress Welsing en parle dans son livre les Dossiers d'Isis. Dans ce dernier, elle dispose que nous ne sommes pas pareils des leucordermes et ceux en tout point et que les Blancs mènent une guerre inconsciente contre nous afin que nous restions inférieurs à eux dans cette société blanche. Ainsi, cette volonté de se plier à leur règle alors que nos coutumes autorisaient mon père à avoir deux femmes ont poussé ce dernier à détruire un schéma familial qui ; bien qu'abhorrer par les Blancs était acceptée par nos ancêtres. Les effets du postcolonialisme ont aussi pesé dans les effets de la structure familiale.

Par la suite, cela a poussé mon père à ne pas assumer ses gosses et à avoir une relation père- enfants floue dans laquelle le père n'existe peu ou uniquement en vidéo. Ils lui en ont voulu, je le sais même s'il a toujours voulu le nier durant nos conversations.

Aujourd'hui, jeudi soir, nous sommes seuls lui et moi. Je compte bien, comme les précédentes fois, chercher à savoir ce qu'il l'a poussé à agir ainsi et surtout, à avoir des réponses. Assis sur son fauteuil, je tremble à l'idée de le confronter, de lui dire certaines choses de manière plus brutale que les précédentes fois. Je le rejoins alors, m'assois sur l'extrémité du canapé situé sur la gauche de son fauteuil avant de prendre mon courage à deux mains.

– Moi, en vrai papa si tu nous lâchais pour une autre femme alors que la polygamie est au pays tolérée j'sais pas comment j'réagirais. La relation que t'as avec mes frères maintenant, que des appels qui durent 10 secondes. Ça se voit que tu rattrapes tes erreurs.

– Ma fille, s'il te plaît, tais-toi. Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

– Je te dis juste qu'en soi c'est bizarre. Tu lâches une femme avec qui t'étais quand t'étais pauvre pour une autre femme djiboutienne un peu plus riche et fonde une vie avec elle tout en oubliant l'autre famille. On dirait que t'as voulu faire l'européen.

– On dirait que quoi, ma fille ? Il se lève de son fauteuil et avance doucement vers moi en mimant de ne pas avoir entendu ce que j'ai dit plus tôt.

– Pourquoi t'assumes pas que t'as mer-..

Une énorme gifle atterri sur ma joue me permettant pas de poursuivre ce que je voulais dire plus tôt. Mon regard croise le sien qui, remplit de terreur et de colère ne fait que s'assombrir pendant les longues secondes où il me regarde dans les yeux. C'est l'une des rares fois où lève sa main sur moi. Mais je le sais que je viens de dépasser les bornes, c'était volontaire. Je viens de prendre mon père en soumission, de le faire passer pour un moins que rien. Je viens de remettre en question son éducation parentale, ses erreurs et intrinsèquement, l'amour qu'il éprouve envers ma mère.

J'entends la porte d'entrée de l'immeuble s'ouvrir, quelques salutations de ma mère et de ma sœur qui viennent de revenir de sa sortie scolaire avant qu'un assourdissement de leurs conversation ait lieu. J'entends ses pas fermes déterminées en direction de ma chambre. Il vient de lui en parler, c'est certain. La porte s'ouvre, claque si fort contre le mur intérieur de ma chambre qu'il fait deux effets boomerang avant de s'accoler sur le mur. Sa réaction est folle, démesurée. Son regard est lié à celui de mon père, il est parallèle, mais féminin.

– Assia ? C'est quoi ça avec ton père abnati ? Pour qui est-ce que tu te prends ?

– Mais pour personne. J'ai juste posé une question à laquelle il n'a pas su répondre. Là il s'énerve et me tape, c'est tout.

– Parler hein sale hmar ? Poser des questions ? Tu lui as manqué de respect Assia ! C'est ton père, tu lui dois du respect ! Tu lui dois tout !

– Maman arrête de crier sur Assia, elle est gentille.

Dit mielleusement ma petite soeur au milieu des cris de ma mère. Son visage caché de moitié par le physique de ma mère, je ne peux qu'apercevoir son œil, son sourcil noir et ses vêtements d'école encore sur elle.

– Toi surement plus non ? Vu que c'est lui qui t'as ramené en Europe et qu'il t'a donné une vie. Après pour une vie dans un HLM, tu m'diras...

