JULIETTE
On s'était installés dans le fond d'une crêperie sur le port et on attendait nos galettes avec un perrier tranche.
Cette situation était totalement étrange mais pas inconfortable. J'avais débranché ma raison qui tentais de comprendre l'issu et le but de ce voyage en Bretagne pour simplement en profiter sans me tracasser. J'appréciais juste de passer du temps avec Lénaïc. C'était simple comme ça ne l'avait pas été depuis longtemps.
-Alors ?
-J'ai commencé à écrire quand je me suis rendue compte que de lire me faisait encore cogiter. Alors je sais pas pourquoi, mais un soir dans une chambre d'hôtel j'ai ouvert mon ordinateur et une note et j'ai commencé à inventer une vie à Julie.
-Ton héroïne ?
-Oui.
-C'est genre une série ou des histoires séparées ?
-Une série.
-Les aventures de Julie ?
-J'ai pas encore de titre et j'en ai pas besoin.
-Elle fait quoi Julie ?
-Elle enquête, c'est pas très original.
-Arrête de toujours ajouter un commentaire négatif alors que je suis super emballé. Tu devrais envoyer ça à un éditeur.
-Surtout pas.
-Pourquoi ? Ça pourrait être bon.
-T'as rien lu du tout, comment tu sais que ça pourrait être bon ?
-Il y a une chance sur deux donc une grande probabilité que ça le soit. Tu sais déjà que Nono te ferait de supers couvertures et vous pourriez vous associer pour en faire des romans graphiques.
-Tu t'emballes beaucoup trop.
-Tu trouves ? Ça serait une super reconversion non ? Ça te plairait pas ?
-J'ai pas fais d'études littéraires, je serais pas légitime du tout.
-Ah ! Le syndrome de l'imposteur alors que t'as encore rien fais.
-C'est pas ton cheval de bataille Len.
-Je suis sûr que c'est bon.
Il avait l'air aussi excité qu'un gamin le matin de Noël.
Pour le faire déchanter très vite, je sortis mon portable et lui ouvrait le premier google doc que je n'avais pas touché depuis presque huit ans.
-C'est quoi ? Attends tu me fais lire ton premier roman en exclusivité mondiale ? Là entre un perrier et une galette au jambon ?
-T'en fais des caisses.
-Je t'assure que non.
Il se plongea dans sa lecture pour en être interrompu par le serveur qui nous apporta nos plats.
-Je pourrais continuer plus tard ?
-Si tu veux mais il n'y a rien de transcendant.
-J'en ai pas lu assez pour avoir un avis. Il y a certainement à re travailler mais je suis vraiment curieux Juliette je t'assure.
-Qui voudrait publier des romans policiers écrits par une mannequin ?
-Tu peux avoir un nom de plume comme un rappeur.
-T'as réponse à tout en fait.
-Certaines choses n'ont pas changé.
-Je vois ça.
On termina de manger en parlant un peu de tout et de rien puisque nos voisins semblaient nous avoir reconnus et qu'on ne voulait pas risquer de donner du grain à moudre à n'importe qui.
En sortant, Len proposa qu'on aille se promener sur la plage. On se balada un long moment en silence jusqu'à trouver un petit spot tranquille que je reconnu comme être l'endroit où il m'avait emmené la première fois que j'étais venue ici pour un date. Fermant les yeux quelques minutes, je profitais silencieusement du bruit des vagues se fracassant sur les rochers.
-C'est tellement beau, tellement paisible.
-J'adore venir ici. C'est ici que j'ai avoué à Nono qu'on était plus ensemble.
-Qu'est-ce qu'elle a dit ?
-Qu'on faisait croire à l'amour.
-Tout le monde nous disait ça et je détestais ça.
-Pourquoi ?
-Parce que notre relation n'a jamais été parfaite. Et je n'ai jamais voulu qu'elle le soit.
-Moi non plus, on se serait bien fait chier.
-C'est clair.
Un nouveau silence s'installa mais il n'y avait rien de gênant du tout.
-Tu sais, j'ai pas envie de partir. Confessais-je après un long soupir.
-Alors reste.
-Comme si c'était si simple.
-Ça l'est. La maison est assez grande pour deux, tu ne me gênes pas du tout.
-Le truc c'est que plus je vais rester, moins je vais avoir envie de partir. Ça me fait tellement du bien d'être ici, je pense plus à rien, à toutes ces merdes futiles qui m'attendent à Paris. Ça me fait tellement du bien de te voir.
-Moi aussi. Je m'attendais à ce que tu sois en colère contre moi, si j'avais été toi j'aurais été en colère contre moi. Je m'attendais pas à ce que ce soit si simple si je peux dire ça comme ça.
-A ce que ça soit juste Lénaïc et Juliette ?
-Exactement.
-On a toujours été comme ça pourtant. Tout était parfait jusqu'à ce qu'on décide que ça ne l'était plus, on faisait un break et on se retrouvait comme si de rien n'était.
-Mais la c'était trop gros pour se retrouver comme si de rien n'était .
-On a réussi à se détruire au point de ne plus être compatibles.
