Zaya n'est pas encore éveillée et mon père ronfle, endormi à même le sol, le dos contre le mur. James-Karl vient de me réveiller. Les lueurs du soleil baignent la cabane de ses rayons de lumière. Le jour se lève.
Je prends le temps de me redresser. Ma poitrine est toujours douloureuse, mais je pense que je peux marcher. Awu s'apprête à nous suivre, mais James-Karl l'en dissuade. Le loup nous regarde tour à tour puis se rendort, la tête sur ses pattes.
— Il va m'en faire baver, explique James-Karl quand nous avons atteint la porte. Il adore se baigner dans la rivière.
Il m'aide à avancer. Je ne me suis pas levé depuis que je suis tombé sur le champ de bataille. Je n'ai pas beaucoup de forces.
— Si quelqu'un a besoin d'un bain, ici. C'est toi.
James-Karl fronce les sourcils.
— Peut-être devrais-je te laisser progresser seul si c'est si urgent et que je sens si mauvais ?
Il me lâche et je perds l'équilibre, sur le point de chuter. Il me rattrape par les hanches et je m'accroche à sa tunique.
— Non, soufflé-je, tout près de ses lèvres. L'odeur ne me dérange que très peu.
Il m'offre un sourire charmeur et je ne sens plus mes jambes. Il ne sourit pas souvent, ça, c'est certain. Sinon, je ne serais capable de rien. Je dégage une mèche de devant sa figure. Les années et la souffrance l'ont terni, mais sous son air renfrogné et les muscles, James-Karl a un visage doux.
— Prêt ? demande-t-il.
Je hoche la tête. Il s'avance vers la forêt. L'odeur de la nature et du bois m'emplit instantanément. C'est un délice. Je me sens déjà revigoré. La perspective d'un bain me séduit également. Ce n'est pas un luxe pour les lycans.
— Est-ce loin ?
— Non, pas tant que ça.
— Pas tant que ça du point de vue d'un lycan ou d'un humain ?
— D'un lycan, précise-t-il en levant les yeux au ciel.
— Dans ce cas, ce n'est pas proche.
— Est-ce qu'il faut que je te porte ?
Il me lorgne d'un regard en biais.
— Je devrais survivre, je grogne.
Il s'enfonce dans les bois et j'essaie de tenir la cadence. Je ne connais pas ce pan de montagne. Si je ne dis pas de bêtise, nous sommes de l'autre côté de la falaise des Damnés. C'est normalement un endroit inatteignable pour les humains. C'est fou que mon père ait construit une cabane dans cette zone.
— Tu prévois de nous quitter.
J'écarquille les yeux. J'aurais dû me douter qu'il ne passerait par quatre chemins.
— Ce n'était pas une question alors, est-ce que je le devrais ?
— Ton père a dit que...
— Mon père n'a pas à choisir pour moi. Je croyais que je faisais partie de la meute Roé.
— Je croyais que tu n'étais qu'un humain et que tu ne savais rien des lycans.
Je m'arrête et me détache de lui.
— Que veux-tu dire ?
— Tu es le dernier descendant de la meute Sylaé. Nous sommes censés être tes ennemis.
— L'êtes-vous ? demandé-je, en plissant les yeux. Est-ce que je dois m'inquiéter ?
J'ai soudain mal au cœur et cela ne vient pas de ma cicatrice.
— Non ! Tu fais partie des nôtres. Ce n'est plus à prouver. Mais pourras-tu accepter de vivre avec ceux qui ont tué et décimé les tiens ? Mon père a passé sa vie à se battre contre ta famille et je ne porte pas ta généalogie dans mon cœur non plus.
— Je ne connais pas ces gens. Ce n'était pas ma guerre.
— Tu as des yeux d'Or.
— Et les tiens s'apparentent au Jais. Nous ne sommes pas définis par notre tribu ni notre statut, je pensais que nous l'avions acquis. Ni toi ni moi n'avons désiré ça.
— Alors ? Que vas-tu faire ?
Je reprends la marche, doucement, incapable de le fixer dans les yeux.
— Est-ce que tu veux que je reste ?
— Je ne crois pas qu'il s'agisse de moi.
— Tu es le futur Pack-Alpha. C'est toi qui pourras changer les lois. Pas moi.
Il relève la tête et son regard est rempli d'incompréhension. Il s'approche de moi et m'attrape par les joues.
— Tu n'as aucune idée de qui tu es, n'est-ce pas ? souffle-t-il.
Je plisse les yeux.
— De l'étendue de ton pouvoir et de ton rang ? Je me fiche de ce qu'ont toujours dit ma famille ou les anciens du conseil de la meute Roé. Tu es le seul capable de te transformer. L'unique roi des lycans. Et tu n'es ni intéressé par le pouvoir ni même la liberté. Tu es juste là. En vie.