Le seconde claque est arrivée plus vite que prévue. Plus sèche, plus raide, avec plus de détermination et de conviction. Ses ongles ont laissé des traces sur ma joue et sa main un goût de sang à l'intérieure de ma bouche. Alors que je pense avoir compris l'importance de mes mots et pris conscience des actes hautains que je viens de faire, ma mère revient avec une de ses ceintures afin de m'allumer de nouveau. Rouge de colère, les yeux noirs, elle a uniquement pour objectif d'en finir avec moi, tout simplement. 

Elle avance vers moi et me pousse contre le meuble qui est collé à l'extrémité de mon lit. Je trébuche sur le matelas et dès lors dans une position de vulnérabilité, elle m'enchaîne de coups de ceinture tout en m'insultant de tous les noms en arabe. Pour le coup, elle vient de refaire mon dictionnaire d'insultes arabiques et le tout, sous le regard inquiet et craintif de ma petite sœur dont je croise le regard larmoyant qui elle, n'a jamais vu ma mère lever la main sur moi et surtout avec tant de colère. Ni moi d'ailleurs. Je ne l'ai jamais vu comme ça, je ne l'ai jamais mise dans cet état jusqu'aujourd'hui.

A la fin de ce déluge j'ai qu'une idée en tête, me barrer, rien que ça. Ils entendent le raffut que je fais en me préparant pour sortir, ma mère passe une fois où elle me jette un regard réprobateur sans dire la moindre chose. Elle repasse une seconde fois avec la même réprobation et la même froideur, mais avec l'addition de mots prononcés d'un ton aussi froid qu'affectueux a fin de savoir ce que je fais.

– Où est-ce que tu vas comme ça? Me demande-t-elle.

– J'vais prendre l'air c'est tout, je peux pas rester ici. Je veux pas rester ici.

Je marche alors dans le couloir en furie, mes pensées sont lugubres, destructrices et cela se ressent dans mes pas qui sont accompagnés des mots de ma petite sœur et de ma mère qui toutes deux cherchent à savoir où je vais. Moi qui suis si casanière en tant normale. Arrivée devant la porte d'entrée, un dernier regard croise celui de mon père qui, ce dernier, tout de suite après avoir baissé les yeux et me dit uniquement sur un ton monotone mais avec une voix rauque et autoritaire.

– Ne rentre pas tard, personne pourra t'ouvrir la porte sinon.

Ma fierté à son paroxysme à ce moment clef, je réponds pas et descends les 9 étages par les escaliers d'une traite croisant des voisins sur le palier en train de discuter, d'autres remontant leurs chiens de leur promenade quotidienne et d'autres déposant devant leur poubelle sur le devant de leur porte. Sur le palier du 4ème étage, je croise et dépasse de manière nerveuse le groupe de jeunes qui a pris l'habitude de se poser sur les escaliers de l'étage en question et freestyler sur des instrus de rap/trap volés sur Youtube et à jouer au jeu de la pièce contre le mur dont je n'ai jamais compris le mécanisme et les règles.

Arrivée face à la sortie de cette tour vivante et infernale, la porte d'entrée de l'immeuble n'échappe pas non plus à ma colère et subit elle aussi un claquage contre le mur la soutenant d'habitude. Elle fait écho d'un énorme bruit qui interpelle d'office certaines familles posées en bas en train de jouer avec leurs gosses.

En bas, je découvre Goélands d'un nouvelle œil ; sous une douce brise de printemps au crépuscule qui donne une vision de chaud et de chaleur de la cité. Putain, qu'est-ce qu'il est beau mon quartier en vrai. De la verdure aux petites maisonnettes, ma cité est arborée, vivante, douce et vive. Rien ne lui échappe et tout ce concentré d'activités, de relation et de flux quotidiens en viennent à la dorer. Je me sens bien ici, pour une fois.

Des petits jouent encore sur l'herbe et parlent de jeux vidéo qu'ils souhaitent et le tout sous les regards ambitieux et affectueux de leurs parents qui eux-mêmes discutent de ce qu'ils comptent faire ce week-end. Je passe vers le collège avant de rejoindre La Varlin là où un petit parc est présent et où, comme à son habitude, plusieurs jeunes de cette rondelle se posent.

Mais dans le fond, je ne veux pas me poser, je souhaite uniquement déambuler dans le quartier, passé du Terminus qui représente la dernière rondelle du quartier à La Varlin, de La Varlin au Collège, secteur où vit Melissa et du Collège à l'Avenue et recommencer cette boucle infinie avant de retourner en paix, calme et assagie chez moi.