-Je m'en veux tellement tu sais. D'avoir placé la fête avant tout pendant tant d'années. Avec le recul ça ne m'a rien apporté à part des mal de crâne parce que je buvais toujours trop pour me souvenir de tout ce qu'il se passait. J'ai jamais su être raisonnable.
-Je ne m'en plaindrais pas parce que ça fait parti de toi. Tu n'as jamais été raisonnable sur rien, pas que sur l'alcool. Quand tu aimes quelque chose, quand tu vis quelque chose, tu le fais toujours entièrement, tu t'y jettes corps et âme et ça m'a fait beaucoup de bien. Parce que même si on se déchirait souvent, personne n'avait jamais été aussi investi, je n'avais jamais autant compté aux yeux de quelqu'un. Et je crois que si je n'avais pas eu à aimer si pleinement, si j'avais du me contenter ne serait-ce que de la moitié de ce qu'on avait, je n'aurais pas eu de raison de continuer. Je me serais foutue en l'air sans toi Len. Alors merci de m'avoir raccroché à la vie. Je sais que c'est très égoïste étant donné ce que tu as traversé à cause de moi mais je le pense sincèrement.
-Rien n'a été à cause de toi.
Je n'étais pas complètement d'accord avec lui mais c'était l'un de ces moments où il fallait simplement profiter de la présence et des excuses de l'autre sans chercher à renchérir.
On resta silencieux un moment que j'aurais été incapable de quantifier tant je me laissais absorber par le bruit des vagues et l'air marin sur mon visage.
J'avais envie que tout redevienne simple. Qu'il n'y ait plus rien d'autre qui compterait à part nous deux sur cette crique.
Nous deux ?
Ohlala Juliette ! Ne commences pas avec ce genre de pensées. Il était diablement tentant de s'imaginer que maintenant que tout était apaisé des deux côtés notre histoire reprendrait parce que ça avait toujours fonctionné comme ça.
Mais cette fois c'était différent.
Et définitif.
Il était si bien, si beau parce qu'on n'était plus ensemble. Bon, aussi grâce aux psy mais il avait entamé la démarche après notre séparation.
-À quoi tu penses ?
Il me tira brusquement hors de mes pensées et je ne pu que lui sourire en accrochant la lueur taquine dans ses yeux.
-Rien de bien important.
-T'avais pourtant l'air très sérieuse.
-J'ai écouté tes chansons ce matin ?
Il fronça les sourcils.
-La porte de ton studio était entrouverte.
-Ah, mes nouvelles chansons tu veux dire.
-Oui.
-T'en as pensé quoi ?
-J'ai pas écouté grand chose, j'avais trop l'impression de m'introduire dans ton intimité. Mais c'était bien. Sincère. Pour une fois je suis arrivée à voir Lenaïc derrière Mister BN, toi derrière la montagne de sarcasme et de fausse arrogance derrière laquelle tu t'es toujours caché.
-Ça ne sert plus à rien de me cacher derrière quelque chose qui ne fonctionne plus.
-Si tu sors cet album, beaucoup plus de gens pourraient s'identifier à toi.
-Beaucoup penseront que je joue sur les plate bandes de Raph.
-Parce que tu parles enfin sincèrement ? Vous n'avez pas du tout le même style, ni les mêmes démons. Les gens préfèreront toujours la sincérité.
-J'ai peur que ce soit un trop gros changement.
-Les garçons en pensent quoi ?
-Je ne leur ai encore rien fais écouter. Je ne veux pas casser leurs espoirs que je vais mieux avec ce que j'ai écris.
-Ils savent que tu leur feras écoutée quand tu seras prêt.
-Je n'arrive pas à rester fixer au moment présent. Quand je pense à sortir cet album, je pense forcément à la promo et à la tournée qui devront suivre. Ça va me faire retrouver un rythme beaucoup trop familier pour que je gagne la lutte contre les vieilles habitudes.
-Tu n'es pas obligé de faire de la promo. Ni une tournée.
-Il semblerait que tu aies aussi réponse à tout.
-J'ai bien appris en dix ans.
-On devrait rentrer, le vent se lève.
On resta silencieux tout le trajet et je me mis à songer sérieusement à cette « reconversion ». Après tout, Nolwenn connaissait peut être des éditeurs que je pourrais rencontrer pour avoir des conseils. Si par chance j'arrivai à faire publier mes livres, ma vie changerait radicalement. Plus de tapis rouge, plus de soirées interminables, plus de remarques sur mon corps, plus de pression, moins de charge mentale. Cela semblait un plan parfait sur le papier. Mais mes petits romans griffonnés entre deux crises de paniques n'avaient certainement rien de grande littérature. De toute manière, je ne recherchais pas le succès, juste l'apaisement. Ce qui me paraissait impossible encore quelques jours plus tôt, semblait maintenant presque à portée de main.
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Hello !! Ça faisait un bail que je n'avais pas eu le temps de terminer ce chapitre mais le voila !
Sont-ils en train de trouver une sorte d'apaisement comme le souhaite Juliette ?
Je vous embrasse !!