— Je ne suis pas un roi. Je ne suis qu'un... hybride.
James-Karl secoue la tête.
— Ne t'inquiète pas pour ça. Je ferais effectivement abolir la loi, mais je ne suis pas les autres. Je ne pourrais pas les forcer à te reconnaître en tant que roi.
— Je ne veux pas que l'on me considère ainsi.
— Tu ne comprends pas, Oméga. Le prochain chef de meute, ce n'est plus censé être moi.
— Hein ? Quoi ? Mais toi-même tu viens de rappeler que j'étais issu de la meute Sylaé. Ne dis pas de conneries ! Nous sommes ennemis. Je serais déjà heureux si vous acceptiez de me laisser vivre parmi vous.
Il dépose un simple baiser sur mes lèvres puis s'éloigne et reprend sa marche.
— Je ne pourrais malheureusement pas faire beaucoup plus.
— Je voudrais rentrer avec vous au village.
— Nous allons devoir tout reconstruire.
— Oui... Et tu devras t'accoupler avec une Oméga.
Je baisse la tête. Je n'aurais pas dû dire ça. Il revient sur ses pas et attrape ma main. Il me tire à lui et nous atteignons le bord du cours d'eau. Je ne suis pas certain que je supporterai de le voir avec une autre.
— Étann, tu es sûr que ça va ?
— Je suis un chasseur désormais. Je resterai sous ton commandement et je ferai honneur à la meute.
— Je ne pense pas que beaucoup de gibiers pourront te résister sous ta forme de loup.
Oh ! Je n'y avais pas songé. J'ai tellement de choses à découvrir encore. Comment me servir de cette particularité et maîtriser la transformation, par exemple. Comment faire pour entrer en connexion avec les loups sauvages ? Je les sens toujours à travers l'Empreinte. Je ne les contrôle plus, mais ils sont là, en moi.
— D'ailleurs, je voulais savoir. Quand est-ce qu'Awu est arrivé dans ta v...
Quand je tourne la tête, James-Karl est en train de se dénuder. Il s'immerge dans l'eau quelques instants avant de réapparaître.
— Tu disais ?
Mon cœur bat plus fort et il n'y a aucun doute sur le sentiment qui me compresse la poitrine.
Je t'aime.
Ses yeux me contemplent et j'ai espoir qu'il entendra les mots que je ne formule pas. Je fais passer mon chandail par-dessus ma tête.
— Awu. Comment est-il arrivé dans la meute ?
— Il était un jeune loup quand il m'a déniché. Il était aux abords du village et ne cessait de pleurer. Il me cherchait. Les familiers ne trouvent de répit que lorsqu'ils ont rejoint leur compagnon. Il hurlait « Awuuuuuuu ! Awuuuuuuu ! » Je ne parlais que très peu, mais il était adorable. Ses grosses pattes prenaient trop de place et il n'arrêtait pas de trébucher. Je l'ai reconnu d'un seul coup d'œil. C'était lui. Mon loup. Il est arrivé au moment où j'en avais le plus besoin et mon destin était scellé. Je serais un chasseur. Un lycan avec un compagnon devient automatiquement un traqueur.
— C'est pour cela que Yann et Automne sont aussi dans l'équipe de chasse.
Il acquiesce.
— Désormais, nous avons une chance de repartir à zéro.
Il sort de l'onde et me tend la main.
— De faire mieux et d'instaurer la paix. Même si pour ça, il aura fallu des sacrifices, de la souffrance et une révolution...
— De la part des Féraux ?
Il s'incline et fait une révérence dans l'eau.
— Non... de l'Oméga. Notre seul et unique Roi.
FIN
Et voilà, les amis. Nous y sommes. La fin de D'or et de Jais est arrivée. 🌙 Il est fort probable qu'un tome 2 naisse un jour. Je vous tiendrais au courant si c'est le cas. Je le posterai à la suite de ce tome 1. 😉
C'etait une aventure incroyable ! Si vous avez passé un bon moment de lecture, n'hésitez pas à m'en faire part. J'adore lire vos réactions et papoter avec vous !
J'ai déjà envoyé le manuscrit à quelques ME que j'apprécie. Je vous dirais donc si ce dernier a retenu leur attention.
Je vous remercie une dernière fois pour tout ! C'était dingue ! Merci d'être là, de me soutenir. ❤️
Pour le mot de la fin, je dirais... Comme Étann, croyez en vous. Le futur vous sourira 💙
Si vous désirez suivre mes aventures, vous pouvez me retrouver sur Instagram @andywhou
à très bientôt,
Andy 💙