Toutefois, cela est sans compter croiser Mehdi et sa bande de pote qui passent leurs journées dehors au même endroit, à L'Avenue.

Cette moderne allée arborée inaccessible en voiture située près du Terminus de Goé' qui fait place à plusieurs petits ilots de verdure et à un petit parc où des familles, vivant dans cette même avenue se ruent lors de journées ensoleillés afin d'y jouer avec leurs enfants. Mais où à la nuit tombée, il devient un spot pour les jeunes afin d'enfumer de shit l'endroit et l'Avenue par la même occasion. A ça, s'ajoute plusieurs commerces notamment une boulangerie et un centre social et culturel. C'est devant cette fameuse boulangerie que je croise ces mi-homme mi-chat, ces mi-SDF mi-domiciliés. Bien que de base, lui et ses potes ne trainent jamais devant cette dernière. Je me souvenais encore des mots de Mehdi en debut d'année sur pourquoi il ne trainait pas devant cette boulangerie.

– J'suis pas un ancien avec les chicos éclatés t'es fou ou quoi ? J'vais pas trainer là-bas attends ! Vous avez jamais vu la tête des humains qui trainent devant la boulange' ? Regard vide, yeux rouges, ils ont loupé l'choche eux.

Et pourtant, c'est bien à cet endroit qu'il méprise tant que je le croise et plutôt bien installé sur un muret où je le vois discuter avec un homme qui pourrait être son père ou son oncle. C'est à ce même endroit qu'il m'interpelle bruyamment et surtout honteusement devant une foule de personnes qui déambulent et marchent en synchronisation avec le soleil.

– Assia ? dehors ? A cette heure ? C'est l'monde à l'envers ! Qu'est-ce qui se passe ici ?

– Mehdi, tu m'fous la honte là à crier comme ça.

– Oh ça va, tout le monde crie à l'Avenue, fais pas de manières ! Mais en vrai, qu'est-ce que tu fous dehors ?

– Parle pour toi.

– Ouais, mais moi j'suis souvent là et vous le savez très bien toi et l'équipe. Alors que toi, on sait jamais c'que tu fais. Bref, vu que t'es là, ce soir viens on mange ensemble, j'tinvite. T'façon tu vas pas rentrer tout de suite non ?

– Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

– Je sais pas, sûrement les trace de claque que

t'as sur la joue peut-être.

La marque de mes parents se voient donc. Pris de honte, je finis par le regarder tout en dissimulant ma joue et observe son regard impatient, ses yeux grands ouverts et le léger sourire déjà dessiner sur son visage tel un enfant à attendre que je lui dise « oui. »

Dans tous les cas, je me vois pas rentrer, j'ai encore besoin d'air frais et dans le fond, d'une épaule sur laquelle me reposer momentanément. Décliner son invitation serait me tirer une balle dans le pied.

– Vas-y, j'suis chaude. Mais viens on y va maintenant, j'veux pas rentrer trop tard, j'ai des trucs à faire.

– C'est hella. Bah vas-y, suis moi !

C'est ni une deux que je me mets à le suivre près de la pharmacie qui est située juste à côté de la boulangerie et que je m'empresse de monter sur un spirit cabossé qui a certainement été acheté à plusieurs au vu de la réaction de ses potes.

– Mehdi tufais quoi là? Mets du coco hein si tu tailles, y en a archi plus et fais deuspi ! 

– Ouais ouais t'inquiète j'fais ça !

C'est d'une trombe qu'il démarre le spirit me permettant pas de demander où sont nos casques et, surtout, me laissant à peine le temps de m'agripper à lui au point d'avoir risqué une chute mortelle en arrière et d'avoir vu mon crâne arrière fracturé. Il en a rien à foutre. C'est en cherchant une installation confortable alors qu'il est déjà à 50 km/h sur l'Avenue que j'observe ma cité. Mais tout va si vite en moto, je perçois à peine le visage des gens dans ce moment d'évasion et de liberté. Mais je suis pas sereine, tellement pas. Et pourtant cette adrénaline m'a eu. Le fait de slalomer entre les gosses, les chiens et les vieux le tout à une vitesse presque maximale me plait. Le fait de freiner devant un poteau en acier quasi frontalement et de reprendre la route à 80 km/h m'attire encore plus. 


Mehdi joue avec la mort, il s'en rend pas compte mais roule avec elle et j'aime ressentir cela à ce moment précis. On respecte tellement pas les feux ni même le contre-sens que plusieurs voitures nous klaxonne à notre plus grand fous rire. Une bourgeoise, je suppose, au vu du gros Audi Q5 S-line qu'elle pilote et de ses bijoux au bras nous interpelle alors qu'elle est avec son fils côté passager afin de nous transmettre ses pensées concernant notre attitude routière.

– C'est dangereux ce que vous faites, vous êtes fous !

– Ouais ouais aller casse toi la vieille ! Répond Dimeh laissant la dame stupéfaite et énervée.

Pourtant, elle est simplement prévoyante ; son côté maternelle est de sortie mais nous ne voulons rien savoir et rien entendre.

Arrivés au grec, je descends en première et regarde Mehdi garer le scoot à une rue parallèle de peur que des personnes aient prélevé la plaque et indiqué notre emplacement aux favos. Je connais même pas cet endroit alors que nous sommes à 10 min à peine de la cité, dans un quartier-village remplis d'habitation individuelle. Pas un seul HLM, comme notre cité. Le quartier paraît comme mort par ses rues désertes alors que les habitations sont elles vivantes par l'odeur de barbecues que chacune des maisons émanent. Cette odeur de charbon brulant, la sonorité de cris de joies et de conversations endiablées de début de soirées raisonnent jusqu'à dans les rues qui elles, subissent les reflets du coucher du soleil et donnent à ce béton couleur gris brute une teinte mixte jaunâtre et orangé.

Le soleil est encore chaleureux, vif et émotif. Il communique encore et ne veut pas laisser place à la lune. Le temps d'un instant j'ai l'impression d'être ailleurs, d'être dans un village de provence 2.0 par ses rues montantes aux courbes de chenilles et par ses habitations plutôt nordiques mais non, je suis juste à côté de la cité.

C'est pendant que je rêvasse, qu'une voix volontairement aiguë et stridente m'interpelle et m'extirpe de manière vive de mes pensées. C'est ce trou du cul de Mehdi.

– Wow ça y est mon sang, viens on va commander, j'ai caché l'scoot plus. J'ai les crocs là !

– Oui, vas-y.

Je le succède et le regarde saluer le chef comme s'ils se connaissaient depuis petits alors que plus d'un demi-siècle sépare les deux. Le grec est dans une sorte de maisonnette à la peinture neutre où est uniquement indiqué sur la devanture du kebab :

« Chez Mostafa » écrit en gros dans une couleur rouge avec les horaires « Lundi au vendredi de 11h à 20h et le samedi de 20h à 00h ». Drôle d'horaire.

L'intérieur est simple et étroit mais assez pour accueillir une petite clientèle de village; au maximum 4 personnes peuvent s'installer et manger en paix dedans. Mais bien qu'étroit, l'endroit dégage une aura familiale, un sentiment de sécurité est présent.

– Ouais ouais chef tranquille ? J'ai ramené une camarade là !

– J'ai vu ça mon petit, vous allez prendre quoi monsieur-madame ?

Quinquagénaire à vue d'oeil, le chef a des cheveux gris et la moustache grise. Cerné, il a des dents jaunes et le ventre d'une personne ayant passé plus de temps au grec qu'à la salle de sport durant sa jeunesse.

Sa peau mât trahit mes pensées qui m'orientent à lui attribuer, un peu aussi par stéréotype, des origines turques ou balkans. Mais non, il ne l'est pas, c'est sûr. Alors je le scrute de nouveau et constate qu'il est physiquement à mi-chemin entre l'arabe de la péninsule arabique et le turque par ses sourcils qui sont tout aussi épais que sa pilosité à l'avant-bras. Malgré mes hypothèses, je trouve pas son origine, chose qui me perturbe.

Il nous demande de passer commande et nous invite à s'asseoir où est-ce qu'on le souhaite. A vrai dire, il n y a que deux tables à l'intérieure et l'odeur de friture et de griller qui parfument tout l'intérieur en cette chaleur est insoutenable. Je propose donc au chef de déplacer la table et les chaises à l'extérieure, afin de profiter du doux crépuscule. Proposition à laquelle il répond :

– Bien sûr ma fille, bien sûr !

Il exécute aussitôt ma décision qui cette dernière

valent des réflexions de Mehdi.

– Tu gazes. Ça y est frère ! Tu lui donnes du taff là. Tu vois pas qu'il est seul et vieux ?

– Ouais, mais avoue c'est une bonne idée de manger dehors, non ?

– Hm, j'avoue, je peux pas nier.

Une fois installée c'est là que je prends conscience que c'est la première fois que nous sommes à deux, face à face et que cette fois je vais devoir m'ouvrir et ne pas être celle qui parle peu ou celle qui le réconforte comme j'ai bien su le faire aujourd'hui.

Je sens que lui aussi attend cela de moi, que je m'ouvre, que je lui parle. Je le perçois à son regard curieux mais à la fois évasif quand il regarde l'horizon et les maisonnettes qui nous entourent. Il évite mon regard car ouais, lui aussi se rend compte que la situation est marrante et me le fait même remarquer.

– En vrai c'est drôle quand même, jamais j'me serais dit que je serai avec toi là, à attendre un grec qu'on va manger ensemble. Encore Mimie et Iskander ouais vu qu'ils trainent souvent à Goé' et qu'on parle souvent, mais toi, pouah, jamais !

– Ouais c'est vrai. De base on fait la route ensemble, rigole ensemble puis ensuite c'est chacun pour soi.

– Bah ouais mais c'est toi qu'es comme ça Assia en réel. Mimie et Iskander on s'croise on parle tranquille. Dernièrement j'devais manger avec Mimie et son reuf mais bon, y a eu une phase de dernière minute quoi..

Par : « phase de dernière minute », je sais que qu'il s'est juste pris un plan par Mimie, c'est tout. Mais vu qu'il a trop de fierté, il veut pas l'assumer alors il préfère inventer des termes.

– Je vois, bon bah tant mieux.

– Pis t'inquiète, 0 rapport hein, mais t'inquiète Mos' charge bien ses plats, c'est pas un rat à ce niveau-là.

Mehdi n'a pas tord, les plateaux débordent de frites comme de viandes et de sauces.

Je connaissais le grec du quartier situé près de Frankfurt durant les années 2010, mais ce dernier était un vrai raton au niveau des garnitures et laissait les gens en général avec une énorme dalle. Ce qui a d'ailleurs causé sa fermeture quand plusieurs petits ont commencé à caillasser la devanture du grec afin qu'il mette la clef sous la porte. De manière ironique, le gérant ne provenait pas de Goé'. Là nous sommes biens, vraiment bien. Même un peu trop, pour le plus grand bonheur de Mehdi et du chef.

– Voilà, tenez et bon appétit les petits. Pour la boisson, je vous prends quoi ?

– Ah ouais Mos' bien vu. Prends moi un coca cherry s'te plaît !

– Merci, Oasis orange s'il vous plaît. 55

Mos' part et Mehdi cherche ni une ni deux à me poser une question dont je suis certaine que cette dernière concerne l'embrouille que je viens d'avoir plus tôt avec mes parents. Mais impossible de me livrer en première. Alors, je le devance en lui posant une question personnelle. Lui, dont tout le quartier sait l'histoire avec son frère, il ne peut pas y échapper.

– Ça va ton frère toi ?

Pris de court, il se retrouve un temps gêné de mon

interruption mais répond assez rapidement.

– Ouais ouais. Je suis parti l'voir au parlu la dernière fois avec mon père à Fresnes. Quand il était à la maison d'arrêt Amiens j'l'ai pas vu par contre. C'était trop loin. Mes parents eux ouais. Mais, il va bien. C'est compliqué souvent, mais il tient je crois. Ma mère est venue aussi lui rendre visite derrière notre dos, ça m'a surpris un peu.

– Et il l'a pris comment le fait que ta mère vienne derrière votre dos ?

– C'est notre mère Assia. Tu crois quand même pas qu'il va mal prendre la visite de notre mère, non ?

C'est vrai, comment aurais-je pu penser une seule fois que son frère prendrait mal l'idée que sa mère vienne lui rendre visite, lui qui est enfermé pour une erreur de rue qui a certes à coûté la vie d'un jeune du quartier dont tout le monde reconnaissant la tête et savait qu'il était.

Mos revient avec les canettes, les dépose et repart aussitôt, comme s'il souhaitait se faire discret et nous laisser seuls, face à face dans cette rue déserte où seul les bruits des pinsons des arbres qui communiquent entre eux nous accompagnent chacune de nos bouchées et chacune de gorgées. C'est au moment par ailleurs où je savoure ce kebab sauce algérienne et voyant que je ne parle pas et laisse la nourriture converser à ma place que Mehdi me pose une question soudaine me poussant à laisser retomber la frite que je comptais entamer sur le plateau.

– Bon en réel, il s'est passé quoi chez toi Assia pour que tu te balades au quartier les larmes sèches ?

Voyant l'intérêt, l'attention et l'affection dans ses yeux comme dans ses mots, je décide de ne pas pas lui mentir à lui qui, dès le départ a toujours été honnête et transparent sur sa vie en générale et que ce soit avec moi, Skander ou Mimie. Cela ne veut pas forcément dire que j'dois dévoiler toute ma vie, mais au moins lui faire gage d'amitié. Du moins, à cet instant.

– En vrai, c'est juste que j'ai joué à la débile un peu. J'ai voulu parler avec mon vieux de sa situation au bled mais j'ai déconné un peu, j'ai été un peu trop hautaine.

– Ç'a arrive de mal parler aux darons en vrai. Mais tu leurs as dit quoi ?

– A mon père, j'lui ai dit qu'il avait mal éduqué ses premiers enfants restés au bled et à ma mère que mon père lui a donné une vie en venant en Europe.

– Rah ouais, t'as serré aussi ! Me dit-il

Il rit de mes propos tout en continuant de manger. Gênée, il l'aperçoit et me parle de nouveau.

- T'inquiète, ça va s'arranger. En vrai, dès tu vas rentres c'est sûr ton père va vouloir te parler. T'es l'aînée, t'es sa fille. Il va t'écouter.

- Hm, j'espère.

- Mais ouais t'inquiète ! Mange, et quand tu rentreras tu verras, tout se passera bien.

Dans le fond, je sais que mon père par son caractère doux et naturellement communicant va certainement vouloir me parler à mon retour. C'est même, je pense, sûrement pour ça qu'il m'a indiqué de ne pas rentrer très tard sur un ton qui avec du recul, fait office d'invitation à la conversation et à la paix.

La conversation devenant plus évasive et moins centrée sur le problème survenu plus tôt, je lui demande les derniers potins du quartier. Qui a fait qui, qui a fait quoi et qui est qui. Mais quand je lui pose ces questions, il rit et me dit :

– Mais c'est toi la boss ici, c'est toi qui sait tout sur tout non ?

Je peux pas mentir, je veux juste savoir si ce je sais concernant toutes les histoires de Goélands sont avérées car beaucoup de rumeurs se propagent. Je connais ma cité par cœur dans le fond même si Djaby et Sincère en savent un peu plus que moi car eux font parti de ceux qui font et non de ceux qui savent. Par mon silence et le maintien de mon regard appuyé que je cultive puissamment afin qu'il sorte même la moindre chose, Mehdi cède et se livre :

– En vrai, j'suis pas devant la boulangerie pour rien en ce moment. J'y suis car les gens qui trainent là-bas savent des choses que j'ignore.

Je le regarde jouer avec les dernières frites de son plateau, balayer du regard sa gauche, puis sa droite avant de me regarder de nouveau dans les yeux.

– Une fois, alors que j'étais avec Alexis et Brahim en voiture, Alexis avait reçu un appel de Djaby qui lui demandait de le rejoindre sur le parking derrière l'épicerie à Frankfurt. Je crois que Djaby lui rendait des sous qui lui devait depuis pas mal de temps. Donc on s'y rend et sur place, Djaby dit « C'est comment Mehdi ? Ton frère s'en sort ? Il s'est mouillé quand même, force à lui. Bref vas-y Alexis, on s'attrape. »

– Et donc ? 

– Attends mais Assia, ça veut dire qu'il a commis un acte qui n'était pas de sa volonté. Pourquoi est-ce qu'il aurait qu'il s'est mouillé alors ? Fin je capte pas.

– Ça veut tout et rien dire, Mehdi. L'expression en l'espèce veut juste dire prendre des risques.

– Ouais mais même, à chaque visite au parlu je sens quelque chose de cachée quand j'aborde son acte. Il me répond la même chose : « Maintenant j'y suis, j'assume. C'est l'passé tout ça. »

– Cela ne change toujours rien Mehdi, rien n'indique qu'il n'a jamais voulu l'faire.

Je me mens, j'essaie juste de le rassurer afin qu'il ne se monte pas la tête mais évidemment que c'est louche, surtout que j'avais entendu ces rumeurs il y a quelques mois de cela. Ces dernières m'avaient été transmises par Mimie alors que nous étions devant le lycée à attendre que les deux sortent. Alors que je rumine à me rappeler ce qu'elle m'avait dit ce jour là tout en regardant mon plateau désormais vide, Mehdi se lève et dit soudainement :

– Vas-y viens on bouge, je commence à gamberger là. Puis regarde, la nuit prend place là.

– Oui, c'est mieux.

On rentre donc de nouveaux dans le kebab avec les plateaux vides au plus grand bonheur de Mos' qui nous sourit et nous dit de les déposer sur le comptoir. Il ajoute qu'il se chargera de rentrer les chaises et les tables afin de nous ménager.

Ravie de ne pas avoir à me salir une seconde fois. Nous sortons tout en lui souhaitant une agréable fin de soirée. Mehdi me dit d'attendre alors sur le trottoir d'en face afin de faciliter la descente pour le retour à la cité.

Pendant le temps où il part chercher le scooter plus haut, je parviens toujours pas à m'extirper de mes pensées et cherche dans ma plus profonde mémoire les mots que m'avait dit Mimie ce jour là. Pourquoi est-ce si dur ? C'était qu'une phrase pourtant, que des mots, qu'une syntaxe. Certes, je l'admets, ces mots ce jour-là elle n'étaient pas si cruciaux, mais en disait long sur cette affaire. Alors que je rumine, Mehdi déferle toute la rue et freine brusquement devant moi puis, me dit de vite monter dessus afin de profiter du coucher du soleil.

C'est sûrement l'un des plus beaux moments que je viens de passer. Seule, comme avec la compagnie de quelqu'un. On roule à trois. Lui, moi et le soleil nous accompagnant à chacun des virages brusques qu'emprunte Mehdi. A un virage, je constate que les habitations sont redevenues plus calmes, plus silencieuses. Elles sommeillent. Les rues du village restent désertes et nous allons nous aussi déserter ce village. Les routes sont vides, elles nous appartiennent. 

La ville est à nous, pour nous. Mais malgré cela, Mehdi roule calmement. J'aurais aimé qu'il roule vite à ce moment précis mais je sens que la conversation concernant son frère le trame toujours, qu'il n'arrive toujours pas à sortir de son crâne la conversation que nous avons eu plus tôt. Je le sais, je le ressens. Le retour est plus rapide que prévu et Mehdi me dépose devant mon bat, au Terminus. Avant de me laisser partir il me propose de fumer un joint. En soi, l'envie de bédave ne manque pas. Mais la situation n'est pas propice, surtout que mes parents m'attendent furieusement. Il me voit donc être dans l'obligation de décliner l'invitation.

– Vas-y pas de galère, mais la prochaine fois on s'enfume Assia hein et t'inquiète, pour tes vieux ça va aller !

C'est à la clef du contact et après avoir soulevé la béquille principale qu'il fait demi-tour et que je le regarde disparaître dans l'allée qui donne sur mon immeuble tandis que je reste là, figée à me dire que ce moment de paix est fini et que désormais, je dois faire face à mes actes.

Je suis sortie sans mes clefs mais la porte de l'immeuble est constamment ouverte. Il n'est pas nécessaire que je sonne à l'interphone. Dans le hall de l'immeuble, le choix cornélien de l'ascenseur ou de l'escalier se pose. Si je prends l'ascenseur, je risque de me faire embaumer plus rapidement car il est déjà 23h passé, ce qui est tard pour mon père.

Si je prends l'escalier, je peux à chaque marche avoir une réflexion sur la manière dont je peux excuser mon retour tardif. J'opte pour la deuxième option. A chaque étage, mes pensées se troublent et mon cœur vacille face aux souvenirs de cette embrouille survenue plus tôt. A chaque étage, j'oscille entre le courage et la lâcheté, la peur et l'audace. Cette succession de montagne russe prend fin quand, arrivé à mon étage, une odeur de chien mouillé qui émane de l'appartement de notre voisin de palier me pousse rapidement à me projeter devant la porte d'entrée.

La fragrance préhistorique qui a pris possession du palier me donne pas de temps de réflechir davantage sur le pas de la porte. Nique sa mère, tant pis pour les réflexions.

C'est avec une facilité déconcertante que j'enclenche la poignet et pénètre dans l'appartement. Je suppose que mes parents attendaient mon retour. J'entre donc silencieusement et ferme la porte de la même manière tout en verrouillant l'entrée le plus finement possible. J'enlève mes baskets a fin d'être en chaussette et marche à pas de loup mais mon père ce fin chasseur entend ma présence. Une voix profonde transperçant le bois de la porte du salon dit :

– Assia, viens ici, il faut que l'on parle.

Il est tard. Flemme de l'éviter,en vrai de vrai. Autant le confronter histoire que tout cela en finisse. Dès lors, je rentre dans le salon qui est allumé que d'une lampe abat jour qui ne permet pas de voir les reflets de sa luminosité sous la porte. Il m'invite à m'asseoir sur le fauteuil situé sur sa gauche et je m'exécute aussitôt avec une certaine appréhension. Pourtant, dans ses mots il parait plus doux, moins téméraire et plus à l'écoute. Alors, la chose que j'espère au plus profond de moi-même se réalise là, maintenant. On se met à parler pendant de longues minutes qui finissent par se transformer en heures.

Il me raconte tout. De comment mes grands-parents avaient vécu la période coloniale eux qui étaient pauvres, il détaille comment la rencontre avec ma mère l'avait chamboulé et l'avait poussé à laisser ses premiers enfants avec leur mère et lui à s'engager pour la vie avec ma génitrice, à avoir des enfants avec elle et à rechercher une vie meilleure où sa relation dans le din et le hlel lui permettrait de subvenir à ma petite sœur et moi.

– La rencontre de ta mère et moi étaient une volonté d'Allah car aujourd'hui nous pouvons vous donner ce que nous avons pas eu, ce que je n'ai pas eu. Dit-il.

Mais qu'en penser ? Ses mots sont sincères, sa démarche est pure, il vient de comprendre que j'ai grandi, que j'ai désormais besoin d'explications, et non dissimulations.

Mon père ne ment pas et n'a aucunes raisons de le faire mais dans ma pensée qui est occidentalement travestie, je n'arrive pas à le comprendre. Lui qui pourtant m'a fait baigner dans ce mixte entre culture occidentale et culture africaine.

Alors certes, je sais bien que ce conflit d'identité viendrait tôt ou tard par le fait qu'en grandissant, je me rapprocherai du mode de vie et de pensée du pays dans lequel je grandis mais je ne le souhaite pas. Je suis de la tribu Surma, je suis éthiopienne, je suis djiboutienne et je suis ensuite française. Voilà l'ordre établi, conversateur et je ne compte y déroger.

Mais là non, ce n'est pas le cas. Durant la conversation, je comprends que je m'éloigne de la base principale de la dispute qui est la manière dont il a laissé à l'abandon mes demis-frères. Du moins, je pensais que c'était cela la base principale. Or, cela n'était qu'au fond que le début d'un conflit d'identité auquel je suis en train de faire face. Française ou Djiboutienne, l'éducation occidentale et l'éducation africaine.

La conversation perdant son sens et me perdant davantage dans mes pensées que dans les mots qui émane de la bouche de mon père, je décide de couper court de la plus aimable, pacifique et douce des manières.

– Papa, excuse-moi. Je n'ai pas à te dire comment éduquer tes enfants. J'étais juste énervée. Pardonne-moi encore une fois. Je m'excuserai auprès de maman demain.

Il s'interrompt, me regarde d'un air simplet mais légèrement perplexe puis baisse les yeux afin de regarder sa bague mariage qui encore intact, parait neuve par sa couleur jaune d'or qui éclairerait la pièce si nous étions dans le noir.

– Très bien ma fille, merci de m'avoir écouté. Je veux juste votre bien à toi et ta petite soeur. Tu verras tes demis-frères bientôt, Insha'Allah.

Des mots de fin de soirée qui me font chaud au cœur, qui me réconfortent à l'idée de me dire que bien que je me suis perdue dans mes pensées, mon père voit où est-ce que je veux en venir, perçoit que mon intention première était bonne, bien que qu'exprimer de manière maladroite.

Je voulais le bon, je voulais le bien, pour le bonheur de tous. D'eux à Djibouti, comme de nous ici en France.

Un silence de paix et chaleureux prend possession de la pièce et mon père me sourit. Il me dit qu'il est tard, m'invitant à rejoindre ma chambre dans le même silence dans lequel je suis entrée dans l'appartement. Il me demande aussi de prier aussi avant de dormir, de demander à Allah de m'accompagner à chacun de mes combats et de protéger ma famille, mes proches et moi-même. J'écoute ses dernières volontés de la soirée et m'exécute aussitôt rejoignant dans la joie mon petit coin de paradis qu'est ma chambre. La journée a été longue, très longue.

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